M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cet amendement de coordination vise à rapatrier les dispositions qui décrivent le contrôle exercé par la CNCTR au sein de l’article L. 854-1, qui régit de manière complète les mesures de surveillance internationale. Il tend également à préciser que le contrôle juridictionnel est bien assuré par le Conseil d’État.

Trois spécificités sont à noter par rapport au droit commun : le contrôle juridictionnel ne pourra porter que sur les mesures concernant les communications électroniques mettant en jeu des numéros ou des identifiants rattachables au territoire national ; le Conseil d'État ne pourra être saisi que par la CNCTR ; enfin, il exercera un contrôle de conformité des mesures mises en œuvre avec la loi, les décrets d’application et les autorisations du Premier ministre.

En d’autres termes, ni la CNCTR ni le Conseil d'État ne devraient être conduits à se prononcer sur la pertinence de surveiller telle ou telle organisation terroriste. Cela paraît justifié au Gouvernement par la nature particulière de cette surveillance, dont les objets sont tous situés hors de notre territoire national.

Il s’agit globalement d’une avancée significative, du fait de la mise en œuvre du contrôle juridictionnel au niveau international, ce qui n’existait pas jusqu’à présent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 188 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 26 rectifié bis, présenté par MM. Malhuret et Commeinhes, Mme Micouleau, MM. B. Fournier, Delattre, Falco et Fouché, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lenoir et de Legge, Mme Morhet-Richaud, MM. Bignon et Milon, Mmes N. Goulet et Cayeux, MM. Vial, Laufoaulu, Cadic et Kern, Mmes Imbert et Deroche et MM. Dériot, Carle et Gremillet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« … – Sauf sur décision expresse du Premier ministre, aucun transfert de masses de données collectées au titre de cet article ne peut conduire à ce que des volumes de données incluant une proportion significative de ressortissants français ne soient transmis à des services étrangers ou reçus de ceux-ci. »

La parole est à M. Claude Malhuret.

M. Claude Malhuret. Cet amendement vise à protéger nos concitoyens.

Par le passé – j’emploie évidemment un euphémisme –, des échanges de données ont pu être réalisés entre services de renseignement français et étrangers, conduisant à ce que des masses de données explicitement relatives à des ressortissants français soient communiquées à des services étrangers.

Le présent amendement vise à empêcher les transferts massifs des données de nos concitoyens à des acteurs étrangers. Bien entendu, il ne s’agit pas de remettre en cause l’échange de données entre services alliés, qui est une nécessité dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Les termes « proportion significative » visent à ne pas entraver le fonctionnement des services, dans le cas où le mode de collecte ne peut pas empêcher que des ressortissants français fassent partie des personnes concernées par la collecte. Les transferts de données ciblés, par exemple relatifs à certains de nos ressortissants impliqués dans des actions terroristes, ne sont également pas empêchés.

En revanche, il me semble important de nous préserver des transferts massifs de données concernant un nombre important de nos concitoyens à des services étrangers.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Une telle préoccupation est vraiment très compréhensible, en particulier compte tenu de ce qui s’est passé dans la période récente. Nous ne voudrions effectivement pas que les services français recourent à la pratique consistant à transférer en masse à des services de renseignement étrangers des données concernant nos propres ressortissants.

Je suis donc particulièrement attentif à cet amendement. Toutefois, je m’interroge sur sa traduction juridique. À mon sens, les mots « sauf sur décision expresse du Premier ministre » ont pour effet d’anéantir le reste de la prescription. Nous sommes, me semble-t-il, face à une norme qui n’en est pas vraiment une.

Cet amendement, qui, si je le comprends bien, est aussi un amendement d’appel, me paraît de nature à inciter le ministre de la défense à nous livrer la conception du Gouvernement en matière de transfert à des services étrangers d’informations concernant des masses de données collectées et incluant une proportion significative de ressortissants français. Il me paraît important que la représentation nationale soit éclairée sur la pratique du Gouvernement en la matière.

La commission ne se prononcera donc qu’après que le ministre nous aura éclairés, s’il le veut bien, sur ce point.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je tiens tout d’abord à souligner – et je le dis avec force – qu’il n’existe pas de transferts massifs de données concernant des Français vers des services étrangers ou depuis ces services. Or la rédaction de l’amendement n° 26 rectifié bis pourrait laisser entendre que ces pratiques existent et que l’on essaie de les corriger.

Le Gouvernement est également tout à fait opposé à ce que de tels transferts soient possibles « sur décision expresse du Premier ministre ». J’espère que je lève ainsi toute ambiguïté.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Pas de transferts massifs ! Comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer, il n’existe ni collectes massives ni transferts massifs de données.

Quelles relations les services français peuvent-ils avoir avec des services étrangers sur des échanges de données ? Il en existe, mais celles-ci sont ponctuelles – je le dis pour M. le rapporteur –, ciblées, et elles portent essentiellement sur des données relatives à des personnes vivant à l’étranger. Il s’agit donc uniquement d’échanges extrêmement précis entre services, en tout cas pour les services qui relèvent de ma responsabilité et directement concernés par l'amendement n° 26 rectifié bis.

