M. Gérard Roche. Ce qui fait peur – et cela a été effectivement très dur pour moi –, c’est l’isolement, la solitude face à la responsabilité. De ce point de vue, la création de maisons médicales est une bonne chose, non seulement pour les gardes, mais surtout pour rompre cette solitude devant la responsabilité. Ainsi regroupés, les médecins peuvent échanger sur les cas auxquels ils sont confrontés.

J’ajoute que le conventionnement orienté s’applique déjà à d’autres acteurs de la santé : les pharmaciens et, depuis 2008, les infirmiers libéraux et les masseurs-kinésithérapeutes. Ces professions ne se plaignent d'ailleurs absolument pas du conventionnement sélectif qui leur est appliqué et qui a prouvé en quelques années son efficacité pour réduire les écarts de densité. Selon eux, non seulement le conventionnement sélectif s’impose comme une évidence au regard de l’intérêt général, mais il permet en outre une saine régulation de la concurrence à l’intérieur de la profession.

En fait, les professionnels de la santé aujourd'hui régulés ne comprennent pas pourquoi les médecins ne le sont toujours pas. De nombreux médecins, d'ailleurs, admettent cette nécessité.

M. le président. Il vous faudrait conclure, monsieur Roche…

M. Gérard Roche. Le sujet me tient tellement à cœur, monsieur le président, que je n’ai pas vu le temps passer ! (Sourires.) Croyez bien que j’ai été confronté à une vive opposition de la part de certains confrères chaque fois que j’ai défendu cette proposition !

Chacun, de toute façon, aura compris l’esprit de cet amendement. Il vise à instaurer un conventionnement sélectif, ce qui me semble constituer une mesure de justice fondamentale. En effet, il s’agit d’argent public destiné à rendre un service public. C’est la profession médicale libérale qui rend ce service public et la population considère que celui-ci n’est pas rendu comme il devrait l’être. (Mlle Sophie Joissains applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je voudrais préalablement revenir sur l'amendement n° 248 – amendement très intéressant –, qui a été défendu, puis retiré par Mme David.

Un syndicat de médecins que nous avons auditionné, madame la ministre, suggérait que le forfait que nous avons évoqué, et qui est en moyenne de 12 %, puisse être augmenté de manière à rendre le dispositif bien plus incitatif à l’installation dans les zones sous-denses. Bien sûr, cela aurait une incidence financière, mais une régulation est tout à fait envisageable. C’est une piste qui mérite à mon sens d’être étudiée.

J’en viens à l'amendement n° 117 rectifié bis, qui reprend les recommandations du rapport d’information sur les déserts médicaux qu’avait présenté M. Maurey. Il prévoit la mise en place d’un mécanisme de régulation pour l’installation des médecins, à l’image de celui qui existe pour d’autres professions de santé : le conventionnement sélectif.

Sa portée est cependant limitée parce qu’il convient de définir les zones sur-denses avec les médecins et leurs syndicats.

Il pose par ailleurs la question de l’égalité de traitement entre les jeunes médecins contraints dans leur installation et les médecins installés, qui ne subiraient aucune sujétion.

Pour toutes ces raisons, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je ne reviens pas sur le débat que nous avons eu. Les mesures mises en œuvre par le Gouvernement, qui s’inscrivent dans ce que j’ai appelé le Pacte territoire-santé et jouent sur l’ensemble des leviers d’incitation existants, donnent aujourd'hui des résultats. C’est donc l’orientation que nous privilégions.

Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable sur cet amendement, qui ne s’inscrit pas dans cette démarche.

M. le président. La parole est à Alain Milon, pour explication de vote.

M. Alain Milon. C’est en effet à titre personnel que je m’exprime en cet instant, monsieur le président.

Je ne voterai pas l’amendement présenté par notre collègue et ami Gérard Roche, car il soulève de nombreuses questions.

Vous établissez, mon cher collègue, une comparaison avec les pharmaciens, dont le système de régulation existe depuis longtemps et repose sur un contrat passé entre l’ordre des pharmaciens et l’État.

Vous établissez une comparaison avec les infirmiers, dont les syndicats et l’ordre national, contesté, ont signé des contrats avec la sécurité sociale et ont admis le principe. Ce n’est pas le cas des syndicats de médecins.

De surcroît, pourquoi établir une différence entre un médecin qui s’installe en zone sur-dense, qui ne serait pas conventionné de manière autoritaire, et ses confrères qui, eux, seraient conventionnés ? N’est-ce pas inconstitutionnel ?

M. Gilbert Barbier. Absolument !

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Notre collègue et confrère Gérard Roche formule une proposition fort intéressante, vers laquelle nous devons tendre, mais qu’il faudrait auparavant l’étudier de façon plus approfondie.

Il s’agit en quelque sorte d’instaurer un appel d’offres. Le nombre de conventions serait défini pour chaque territoire en fonction de la population. Ensuite, les conventions qui se libèrent seraient offertes pour l’installation.

Il faut toutefois bien y réfléchir. En effet, les zones sur-denses sont déjà favorisées par rapport aux zones sous-denses en termes d’aménagement du territoire. Dans les premières, les collectivités locales n’ont pas besoin de se préoccuper de l’accès aux soins. Dans les secondes, moins peuplées et soumises à la désertification médicale, les collectivités doivent investir pour implanter des maisons de santé pluridisciplinaires, ce qui représente une charge supplémentaire qui n’entre pas directement dans leurs prérogatives. Je m’interroge sur ce point.

Je m’interroge également sur la tarification. Notre système se tourne de plus en plus vers une tarification à l’acte, mais qui est également fonction de certains engagements – diabète, informatisation, etc. -, ce qui me semble représenter un juste milieu entre la médecine salariée qui ne produit pas assez d’actes et la médecine privée qui en produit trop. On a là un niveau intermédiaire intéressant, avec une normalisation des pratiques médicales et, donc, un meilleur suivi des malades.

Le dernier point que je souhaitais aborder concernant cet amendement, c’est l’information des médecins et des étudiants en médecine. Il faut clarifier toutes ces questions afin que ceux qui s’engagent dans le cursus médical soient avertis des règles du jeu. C'est la raison pour laquelle l’adoption de cet amendement me semble prématurée.

J’en profite, madame la ministre, pour appeler votre attention comme je l’ai fait auparavant à propos des avantages accordés aux médecins retraités continuant à exercer. Il existe déjà des cabinets médicaux pluridisciplinaires. Il faut donc que, dans le cadre des ARS, il y ait des projets de santé qui s’adaptent à cette réalité. Car ces espèces de maisons médicales privées constituent à la fois un moyen de transmettre et un moyen d’assurer le service médical, tout en permettant parfois d’éviter des financements par les collectivités publiques. Elles assurent une sorte de tuilage. Aussi convient-il de se pencher davantage sur la question de la succession dans les cabinets médicaux pluridisciplinaires, une solution qui peut être intéressante sur certains territoires.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Mes chers collègues, vous ne serez pas étonnés que notre groupe soutienne cet amendement, moins radical que le nôtre sur la forme, en tout cas moins « effrayant », mais qui reprend, sur le fond, la même idée : celle d’un conventionnement des médecins dans les zones où les besoins sont réels.

Je voudrais revenir brièvement sur les maisons de santé. Qu’on le veuille ou non, celles-ci représentent, dans les territoires ruraux et les zones de montagne, un coût supplémentaire pour les collectivités et, par conséquent, un facteur d’inégalité par rapport aux populations des zones urbaines suffisamment dotées du point de vue de l’offre médicale, qui n’ont pas à subvenir, avec leurs impôts locaux, à la création de ces maisons de santé.

Quoi qu’il en soit, je suis favorable à cette idée de conventionnement. J’ai bien compris que les mesures qui ont été prises commencent à porter leurs fruits. Toutefois, pourquoi ne favoriserions-nous pas davantage le conventionnement là où les besoins se font sentir ? En l’espèce, monsieur le président de la commission, il s’agit d’argent public. À l’heure où chaque dépense doit être mesurée, il convient de s’assurer que l’argent public est bien employé pour répondre à l’intérêt général et non pour servir un autre intérêt.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. En ce qui me concerne, je ne voterai pas l’amendement de notre collègue Roche, bien qu’il l’ait présenté avec la force humaniste qu’on lui connaît et sa connaissance du métier de médecin.

Je pense, en revanche, que c’est une piste sur laquelle nous pourrions sans doute axer nos travaux, dans la recherche de moyens de lutte contre la désertification médicale.

Pour ce qui est des maisons de santé, il ne faut pas y voir une solution unique. C’est tout un ensemble de solutions qui vont nous permettre de lutter contre la désertification médicale.

J’ajoute que ces maisons de santé sont évidemment soutenues financièrement par les communes et les intercommunalités, mais pas seulement par elles. Le conseil régional de la région Nord-Pas-de-Calais, par exemple, accompagne financièrement, et pas de façon anecdotique, les maisons de santé.

Si les élus, que ce soit au niveau local, départemental voire régional, accompagnent la création des maisons de santé, la définition de leur périmètre d’activité doit revenir aux professionnels de santé. Il importe de le souligner afin d’éviter les échecs que l’on a pu constater dans l’implantation de certaines maisons de santé. La seule volonté des élus, aussi louable soit-elle, ne suffit pas.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Ce débat est fort intéressant et touche, au fond, à l’avenir de l’exercice de la médecine. Peut-être trouvera-t-on, par la suite, d’autres solutions que celle de l’exercice de la médecine libérale tel qu’il a été mis en place depuis 1945.

J’ai évoqué cette idée lors de la discussion générale, mais je n’ai pas parlé de privatisation de la sécurité sociale, madame la ministre, ni même d’ailleurs de privatisation du métier de médecin. J’avais simplement indiqué que l’on pourrait certainement penser à la mise en place de références et de systèmes de capitation.

Pour en revenir à l’amendement de notre collègue Roche, il est probablement intéressant, comme l’ont souligné René-Paul Savary, Mme Génisson et Mme David, mais il présente également des dangers. Le médecin installé dans une zone sur-dense ne partira à la retraite que le jour où il aura trouvé un successeur à qui il revendra très cher, le plus cher possible, sa clientèle, sachant qu’il lui laissera la convention. Tant qu’il n’aura pas trouvé un successeur prêt à payer cette somme, il pourra continuer à exercer, surtout s’il est en bonne santé !

Il faudra résoudre ces questions sous-jacentes. Nous ne sommes pas tous des spécialistes de l’économie et du droit, et nous devons faire très attention, lorsque nous voulons mettre en place un système, à toutes ses conséquences financières et juridiques.

Je le répète, je ne voterai pas cet amendement s’il est maintenu, mais je pense que nous devons mener une réflexion sur le mode de financement de l’exercice de la médecine.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. J’abonde dans le sens du président de la commission. L’amendement d’Annie David, les interventions de René-Paul Savary et les propositions de Catherine Génisson et de Gérard Roche vont également dans ce sens. Il s’agit de répondre à la question des déserts médicaux, qui est soulevée par tous les élus locaux.

Mme Annie David. Absolument !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je n’organise pas une réunion dans mon département sans que cette question vienne sur la table ! Il faut donc essayer de trouver des réponses.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Selon moi, il ne faut pas sélectionner les réponses, s’intéressant à certaines et écartant les autres. Ce serait une erreur de s’orienter dans une seule direction. Je ne pense d’ailleurs pas que ce soit votre intention, madame la ministre.

La réponse ne se limite pas aux maisons de santé, elle repose également sur les dispositifs d’installation – peut-être faut-il revoir les forfaits d’installation dans les zones sous-denses –, le conventionnement sélectif dans les zones sur-denses ou encore le dispositif que nous avons voté hier pour inciter les médecins retraités à continuer d’exercer dans les zones sous-denses. Il y a peut-être d’autres réponses à inventer. En tout cas, c’est par un bouquet de mesures que nous répondrons à cette attente vraiment prégnante depuis dix ans.

M. le président. Monsieur Roche, l'amendement n° 117 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Gérard Roche. En dépit de ces multiples interventions, parfois fort sympathiques à mon égard, je reste fermement convaincu du bien-fondé de l’amendement. Cependant, au vu du contexte, je préfère le retirer.

M. le président. L'amendement n° 117 rectifié bis est retiré.

Je vous indique, mes chers collègues, que nous avons examiné 13 amendements en deux heures. Il en reste 131 à examiner. J’invite chacun à tirer les conséquences de ces chiffres pour la suite…

Articles additionnels après l'article 39
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015
Article 41

Article 40

I. – Le chapitre II du titre III du livre IV de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au neuvième alinéa du I de l’article L. 1432-3, les mots : « le budget » sont remplacés par les mots : « le budget et le budget annexe » et les mots : « le rejeter » sont remplacés par les mots : « les rejeter » ;

2° L’article L. 1432-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un budget annexe, soumis aux règles prévues au premier alinéa du présent article, est établi pour la gestion des crédits du fonds d’intervention régional mentionné à l’article L. 1435-8 qui sont délégués à l’agence. » ;

3° Après le 5° de l’article L. 1432-6, il est inséré un 6° ainsi rédigé :

« 6° Des crédits délégués par le fonds d’intervention régional mentionné à l’article L. 1435-8. »

II. – La section 5 du chapitre V du même titre III est ainsi modifiée :

1° Les neuf premiers alinéas de l’article L. 1435-8 sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :

« Un fonds d’intervention régional finance, sur décision des agences régionales de santé, des actions, des expérimentations et, le cas échéant, des structures concourant :

« 1° À la promotion de la santé et à la prévention des maladies, des traumatismes et des pertes d’autonomie ;

« 2° À l’organisation et à la promotion de parcours de santé coordonnés ainsi qu’à la qualité et à la sécurité de l’offre sanitaire et médico-sociale ;

« 3° À la permanence des soins et à la répartition des professionnels et des structures de santé sur le territoire ;

« 4° À l’efficience des structures sanitaires et médico-sociales et à l’amélioration des conditions de travail de leurs personnels ;

« 5° Au développement de la démocratie sanitaire. » ;

2° L’article L. 1435-9 est ainsi modifié :

a) Au a, après le mot : « maladies », sont insérés les mots : « , des traumatismes » ;

b) Au b, les mots : « des handicaps et de la perte » sont remplacés par les mots : « des pertes » ;

3° Les trois derniers alinéas de l’article L. 1435-10 sont ainsi rédigés :

« Les crédits du fonds, délégués aux agences régionales de santé, sont gérés dans le cadre du budget annexe mentionné à l’article L. 1432-5. Le paiement des dépenses des budgets annexes des agences régionales de santé peut être confié, par arrêté des ministres chargés de la santé, du budget et de la sécurité sociale, à un organisme chargé de la gestion d’un régime obligatoire de l’assurance maladie lorsque les sommes sont directement versées aux professionnels de santé.

« Les crédits des budgets annexes non consommés en fin d’exercice peuvent être reportés sur l’exercice suivant, dans la limite d’un plafond. Les crédits non consommés qui ne sont pas reportés sur l’exercice suivant en raison de ce plafonnement peuvent être reversés à l’État, à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés ou à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, dans des conditions et limites fixées par arrêté des ministres chargés de la santé, du budget, de la sécurité sociale, des personnes âgées et des personnes handicapées. Les sommes notifiées par les agences régionales de santé au titre d’un exercice pour des actions, expérimentations et structures financées par les crédits du fonds sont prescrites au 31 décembre du troisième exercice suivant celui de leur notification. Les modalités d’application du présent alinéa sont fixées par décret.

« En vue d’assurer un suivi de l’utilisation des dotations affectées au fonds d’intervention régional, le ministre chargé de la santé est informé de l’exécution des budgets annexes dans des conditions fixées par décret. Un bilan de l’exécution des budgets et des comptes de l’année précédente, élaboré sur la base des données transmises par chaque agence régionale de santé, est adressé au Parlement avant le 15 octobre de chaque année. Ce bilan contient notamment une analyse du bien-fondé du périmètre des actions mentionnées à l’article L. 1435-8, de l’évolution du montant des dotations régionales annuelles affectées au fonds ainsi qu’une explicitation des critères de répartition régionale. »

III. – Les I et 2° du II du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2016.

M. le président. L'amendement n° 294, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Gattolin, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Après le mot :

santé

insérer les mots :

, notamment dans le but de favoriser l’implication directe de la population,

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. J’avais déjà déposé cet amendement l’année dernière, mais il n’avait pu être examiné, pour les raisons que vous savez.

L’article 40 du présent projet de loi est très positif parce qu’il remanie les axes du fonds d’intervention régional, le FIR, et surtout parce qu’il crée une ligne dédiée à la prévention. Je voterai donc cet article. Néanmoins, je souhaiterais qu’y soit introduite une précision supplémentaire, en mentionnant « l’implication directe de la population » parmi les actions de prévention.

En effet, les pratiques d’implication des patients par les professionnels sont aujourd'hui assez nombreuses. On parle de patients « experts » ou « pairs », ou encore de « santé communautaire ». Cette dernière expression, employée notamment en Belgique et au Québec, est parfois mal comprise en France, car on l’associe à tort au communautarisme. La santé communautaire renvoie en fait à un travail mené avec un groupe : la population d’un quartier ou d’une zone rurale, par exemple. Les patients sont ainsi impliqués de manière efficace : ils deviennent acteurs de leur santé.

On regrette souvent, dans cet hémicycle, que certaines politiques de prévention manquent leur cible et ne soient pas assez efficaces. Il me semble que ces pratiques apportent une partie de la réponse.

Compte tenu de l’éclatement et du cloisonnement des structures, mais aussi des enjeux de pouvoir locaux, faire travailler ensemble toutes les forces d’un quartier ou d’une zone rurale est souvent compliqué. Il existe cependant de nombreuses initiatives, qui concernent en particulier des zones où la population en situation de précarité est majoritaire. Il s’agit, par exemple, d’ateliers de sensibilisation sur des thématiques de prévention ou d’éducation à la santé, qui mobilisent, aux côtés des professionnels de santé, des patients « experts » ou « pairs » ; la « maison de santé dispersée », dans le quartier de Moulins, à Lille, en est un exemple. L’intervention concomitante de médiateurs facilite la communication et l’adhésion des publics visés par les actions, tout en favorisant la prise en compte de ce que l’on appelle les « savoirs profanes ».

Ces initiatives de terrain doivent être officiellement reconnues. Il est important, après des années de tâtonnements, qu’un cadre et des opportunités de financement leur soient octroyés. Plusieurs agences régionales de santé ont d’ailleurs pris les devants, en identifiant des priorités relevant de ce type de pratiques dans le cadre de leur programme régional d’accès à la prévention et aux soins, ou PRAPS. L’adoption de cet amendement permettrait de donner une impulsion nationale beaucoup plus forte et garantirait une plus grande efficacité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Qui, madame Archimbaud, ne serait favorable à cette implication de la population ? C’est le principe même d’une démocratie bien vécue. Cependant, je pense que l’implication de la population fait déjà partie intégrante de la démocratie sanitaire. La précision proposée ne me semble donc pas nécessaire. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Je considère, moi aussi, que l’intention est louable, madame la sénatrice, et je comprends très bien l’objectif de votre amendement. Néanmoins, l’expression « santé communautaire » n’est pas très claire pour les citoyens français, car elle est peu utilisée en France.

Je pense que l’expression « démocratie sanitaire », qui couvre certes un champ plus vaste, je vous l’accorde, est beaucoup plus claire. Cette expression étant explicitement mentionnée dans l’article 40, je ne vois pas bien l’intérêt d’ajouter l’expression « santé communautaire ».

La notion de « démocratie sanitaire » implique déjà de prendre en compte l’avis de la population, et en particulier des patients. Or l’article 40 précise que l’une des missions du FIR est de concourir au « développement de la démocratie sanitaire ». De surcroît, ce développement sera l’un des points forts du projet de loi relatif à la santé, qui sera bientôt examiné par le Parlement.

Votre amendement est donc satisfait. C'est pourquoi je vous invite à le retirer ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.

M. le président. Madame Archimbaud, l'amendement n° 294 est-il maintenu ?

Mme Aline Archimbaud. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

Il vise simplement à insérer les mots : « notamment dans le but de favoriser l’implication directe de la population ». C’est tout ! C’est une façon de reconnaître et même de saluer des pratiques qui existent. J’en connais de nombreux exemples, dans plusieurs territoires, à commencer par la Seine-Saint-Denis. Ces pratiques sont très efficaces. Je n’ai évidemment rien contre la « démocratie sanitaire », mais il ne s’agit pas seulement de demander l’avis des gens : il faut les impliquer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 294.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 54, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 10

Remplacer les mots :

et des pertes d’autonomie 

par les mots :

, du handicap et de la perte d’autonomie 

II. – Alinéa 17

Supprimer cet alinéa.

III. – Alinéa 22

Après les mots :

et 2°

insérer les mots :

et 3°

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Remplacer la notion de « handicap et de perte d’autonomie » par celle de « pertes d’autonomie », comme le fait cet article relatif aux actions financées par le FIR, paraît source de difficultés, car certains handicaps, et notamment, par définition, les handicaps de naissance, ne se traduisent pas par des « pertes » d’autonomie. Il semble donc préférable de maintenir la formulation actuelle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 295, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Gattolin, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par les mots :

, en particulier par des démarches transversales mobilisant plusieurs sources de financements ou contribuant à la mise en œuvre de politiques relevant de plusieurs ministères

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Cet amendement vise à soutenir les démarches transversales mobilisant plusieurs sources de financement ou contribuant à la mise en œuvre de politiques relevant de plusieurs ministères.

Un certain nombre de pratiques existent aujourd'hui ; j’ai pu le constater lors des auditions que j’ai organisées dans le cadre de ma mission sur l’accès aux soins des plus démunis. Ces pratiques se heurtent cependant à la complexité des démarches à accomplir. Derrière ces difficultés, c’est la question de la transversalité des politiques qui se pose. Le caractère multidimensionnel et cumulatif des facteurs d’exclusion et de pauvreté implique en effet de mobiliser simultanément plusieurs leviers : santé, emploi, logement, politique scolaire, etc.

Les projets à cheval sur plusieurs domaines – ils peuvent, par exemple, conjuguer accès au logement et accès aux soins de santé – rencontrent de grandes difficultés. J’ai constaté cette réalité ; je suis même intervenue à plusieurs reprises pour essayer d’y remédier. Les responsables sont renvoyés d’un service à l’autre, voire d’un ministère à l’autre, ce qui leur fait perdre beaucoup d’énergie, au point parfois de miner leurs projets. Il revient donc aux agences régionales de santé de les soutenir, en étroite concertation avec leurs partenaires et avec les opérateurs, de façon à imposer à l’action publique une vision large et transversale des inégalités sociales de santé.

Si le Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale manifeste un souci louable d’amélioration de la coordination et de la gouvernance des interventions à l’échelon local, il n’en relève pas moins d’une construction « en tuyaux d’orgue » que seul un pilotage interministériel dynamique et constant permettra de surmonter, tant il reflète le fonctionnement actuel des administrations centrales.

C'est pourquoi nous proposons que l’objectif de favoriser la transversalité des financements et des projets figure explicitement dans les objectifs du FIR, associé à la promotion de la santé, laquelle, dans certains cas, ne peut être conçue que transversalement, avec des programmes alliant parfois santé et logement, santé et culture, santé et alimentation, santé et éducation, santé et insertion professionnelle, etc.