M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour le groupe UDI-UC.

M. François Zocchetto. Quelle chance vous avez, monsieur le secrétaire d’État ! Quelle chance de préparer un budget avec des taux d’intérêt historiquement bas ! Quelle chance de voir le prix du baril de pétrole tomber à 70 dollars ! Quelle chance de voir l’euro perdre 10 % en un semestre ! Quelle chance également que l’Union européenne ait revu à la baisse le montant de notre contribution à son budget !

C’est important, la chance, monsieur le secrétaire d’État. Ça l’est d’autant plus lorsqu’on gère un pays endetté à près de 100 % de son PIB et qu’on doit faire face à l’inexorable envolée de la courbe du chômage.

Et pourtant, cette chance, vous ne la saisissez toujours pas ! Aucune réelle réforme structurelle n’a été lancée ou n’est en cours. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant puisque votre gouvernement n’a pas de majorité à l’Assemblée nationale pour engager une telle réforme, prisonnier qu’il est de ceux pour qui les mots « entreprendre », « réussir », « mérite » ou « récompense » sont indécents ; nous allons bientôt le constater de nouveau avec le projet de loi « Macron ».

Le pacte de responsabilité et de solidarité, annoncé depuis plus d’un an, n’a toujours pas vu le jour, ou à peine. Le CICE – crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – se révèle insuffisant. Et, bien évidemment, la spirale de l’endettement public poursuit son travail de sape, en vous imposant une fuite en avant fiscale devenue insupportable pour nos concitoyens.

Nous avons eu droit au malaise fiscal, nous avons eu des promesses de pause ou de remise à plat. Mais derrière les mots et le double discours, la même réalité perdure : les prélèvements obligatoires augmentent inexorablement et leur hausse ne sert finalement à rien puisque leur rendement décroît et que le déficit ne diminue pas.

La vérité, la triste vérité est que votre politique a échoué.

Difficile de faire croire que le présent projet de loi de finances tel que vous l’avez soumis au Parlement est un réel acte de réforme !

Nous sommes en face d’un projet de loi de finances par obligation, pour autoriser la perception des impôts, en somme. Comment, dans ces conditions, restaurer un minimum de confiance ? Vous le savez, bien, sans confiance, la croissance est inenvisageable. Et, sans croissance, l’amélioration de la situation de l’emploi et le désendettement sont impossibles.

La nouvelle majorité sénatoriale vous propose un chemin afin de donner du relief, du contenu et une véritable portée économique à votre projet de budget. Nous vous offrons des opportunités : saisissez-les, expliquez-les à l’Assemblée nationale !

Je salue ici le travail très important réalisé par le rapporteur général, les membres de la commission des finances et notre majorité sénatoriale. Au sein de celle-ci, nous faisons le même diagnostic.

Nos groupes, appuyés par la commission des finances, sont parvenus à enrayer le matraquage systématique des familles en redonnant du souffle au quotient familial, à préserver l’investissement public local en intégrant dans le calcul de la baisse des dotations le poids des charges que le Gouvernement ne veut plus imposer à l’État. Ils sont parvenus également à définir un dispositif de soutien à l’investissement des PME industrielles.

Ces mesures en recettes ont été gagées en dépenses, j’insiste sur ce point. Nous avons travaillé – dans des délais particulièrement contraints, en raison des élections sénatoriales de septembre – pour formuler toutes ces propositions, documentées et chiffrées. En cela, la majorité sénatoriale a fait preuve de responsabilité.

Au-delà, le débat budgétaire au Sénat a permis de passer outre de nombreux tabous. Vous-même, monsieur le secrétaire d'État, avez reconnu que le CICE aurait dû permettre une véritable baisse de charges salariales financée en contrepartie par la TVA. Quelle avancée ! Car qu’est-ce donc, sinon la « TVA compétitivité » que nous proposons depuis tant d’années, et que nous espérons voir adoptée l’année prochaine ? (Très bien ! sur les travées de l'UDI-UC.)

Ce débat a également permis de mettre en discussion de nombreuses questions qui feront l’objet, lors des exercices budgétaires à venir, de travaux plus détaillés, nous en convenons avec le rapporteur général et la présidente de la commission.

Les questions de la réforme de la fiscalité des entreprises, de la fiscalité des plus-values immobilières en cas de cession ou de la fiscalité des revenus ont été posées par les représentants de notre groupe.

Du côté des dépenses, les mesures catégorielles au profit de la fonction publique, le problème de l’aide médicale d’État ou encore le recours systématique aux contrats aidés ont été largement débattus dans nos travées.

J’entends évidemment ceux qui cherchent les milliards d’euros d’économies manquants, et je ne prends pas leurs observations à la légère. En effet, les différents représentants de la majorité sénatoriale s’accordent à dire que la dépense publique pèse trop lourd dans notre économie. Son financement l’étouffe et anémie le tissu industriel et entrepreneurial de la France.

Je rappelle aussi que la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, n’offre pas la possibilité d’une réduction structurelle de la dépense publique. La LOLF permet au Parlement de contrôler la mise en œuvre des politiques publiques à travers l’exécution du budget. Elle ne permet pas de réfléchir, malheureusement, au périmètre de l’action de l’État. C’est un outil de contrôle ; or nous avons besoin d’un véritable outil de refondation.

Notre majorité sénatoriale esquisse un projet pour la France. Bien entendu, elle ne se substitue pas à la majorité d’aujourd’hui. C’est le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d'État, qui est responsable devant une Assemblée nationale élue jusqu’en 2017. Le Sénat ne saurait aller à son encontre. Son rôle, en revanche, est d’être l’aiguillon qui souligne et qui tente de corriger les carences de votre politique.

À cet égard, je tiens à formuler solennellement notre vive inquiétude pour les militaires français. Près de 10 % des crédits de la mission « Défense » sont incertains, alors que nos soldats sont engagés dans vingt-huit opérations extérieures, dont trois sont particulièrement sensibles : celles qui ont lieu au Mali, en Centrafrique et en Irak.

Nous ne pouvons pas accepter qu’une telle incertitude pèse sur le financement de ces missions dont la finalité demeure de permettre à la France de remplir son devoir de grande puissance militaire, sans pour autant mettre en péril la vie de nos soldats.

Nous ne pouvons pas l’accepter et la majorité sénatoriale a joué son rôle en envoyant un signal fort au Gouvernement sur ce point.

Pour conclure, je veux adresser un mot de remerciement à toutes celles et à tous ceux qui ont pris part à ce débat.

L’enjeu était important. Après deux années sans examen de la seconde partie, il fallait restaurer la voix du Sénat dans le débat budgétaire. Je considère que cet objectif a été atteint. Certes, le présent texte n’est pas exempt d’imperfections.

M. David Assouline. C’est le moins qu’on puisse dire !

M. François Zocchetto. Ce n’est certainement pas le budget idéal que nous aurions rédigé nous-mêmes. Toutefois, c’est le produit du travail du Sénat, qui signale ainsi fermement les inflexions que votre politique doit suivre pour mener notre pays vers le redressement.

La balle est désormais dans votre camp puisque, dans l’immédiat, les sénateurs du groupe UDI-UC voteront ce projet de loi de finances pour 2015 dans sa rédaction issue des travaux du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour la première fois depuis deux ans, le Sénat est allé au bout de l’examen d’un projet de loi de finances. Cela vous a beaucoup mobilisé, monsieur le secrétaire d'État, pendant trois semaines, cela a mobilisé de nombreux sénateurs, pas seulement ceux de la commission des finances, et cela a mobilisé bien des collaborateurs.

Le texte que nous nous apprêtons à voter n’a rien à voir avec celui qui nous avait été soumis.

M. David Assouline. Maintenant, il est indigent, indigeste et indécent !

M. Bruno Retailleau. Nous l’avons profondément modifié pour deux raisons.

La première, c’est que la politique économique du Président de la République ne marche pas. Elle ne parvient pas à inverser la courbe du chômage. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Depuis deux ans et demi, on compte un demi-million de chômeurs de plus.

M. David Assouline. Et vous ? Un million de chômeurs de plus en cinq ans !

M. Bruno Retailleau. Toutes catégories confondues, 5 150 000 Français sont concernés par le chômage. C’est si vrai que le ministre du travail a avoué qu’il s’agissait là d’un échec.