Je suggère donc que M. Malhuret retire son amendement, et ce pour la bonne qualité des relations que nous pouvons avoir, sur ces objectifs concrets, ciblés et précis, avec des services partenaires.

M. le président. Quel est, en définitive, l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Compte tenu de la rédaction de l’amendement, qui n’exclut pas ces transferts de données massives si le Premier ministre les décidait, il me paraît préférable que M. Malhuret retire son amendement.

M. le président. Monsieur Malhuret, l'amendement n° 26 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Claude Malhuret. Ne siégeant au Sénat que depuis quelques mois, je ne suis pas certain de connaître tout le détail de la procédure parlementaire. S’il m’est encore possible de rectifier mon amendement en cours de séance, je suggère la rédaction suivante : « Aucun transfert de données collectées au titre du présent article ne peut conduire à ce que des volumes de données incluant une proportion significative de ressortissants français ne soient transmis à des services étrangers ou reçus de ceux-ci. »

Je supprime ainsi toute référence à une décision expresse du Premier ministre ou à des masses de données. Si, comme M. le ministre de la défense nous l’affirme, aucun transfert massif de données n’est effectué, cela ne gênera personne, me semble-t-il, de voter cet amendement ainsi rectifié.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 26 rectifié ter, présenté par MM. Malhuret et Commeinhes, Mme Micouleau, MM. B. Fournier, Delattre, Falco et Fouché, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lenoir et de Legge, Mme Morhet-Richaud, MM. Bignon et Milon, Mmes N. Goulet et Cayeux, MM. Vial, Laufoaulu, Cadic et Kern, Mmes Imbert et Deroche et MM. Dériot, Carle et Gremillet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« … – Aucun transfert de données collectées au titre du présent article ne peut conduire à ce que des volumes de données incluant une proportion significative de ressortissants français ne soient transmis à des services étrangers ou reçus de ceux-ci. »

Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ainsi rectifié ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Il est très difficile d’improviser en séance la rédaction idéale. Il me semble néanmoins, en première analyse, mon cher collègue, que votre proposition comporte quelques inconvénients. Je pense en particulier au risque d’interrompre des coopérations nécessaires et fructueuses avec des services de pays amis qui collaborent avec nous pour lutter contre la grande criminalité ou le terrorisme. La rédaction que vous proposez aurait en effet pour conséquence d’interdire la transmission de données individuelles, me semble-t-il.

Or il est nécessaire que des données individuelles puissent être transmises. Nous avons tous à l’esprit de grands épisodes, connus a posteriori, de l’histoire des services spéciaux dans lesquels une coopération entre services spécialisés a été absolument essentielle pour prévenir des situations de guerre et, dans d’autres circonstances, des attentats terroristes.

Il serait donc imprudent de ma part de soutenir cet amendement rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Malhuret, l'amendement n° 26 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Claude Malhuret. Je comprends, monsieur le rapporteur, que vous hésitiez à entériner ainsi en séance cette modification. Néanmoins, l’argument que vous employez n’est pas le bon. En effet, avec la suppression à la fois des mots « sauf sur décision expresse du Premier ministre » et de la référence aux « masses de données », la nouvelle rédaction permet parfaitement, contrairement à ce que vous dites, de continuer à pratiquer l’échange de données sur une, deux, dix personnes avec les services étrangers.

Par conséquent, si, comme nous l’indique M. le ministre de la défense, les échanges de données n’excèdent pas ce cadre, cet amendement présente des garanties mais ne change rien à la pratique actuelle ; son adoption n’induirait donc pas de réaction de la part des services étrangers.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour avis. Je tiens à souligner en cette fin de séance que le sénateur débutant fait preuve d’une certaine expérience… (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous avons ainsi terminé l’examen des amendements appelés en priorité.

Mes chers collègues, nous avons examiné 88 amendements au cours de la journée ; il en reste 113.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 3 (priorité) (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif au renseignement
Discussion générale

11

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 3 juin 2015 :

À dix heures trente :

Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique relatif au renforcement de la coopération en matière d’enquêtes judiciaires en vue de prévenir et de lutter contre la criminalité grave et le terrorisme (n° 48, 2014-2015) ;

Rapport de Mme Joëlle Garriaud-Maylam, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 386, 2014-2015) ;

Texte de la commission (n° 387, 2014-2015).

Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au renseignement (n° 424, 2014-2015) et de la proposition de loi organique relative à la nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (Procédure accélérée) (n° 430, 2014-2015) ;

Rapport de M. Philippe Bas, fait au nom de la commission des lois (n° 460, 2014-2015) ;

Texte de la commission (n° 461, 2014-2015) ;

Texte de la commission (n° 462, 2014-2015) ;

Avis de M. Jean-Pierre Raffarin, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 445, 2014-2015).

À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures quinze et le soir : suite de l’ordre du jour du matin.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 4 juin 2015, à une heure quarante.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART