M. Patrick Abate. Il s’agit ici d’améliorer le dialogue social au sein de l’entreprise par une meilleure répartition de la valeur ajoutée et, au sein de celle-ci, par une meilleure répartition des rémunérations.

Le chapitre préliminaire que le présent amendement tend à introduire dans le code du travail prévoit que, dans toutes les entreprises, le salaire annuel le plus bas ne peut être inférieur plus de vingt fois aux rémunérations les plus hautes versées dans la même entreprise.

Ce mécanisme ne concerne pas exclusivement les dirigeants, mais s’applique en référence aux rémunérations les plus hautes. Il ne constitue pas non plus un plafonnement des salaires.

L’adoption de cet amendement permettrait, dans un premier temps, aux salariés les moins bien lotis d’augmenter leur pouvoir d’achat par une meilleure répartition des richesses produites dans l’entreprise, sans forcément augmenter la masse salariale globale, mais en resserrant les liens entre les parties prenantes par un plus juste partage, ce qui est indiscutablement facilitateur en termes de dialogue social, d’implication des salariés.

Première remarque, cette mesure n’affectera en rien la compétitivité, la qualité, l’innovation, la capacité de s’adapter ou les prix, bien au contraire.

Deuxième remarque, nous nous inspirons ici d’une proposition de loi présentée en 2008 par Mme Bricq qui, évoquant la crise comme le révélateur de difficultés particulièrement insupportables, disait qu’il fallait « réparer de toute urgence les dégâts provoqués par l’écart croissant entre les salariés et les classes les plus privilégiées ».

Troisième et dernière remarque, monsieur le ministre, cette mesure donnerait du sens à l’intitulé de votre projet de loi « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques », dont vous me permettrez de reprendre les termes.

« Croissance » : les salaires et la consommation sont, en effet, un moteur de croissance.

« Activité » : ce sont principalement les salariés, qui seraient plus impliqués, plus responsabilisés et mieux en mesure de prendre en compte l’intérêt de leur entreprise, si tant est qu’ils ne le prennent pas suffisamment en compte aujourd’hui.

« Égalité des chances » : il y aurait un partage des richesses et une égalité de traitement entre ceux qui participent à la création de celles-ci.

Le chapitre préliminaire que nous vous proposons d’introduire dans le code du travail s’inscrit pleinement dans le cadre des ambitions affichées dans ce projet de loi, et nous recentre sur le fond du débat.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à encadrer les écarts de rémunération dans l’entreprise. Or il n’appartient pas à la loi de fixer le montant des salaires : le principe de libre fixation des salaires, dans le respect du SMIC et des conventions collectives, prévaut depuis la loi du 11 février 1950, et relève du pouvoir de direction de l’employeur. Il n’est donc pas souhaitable, sur ce point, de brider l’initiative privée ou d’empêcher une entreprise de recruter un dirigeant particulièrement talentueux et compétent.

L’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.

M. Patrick Abate. Il faut tout de même rétablir quelques vérités historiques !

Il revient bien à la loi de fixer un certain nombre de règles en la matière, y compris en « bridant », pour reprendre votre expression, madame le rapporteur, des rémunérations excessives. La loi instituant un salaire minimum en est un parfait exemple.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Il faut tout de même reconnaître que des progrès ont été accomplis dans le domaine des rémunérations, et notamment des parts variables, depuis 2008. Plusieurs règlements européens ont ainsi été publiés à cet égard, et la Commission s’est saisie du problème.

Par ailleurs, des dispositifs ont été mis en place dès 2012 afin de plafonner la rémunération annuelle des dirigeants des entreprises publiques. Il y a donc une prise de conscience, y compris dans les assemblées générales d’actionnaires.

On voit bien que, lors de ces assemblées, certaines résolutions fixant la rémunération des dirigeants sont de moins en moins bien acceptées par les actionnaires et sont votées à une courte majorité.

