M. André Gattolin. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État.

« Il faut savoir terminer une grève dès que satisfaction a été obtenue ». C’est là un principe de bon sens. Certes, d’aucuns trouveront peut-être bizarre qu’un écologiste cite Maurice Thorez… (Sourires.) Toujours est-il que les conditions d’application de ce principe ne sont malheureusement pas encore réunies dans le conflit opposant les postiers grévistes des Hauts-de-Seine à leur direction. Sachez que je le regrette.

Je suis d’accord avec vous, certaines demandes des grévistes peuvent paraître extrêmes par rapport à la nécessaire réorganisation de la distribution du courrier, due à l’érosion du volume traité par La Poste.

Cependant, il nous faut trouver un moyen de sortir d’un conflit qui dure depuis plus de 160 jours et qui a cristallisé bien des peurs, en faisant en sorte que personne ne perde totalement la face.

Le changement se gère par le dialogue et non par la prise de sanctions disciplinaires.

La réflexion menée dans d’autres départements autour du concept de « facteur de demain », devant faire preuve de polyvalence, peut constituer une piste. Après avoir été testée en Seine-et-Marne, cette expérimentation ne pourrait-elle pas se développer dans les Hauts-de-Seine ?

Vous avez raison, le point de cristallisation majeur est la disparition ou la suppression d’emplois. Visiblement, les syndicats, même le plus impliqué dans cette affaire, préfèrent une polyvalence des tâches à des suppressions de poste.

Peut-être s’agit-il d’une piste à suivre afin de sortir de ce conflit ? Les habitants de Rueil-Malmaison, ville que vous avez citée, mais aussi ceux de Courbevoie ou de la Garenne-Colombe ont le droit de recevoir leur courrier tous les jours et non deux fois par semaine, comme c’est le cas actuellement.

difficultés rencontrées par certaines communes du fait du gel du fngir

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, auteur de la question n° 818, adressée à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Jean-Claude Lenoir. Ma question porte sur un sujet assez technique et je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de vous faire le porte-parole des services de Bercy pour y répondre.

Le Fonds national de garantie individuelle des ressources, le FNGIR, a été mis en place dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle. Certaines communes y cotisent, d’autres reçoivent ses versements.

Un problème très précis se pose pour les communes qui, depuis la réforme de 2010, ont intégré une intercommunalité. La cotisation au FNGIR étant figée au niveau établi pour l’année 2010, ces communes se voient privées d’une partie de leurs ressources, ce qui les place dans une grande difficulté. J’en ai même recensé certaines, au-delà de mon seul département, qui sont placées sous surveillance par la chambre régionale des comptes dont elles dépendent.

Un second problème avait été relevé par Roland Ries l’année dernière. Lors d’une séance de questions orales au Gouvernement, il avait posé à ce propos une excellente question, que je me permets de citer. Notre collègue affirmait alors : « La part départementale de la taxe d’habitation […] a été transférée du département au bloc communal. […] En revanche, les communes isolées ne faisant pas encore partie d’un EPCI à cette date percevaient alors l’intégralité du taux départemental de la taxe d’habitation et subissaient, parallèlement, un prélèvement au titre du Fonds national de garantie individuelle des ressources, le FNGIR. Par la suite, l’adhésion de ces communes isolées à un EPCI […] n’a pas été accompagnée d’une révision du mécanisme de compensation de la réforme des finances locales […]. Dès lors, les habitants […] sont contraints de supporter deux fois la part départementale de la taxe d’habitation. En effet, le taux de la taxe d’habitation appliqué à ces contribuables se décompose en un taux communal, qui inclut la totalité du taux départemental, et un taux intercommunal, qui inclut une fraction du taux départemental. »

Roland Ries avait reçu une réponse extrêmement aimable de la part de la secrétaire d’État chargée de la décentralisation, qui représentait le ministre en charge de ces questions ; mais le problème n’est cependant toujours pas réglé. Or voilà plusieurs années que ce mécanisme a été mis en place, et les difficultés qu’il pose place ces communes – souvent de petite taille, parfois de taille moyenne – dans une situation impossible à gérer.

J’attends donc avec beaucoup d’intérêt votre réponse, madame la secrétaire d’État.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Carole Delga, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu appeler l’attention du ministre des finances et des comptes publics sur la situation des communes qui, comme la loi le leur permet, ont choisi de réduire leur taux de la taxe d’habitation sans diminuer dans la même proportion leur taux de cotisation foncière des entreprises, lors de leur rattachement à un établissement public de coopération intercommunale, ou EPCI, à fiscalité additionnelle.

Vous regrettez que ces communes continuent, le cas échéant, de supporter un prélèvement identique au titre du Fonds national de garantie individuelle des ressources, le FNGIR.

Les garanties de ressources mises en place dans le cadre de la réforme de la fiscalité directe locale, consécutive à la suppression de la taxe professionnelle, ont eu pour objet d’assurer aux collectivités territoriales un niveau de ressources après réforme assez proche de celui qui la précédait.

S’agissant plus particulièrement du FNGIR, les prélèvements et les reversements s’établissent de façon que, au sein d’une même catégorie de collectivités, la somme des reversements soit égale à la somme des prélèvements. Il ne serait donc pas justifié que la politique de taux des communes qui choisissent de les diminuer influe sur les ressources des communes bénéficiaires de ce Fonds. Plus généralement, l’ajustement permanent des garanties de ressources serait source d’instabilité pour les collectivités.

Par ailleurs, l’adhésion d’une commune à un EPCI entraîne un transfert de compétences. En conséquence, le besoin de financement de la commune diminue normalement de manière corrélative. L’incidence de cette opération sur les finances communales doit donc être relativisé. Ayant moins de charges à honorer, la fiscalité de ces communes peut être moins élevée, ce qui peut expliquer la baisse du taux de la taxe d’habitation.

Par ailleurs, les communes, à l’occasion de leur rattachement à un EPCI à fiscalité additionnelle, peuvent, conformément à l’article 37 de la troisième loi de finances rectificative pour 2012, mettre le prélèvement au titre du FNGIR à la charge de l’EPCI, avec l’accord de ce dernier, notamment si elles diminuent leur taux de taxe d’habitation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Je vous remercie pour ces précisions, madame la secrétaire d’État.

Je me permets de compléter la question que je vous ai posée voilà un instant. Les communes ayant adhéré à une intercommunalité à compter de 2010 ne sont pas les seules concernées par ce problème ; les communes ayant fait le choix de diminuer leur taux, parfois membres d’une communauté de communes, le sont aussi.

Cela étant, les deux problèmes évoqués se posent toujours.

Le premier a trait à la double imposition – une « double peine », pour ainsi dire – que cette situation crée, la part départementale étant payée deux fois par les contribuables de ces communes. Je souhaiterais que les services de Bercy s’intéressent avec beaucoup d’attention à ce problème, particulièrement pénalisant pour les contribuables de ces communes.

Le second problème a trait au gel du prélèvement pour le FNGIR. Pour les communes ayant adhéré à une communauté de communes, vous affirmez, madame la secrétaire d’État, qu’il appartiendrait à l’EPCI à fiscalité additionnelle de répartir les sommes concernées.

Le problème, c’est que les fonctionnaires chargés de la gestion de ces dossiers – les représentants de la Direction générale des finances publiques dans nos départements – prétendent que cela n’est pas possible, sauf pour les communautés de communes à taxe professionnelle unique, ou TPU. (Mme la secrétaire d’État fait un signe de dénégation.)

Je n’ai pas besoin de vous dire, madame la secrétaire d’État, que, entre le point de vue exprimé par un membre du Gouvernement et celui d’un fonctionnaire, j’attache beaucoup plus d’importance au premier ! Vous affirmez – et vos propos figureront au Journal officiel – que c’est possible ; c’est donc une avancée qui justifiait, madame la secrétaire d’État, que nous nous retrouvions au Sénat, après nous être connus à l’Assemblée nationale.

associations d’aide aux victimes d’infractions et de médiation pénale

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, auteur de la question n° 784, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Yannick Vaugrenard. Avant toute chose, je tiens, madame la garde des sceaux, à vous exprimer mon soutien le plus vif face aux accusations proférées à votre encontre par l’ancien Président de la République, aujourd’hui mis en examen. Je suis convaincu que les propos tenus par l’ancien chef de l’État, remettant en cause, d’une certaine manière, l’indépendance de la justice, sont condamnés, toutes tendances politiques confondues, par la majorité des membres de la Haute Assemblée.

M. Éric Bocquet. Très bien !

M. Yannick Vaugrenard. Je souhaite vous interroger sur le financement des associations d’aide aux victimes.

Je tiens à revenir, d’abord, sur l’historique de cette question. En juillet 2012, je vous avais écrit, madame la garde des sceaux, afin de vous interroger sur la situation financière de ces associations et sur les aides consenties par le ministère de la justice. Au mois d’août de la même année, vous m’indiquiez avoir demandé à vos services de procéder à l’examen de ce dossier dans les meilleurs délais. N’ayant reçu aucune réponse depuis lors, je m’adresse directement à vous aujourd’hui.

Les associations d’aide aux victimes sont présentes sur tout le territoire et sont fédérées par l’Institut national d’aide aux victimes et de médiation, l’INAVEM. Vous le savez, leurs actions sont fondamentales pour les victimes ; ces associations assurent une mission tout à fait complémentaire des missions de la police et de la justice. La plupart d’entre elles ont d’ailleurs une permanence dans les commissariats, afin d’apporter une aide psychologique aux victimes d’infractions.

Aujourd’hui, les baisses successives des subventions accordées mettent en péril leur avenir. C’est le cas, en particulier, pour l’association Prévenir et Réparer, compétente dans le ressort du tribunal de grande instance de Saint-Nazaire, en Loire-Atlantique. Mais le problème, vous l’aurez compris, est global. Les missions d’aide, de médiation et d’administration de ces associations sont menacées par le manque de moyens.

Je sais que le Gouvernement a placé la justice au cœur de ses priorités, et je m’en félicite. Le financement des associations d’aide aux victimes en constitue, d’une certaine manière, le bras armé. C’est pourquoi je souhaite savoir, madame la garde des sceaux, quelles mesures vous envisagez de prendre pour leur permettre de continuer à exercer leurs missions d’intérêt général dans les meilleures conditions.

