Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Mon cher collègue, j’ai été informé par le président Gérard Larcher, qui était avec vous et d’autres collègues à Moscou, des entretiens qu’il a eus avec le président Poutine et d’autres interlocuteurs.

Cette coopération interparlementaire est indiscutablement une voie à explorer. Le concept de « décentralisation approfondie », qui figure dans le communiqué publié à la suite de votre déplacement, peut être examiné dans le cadre de l’OSCE et dans le respect des deux principes fondamentaux rappelés précédemment par M. le secrétaire d’État : l’intégrité territoriale de l’Ukraine, avec le respect des frontières, et les accords de Minsk 2, même si l’on peut imaginer une certaine autonomie de certaines provinces, à l’instar de ce que nous connaissons en France avec les départements d’outre-mer.

Comme l’ont souligné tant M. le secrétaire d’État que de nombreux autres orateurs, les solutions sont uniquement pacifiques. S’il devait y avoir à Marioupol ou ailleurs des manquements aux engagements pris par les uns ou par les autres, ce délicat projet tomberait carrément à l’eau.

Nous sommes ouverts et réalistes : la coopération interparlementaire doit avoir lieu dans le cadre de l’OSCE.

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Monsieur le secrétaire d'État, même si de nombreux collègues ont déjà évoqué la question de l’énergie, je me permets d’y revenir : le sujet est suffisamment important pour que l’on s’y attarde.

Avec un solde exportateur net de plus de 65 térawatts-heure en 2014, la France fait partie des tout premiers exportateurs d’électricité au monde. Grâce à l’utilisation soutenue des interconnexions européennes, dont le développement est au cœur de la stratégie pour une Union de l’énergie, elle est également le premier exportateur européen.

C’est notamment en s’appuyant sur la sécurité de cette production que l’Europe, en particulier l’Allemagne, a pu développer ces dernières années les énergies éolienne et photovoltaïque, des énergies certes renouvelables mais, surtout, extrêmement fluctuantes.

La stabilité, le volume et la compétitivité de notre production électrique, qui sont à la base de notre capacité exportatrice, proviennent évidemment en très grande partie de nos capacités nucléaires. Or cette énergie demeure le parent pauvre de la stratégie présentée le 25 février dernier.

La France a signé avec sept autres États membres un courrier soulignant le rôle important joué par l’énergie nucléaire dans la sécurité de l’approvisionnement, les faibles émissions de carbone et la compétitivité de l’économie. Ce courrier réclame également que les mécanismes de financement mobilisés dans le cadre de l’Union de l’énergie pour les grands projets d’infrastructures sobres en carbone puissent également être appliqués aux nouveaux projets de la filière nucléaire.

Monsieur le secrétaire d’État, je me réjouis que la France tienne ce langage au niveau européen. Toutefois, le contenu de ce courrier semble en contradiction flagrante avec les objectifs affichés par le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.

Ce projet de loi prévoyait, avant son examen par le Sénat, un calendrier de réduction de la part du nucléaire dans notre bouquet énergétique, ainsi que le plafonnement du parc électronucléaire à sa puissance actuelle, ce qui aboutirait à la fermeture rapide de plusieurs réacteurs existants.

Si l’on souhaite adopter la vision résolument européenne d’un marché intérieur à la fois efficace et interconnecté et respectant les choix et les atouts énergétiques des différents États membres, il faut préserver les capacités françaises en matière nucléaire, car notre pays joue un rôle essentiel de stabilisateur pour l’ensemble du marché énergétique européen.

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous indiquer avec précision la stratégie poursuivie par le Gouvernement et la majorité en matière d’énergie nucléaire aux niveaux national et européen ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, vous évoquez le courrier que Ségolène Royal et plusieurs de ses homologues ont adressé à la Commission européenne et qui faisait valoir notre approche équilibrée, cohérente et globale de la politique énergétique de l’Union européenne, tout en soulignant la contribution qu’apporte l’énergie nucléaire dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la lutte contre le réchauffement climatique.

Le nucléaire participe aussi à la réduction de notre dépendance vis-à-vis des fournisseurs d’hydrocarbures, qui se trouvent pour la plupart hors de l’Europe ou, en tout cas, hors de l’Union européenne. Il s’agit, en outre, d’une filière industrielle marquée par l’excellence technologique et créatrice de nombreux emplois.

Vous le savez, pour développer les énergies renouvelables, on a besoin d’une production d’énergie stable en raison de l’intermittence de la production d’énergie d’origine solaire ou éolienne. C’est pourquoi nous sommes très attachés à défendre la part du nucléaire nécessaire dans notre bouquet énergétique.

La réponse nationale est le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, dont l’objet est tout à fait clair : comme vous l’avez rappelé, il plafonne au niveau actuel la production d’électricité d’origine nucléaire. Cela signifie que la production nucléaire ne diminuera pas. Certes, les anciennes installations, telle la centrale de Fessenheim, seront remplacées, mais des EPR sont en chantier, à commencer par celui de Flamanville.

L’objectif est de nous en tenir à 50 % d’énergie nucléaire, compte tenu de la montée en puissance des énergies renouvelables. Cela signifie que nous allons continuer à renouveler notre parc, à entretenir cette filière et à faire reposer une grande partie de notre production d’électricité sur cette technologie.

