Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. En ce samedi après-midi, j’aurais bien besoin de l’assistance des avocats de mon groupe pour m’éclairer… En tout cas, je constate qu’il y en a ici qui connaissent très bien le sujet.

J’aimerais savoir quelle est la position de l’Assemblée nationale. Souhaite-t-elle étendre la postulation ou pas ? J’ai cru comprendre que la commission spéciale du Sénat voulait conserver la postulation et l’étendre aux cours d’appel. En fait, je n’ai pas bien compris s’il s’agissait d’une extension ou d’un glissement.

Monsieur le corapporteur, dans votre volonté de tendre la main, de ne pas vous opposer frontalement à l’Assemblée nationale, vous vous êtes dit qu’il fallait adopter une position médiane. Toutefois, je peine à comprendre : si nos collègues députés souhaitent étendre la postulation et que vous êtes plutôt favorable à cette procédure, que vous la défendez au nom de l’intérêt des territoires... (M. François Pillet, corapporteur, manifeste son désaccord.)

Apparemment, votre position est plus nuancée ; je n’ai donc pas compris, ce n’est pas grave ! (Sourires.) Toujours est-il que vous vous êtes prononcé pour la conciliation avec l’Assemblée nationale et le Gouvernement. Si nous pouvions être éclairés sur ce que souhaitent vraiment le Gouvernement et l’Assemblée nationale, nous pourrions ainsi savoir où nous en sommes.

Vous affirmez avoir panaché la position du Sénat et celle de l’Assemblée nationale afin de trouver un équilibre. Or, pour parvenir à un équilibre, il faut être deux ! Je pose donc la question au groupe socialiste et au ministre : acceptez-vous cet équilibre ou le remettrez-vous en cause en commission mixte paritaire ? Si la solution qui va nous être soumise ne devait pas être soutenue par le ministre ni conservée par l’Assemblée nationale, peut-être devrions-nous plutôt assumer nos positions sans nous préoccuper de cet équilibre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. La question de la suppression de la postulation se pose depuis longtemps et revient comme mars en carême.

Lorsque nous avions examiné la réforme de la carte judiciaire portée par Mme Dati, nous avions été quelques-uns à mettre en garde le gouvernement de l’époque contre les graves difficultés à venir, surtout en l’absence d’étude d’impact. Puis les avoués près la cour d'appel ont été supprimés, ce qui a également emporté des conséquences négatives.

Aujourd’hui – j’ai écouté notre corapporteur et notre collègue Philippe Bonnecarrère avec beaucoup d’attention –, nous risquons de provoquer une raréfaction des personnels en mesure de porter les actions en justice, en particulier en matière pénale. N’oublions pas que la présence d’un avocat est requise lors de la garde à vue, à certains moments de la procédure, comme l’exige la Cour européenne des droits de l’homme, et que les procédures accélérées se multiplient. Nous avons donc besoin de permanence du droit. Je le dis d’autant plus que mon département a la chance – ce n’est pas le seul – d’avoir conservé deux tribunaux de grande instance, en particulier parce qu’il accueille à Argentan une importante prison.

Les effets matériels des propositions qui nous sont faites sur les relations avec la justice me paraissent très inquiétants. À mon sens, nous subissons une nouvelle fois le contrecoup de la suppression des avoués. Certes, certains n’étaient que des boîtes aux lettres, mais beaucoup donnaient un sérieux coup de main en matière de procédure. Cet échelon-là a disparu.

Au moment de la suppression des avoués, certains d’entre nous avaient proposé d’aller jusqu’au bout, de supprimer la postulation et de revoir entièrement le système. Une fois de plus, nous restons au milieu du gué.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.

M. Guillaume Arnell. Pour le groupe du RDSE, la postulation n’est pas un droit octroyé aux avocats, mais une garantie pour les justiciables. La question du maillage territorial nous semble en outre essentielle.

Je vais ajouter un peu de piment au débat – après tout, c’est une spécialité de ma région. Pourquoi ne pas instaurer une postulation départementale, en lieu et place de la postulation dans le ressort de chaque tribunal de grande instance et de la cour d’appel ? Ainsi, le problème du maillage territorial serait réglé.

Mme Évelyne Didier. Ce serait la fin des petits tribunaux.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 179 n'est pas soutenu.

L'amendement n° 281 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Collombat et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Ils peuvent postuler devant l’ensemble des tribunaux de grande instance du département dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle.

II. - Alinéas 6 à 12

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Il est retiré.

Mme la présidente. L'amendement n° 281 rectifié est retiré.

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 725, présenté par MM. Guillaume, Bigot, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 15

Rétablir le b) dans la rédaction suivante :

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L’avocat satisfait à ses obligations en matière d’aide judiciaire et de commission d’office au sein du barreau dans le ressort duquel est établie sa résidence professionnelle et au sein du barreau dans le ressort duquel il dispose d’un bureau secondaire. » ;

II. – Alinéa 23

Rétablir le II dans la rédaction suivante :

II. – Le III de l’article L. 141-1 du code de la consommation est complété par un 16° ainsi rédigé :

« 16° Du troisième alinéa de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans le respect du secret professionnel mentionné à l’article 66-5 de la même loi. »

III. – Alinéas 27 et 28

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

IV. – Les 1° à 3° et le 6° du I du présent article entrent en vigueur le premier jour du douzième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi.

La parole est à M. Jacques Bigot.

M. Jacques Bigot. C’est vrai, comme l’a souligné notre collègue Nathalie Goulet, que certains territoires pourront être confrontés à une pénurie d’avocats, notamment lorsqu’il s’agira de répondre aux exigences de la Cour européenne des droits de l’homme, à savoir la présence de l’avocat lors de la garde à vue ou pour certaines procédures, mais cette situation est le fruit d’une responsabilité collective. Les jeunes sont souvent intéressés par le droit pénal, mais ils considèrent que, en dehors des grandes affaires, sa pratique n’est pas assez lucrative. Le fonds d’accès au droit doit permettre de mieux rémunérer cette activité. Si l’on assurait la solvabilité de leurs clients sur un territoire donné, ils s’y installeraient, pour peu qu’ils ne refusent pas de vivre dans le monde rural, mais c’est un autre sujet...

On ne peut pas perpétuellement retarder les choses. L’Assemblée nationale a adopté une solution de compromis : ne pas supprimer la postulation dans toute la France et la réserver aux ressorts des cours d’appel. Pardonnez-moi de revenir à ma région, mais c’est celle que je connais le mieux ; il n’est pas difficile aujourd’hui d’aller de Strasbourg à Colmar ou à Mulhouse ou de Mulhouse à Strasbourg ou à Saverne. Jadis, on devait aller à cheval au tribunal de grande instance ; aujourd’hui, il suffit de prendre sa voiture ou le TER pour y être rapidement. N’oublions pas non plus que l’informatique, notamment grâce au RPVA, permet d’avoir un contact avec les juridictions.

Tôt ou tard, le monopole de la postulation disparaîtra. Retarder cette évolution, qui adviendra quoi qu’il arrive, n’a pas d’intérêt. C’est la raison pour laquelle mon groupe a repris le texte de l’Assemblée nationale, lequel n’est déjà qu’une politique des petits pas. En revanche, ce qui restera, en tout cas je le souhaite, c’est la présence d’avocats, de professionnels du droit qui ont prêté serment, qui ont une déontologie, pour représenter les justiciables, qu’il s’agisse de grandes entreprises, de petites, de moyennes ou de particuliers, que l’on oublie trop souvent dans cette discussion sur la réforme des professions réglementées.

Mme la présidente. L’amendement n° 180 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 725 ?

M. François Pillet, corapporteur. Contrairement à l’amendement du Gouvernement, qui tendait à rédiger intégralement l’article, le présent amendement ne s’attache qu’aux aspects du texte que la commission spéciale a modifiés. Toutefois, il produit exactement les mêmes effets.

Tout d’abord, il vise à supprimer l’expérimentation de la postulation. J’espère que le vote qui a déjà eu lieu sur cette question va se reproduire.

Ensuite, il tend à rétablir la disposition imposant à un avocat ouvrant un bureau secondaire de satisfaire à ses obligations en matière d’aide judiciaire au sein du barreau dans le ressort duquel est situé ce bureau secondaire. L’adoption de cette mesure conduirait à une curieuse situation : l’alinéa 6 du présent article interdit aux avocats de postuler, au titre de l’aide judiciaire, dans un ressort différent de celui où ils ont leur résidence professionnelle. Ces deux obligations entrent donc en contradiction. D’un côté vous obligeriez un avocat à accepter d’être commis d’office dans un tribunal quand, de l’autre, vous lui interdiriez d’y postuler.

Plutôt que de chercher absolument à rétablir la rédaction de l’Assemblée nationale, il conviendrait de régler cette contradiction. En outre, une telle évolution confronterait les barreaux à des difficultés de fonctionnement. Un avocat se trouverait soumis à l’autorité d’un bâtonnier au barreau principal et sous celle d’un autre dans le bureau secondaire, qui effectuerait les commissions d’office.

Enfin, l’amendement a pour objet de rétablir la compétence de la DGCCRF pour contrôler les conventions d’honoraires. C’est un point sur lequel j'ai appelé l’attention du Gouvernement dès les auditions. S’il ne s’agit que de constater la remise, ou non, d’un document fixant le mode de rémunération de l’avocat – la convention d’honoraires –, nous n’y voyons aucun inconvénient. En revanche, s’il s’agit de s’assurer que ce document est suffisamment complet ou qu’il correspond bien à ce que l’avocat doit prévoir pour son client au regard de l’affaire, alors il faudra accéder au fond du dossier, au risque de violer le secret professionnel. Seul le bâtonnier est habilité à une telle intrusion.

J’ajoute que la DGCCRF pourrait déployer lors de ce contrôle l’ensemble de ses prérogatives, y compris ses pouvoirs de perquisition ou de saisie. Or le texte de l’amendement ne contient pas de dispositions relatives à l’intervention du bâtonnier, pourtant prévue pour une perquisition en matière pénale.

Concernant les deux premiers points de l’amendement, l’avis de la commission ne peut être que défavorable. Sur le troisième, si ce que la DGCCRF m’a précisé au cours de son audition se confirme, c’est-à-dire que son contrôle ne sera que formel et ne visera qu’à garantir l’existence d’une convention sans, à aucun moment, empiéter sur le secret professionnel de l’avocat, nous n’y sommes pas opposés.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je le dis d’emblée, l’avis du Gouvernement est favorable, mais je veux profiter de ce moment pour évoquer le fond de la réforme, ce que je n’ai pas encore fait, ce qui me permettra d’apporter les éclaircissements demandés par M. Desessard.

C’est un fait, nous ne parviendrons pas à un accord avec la commission spéciale. Je crois vraiment qu’elle est trop frileuse sur le sujet.

Ne jouons pas à nous faire peur ! De quoi parlons-nous ? Il n’est question ici que du droit civil. En matière pénale ou prud’homale, il n’y a pas de postulation territoriale. C’est la conséquence logique de la suppression des avoués votée en 2011.

Comment expliquer que, dans une affaire pénale, l’avocat peut aller plaider à l’autre bout de la France, et donc a fortiori dans la cour d’appel voisine, alors qu’en matière familiale, pour divorcer à Annecy si vous vous trouvez à Chambéry, vous devez passer par la postulation ? Cette situation entraîne un coût pour nos concitoyens et conduit à rendre une moins bonne justice. Au regard de l’organisation générale de notre système juridique, elle constitue véritablement un archaïsme inexplicable.

L’évolution que nous proposons risque-t-elle d’emporter une profonde déstabilisation ? Le chiffre d’affaires de la profession d’avocat s’élève à 11 milliards d’euros environ. La postulation représente 50 millions d’euros. Sauf à ce que cette somme soit concentrée dans quelques barreaux que la réforme anéantirait, elle n’est pas significative d’un point de vue macroéconomique. Il ne s’agit que d’un ajustement, qui ne touche en rien à l’essentiel de la matière de la profession.

J’ai bien entendu les chiffres qu’a cités M. le corapporteur à propos des barreaux d’Alès et de Nîmes, mais sont-ils vraiment la conséquence de l’expérimentation qui a été menée ? Je n’en suis pas certain, et nous n’en avons d’ailleurs pas la preuve. Quelle était la situation avant la réforme ? D’ailleurs, la profession d’avocat n’a jamais pu fournir les chiffres arguant du fait qu’il serait catastrophique de mettre fin à la postulation territoriale.

Cela a été rappelé, nous avons déjà fait un compromis : la postulation n’a pas été supprimée, elle a été élargie au ressort des cours d’appel. Certaines affaires, qui ont été définies, restent du ressort du tribunal de grande instance, même pour ce qui concerne les affaires civiles, et continueront à être plaidées avec la postulation ; on a déjà procédé à des aménagements. On ne saute donc pas dans le grand bain.

Procéder à une expérimentation, alors même que cette réforme est relativement logique, très marginale et qu’elle a déjà fait l’objet d’un compromis, ce n’est pas, selon moi, à la hauteur de l’enjeu qui est le nôtre.

Cela a également été dit, il existe un système d’informatisation des actes. Il est déployé à 80 %, précisément en matière civile. L’automaticité de la postulation sera supprimée, mais, si besoin est, cela n’empêche pas de rencontrer le magistrat, ce qui est possible, concernant la cour d’appel, dans de nombreux territoires, ou de choisir un correspondant ; cette liberté demeure.

Très honnêtement, la réforme est encadrée, aménagée, marginale et va dans le sens de l’histoire. Eu égard à l’ampleur du sujet et à la réforme que nous sommes en train de mettre en place, avançons !

Monsieur le corapporteur, prévoir, dans un an, une expérimentation sur trois ans, cela signifie qu’on ne bougera pas avant 2019.

M. François Pillet, corapporteur. Mais pourquoi bouger ?

M. Emmanuel Macron, ministre. On bouge pour améliorer le bon fonctionnement du droit.

Concernant les affaires civiles, cela nous évite d’en rester à un système de postulation territoriale au niveau du tribunal de grande instance, à l’instar de ce qui a été fait en 2011 pour les avoués. D’ailleurs, votre majorité sénatoriale, qui était alors aux affaires, était pour ! La réforme concernant les avoués était, je peux vous le dire, beaucoup plus substantielle ; elle a d’ailleurs donné lieu à indemnisation, ce qui n’est pas le cas de la réforme que nous proposons.

Allons au bout de la logique. Je le répète, ne jouons pas avec les peurs. Bien au contraire, l’enjeu est circonscrit. Nous apporterons ainsi un meilleur service à nos contribuables. Honnêtement, ne cédons pas aux mauvais corporatismes en voulant différer la réforme.

Mme la présidente. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Je formulerai simplement une observation.

Vous partez du présupposé selon lequel votre réforme est la bonne. La force de l’expérimentation est de vérifier si tel est bien le cas.

Mme Nicole Bricq. On attend alors…

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je déplore que Mme le garde des sceaux ne soit pas parmi nous pour nous faire part de sa position sur ce sujet à la fois très intéressant et très important, car ces professions dépendent de son ministère.

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. On fait comme si c’était la même chose sur tout le territoire.

On fait comme si les tribunaux de grande instance traitaient globalement toujours les mêmes affaires, quel que soit le lieu où l’on se trouve.

On fait comme si les cabinets d’avocats ou les différentes professions judiciaires avaient les mêmes revenus à Paris, à Bordeaux ou à Briey, dans le nord de la Meurthe-et-Moselle. Mais le problème des moyennes, c’est qu’elles ne s’appliquent à personne.

Monsieur le ministre, il ne s’agit absolument pas de jouer avec les peurs ; là n’est pas le problème. Mais, objectivement, nous rencontrons déjà des difficultés sociales dans des territoires assez déshérités comme les nôtres, que certains connaissent…

Mme Évelyne Didier. Le tribunal d’instance fonctionne avec un barreau, certes pas très important, mais il fonctionne. En tout cas, les habitants du territoire peuvent y trouver les services dont ils ont besoin.

Notre collègue Bigot a indiqué qu’il n’y avait aucune difficulté pour aller de Colmar à Strasbourg. Mais, là encore, en termes de mobilité, tous les territoires ne sont pas égaux.

M. François Pillet, corapporteur. C’est vrai !

Mme Évelyne Didier. Je ne veux pas faire peur, c’est un constat : nous risquons vraiment de voir apparaître des territoires déshérités. Déjà qu’il est compliqué de s’adresser à la justice, mais là, je suis prête à parier que nous allons créer un déséquilibre complet, dans certains territoires en tout cas. Les justiciables devront se passer de ces services, faute de moyens.

Monsieur le ministre, vous ne voulez pas entendre parler d’expérimentation.

Mme Nicole Bricq. Il y en a eu !

Mme Évelyne Didier. Mais quand on les décide, ce serait bien d’aller jusqu’au bout ! Sur ce point, je rejoins M. le corapporteur. Et quand l’expérimentation ne donne pas satisfaction, il ne faut pas la balayer d’un revers de la main. Je vous assure qu’il n’y aura tout simplement plus d’avocats dans certains barreaux.

Certes, la postulation ne représente pas un volume énorme, mais tout mis bout à bout, cela finissait par faire quelque chose d’à peu près correct. Les avocats iront s’installer à Metz, Nancy, Strasbourg ou ailleurs, ce qui entraînera, de fait, la suppression des petits tribunaux d’instance, ainsi que des petits barreaux. Telle est la réalité !

Ne dites pas, monsieur le ministre, que nous disons n’importe quoi ! Je ne suis pas d’accord avec votre façon de discréditer nos propos au seul motif que nous n’avons pas la même position que vous. (Très bien ! sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Permettez-moi tout d’abord d’apporter une information complémentaire à M. le corapporteur.

Les agents de la DGCCRF sont habilités et, lors des contrôles, le secret sera préservé, car les conventions sont « anonymisées ».

M. François Pillet, corapporteur. Ce n’est inscrit nulle part, monsieur le ministre, mais si vous m’en donnez acte…

M. Emmanuel Macron, ministre. Je vous en donne acte ; j’ai déjà clarifié ce point à l'Assemblée nationale et pris cet engagement. D’ailleurs, aujourd'hui, c’est déjà le cas pour les contrôles auxquels procèdent les agents de la DGCCRF, qui ont dû vous le confirmer lors de vos auditions.

Madame Didier, je me réjouis de constater qu’une réponse vaille, selon vous, exclusion de l’argumentation de l’autre.

Mme Éliane Assassi. Pas de posture !

M. Emmanuel Macron, ministre. Depuis le début de nos travaux, j’ai plutôt eu le sentiment que telle était la posture que vous aviez adoptée à mon endroit ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Mais si nous faisons le même constat…

Permettez-moi de formuler quelques remarques.

Détrompez-vous, aujourd'hui, les avocats les plus pauvres sont non pas en province, mais à Paris. Par ailleurs, cette réforme va plutôt réduire le coût pour les justiciables, car la postulation a un coût.

On ne va pas interdire aux avocats de travailler dans un TGI ; on va justement leur permettre de plaider devant le TGI voisin ou la cour d’appel, pour ce qui concerne les affaires civiles, alors que ce n’est pas possible aujourd'hui. L’expérimentation doit donc être mesurée à l’aune non pas du barreau – ce sont les chiffres qui ont été avancés –, mais du professionnel. L’avocat gagnera peut-être moins d’argent dans le barreau dont il dépend, mais il pourra plaider ailleurs. Je ne peux pas dire aujourd'hui ce qui se passera à l’avenir, mais il est évident qu’on accroît ainsi leurs possibilités de plaider en matière civile. Sachez, madame la sénatrice, que, en matière pénale, ils peuvent le faire non pas dans le ressort de la cour, mais dans toute la France.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 725.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 305 rectifié bis est présenté par MM. Antiste, Cornano, S. Larcher, J. Gillot, Desplan et Patient et Mme Jourda.

L'amendement n° 515 rectifié est présenté par MM. Cigolotti, Roche, Médevielle, Pozzo di Borgo, Kern et Jarlier.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Toute contestation relative à la fixation et au recouvrement des honoraires dus par le client à l’avocat, ainsi qu’à la demande de dommages et intérêts liée à un défaut d’information et de conseil préalable de l’avocat quant aux conditions de sa rémunération, relève de la procédure prévue aux articles 53 et 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat.

La parole est à M. Serge Larcher, pour présenter l’amendement n° 305 rectifié bis.

M. Serge Larcher. Cet amendement vise à permettre le prononcé par le bâtonnier de la responsabilité de l’avocat vis-à-vis de son client quand il a manqué à son devoir d’information préalable sur les conditions de sa rémunération. En effet, le bâtonnier est déjà compétent pour juger du montant des honoraires.

Dans un souci de simplification – la procédure simplifiée du décret de 1991 auprès du bâtonnier étant plus rapide que la procédure judiciaire – et afin d’assurer la pleine effectivité des nouvelles dispositions de la loi imposant la convention d’honoraires aux avocats, nous proposons que le bâtonnier puisse juger à la fois du montant des honoraires et de la bonne information initiale sur leur montant. Il n’est pas simple pour les consommateurs de déterminer à coup sûr lequel de ces deux interlocuteurs – le bâtonnier ou l’autorité judiciaire – est compétent pour trancher un litige.

Mme la présidente. L’amendement n° 515 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 305 rectifié bis ?

M. François Pillet, corapporteur. En matière de contrôle des honoraires, le bâtonnier a un rôle d’arbitre. Il vérifie si les honoraires dus dans le cadre de l’exécution d’un mandat sont conformes aux usages, selon la formule habituellement utilisée. Cependant, lorsque la contestation porte non pas sur le chiffrage des honoraires, mais sur le fait que l’avocat aurait commis une faute dans l’exercice de son mandat, il s’agit d’une action d’une nature totalement différente.

L’adoption de cet amendement visant à soumettre au bâtonnier ces deux litiges remettrait en cause une jurisprudence constante de la Cour de cassation – l’arrêt du 10 mars 2004, confirmé par un arrêt du 26 mai 2011 –, selon laquelle le bâtonnier n’est pas le juge de la responsabilité.

Le contrôle de la responsabilité suppose d’apprécier une faute dans l’exécution du mandat, un lien de causalité, un préjudice ; je ne développerai pas plus la mise en œuvre de ce contrôle.

Je ne puis émettre un avis favorable sur cet amendement. Adopter cette mesure reviendrait à modifier considérablement le rôle du bâtonnier, en faisant de lui une juridiction à part entière, ce que, me semble-t-il, aucun bâtonnier de France ne souhaite.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Pour les mêmes raisons, je demande à M. Larcher de bien vouloir retirer son amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Larcher, l'amendement n° 305 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Serge Larcher. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 305 rectifié bis est retiré.

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 181 est présenté par M. Bouvard.

L'amendement n° 197 rectifié est présenté par MM. Mézard, Barbier, Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 22

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

… Avant l’article 54, il est inséré un article 54 A ainsi rédigé :

« Art. 54 A. – La consultation juridique consiste en une prestation intellectuelle personnalisée tendant, sur une question posée, à la fourniture d’un avis ou d’un conseil fondé sur l’application d’une règle de droit en vue, notamment, d’une éventuelle prise de décision. »

L’amendement n° 181 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 197 rectifié.

M. Guillaume Arnell. La consultation juridique n’est définie à aucune étape de la réglementation de l’exercice du droit, alors qu’elle constitue la pierre angulaire du dispositif contenu dans la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

Pourtant, la consultation juridique n’est pas un acte anodin pour qui la sollicite. Son exercice à titre principal est réservé aux seuls professionnels juridiques réglementés. Nous proposons de définir cet acte pour clarifier le champ d’intervention de l’avocat au bénéfice du citoyen, afin de réduire de façon significative les difficultés d’interprétation et les contentieux en résultant.