Michel Billout évoquait une grande entreprise française, laquelle vient d’accueillir dans des conditions très favorables son nouveau dirigeant. Or, lundi dernier, l’assemblée générale des actionnaires de cette société a beaucoup « toussé » à l’annonce du montant de la rémunération dudit dirigeant, lequel fut adopté à une courte majorité. Et la même situation s’est reproduite dans deux autres entreprises françaises.

Cette prise de conscience existe donc bien, même si elle n’est pas suffisamment large. Nous en avons déjà parlé à propos des retraites chapeau et des golden hello. Même s’ils ne sont pas assez nombreux, des progrès ont été accomplis depuis 2008 (M. Jean-François Longeot applaudit.) ; il serait bon de le reconnaître !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1286.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 87 A.

(L'article 87 A est adopté.)

Article 87 A (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Articles additionnels après l'article 87 A (interruption de la discussion)

Articles additionnels après l'article 87 A

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, présentés par MM. Joyandet et Raison, faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 349 rectifié est ainsi libellé :

Après l’article 87 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre unique du titre Ier du livre Ier de la première partie du code du travail est complété par un article L. 1111–... ainsi rédigé :

« Art. L. 1111–... - Pour la mise en œuvre des dispositions du présent code, les seuils d’effectifs indiqués sont intégralement majorés de 100 %. »

L'amendement n° 348 rectifié est ainsi libellé :

Après l’article 87 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre unique du titre Ier du livre Ier de la première partie du code du travail est complété par un article L. 1111–... ainsi rédigé :

« Art. L. 1111–... Pour la mise en œuvre des dispositions du présent code, les seuils d’effectifs indiqués sont intégralement majorés de 50 %. »

La parole est à M. Alain Joyandet, pour présenter ces deux amendements.

M. Alain Joyandet. Monsieur le président, afin de gagner du temps, je présenterai en même temps les amendements nos 349 rectifié, 348 rectifié et 347 rectifié bis.

M. le président. J’appelle donc également en discussion l’amendement no 347 rectifié bis, présenté par MM. Joyandet et Raison, et ainsi libellé :

Après l’article 87 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Aux premier et troisième alinéas de l’article L. 2143–3, au premier alinéa de l’article L. 2143–6, aux articles L. 2313–7 et L. 2313–7–1, au premier alinéa de l’article L. 2313–8, aux premier et second alinéa de l’article L. 2313–16, à l’article L. 2322–1, au premier alinéa de l’article L. 2322–2, aux articles L. 2322–3 et L. 2322–4, aux premier et second alinéas de l’article L. 4611–1, à la première phrase des articles L. 4611–2 et L. 4611–3, au premier alinéa de l’article L. 4611–4, à la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 4611–5 et à l’article L. 4611–6, le mot : « cinquante » est remplacé par le mot : « soixante-quinze » ;

2° Le premier alinéa de l’article L. 2313–13 est ainsi rédigé :

« Dans les entreprises de soixante-quinze salariés et plus et dans les entreprises dépourvues de comité d’entreprise par suite d’une carence constatée aux élections, les attributions économiques de celui-ci, mentionnées à la section 1 du chapitre III du titre II du présent livre, sont exercées par les délégués du personnel. »

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Alain Joyandet. Le débat sur les seuils nous occupe depuis des dizaines années. Il y a aujourd’hui vingt-cinq fois plus d’entreprises qui disposent d’un effectif de 49 salariés que d’entreprises de 50 salariés.

M. Alain Joyandet. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes ! (M. Charles Revet opine.)

S’agissant de l’opportunité de ce débat dans le cadre du présent projet de loi, dans la mesure où celui-ci s’intitule « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques », on ne saurait contester, monsieur le ministre, que ce sujet des seuils est au cœur de la problématique ici posée.

Je souhaite attendre la présentation des amendements suivants, qui sont de même nature, avant de développer la présentation des miens, lesquels visent à proposer plusieurs solutions : l’augmentation de 50 % des seuils, leur doublement, ou bien l’adoption d’une solution intermédiaire.

Quoi qu’il en soit, nous devons agir pour relever les seuils, car ceux-ci compliquent terriblement la vie des entreprises. Modifier ne serait-ce que le seuil de 9 salariés représenterait une libération pour les petites et moyennes entreprises et entraînerait mécaniquement un très grand nombre de créations d’emploi. Il faut tout de même sortir de cette situation !

J’aimerais mieux, pour ma part, que ce sujet ne soit pas évoqué au Sénat, mais que la discussion avance entre les partenaires sociaux,...

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ce n’est pas le cas !

M. Alain Joyandet. ... car je préfère de loin le contrat à la loi. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) Nous l’avons vu encore récemment, une discussion sur le sujet s’est engagée, mais elle n’a pas abouti.

Pour faire quelque chose, le ministre a fusionné le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT, et le comité d’établissement. Très bien ! Mais, une fois de plus, les millions de petites entreprises ne sont pas concernées par cette réforme.

Encore une fois, nous devons en sortir et mettre le dossier sur la table puisque, hélas, la négociation n’aboutit à rien, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays. Au Danemark, par exemple, où je me suis rendu, il existe une véritable négociation entre les partenaires sociaux. On a l’impression qu’en France la situation est bloquée.

Les entreprises ont besoin d’un peu de liberté, de souplesse et, surtout, de simplification pour se développer et créer des emplois. Peu importe le système et les seuils que l’on retiendra, pourvu que l’on y parvienne !

J’attends les interventions suivantes pour décider du sort que je vais réserver à mes trois amendements.

Concernant les exposés des motifs de ces trois amendements, je ne les développerai pas, mais je souhaite qu’ils figurent au Journal officiel.

[Objet de l’amendement n° 349 rectifié :

L’objectif de cet amendement est d’augmenter de 100 % les différents seuils sociaux fixés dans de nombreuses dispositions du code du travail. À l’heure actuelle, le franchissement d’un seuil social engendre pour une entreprise de nombreuses obligations supplémentaires différentes. Le franchissement d’un seuil d’effectifs par une entreprise est synonyme de charges, de contributions, de subventions et de cotisations supplémentaires. Par ailleurs, selon les seuils franchis, des contraintes institutionnelles ou procédurales peuvent également s’appliquer aux entreprises (comité d'entreprise, comité d'hygiène et de sécurité, organisation d'élections professionnelles, crédits d’heures, délégués du personnel, etc.).]

[Objet de l'amendement n° 348 rectifié :

L’objectif de cet amendement est d’augmenter de 50 % les différents seuils sociaux fixés dans de nombreuses dispositions du code du travail. À l’heure actuelle, le franchissement d’un seuil social engendre pour une entreprise de nombreuses obligations supplémentaires différentes. Le franchissement d’un seuil d’effectif par une entreprise est synonyme de charges, de contributions, de subventions et de cotisations supplémentaires. Par ailleurs, selon les seuils franchis, des contraintes institutionnelles ou procédurales peuvent également s’appliquer aux entreprises (comité d'entreprise, comité d'hygiène et de sécurité, organisation d'élections professionnelles, crédits d’heures, délégués du personnel, etc.).

Il en résulte un frein mécanique au développement des entreprises, préjudiciable à l’emploi. À titre d’exemple, il existe ainsi 25 fois plus d’entreprises disposant d’un effectif de 49 salariés que d’entreprises disposant d’un effectif de 50 salariés.

Cet amendement a donc pour but de reporter les principales obligations attachées au franchissement des différents seuils d’effectifs prévus par le code du travail, en les majorant de 50 %.]

[Objet de l'amendement n° 347 rectifié bis :

L’objectif de cet amendement est d’augmenter de 50 % le seuil social fixé actuellement à 50 salariés dans de nombreuses dispositions du code du travail. À l’heure actuelle, le franchissement du seuil de 50 salariés engendre pour une entreprise environ 35 obligations supplémentaires différentes.