Nous demandons que, au niveau européen, cette possibilité ne soit pas remise en cause : les États membres doivent conserver ce libre choix. Certains pays ont, comme nous, choisi cette voie et investissent dans le nucléaire : c’est notamment le cas de la Grande-Bretagne, qui a d’ailleurs fait appel à la France pour son projet d’Hinkley Point C. D’autres pays ont, pour le moment, pris une décision de principe, sans avoir encore lancé de chantier. Nous espérons qu’ils iront au bout de la démarche, et ce point sera l’un de ceux qui seront abordés dans les discussions que le Premier ministre aura demain et après-demain avec son homologue polonaise. J’aurai le plaisir de l’accompagner en Pologne et je peux vous assurer que nous défendrons, bien entendu, les qualités de la filière nucléaire française.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous remercier de votre disponibilité et de la clarté de vos réponses. Je sais qu’il ne vous était pas facile d’être ce soir au Sénat dans la mesure où vous étiez il y a quelques heures encore à Strasbourg.

Je souhaite, avant que ce débat ne s’achève, vous adresser deux messages.

Le premier a trait au plan Juncker. Jeudi prochain, le commissaire Jyrki Katainen sera à Paris pour avancer sur la mise en œuvre du plan qui prévoit d’injecter 315 milliards d’euros dans l’économie des vingt-huit États membres. Au moment où nos collectivités territoriales voient baisser les dotations qui leur sont destinées – d’environ 14 milliards d’euros sur deux ans –, alors qu’elles ne sont responsables que d’à peine 5 % du déficit public et qu’elles réalisent quelque 60 % des investissements publics, tout ce qui pourra concourir à injecter de l’argent au plus près des territoires sera bénéfique.

Le Sénat, représentant les collectivités territoriales, est très attentif à ce que l’ensemble du territoire soit irrigué et à ce que les élus locaux de notre pays utilisent au mieux cette aide. Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’État, que vous le soyez aussi, avec l’ensemble de vos services, pour que nous puissions aider les élus locaux à mobiliser ces fonds, principalement destinés à de gros projets, que ce soit par le biais de l’Association des régions de France ou de l’Association des maires de France. À l’heure où les régions vont entrer dans une phase de renouvellement, il ne faut pas oublier les autres élus territoriaux !

Mon second message est relatif à l’achèvement de la première phase du semestre européen.

J’aimerais partager votre optimisme, monsieur le secrétaire d’État ! Je suis en effet un peu inquiet. Certes, le président Juncker, dans sa communication du 13 janvier 2015, nous invite à interpréter le pacte de stabilité avec une certaine souplesse. Cependant, puisque la France est classée, avec la Croatie, la Hongrie, l’Italie et le Portugal, parmi les pays connaissant quelques difficultés, c’est-à-dire un déficit excessif, il nous enjoint en fait d’engager un certain nombre de réformes.

La réforme territoriale est pratiquement derrière nous. Je souhaite donc parler de la réforme qui est devant nous et dont nous débattrons ici au début du mois d’avril.

J’ai eu l’occasion de participer, hors de tout cadre parlementaire, à une table ronde où M. Emmanuel Macron était présent. Il a eu l’honnêteté intellectuelle de considérer que sa loi n’allait pas révolutionner la compétitivité de la société française et nous placer soudainement dans une situation extraordinaire.

Pour ma part, je pense que ce texte se caractérise par un certain nombre de rendez-vous manqués. C’est sur cela que le Sénat souhaite mettre l’accent, en adoptant une attitude absolument constructive.

Très franchement, je ne vois pas dans la mise des professions réglementées sous la tutelle de l’Autorité de la concurrence le moyen de rendre notre société plus compétitive. Je ne vois pas dans le travail du dimanche le moyen de donner plus de flexibilité à notre marché du travail.

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai peur du rendez-vous du 10 juin 2015 : il nous faudra trouver non seulement 4 milliards d’euros, mais aussi les 3 milliards d’euros inscrits dans la loi de programmation militaire, soit un total de 7 milliards d’euros ! Voilà pourquoi je suis plutôt inquiet, tout en ayant envie de me tromper et de partager votre optimisme. Rendez-vous le 10 juin !

Quoi qu'il en soit, monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie encore une fois de votre disponibilité.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Nous en avons terminé avec le débat préalable au Conseil européen des 19 et 20 mars 2015.

10

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 11 mars 2015, de quatorze heures trente à dix-huit heures trente :

Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement (n° 126, 2014 2015) ;

Rapport de Mme Claire-Lise Campion, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 238, 2014 2015) ;

Texte de la commission (n° 239, 2014 2015).

Proposition de loi sur la participation des élus locaux aux organes de direction des deux sociétés composant l’Agence France locale (n° 536, 2013 2014) ;

Rapport de M. Alain Anziani, fait au nom de la commission des lois (n° 315, 2014 2015) ;

Texte de la commission (n° 316 2014 2015).

Suite de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant (n° 799, 2013 2014) ;

Rapport de Mme Michelle Meunier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 146, 2014 2015) ;

Texte de la commission (n° 147, 2014 2015) ;

Avis de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 139, 2014 2015).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures vingt-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART