M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez examiné la semaine dernière le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, et cet examen s’est soldé par un rejet.

Le contenu de ce texte a été parfaitement détaillé en commission et en première lecture par votre rapporteur. Aussi n’est-il pas indispensable d’en présenter de manière approfondie les articles, que vous connaissez et avez en partie adoptés.

Je souhaite néanmoins rappeler la démarche globale dans laquelle s’inscrit ce texte.

Il s’agit d’abord, vous le savez, de renforcer la croissance au moyen du soutien à l’emploi, d’une part, et à la compétitivité des entreprises, d’autre part.

Pour atteindre cet objectif, nous avons un premier levier d’action : redonner aux entreprises les marges et la visibilité nécessaires à leurs projets.

Tel est le sens de la nouvelle baisse du coût du travail ciblée sur les bas salaires jusqu’à 1,6 fois le SMIC. C’est aussi dans cette logique que les cotisations personnelles des travailleurs indépendants et des exploitants agricoles seront réduites dans le cadre d’une exonération qui concernera 90 % des artisans et commerçants et environ 95 % des non-salariés agricoles.

Nous avons un deuxième levier d’action : alléger la fiscalité des entreprises pesant sur la production, dans le but de soutenir l’investissement.

C’est dans cette perspective que nous vous proposons d’agir sur la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, particulièrement décriée en tant qu’impôt « antiéconomique ». Payée par les entreprises à proportion de leur chiffre d’affaires, la C3S pénalise principalement le secteur industriel, qui est au cœur de nos préoccupations.

Le Gouvernement propose de réduire la C3S dès 2015, avec une suppression prévue pour toutes les entreprises à l'horizon de 2017. Un abattement permettra aux deux tiers des 300 000 redevables d’être totalement exonérés dès 2015.

Je précise que l’effet sur la sécurité sociale des différentes mesures contenues dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 sera intégralement compensé, selon des modalités qui seront définies dans les lois financières pour 2015.

Cette compensation aura un impact sur les finances de l’État – il faut en être conscient –, mais l’effort est nécessaire et à la mesure de notre engagement en faveur de l’investissement et de la compétitivité des entreprises.

Enfin, et je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que le sujet vous tient à cœur, les députés ont souhaité concrétiser, dans une version davantage ciblée sur les publics qui en ont le plus besoin, le souhait que vous aviez exprimé qu’un geste soit fait en direction des particuliers employeurs, notamment en matière de garde d’enfants, lorsque l’âge des enfants ne permet pas de bénéficier d’aides des caisses d’allocations familiales, et en direction de certaines personnes fragiles qui n’ont pas droit aujourd’hui aux aides, notamment parce qu’elles ne sont pas reconnues comme suffisamment dépendantes.

Cette démarche ciblée, plus proche de ce que nos finances publiques peuvent raisonnablement supporter que ne le serait une hausse généralisée de l’abattement, est néanmoins une modification constructive à laquelle vous serez sensibles.

Sachez que ces baisses de prélèvement sont financées, comme le Gouvernement s’y est engagé, par la maîtrise concomitante des finances publiques. Je souhaite à cet égard rappeler que, depuis 2012, la progression de la dépense publique est tout à fait maîtrisée. Les mesures adoptées pour 2013 ont permis d’obtenir des résultats importants : la dépense publique a augmenté en valeur de 2 %, son plus bas niveau depuis 1998.

Vous avez déjà débattu la semaine dernière des économies qui seront réalisées sur les dépenses de l’État dans le cadre du débat d’orientation des finances publiques. Chacun a pu alors prendre la mesure de l’ampleur de l’effort prévu, mais aussi constater que la maîtrise de la dépense préservait, au sein du budget de l’État, les moyens nécessaires au financement des priorités du Gouvernement. Il s’agit de faire des choix et d’agir sur les marges pour réaliser des économies, sans remettre en cause le champ d’action de l’État, sans réduire la qualité du service public, sans renoncer à notre modèle social.

À cet égard, je veux insister devant vous sur la nécessité des économies prévues dans la sphère sociale.

Les économies ne sont jamais faciles à mettre en œuvre, mais celles que nous vous proposons sont équilibrées, puisque les prestations des plus modestes sont largement ou totalement préservées.

En outre, ces mesures d’économies ne doivent pas faire oublier les dispositions en faveur des assurés que nous défendons. Je pense à la revalorisation du plan pauvreté et à la revalorisation exceptionnelle du minimum vieillesse.