Les obligations les plus importantes concernent la création d’institutions représentatives du personnel (IRP), tels que le comité d’entreprise (CE) ou le CHSCT, ainsi que la présence de délégués syndicaux, qui se voient attribuer un crédit d'heures en fonction de l'effectif de l'entreprise (10 heures lorsque l'effectif est compris entre 50 et 150 salariés par exemple). Des obligations de négociation sont également imposées à l’entreprise par le code du travail du fait de la présence de délégués syndicaux.

Il en résulte un frein mécanique au développement des entreprises, préjudiciable à l’emploi. Il existe ainsi 25 fois plus d’entreprises disposant d’un effectif de 49 salariés que d’entreprises disposant d’un effectif de 50 salariés.

Cet amendement a donc pour but de reporter les principales obligations attachées au franchissement du seuil de 50 salariés (création du CE et du CHSCT, désignation de délégués syndicaux et obligations de négocier afférentes) au dépassement du seuil de 75 salariés.]

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. M. Joyandet a bien expliqué quelle était la philosophie de ses trois amendements, lesquels visent à proposer différents scénarios pour débloquer cette notion de seuil qui pénalise lourdement nos entreprises.

Dans la mesure où elle émettra un avis favorable sur l’amendement n° 762 rectifié que présentera dans quelques instants notre collègue Élisabeth Lamure, la commission souhaite le retrait de ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Joyandet, les amendements nos 349 rectifié, 348 rectifié et 347 rectifié bis sont-ils maintenus ?

M. Alain Joyandet. Il est un peu compliqué de retirer des amendements au profit d’un autre amendement qui n’a pas encore été présenté. Je préfère entendre l’intervention suivante avant de décider de les retirer ou non.

M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 762 rectifié, présenté par Mme Lamure, MM. Allizard, G. Bailly, Baroin, Bas, Béchu, Bignon, Bizet, Bouchet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chasseing, Commeinhes, Cornu, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et di Folco, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Duvernois, Emorine, Forissier, Fouché, B. Fournier, Frassa, Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mmes Hummel et Imbert, MM. Joyandet et Karoutchi, Mme Keller, MM. Kennel, Laménie, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, MM. Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Paul, Pellevat, Perrin, Pierre, Pointereau et Poniatowski, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, et ainsi libellé :

Après l’article 87 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Aux premier et troisième alinéas de l’article L. 2143–3, au premier alinéa de l’article L. 2143–6, aux articles L. 2313–7 et L. 2313–7–1, au premier alinéa de l’article L. 2313–8, aux premier et second alinéa de l’article L. 2313–16, à l’article L. 2322–1, au premier alinéa de l’article L. 2322–2, aux articles L. 2322–3 et L. 2322–4, aux premier et second alinéas de l’article L. 4611–1, à la première phrase des articles L. 4611–2 et L. 4611–3, au premier alinéa de l’article L. 4611–4, à la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 4611–5 et à l’article L. 4611–6, le mot : « cinquante » est remplacé par le mot : « cent » ;

2° Le premier alinéa de l’article L. 2313–13 est ainsi rédigé :

« Dans les entreprises de cinquante salariés et plus et dans les entreprises dépourvues de comité d’entreprise par suite d’une carence constatée aux élections, les attributions économiques de celui-ci, mentionnées à la section 1 du chapitre III du titre II du présent livre, sont exercées par les délégués du personnel. »

La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. En l’état actuel des textes, le franchissement du seuil de 50 salariés engendre pour une entreprise pas moins de 35 obligations supplémentaires différentes. Il en résulte un véritable frein au développement des entreprises, préjudiciable à l’emploi, puisque beaucoup d’entreprises font le choix de ne pas dépasser ce seuil.

À l’occasion de ses déplacements, au cours desquels elle rencontre les entrepreneurs, la délégation sénatoriale aux entreprises a ainsi observé que le sujet des seuils sociaux ressortait très clairement comme l’un des freins majeurs du développement des entreprises. Un entrepreneur nous a même avoué avoir créé quatre entreprises comptant 49 salariés chacune. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Et ce n’est pas une caricature !

Mme Cécile Cukierman. Il faudrait remettre le pacte social au centre du système...

Mme Élisabeth Lamure. C’est pourquoi le présent amendement prévoit de reporter les obligations pesant sur les entreprises de plus de 50 salariés sur les entreprises de plus de 100 salariés. Ainsi, nous lèverons un vrai frein à l’embauche.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement va plus loin que l’article 87 A introduit par la commission spéciale, lequel prévoit le passage de 10 à 20 salariés et laisse aux entreprises trois ans pour remplir leurs nouvelles obligations en cas de franchissement du seuil de 50 salariés.

Cet amendement porte de 50 à 100 salariés le seuil d’effectif à partir duquel sont obligatoires la désignation de délégués syndicaux ainsi que la création d’un comité d’entreprise et d’un CHSCT. Il tend aussi à confier aux délégués du personnel les attributions économiques du comité d’entreprise dans les entreprises dont l’effectif est compris entre 50 et 100 salariés.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Monsieur Joyandet, qu’advient-il des amendements nos 349 rectifié, 348 rectifié et 347 rectifié bis ?

M. Alain Joyandet. Sans vouloir prolonger le débat, je souhaite que les choses soient bien claires.

L’amendement n° 762 rectifié de Mme Lamure concerne les entreprises de 50 salariés. Que fait-on pour les entreprises qui en comptent 9 ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ce seuil a été doublé !

M. Alain Joyandet. Dans ces conditions, je retire mes trois amendements, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 349 rectifié, 348 rectifié et 347 rectifié bis sont retirés.

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l’amendement n° 762 rectifié.

Mme Nicole Bricq. L’appel en priorité de cet amendement de Mme Lamure ne change pas le problème !

Un texte nous sera présenté, dans quelques semaines, dont l’objet est de faire ce que les partenaires ont échoué à accomplir. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Je vous fais remarquer, monsieur Joyandet, que si la négociation entre les partenaires sociaux relative au dialogue social a échoué, c’est à cause d’un différend qui a opposé deux organisations patronales, la CGPME et le MEDEF, lesquelles se sont livrées à une surenchère qui a complètement bloqué l’issue de la discussion. Il ne faut donc pas incomber la faute à d’autres !

M. Alain Joyandet. Moi, je pense aux entreprises ! Qui est responsable, je m’en fous !

Mme Nicole Bricq. Le Gouvernement a alors pris ses responsabilités et a présenté en conseil des ministres un projet de loi que nous examinerons prochainement.

Ce n’est donc pas le bon timing.

M. Charles Revet. C’est le timing du Sénat !

Mme Nicole Bricq. Qui plus est, à zéro heures quinze, vous vous apprêtez à voter des reculs sociaux et des incohérences juridiques. (Non ! sur les travées de l'UMP.) C’est pourtant vrai ! Je vous l’ai déjà fait remarquer. Assumez-les, au moins !

Dans ces conditions, nous ne pouvons pas être d’accord avec vous. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Joyandet. On ne vous demande pas de l’être !

M. le président. Mes chers collègues, laissez Mme Bricq s’exprimer !

Mme Nicole Bricq. Aussi, nous voterons contre cet amendement. Vous vous faites plaisir,…

Mme Nicole Bricq. … mais vous ne faites avancer ni la discussion ni le dialogue social.

M. le président. Il ne reste plus qu’un quart d’heure : restez calmes !

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Bien évidemment, nous ne voterons pas cet amendement qui est à nos yeux la marque d’un recul social important et une preuve d’hypocrisie.

Demain, vous avancerez certainement des exemples similaires à celui que vous nous avez livré il y a un instant. Vous nous direz sans doute que vous avez rencontré une personne qui a préféré créer quatre entreprises de 99 salariés pour éviter de franchir le seuil des 100 salariés.

Oui, il y a des seuils, des obligations. Oui, les chefs d’entreprise, comme tout un chacun, ont des droits et des devoirs. Oui, à partir de 50 salariés, les chefs d’entreprise ont des contraintes, mais ils ont aussi des avantages. D’ailleurs, de nombreux chefs d’entreprise se félicitent de franchir ce seuil, qui signifie que leur entreprise prospère.

Il ne faut pas se tromper de combat. Les seuils ne sont pas à l’origine des problèmes économiques de notre pays et ce n’est pas en les modifiant que vous résoudrez la question du chômage. (Mais si ! sur plusieurs travées de l'UMP.) Ce n’est pas en portant le seuil de 50 salariés à 100 salariés que ceux qui n’embauchent pas aujourd’hui le feront demain. De la même façon, ce ne sont pas les seuils qui poussent certains à embaucher actuellement.

Il ne faut pas tout mélanger et faire croire, par le biais de cet amendement, que vous réglerez ainsi la situation des petites et moyennes entreprises dans notre pays ni même celle des milliers de chômeurs qui n’aspirent qu’à trouver un emploi.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. On nous oppose que l’on va trop vite et qu’un texte arrivera bientôt.

Lors de l’examen de la proposition de loi de Catherine Procaccia sur le contrôle des comptes des comités d’entreprises, on nous a aussi opposé que ce n’était pas le bon moment : Michel sapin nous disait qu’on allait voir ce que l’on allait voir, que, dans quelques mois, un texte serait présenté au Parlement. Pour autant, le Sénat a adopté à la quasi-unanimité cette proposition de loi (M. Philippe Mouiller opine.), qui a été ensuite reprise dans le texte du Gouvernement. Tant mieux ! (Oui ! sur les travées de l'UDI-UC.)

Il est normal qu’à un moment donné, même si un texte est annoncé, le Sénat puisse dire : voilà ce qu’on souhaite. D’ailleurs, je le répète, il y a souvent loin entre ce que souhaite le Gouvernement et les textes issus des travaux de l’Assemblée nationale. Nous l’avons vu avec certains textes, notamment avec le projet de loi que nous examinons en ce moment, le Premier ministre ayant été obligé de recourir à la procédure du 49–3.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Eh bien, nous sommes méfiants ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Daniel Raoul. C’est ridicule,…

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ce n’est pas ridicule, c’est la réalité, monsieur Raoul !

M. Daniel Raoul. … ce n’est pas un argument !

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Mais si !

M. Daniel Raoul. Ce n’est pas à la hauteur du débat !

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Comment cela, ce n’est pas à la hauteur du débat ? Vous ne voulez pas voir la vérité en face et ce qui se passe à l’Assemblée nationale avec votre majorité ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Pour abonder dans le sens de Mme le rapporteur, j’ai en main le projet de loi dit « Rebsamen », qui a été déposé à l’Assemblée nationale. Vous pourrez le consulter. Les éléments que nous proposons d’insérer dans le présent texte n’y figurent pas.

M. Alain Joyandet. Et bien voilà !

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Il est par conséquent inutile de nous opposer qu’il faut attendre le projet de loi Rebsamen.

Par ailleurs, le dialogue social a eu lieu et la négociation entre partenaires sociaux a échoué. Là non plus, rien ne sert de nous opposer la loi Larcher : la négociation a bien eu lieu.

En outre, il s’agit bien d’un élément de déblocage de l’économie. La commission spéciale a été dans son rôle en proposant une telle démarche et il est tout à fait légitime que nos collègues suggèrent de l’enrichir.

Enfin, nous sentons bien que ces sujets sont latents, tout le monde reconnaît qu’il faut avancer sur la question des seuils,…

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. … comme sur d’autres éléments – nous y viendrons – du droit du travail. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)

Mme Catherine Deroche, corapporteur. On passe des paroles aux actes !

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Ma collègue a raison. Les textes que nous examinons servent à apporter des changements. Il est utile que nous agissions ainsi dans le cadre d’un projet de loi sur la croissance et l’activité. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)