Cette politique économique ne marche pas parce qu’elle ne parvient pas à réduire la dette, non plus que le déficit.

M. Daniel Raoul. La dette que vous avez laissée !

M. David Assouline. C’est votre dette !

M. Bruno Retailleau. En 2014, pour la première fois depuis le pic de la crise, en 2009 et en 2010, le déficit ne sera pas réduit par rapport à l’année précédente. La dette continue d’augmenter tant et si bien qu’elle atteindra vraisemblablement, avant dix-huit mois, 100 % de la richesse nationale.

Quant à la croissance, elle est toujours en panne et vous échouez à la relancer.

La politique économique de François Hollande ne marche pas parce qu’aucune vraie réforme structurelle n’est proposée,…

M. David Assouline. Vous n’en avez fait aucune !

M. Bruno Retailleau. … parce que le Président de la République et le Gouvernement ont une vision météorologique de l’économie : après les averses viendra forcément le beau temps, après les coups durs viendront des jours meilleurs. Or l’avenir, en particulier l’avenir économique, il se surmonte, il ne se subit pas.

Voilà la première des raisons pour lesquelles nous avons profondément modifié ce projet de budget.

La deuxième raison, monsieur le secrétaire d'État, c’est tout simplement que le budget que vous nous avez présenté était un budget en trompe-l’œil.

Il n’y a plus que vous, il n’y a plus que ce gouvernement pour penser que la trajectoire des finances publiques de la France au cours des trois prochaines années a quelque chance de se concrétiser. Plus personne n’y croit : ni les économistes ni les observateurs avisés, en France ou à l’étranger. Pourquoi ? Parce que les recettes sont surestimées, avec des projections de croissance beaucoup trop optimistes ; parce que nous avons atteint un niveau de prélèvements obligatoires confiscatoire et que, désormais, le rendement décroissant de nos recettes fiscales se fait pleinement sentir. Voilà quelques jours, nous avons appris la baisse du rendement de l’impôt sur le revenu. Comment s’en étonner ?

Troisième raison : l’effort en matière d’économies est insuffisant. Sur les 21 milliards d’euros d’économies, comme l’a indiqué à plusieurs reprises le rapporteur général, seulement 3,5 milliards d’euros sont demandés à l’État. Et encore ces économies sont-elles bien mal documentées ! Ce chiffre est à comparer à l’effort de 3,7 milliards d’euros que vous demandez aux collectivités, aux 10 milliards d’euros que vous demandez à la sécurité sociale et aux 5 milliards d’euros de réduction des subventions aux entreprises ou aux agences et opérateurs de l’État.

Forts de ce constat, nous aurions pu faire ce que votre majorité sénatoriale avait fait en 2012, à savoir rejeter vingt-deux missions sur trente-deux et voter 32 milliards d’impôts supplémentaires en créant trente nouvelles taxes. Plutôt que d’agir ainsi, nous avons préféré faire le choix de la responsabilité en améliorant le solde budgétaire par la réduction du déficit.

C’est également par esprit de responsabilité que nous avons rejeté les crédits de quelques missions symboliques, monsieur le secrétaire d'État.

Ainsi, nous n’avons pas voté les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », après le fiasco de l’écotaxe.

M. François Marc. C’est votre enfant, l’écotaxe !

M. Bruno Retailleau. J’entends encore la ministre de l'écologie nous expliquer qu’il se posait un problème constitutionnel, alors qu’elle savait que c’était un mensonge. Quel manque de courage !

L’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, se voit privée de ressources ! De grands projets, dans l’ouest et dans l’est, au nord et au sud, ne sont plus financés ! Le fiasco est total !

Voilà pourquoi nous avons rejeté les crédits de cette mission.

De même, nous avons rejeté les crédits de la mission « Égalité des territoires, logement et ville ». Mes chers collègues, en 2014, jamais il ne se sera construit en France aussi peu de logements : 300 000, quand le Président de la République s’était engagé à ce que 500 000 logements neufs soient réalisés.

S’agissant du budget de nos armées – François Zocchetto en a très bien parlé –, Dominique de Legge, le rapporteur spécial de la mission « Défense », nous a fait une démonstration éclatante. Le président du Sénat a écrit au Président de la République.

M. David Assouline. Il a reçu une réponse !

M. Bruno Retailleau. Oui, mais de quelle légèreté, monsieur Assouline ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.) Le Président de la République lui a répondu que, si les recettes exceptionnelles n’étaient pas au rendez-vous, il serait bien temps de trouver une solution en janvier 2016 ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Croyez-moi, rejeter le budget militaire a été pour nous un cas de conscience. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.) Oui, parce que nous sommes solidaires de nos soldats ! Et c’est parce que nous ne les oublions pas que nous avons voulu leur dire que nous ne sommes pas dupes, que les sommes inscrites sont à l’évidence insuffisantes, qu’il ne s’agit que d’un miroir aux alouettes.

C’est un avertissement solennel que nous avons ainsi lancé.

Nous avons également fait preuve de responsabilité en assumant nos choix : choix d’une politique familiale, choix de relancer les investissements dans les PME. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Si la croissance ne repart pas, c’est parce que le taux de marge des entreprises, et particulièrement celui des PME, est historiquement bas, c’est parce qu’elles ne peuvent pas investir et que, n’investissant pas, elles ne peuvent pas embaucher. Nous avons fait ce choix d’aider les PME pour accélérer et favoriser l’investissement.

Nous avons aussi fait le choix de la responsabilité à l’égard des collectivités locales. Il aurait été si simple de refuser toute possibilité d’économies. Nous ne l’avons pas fait. Simplement, nous avons indiqué au Gouvernement que nous acceptions que les collectivités fassent des efforts, mais que l’État ne pouvait pas avoir une double politique : demander aux collectivités de faire des économies et, en même temps, leur « refiler » le mistigri en se défaussant sur elles de multiples charges – par exemple celle des rythmes scolaires.

C’est dans cet esprit que le Sénat, suivant en cela la proposition de la commission des finances, a simplement atténué la baisse des dotations, ne voulant pas soustraire les collectivités locales à l’effort national auquel elles doivent clairement prendre part.

En conclusion, je voudrais remercier l’ensemble des sénateurs, à commencer par les membres du groupe UMP et du groupe UDI-UC, d’avoir fait preuve de cohérence sur les choix clairs et nets que je viens d’évoquer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Je tiens aussi à féliciter Mme la présidente de la commission des finances, pour avoir su, de l’avis de tous, diriger les débats en commission et animer un travail dans des temps relativement courts. Bravo, madame la présidente : ce n’était pas une tâche facile ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC, du RDSE, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. Jacques-Bernard Magner. C’est une grande présidente !

M. Bruno Retailleau. Vous me permettrez, pour faire bon poids, de saluer l’effort produit par le rapporteur général du budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Je veux enfin saluer tous les rapporteurs – les rapporteurs spéciaux, bien évidemment, mais aussi les rapporteurs pour avis –, le vice-président de mon groupe, Philippe Dallier, qui a été très présent, ainsi que les collaborateurs du Sénat et de nos groupes qui ont énormément travaillé et très peu dormi. Le pays méritait cet effort important.

Bien entendu, il est normal que les clivages habituels se manifestent lors du vote d’un budget. Pour notre part, nous allons maintenant le voter fièrement parce que nous pensons que les choix que nous avons faits étaient des choix responsables et bons pour le pays ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Germain, pour le groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean Germain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, la discussion de ce projet de loi de finances pour 2015 s’achève et si le texte final, contre lequel nous voterons cet après-midi, est bien celui de la nouvelle majorité sénatoriale, on est très loin de « l’imagination au pouvoir» que l’on nous promettait !

La droite tient un discours contradictoire : cela fait des semaines que ses ténors réclament des économies supplémentaires de plus de 100 milliards d’euros, des économies ciblées, des économies documentées et, dans le même temps, depuis trois semaines, la nouvelle majorité sénatoriale, de droite, affirme dans différents médias qu’elle n’est pas en mesure de bâtir un contre-budget, comme si elle craignait qu’on ne la juge à l’aune des propositions qu’elle a formulées dans ce projet de loi de finances.

J’ai entendu les objections de M. Retailleau et de M. Zocchetto, disant que les dispositions constitutionnelles s’y opposaient. Personne n’y croit ! Si l’examen du budget, dans une assemblée parlementaire, n’est pas le moment pour une majorité d’élaborer des propositions pour le pays, quelle est l’utilité du mois de discussion budgétaire qui va prochainement s’achever ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Dans le même temps, que de critiques n’avons-nous pas entendues à propos de la politique économique que nous menons et du niveau d’économies que nous nous fixons !

Sur la politique économique, la majorité sénatoriale n’a accouché d’aucune contre-proposition, d’aucune alternative. Sur les économies, nous avons surtout pu constater que la droite était percluse de contradictions et, donc, dans l’incapacité de formuler des propositions cohérentes.

À l’heure où l’on délivre à Stockholm le prix Nobel à deux Français, Patrick Modiano et Jean Tirole, le débat politique est-il à la hauteur ?

M. Philippe Dallier. Posez-vous la question !

M. Jean Germain. Le Sénat tient-il son rang dans le bicamérisme ?

Sans y insister outre mesure, je rappellerai tout de même qu’en supprimant neuf missions budgétaires – « Culture », « Défense », « Écologie, développement et mobilité durables », « Égalité des territoires et logement », « Immigration, asile et intégration », « Médias, livre et industries culturelles », « Politique des territoires », « Recherche et enseignement supérieur », « Solidarité, insertion et égalité des chances » – on réalise 105 milliards d’euros d’économies. Mais évidemment, du coup, il n’y a plus de crédits pour ces missions, donc, d’une certaine façon, plus de budget du tout, comme le faisait fort justement remarquer notre collègue Adnot.

Le rejet pur et simple de ces crédits a été une voie de facilité, qui a permis à la droite d’échapper à des choix budgétaires difficiles.

Mes chers collègues, sauf à considérer que nos travaux sont destinés à la confidentialité et n’ont pas vocation à alimenter le débat public, le débat des idées, c’est là une faiblesse qui ne peut qu’alimenter le doute des Français à l’égard du Sénat, des parlementaires et, plus largement, à l’égard des politiques et de leur capacité à agir sur le réel. Voilà ce que je pense et ce que pense mon groupe avec moi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Quelles conclusions pouvons-nous tirer de cette situation ?

On relève, dans le projet de budget que la majorité sénatoriale va tout à l'heure adopter, la trace de quelques réflexes : chassez le naturel, il revient au galop…

Suppression des emplois aidés : la droite a rejeté la création de 45 000 contrats aidés. (Huées sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

Suppression de 9 500 créations de postes d’enseignants, à l’heure où notre école a besoin d’être renforcée et confortée, et les inégalités territoriales combattues. (Mêmes mouvements.)

Rejet, dans des conditions inadmissibles, du budget de la défense. (Mêmes mouvements.)

Le deuxième personnage de l’État, le président du Sénat, écrit au Président de la République pour lui demander, à l’heure où le Sénat doit voter le budget de la défense nationale, s’il peut l’assurer que les crédits seront bien accordés. Le Président de la République répond dans un courrier, non pas de façon pusillanime, comme l’a prétendu M. Retailleau – M. Raffarin, présent lors du vote sur ce budget de la défense nationale, ne l’a d’ailleurs pas jugé tel lorsqu’il a lu la réponse du Président de la République. Or, malgré ce courrier, pour la première fois depuis des années et alors que la France est engagée sur des théâtres d’opération partout dans le monde, pour des raisons de politique politicienne, la droite décide de faire sauter le budget de la défense nationale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l’UMP.)

M. François Grosdidier. Présentation scandaleuse des faits !

M. Jean Germain. Rejet du budget du logement,…

M. François Grosdidier. Vous avez inscrit de fausses recettes !

M. Jean Germain. … alors même que celui-ci contenait une aide de 100 millions d’euros aux maires bâtisseurs, qui avait reçu l’accueil favorable de l’ensemble des élus locaux rassemblés au congrès des maires. Et lorsque la majorité rejette les crédits de la mission, en estimant qu’ils sont insuffisants, avant de rejeter les articles permettant de réaliser les économies sur cette même mission, la contradiction est flagrante ! (M. Philippe Dallier proteste.)

Stigmatisation des fonctionnaires (Protestations sur les travées de l'UMP.) : alors que leurs traitements sont gelés depuis quatre ans, le glissement vieillesse technicité, qui détermine leur avancement, a été restreint de 750 millions d’euros. Les fonctionnaires, ce sont des enseignants, des personnels hospitaliers, des policiers. Les priver de cette reconnaissance est tout à fait anormal !

Stigmatisation des demandeurs d’asile, avec la limitation de l’aide médicale d’État. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

En matière de fiscalité, aucune révolution, alors que vous en parlez tous les jours, mais un signe adressé par la droite : 550 millions d’euros que nous destinions aux ménages les plus modestes pour soutenir leur pouvoir d’achat dans la période extrêmement difficile que connaissent les plus fragiles se retrouvent fléchés vers des ménages disposant parfois de revenus très substantiels. Voilà un signal clair de l’équité telle que la conçoit la droite en matière d’impôt et de redistribution !

Quant à la politique économique, nulle alternative non plus. Pourtant, comme sur les économies budgétaires, depuis deux ans, nous ne faisons qu’entendre des critiques à l’encontre du pacte de responsabilité. Mais pas une seule proposition sérieuse n’a été présentée durant ces trois semaines de débat. Au contraire, c’est bien le groupe socialiste qui a fait adopter une mesure permettant de soutenir les petites et moyennes entreprises industrielles françaises dans la compétition mondiale.

Pour ce qui est de l’écotaxe, ceux qui soutenaient les « bonnets rouges » se plaignent ensuite qu’elle soit supprimée. Ce n’est qu’une contradiction et un scandale supplémentaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est vous qui êtes dans la contradiction, pas nous !

M. Francis Delattre. C’est un gag !

M. Jean Germain. Mes chers collègues, ce projet de loi de finances n’est pas le nôtre. Il dénature ce que nous voulons, et je veux ici rappeler rapidement ce que nous voulons.

M. Jean-François Husson. Oui, ce serait bien…

M. Jean Germain. Tout comme M. le secrétaire d'État, nous ne voulons pas de dégradation du solde prévisionnel. Ce que nous voulons, c’est le maintien de la trajectoire d’évolution des dépenses de l’État. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Nous voulons une mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité.

Nous voulons un allégement significatif de 3 milliards d’euros d’impôts sur le revenu pour les familles modestes.

Nous voulons une baisse en valeur absolue des dépenses de l’État. (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.)

M. Jean Germain. Nous voulons aussi, dans cette période difficile, l’adaptation des politiques budgétaires européennes à la situation conjoncturelle et au risque de déflation en Europe,

Autrement dit, ce que nous voulons, ce n’est pas « on sabre tout dans les dépenses » pour faire 100 milliards d’euros d’économies !

Nous voulons aussi une mise en œuvre rapide des mesures de relance pour l’investissement public et privé.

Le groupe socialiste a soutenu cette ligne, tout en proposant des ajustements et en demandant certaines inflexions.

Sur les collectivités locales, nous avons demandé le lissage de la baisse de la dotation générale de fonctionnement sur quatre ans au lieu de trois ans, sans remettre en cause l’objectif de 11 milliards d’euros d’économies, afin de préserver l’investissement local, nous avons demandé le maintien des FDPTP, une stabilisation des dotations aux départements prêts à se regrouper et, enfin, la sanctuarisation de la fiscalité locale pour garantir l’autonomie fiscale.

Les sénateurs socialistes s’engagent en faveur de l’investissement local (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.), mais aussi de la modernisation de notre organisation territoriale. C’est également dans cet état d’esprit constructif qu’ils ont confirmé qu’ils participeraient activement, en 2015, aux travaux de réforme de la DGF.

Mes chers collègues, méfions-nous des idées reçues. La Grande-Bretagne, que vous citez en exemple depuis des mois, voit son déficit passer à 5,6 % du PIB, avec une livre dépréciée. L’Italie, présentée comme « la » grande réformatrice, voit son endettement passer à 133 % du PIB.

Dans notre pays, la réduction du déficit budgétaire est engagée, tout comme celle du déficit commercial, le pacte de responsabilité est acté, les négociations de branche se poursuivent et de nouveaux accords seront conclus avant la fin de l’année. La réforme est en marche.

Nous voterons résolument contre le budget de régression que vous nous présentez, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Corinne Bouchoux et M. Joseph Castelli applaudissent également.)