Un travail de fond a été conduit avec la majorité parlementaire sur l’ensemble du pacte, pour aménager certaines mesures, pour aboutir à un meilleur équilibre et renforcer la cohérence de l’ensemble avec les dispositions prises en faveur des plus modestes.

Le Sénat a modifié le texte en première lecture pour en retirer plusieurs mesures d’économie proposées. Le Gouvernement a répondu à ces amendements. Il ne s’agit pas pour autant de remettre en cause l’effort : les économies qui ne seront plus faites au moyen de tel ou tel dispositif seront effectuées d’une autre manière, dans le cadre de la poursuite du dialogue avec le Parlement.

Reste un élément de l’équilibre du pacte, en apparence extérieur à ce texte, mais qui en constitue pourtant une condition essentielle. Je veux bien entendu parler des contreparties.

Le Premier ministre l’a rappelé lors de la clôture de la grande conférence sociale, l’effort consenti par la puissance publique est sans précédent et il implique légitimement des contreparties en faveur de l’emploi. C’est un principe que le Gouvernement s’est fixé : à l’engagement de l’État doit correspondre un engagement de tous pour l’emploi. Tout l’enjeu est alors de se laisser la possibilité de réévaluer les efforts de l’État à l’aune de ceux des entreprises.

Aussi le Gouvernement souhaite-t-il mettre en place un dispositif de suivi du pacte de responsabilité et de solidarité, afin de garantir que les sommes ainsi perçues par les entreprises sont effectivement affectées à l’emploi et à l’investissement.

Sur ce point encore, le Président de la République et le Premier ministre ont été clairs la semaine dernière : pour mieux suivre les aides aux entreprises, les missions du comité de suivi du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, seront élargies afin que nous disposions d’un outil d’évaluation pérenne de l’usage des aides et de leur efficacité.

Dans chaque branche, les partenaires sociaux seront chargés de s’assurer de la bonne affectation des marges de manœuvre ainsi dégagées.

Vous avez adopté en première lecture, sur l’initiative du rapporteur général, un amendement pour que l’emploi des aides aux entreprises figure parmi les thèmes de la négociation annuelle obligatoire au niveau des entreprises. C’est un bon moyen de s’assurer que le pacte sera pris en compte dans les orientations stratégiques de l’entreprise.

Comme vous le savez, et j’y tiens tout particulièrement, si les deux textes financiers de cet été, le projet de loi de finances rectificative et le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, tracent bien des perspectives jusqu’en 2017, ils ne contiennent que les mesures pour 2014 et 2015. En effet, il est indispensable de pouvoir s’assurer que les entreprises assumeront bien la contrepartie de l’effort du Gouvernement. Après cette première étape, un bilan devra être fait qui conditionnera la poursuite de la mise en œuvre des mesures du pacte.

C’est une garantie que nous nous donnons, c’est la condition de la réciprocité et, en fin de compte, de l’efficacité de l’effort consenti par la puissance publique.

Un important travail de fond a donc été conduit avec la majorité parlementaire et les partenaires pour mettre au point ce dispositif. Il garantit l’équilibre du pacte et il en renforce la légitimité aux yeux de tous. Car c’est bien là que se joue aussi le pacte de responsabilité et de solidarité : dans sa capacité à rassembler, à faire dialoguer les acteurs économiques et sociaux, à dépasser les clivages et à créer une dynamique d’échanges et de mobilisation collective au service de l’emploi.

C’est le défi que nous devons relever cette année, et il est déterminant pour l’avenir de notre pays parce que ce sont tous les Français qui ont à y gagner !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous sommes donc saisis en nouvelle lecture du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.

Après son passage à l’Assemblée nationale en première lecture, le projet de loi comportait vingt et un articles, cinq articles additionnels étant venus compléter les seize articles du texte initial. Pour l’essentiel, et c’était prévisible, l’Assemblée nationale a repris le texte issu de ses travaux de première lecture après le rejet par notre assemblée, le 16 juillet dernier, et l’échec de la commission mixte paritaire, le 17 juillet.

Ainsi que nous y invite l’article liminaire, qui retrace les soldes de l’ensemble de nos comptes publics, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale doit être replacé, avec le projet de loi de finances rectificative, dans le contexte plus global dans lequel il s’inscrit, celui d’une croissance économique atone, d’un chômage dramatiquement élevé et de comptes publics structurellement déséquilibrés.

Pour y apporter une réponse, le projet de loi traduit les engagements pris par le Président de la République dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité, déclinés dans différents textes financiers présents et à venir.

Le mot d’ordre du pacte de responsabilité est la confiance. C’est au nom de cette confiance que nous devons refuser l’idée, par exemple, de conditionnalités strictes.

C’est l’idée de travailler ensemble, de conjuguer les efforts de l’État, des ménages et des entreprises pour trouver un nouvel élan, et redonner des perspectives à notre économie, voire, au-delà, à notre société, gagnée par la morosité et, parfois, par le fatalisme, alors qu’elle dispose, nous le savons, de vrais atouts.

Pour ce faire, comme je le soulignais déjà en première lecture, le projet de loi se décline dans un triptyque qui forme un tout cohérent : le soutien à la consommation des ménages modestes, le soutien à la compétitivité des entreprises et une trajectoire de redressement des comptes publics.

Le soutien aux ménages, tout d’abord.

C’est l’engagement pris, après les efforts récents, de ne plus augmenter les prélèvements des classes moyennes, de soutenir le pouvoir d’achat des bas salaires et d’accroître la solidarité envers les plus fragiles. Je rappelle, ainsi, que les minima sociaux ne sont pas concernés par le gel de prestations, bien au contraire. Dans un contexte difficile, l’effort envers les plus fragiles n’est pas seulement préservé, il est accru.

L’article 1er du projet de loi, via la baisse des cotisations salariales, introduit une progressivité des prélèvements salariaux et redonnera du salaire net aux salariés, mais aussi aux fonctionnaires dont le revenu se situe à proximité du SMIC. Cet effort, qui représente 2,5 milliards d’euros injectés dans le pouvoir d’achat des ménages, se combine avec l’aménagement du barème de l’impôt sur le revenu porté par le collectif budgétaire.

Le soutien à la compétitivité des entreprises, ensuite.

Dans un climat économique difficile, le pacte vise à soutenir l’investissement des entreprises, à améliorer leur compétitivité à l’export, au moment précis où nous attendons la reprise de la croissance, portée par la demande mondiale.

Ce volet central du pacte repose sur une amplification du mécanisme de la réduction dégressive des cotisations patronales sur les bas salaires afin de parvenir à un niveau de « zéro charges URSSAF » pour le SMIC, et ce à compter du 1er janvier 2015. Il instaure également un taux réduit de cotisations d’allocations familiales sur les bas salaires. Il prévoit, enfin, de réduire les cotisations d’allocations familiales des travailleurs indépendants, agricoles et non agricoles, pour les bas revenus. L’allégement des charges des entreprises passe aussi par la suppression progressive, d’ici à 2017, de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S.

Au total, les articles 2 et 3 du projet de loi représentent un effort de 6,5 milliards d’euros en 2015.

La trajectoire globale de redressement des finances publiques, enfin.

Dans le cadre fixé par le programme de stabilité 2014-2017, le pacte prévoit une réduction ambitieuse de notre déficit, avec un plan d’économies de 50 milliards d’euros sur toute la période. Notre système de protection sociale devra prendre sa part, soit 21 milliards d’euros, c'est-à-dire 42 %, à hauteur de son poids dans les dépenses publiques.

Pour garantir l’avenir de ce système, qui a bien joué son rôle dans la crise, il faut en redresser les équilibres financiers, j’en dirai un mot.

Je rappelle, tout d’abord, que, d’après la loi de programmation en cours, votée à la fin de l’année 2012, le retour à l’équilibre des comptes sociaux, toutes administrations de sécurité sociale confondues, était prévu en 2014. Nous avons consenti pour cela un effort de maîtrise des dépenses et de remise à niveau des recettes. Or, si les objectifs de dépenses ont été tenus, notamment en ce qui concerne l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, pour la quatrième année consécutive, les recettes, en raison d’une croissance faible, n’ont pas été au rendez-vous, les déficits sociaux s’élevant à 12,5 milliards d’euros pour 2014.

Le projet de loi dégrade, par conséquent, la prévision de solde des régimes obligatoires de base à moins 10,1 milliards d’euros, contre moins 9,8 milliards prévus en loi de financement pour 2014. Pour sa part, le solde du régime général, avec moins 9,8 milliards d’euros, passe sous la barre symbolique des 10 milliards. Ce solde est la conséquence d’un double phénomène : 1,7 milliard de moins en volume sur les recettes et 1,4 milliard de moins en volume sur les dépenses. Cette révision de l’objectif de dépenses est due, pour l’essentiel, au rebasage de l’ONDAM

L’article 9 prévoit le gel du montant des pensions de retraite de base, qui doivent normalement faire l’objet d’une revalorisation au 1er octobre prochain.

Les économies réalisées représenteraient, en année pleine, près de 1 milliard d’euros, soit en moyenne 11 euros par mois et par retraité.

Je rappelle que près de la moitié des retraités, soit 6,5 millions de personnes, ne seront pas concernés par ce gel, dans la mesure où leur pension est inférieure à 1 200 euros bruts par mois.

Le gel des prestations peut être discuté, mais il est la moins mauvaise des solutions par rapport à des coupes dans les prestations. Dans une période de faible inflation, il constitue, certes, un effort aux bénéficiaires, mais ne porte que sur la moitié de la population concernée.

En ce qui concerne le périmètre des ménages et pour le seul projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, les 935 millions d’euros de gel des pensions en 2015 sont à comparer aux 2,5 milliards d’euros de pouvoir d’achat rendus aux actifs les plus modestes, sans prise en compte des mesures fiscales inscrites dans le collectif budgétaire en faveur des ménages également les plus modestes.

En première lecture, l’Assemblée nationale avait adopté cinq articles additionnels.

Inséré à la suite d’un amendement du Gouvernement, l’article 9 bis prévoit d’élargir le champ de la recommandation temporaire d’utilisation, la RTU, en autorisant l’usage de médicaments hors de leur autorisation de mise sur le marché, dès lors qu’il n’existe pas de spécialité possédant la même substance active, le même dosage et la même forme pharmaceutique.

Les articles 9 ter à 9 sexies comportent diverses mesures relatives aux complémentaires santé. Je ne les reprendrai pas.

En nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a adopté, pour l’essentiel, des amendements rédactionnels ou de coordination.

À l’article 2, elle a adopté un amendement relatif à la réduction forfaitaire de cotisations applicable aux particuliers employeurs. Elle a porté cette réduction à 1,50 euro pour les services de garde d’enfants, les services aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées.

Cette disposition est voisine, pour ne pas dire qu’elle s’en est inspirée, de celle que la commission des affaires sociales du Sénat avait proposée lors de l’examen du texte, sans lui être non plus tout à fait comparable.

Je me félicite, tout d’abord, de cette évolution, qui a été rendue possible à l’Assemblée nationale après le blocage, ici, au Sénat.

Dans ce dossier des particuliers employeurs, deux logiques sont à l’œuvre : une logique de soutien aux publics fragiles, d’une part, qui est largement satisfaite par l’amendement adopté par l’Assemblée nationale, dans l’attente des précisions que le Gouvernement apportera par décret ; une logique de reconquête de l’emploi déclaré et de développement de l’emploi à domicile, d’autre part.

Sur ce point, l’amendement ne répond que partiellement aux objectifs et met en place un dispositif qui paraît complexe. Comment contrôler en effet l’écart de réduction de cotisations entre la garde d’enfants et le soutien scolaire à ces mêmes enfants ou encore l’entretien du domicile de cette même famille ? Il faudra faire entrer dans l’outil de déclaration de cotisations des éléments du contrat de travail qui n’y figuraient pas jusqu’à présent.

Je suis cependant favorable – je le dis très clairement – à l’exclusion de la niche sociale, mais aussi de la niche fiscale des emplois cités par Christian Eckert à l’appui de son argumentation contre l’amendement du Sénat, la semaine dernière, même si nous ne pensons pas que les professeurs de claquettes – exemple qui avait été cité – soient légion parmi les emplois à domicile. (Sourires.)

Aussi, il est vraisemblable que la disposition adoptée par l’Assemblée nationale - et que je soutiens, madame la ministre, pour répondre à la question que vous avez posée -, a vocation à être temporaire.

Il est souhaitable que le Gouvernement engage, puisque c’est du domaine réglementaire, un travail sur les emplois éligibles à la déduction forfaitaire avant, peut-être, d’unifier son taux. Si l’on considère qu’un emploi donné ne doit pas bénéficier du soutien public, pourquoi le faire bénéficier de la réduction forfaitaire, fût-elle réduite de moitié ?

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà les observations que je souhaitais vous livrer sur ce sujet des emplois à domicile.

Pour l’essentiel, les autres mesures contenues dans ce texte sont bien connues, puisqu’elles sont discutées depuis maintenant plus de six mois. Le temps est venu de les concrétiser et de traduire dans le droit ces orientations.

Lors de la réunion de la commission, ce matin, j’avais proposé à mes collègues d’émettre un avis favorable sur le projet de loi dans sa rédaction issue de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. À la suite d’un partage des voix, la commission n’a pas adopté les conclusions que je lui proposais. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Roche.

M. Gérard Roche. Madame la présidente, madame « la » ministre (Mme la ministre sourit.),…

M. Jacky Le Menn. Il a bien retenu la leçon ! (Sourires.)

M. Gérard Roche. … monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, comme vous le savez, nous avons été très déçus, et attristés, de la manière dont la discussion de ce texte s’est déroulée en première lecture.

Nous l’abordions sans dogmatisme ni a priori, avec un esprit d’ouverture dont nous espérions qu’il transcenderait les clivages politiciens.

Notre Haute Assemblée avait notamment fait adopter le doublement de la réduction de cotisation par heure d’emploi à domicile déclaré. Nous étions très attachés à cet amendement parce que l’emploi à domicile est un secteur d’avenir qui doit être soutenu. Cet amendement avait en outre valeur symbolique.

En effet, après la suppression des aménagements fiscaux dont jouissaient les particuliers employeurs, à savoir l’abattement de quinze points sur les cotisations patronales, supprimé le 1er janvier 2012, et le forfait, supprimé le 1er janvier 2013, et malgré l’instauration d’une réduction de cotisations de 75 centimes par heure déclarée, le nombre d’heures déclarées a baissé de 7 % en 2013, soit une perte d’au moins 16 000 équivalents temps plein, après une première baisse d’au moins 12 000 ETP en 2012.

En deux ans, le nombre de particuliers employeurs a reculé de 3,2 % et le nombre d’heures déclarées a chuté de 6,1 %. Ce volet touche entre 30 000 et 40 000 personnes.

Or, à chacune de ces mesures, nous avions tiré la sonnette d’alarme pour dire que toucher à ce régime fiscal menacerait l’emploi à domicile, à tout le moins l’emploi déclaré. Parce que, in fine, la perte d’emploi déclaré est une perte de cotisations, estimée à 120 millions d’euros par an.

Nous ne pouvions donc que soutenir l’amendement de notre rapporteur général, Yves Daudigny, dont je salue au passage l’excellent travail et l’abnégation. Cet amendement a été adopté à l’unanimité du Sénat.

Mais le Gouvernement, au lieu de respecter notre vote et ce consensus de bon sens, n’a rien trouvé de mieux que de nous demander de nous prononcer sur les recettes par un vote bloqué à l’occasion d’une seconde délibération, pour revenir à son texte initial !

Dans ces conditions, alors que nous avions l’intention de voter les recettes – monsieur le secrétaire d'État, vous nous aviez peu ou prou accusé de mensonge, la semaine dernière –,…

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ce n’est pas à vous que je m’adressais alors !

M. Gérard Roche. … nous avons été contraints de nous y opposer. Le débat a ainsi tourné court.

Madame la ministre, puisque ce débat n’a pas eu lieu en première lecture, pourquoi aurait-il lieu davantage en nouvelle lecture ?

Notre position sur ce texte est connue. Oui, nous étions prêts à voter la partie « recettes » du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale parce que nous soutenons les baisses de charges sur les bas salaires : baisses des charges salariales pour redonner du pouvoir d’achat et, surtout, baisses des charges patronales pour redynamiser la compétitivité de nos entreprises.

Ce volet-là du pacte de responsabilité, nous ne pouvions que le soutenir. En revanche, vos options de financement restent pour le moins évasives. Le résultat, c’est un projet de loi de financement rectificative totalement déséquilibré.

Face aux 9 milliards d’euros de manque à gagner pour la sécurité sociale en 2015, que nous proposez-vous ? Ils seront compensés ! C’est la seule certitude que nous ayons, puisque le code de la sécurité sociale l’impose.

M. Gérard Roche. Pour l’instant, la seule mesure concrète proposée par le Gouvernement dans le présent projet de loi est le gel des pensions de retraite à partir de 1 200 euros bruts, puis celui des allocations familiales en 2015.

Ces deux mesures ne devraient rapporter que 1,3 milliard d’euros. Elles ne sont donc pas en proportion des besoins. De plus, elles sont discutables sur le plan éthique, car il n’est pas juste de faire contribuer ainsi les plus modestes.

Pour le reste, on évolue dans le flou le plus total.

Le Gouvernement s’étant engagé à ne plus toucher à la fiscalité, le plan repose sur 50 milliards d’euros d’économies réalisées par l’ensemble des administrations publiques : 18 milliards d’euros pour l’État – on attend toujours des informations complémentaires pour pouvoir en juger –…

M. Jean-Pierre Caffet. Elles viendront !

M. Gérard Roche. … et 11 milliards d’euros pour les collectivités. Comment ? Cela, on le devine : avec une baisse des dotations globales de fonctionnement grâce à la réforme des collectivités territoriales.

Je ne reviens pas sur le reste à charge pour la sécurité sociale.

La représentation nationale a droit à un peu plus d’information, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État. Nous ne pouvons pas accepter que vous entreteniez plus longtemps le flou sur vos options budgétaires pour ne pas avoir le courage de poser ouvertement la véritable question sur laquelle nous revenons sans cesse : celle de la fiscalisation, par la TVA ou la CSG, du financement de la protection sociale. Là est le problème de fond, selon moi.

Dans ces conditions, et afin de ne pas perdre davantage de temps parlementaire, le groupe UDI-UC restera sur sa position initiale. Nous voterons la partie « recettes », d’autant plus que l’amendement phare de notre rapporteur général, Yves Daudigny, voté à l’unanimité par la Haute Assemblée, a été en partie repris – quelque peu modifié, mais l’essentiel est préservé – par l’Assemblée nationale.

In fine, nous ne pouvons pas voter ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 devant autant d’imprécisions sur les économies à faire et en l’absence d’ouverture vers une fiscalisation partielle par la CSG et, surtout, par la TVA sociale. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, en recourant à une seconde délibération, couplée à un vote bloqué, vous avez fait la démonstration de la faiblesse du Gouvernement.

Sur le fond comme sur la forme, sur la procédure parlementaire comme sur le contenu même de ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, vous vous êtes montrés incapables d’apporter des solutions permettant de réunir autour de vous la gauche dans son ensemble.

En réponse à mon intervention dans la discussion générale, vous m’aviez indiqué, madame la ministre, qu’il ne suffisait pas de claquer des doigts pour créer des emplois et financer notre système de protection sociale.

Cela fait plus de vingt ans que des allégements massifs de cotisations sociales sont consentis (M. Éric Bocquet le confirme), plus de vingt ans que les gouvernements successifs génèrent de la dette sociale pour prétendument soutenir l’emploi. Mais pour quels résultats ? Aucun chiffre en réalité ne permet de prouver clairement que ce type de mesures permet de créer des emplois.

Alors, je vous retourne la question, madame la ministre : sur quelles études d’impact vous fondez-vous pour affirmer que les mesures d’allégements de cotisations patronales contenues dans ce projet de loi de financement rectificative permettront d’améliorer la situation économique de notre pays ?

Quant aux mesures de compensation, pourtant obligatoires, vous êtes toujours dans l’incapacité de nous dire comment elles seront organisées !

Une chose est sûre : ces mesures seront fiscales, elles pèseront sur les familles et les ménages, puisque votre objectif est de réduire les prélèvements supportés par les entreprises !

Si je comprends votre gêne à les annoncer publiquement, je ne peux que dénoncer ce manque de considération envers les parlementaires.

De la même manière, vous avez refusé de nous dire quelles seraient les contraintes – ou tout du moins les contreparties – à la charge des entreprises pour pouvoir prétendre au bénéfice de ces exonérations. Ces silences gardés, alors que vous ne nous avez toujours pas clairement expliqué comment des mesures de réduction de cotisations sociales pour 2015 pouvaient être présentes dans un PLFRSS pour 2014, nous ont conduits à voter contre les recettes que vous nous proposiez.

J’observe que nous n’avons pas été isolés, puisque les sénatrices et sénateurs du groupe écologiste se sont abstenus et qu’il vous aura manqué les voix non seulement de deux sénateurs socialistes qui, c’est un fait notable, ont également voté contre votre texte, mais même celle du rapporteur général, qui a préféré ne pas prendre part au vote.

Je vois dans cette situation la traduction d’un mécontentement grandissant au sein de la majorité sénatoriale quand, de l’autre côté de l’hémicycle, votre projet avait plutôt suscité la bienveillance du groupe UDI-UC, qui, déjà en commission, avait annoncé vouloir adopter les recettes pour examiner les dépenses, et de l’UMP, qui avait annoncé vouloir s’abstenir.

Et pour cause ! Vos réductions de cotisations sociales ne diffèrent pas réellement du plan massif d’exonérations mis en place par François Fillon. De ce fait, et on l’a vu au cours des débats, la droite ne vous reproche plus grand-chose, si ce n’est de ne pas aller plus vite et plus loin dans les politiques « austéritaires ».

Et pourtant, malgré ce soutien de la droite et du centre, vous avez fait le choix d’imposer au Sénat une seconde délibération destinée à revenir notamment sur un amendement adopté à l’unanimité. Et tout cela pour faire volte-face à l’Assemblée nationale quelques jours plus tard ! Permettez-moi de vous dire combien certains propos tenus ici par M. Eckert nous paraissent, avec ce recul, encore plus méprisants.

À l’issue de nos débats, nous avions été nombreux et nombreuses à nous interroger sur les motifs qui vous ont conduits à un tel comportement.

J’y vois pour ma part votre crainte de devoir publiquement afficher le soutien, même relatif, de la droite sénatoriale à votre projet de loi, en plus de celui qu’a déjà exprimé le MEDEF.

J’y vois aussi la crainte de devoir vous expliquer plus avant sur l’article 7, qui, une nouvelle fois, comme vous l’aviez proposé dans votre réforme des retraites, prévoit de geler les pensions au point de faire baisser le pouvoir d’achat des retraités.

Cette mesure est contestée par tout le monde, ou presque ! Mais vous persistez.

Chacun des groupes parlementaires qui composent la Haute Assemblée, exception faite du groupe socialiste, a déposé un amendement de suppression de cette mesure, qui, disons-le clairement, est injuste.

Le recours à cette seconde délibération et à ce vote bloqué nous apparaît donc être une fuite en avant. De même, constitue une fuite en avant vers toujours plus de libéralisme la politique que vous entendez mettre en œuvre.

Alors que tout le monde s’accorde à dire que le gel des prestations sociales initialement prévu et celui des retraites, qui a été maintenu, produiront un effet récessif, accentuant même certaines dépenses sociales, vous persistez. Vous oubliez au passage que, au-delà des chiffres et des statistiques, c’est de la vie de nos concitoyens, du fonctionnement des hôpitaux, de notre protection sociale et de notre système de soins qu’il s’agit.

Cette fuite en avant, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, nous la refusons. Depuis 2012 et l’élection de François Hollande à la présidence de la République, nous, sénatrices et sénateurs communistes, républicains et citoyens demeurons fidèles à nos engagements. Nous continuons à réaffirmer que nous sommes disposés à soutenir le Gouvernement dès lors qu’il mettra en œuvre une politique résolument sociale et solidaire qui, au lieu de faire pression sur les salariés, proposerait une meilleure et une plus juste répartition des richesses.

Cela passe, selon nous, entre autres, par la modulation des exonérations de cotisations sociales en fonction de la politique salariale et de la politique de l’emploi des entreprises. Ce serait juste et bénéfique pour les comptes de la sécurité sociale.

Cela passe aussi par une nécessaire réorientation de l’argent au service de l’économie réelle et des besoins humains. C’est pourquoi nous proposons, entre autres aussi, de taxer les revenus financiers et spéculatifs, qui ne servent pas l’économie et détruisent des emplois.

Accepterez-vous enfin d’engager la discussion sur ces nouvelles recettes à chercher dans la sphère financière, là où passe trop d’argent aujourd’hui ?

C’est à ce chantier que vous devriez vous atteler, plutôt qu’à l’appauvrissement de la sécurité sociale, en particulier de la branche famille, ou aux reports à répétition de la prise en charge de l’autonomie.

Mais en l’absence de signe de votre part, face à une politique sans rupture avec celle de la majorité précédente et, plus grave encore, dangereuse, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC n’auront d’autres choix que de rejeter, en l’état, ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.