Par ailleurs, je souhaiterais connaître votre position sur la proposition, pour moi tout à fait pertinente, de l’INAVEM, relative à l’instauration d’une amende pénale infligée aux auteurs d’infractions, dont le produit serait affecté aux associations dont nous parlons. Cette disposition est actuellement en vigueur au Québec et semble y donner satisfaction, notamment parce qu’elle n’affecte pas le budget de l’État.

Si les amendes pénales étaient augmentées de 1,5 %, les auteurs d’infractions participeraient au financement des services d’information juridique et de soutien psycho-social, qui sont offerts gratuitement aux victimes. Je souhaiterais donc avoir votre point de vue sur cette proposition, madame la garde des sceaux, et vous remercie de l’attention que vous voudrez bien lui apporter.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, je vous remercie pour vos mots de soutien extrêmement justes, auxquels, au-delà des rangs de la majorité, doivent normalement s’associer tous ceux qui sont soucieux du bon fonctionnement de l’institution judiciaire.

Vous m’interrogez sur la politique du Gouvernement en matière d’aide aux victimes, entre autres actions précises. Tout d’abord, alors que, sous le précédent quinquennat, on a sans arrêt entendu parler des victimes, le budget consacré à ces dernières a baissé pendant quatre années consécutives.

J’ai donc pris la décision, dès notre première année de responsabilité budgétaire, c’est-à-dire pour 2013, d’augmenter de 25,8 % le budget de l’aide aux victimes. Cette année encore, en 2014, il a connu une hausse de 7 %. Ce budget est donc passé de 10 millions d’euros à notre arrivée au Gouvernement à 13,8 millions d’euros aujourd’hui.

Par ailleurs, monsieur le sénateur, j’ai eu le souci d’ouvrir des bureaux d’aide aux victimes dans tous les tribunaux de grande instance. Pour la seule année 2013, cent ont été ouverts ou consolidés, alors qu’il n’en existait que cinquante auparavant. À la fin du premier semestre 2014, notre objectif d’un bureau d’aide aux victimes dans chacun des tribunaux de grande instance sera atteint.

En outre, le Gouvernement s’est engagé sur le quatrième plan de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes. Dans ce cadre, nous avons dédié une enveloppe supplémentaire de 1,4 million d’euros au soutien aux associations locales intervenant dans l’aide aux victimes. Cette enveloppe a été transmise aux cours d’appel, les chefs de juridiction devant décider de l’attribution de cette dotation aux associations locales, pour subventionner leurs projets.

Ces interventions ne sont pas exclusives d’autres financements ou d’autres instruments de l’État. J’appelle ainsi votre attention sur le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, le FIPD, dont 75 % du budget était consacré à la vidéosurveillance lors de notre arrivée aux responsabilités. Nous avons inversé le ratio, pour favoriser la présence et l’intervention humaines. En 2014, dans le cadre des trois programmes d’actions de la stratégie nationale de prévention de la délinquance, le FIPD contribuera donc essentiellement au financement des interventions humaines, dont pourront profiter les associations locales.

J’en viens aux charges qui résultent des missions judiciaires confiées à ces associations, comme l’aide aux victimes, la médiation pénale ou l’administration ad hoc. Ces charges relèvent de l’enveloppe dédiée aux frais de justice, dont les tarifs sont déterminés par le code de procédure pénale.

Néanmoins, portant une attention particulière aux victimes, j’ai demandé à l’administration d’être vigilante sur le règlement de ces frais par les régies de juridiction ou par les services administratifs régionaux des cours d’appel.

Par ailleurs, j’ai demandé à l’administration de mettre en œuvre un plan d’actions – il est en place depuis plus d’un an désormais –, afin de faciliter le règlement des frais par le regroupement des missions, la simplification du circuit de dépense et le raccourcissement des délais.

Pour répondre à votre dernière question, j’indique que le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines a institué une majoration de l’amende prononcée par des juridictions répressives.

Enfin, vous indiquez m’avoir écrit, monsieur le sénateur. Si les associations de votre département connaissent des problèmes particuliers, n’hésitez pas à alerter directement l’administration, qui assure une vigilance continue sur ces sujets. Vous pouvez, pour ce faire, passer par l’intermédiaire de mes deux conseillers parlementaires.

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. Madame la garde des sceaux, je vous remercie de cette réponse très complète.

Vous l’avez souligné, le budget de l’aide aux victimes a augmenté de 25 % alors qu’il avait diminué au cours des années précédentes. Il était, me semble-t-il, utile de le rappeler.

Je salue également la hausse des dotations en faveur des bureaux d’aide aux victimes et la revalorisation, à hauteur de 1,4 million d’euros, des crédits aux associations.

J’avais eu connaissance d’un amendement déposé quant à un dispositif inspiré de la pratique en vigueur au Québec, qui a fait ses preuves.

Vous nous avez annoncé trois bonnes nouvelles. La première concerne les associations, qui effectuent un travail considérable et jouent un rôle essentiel pour le fonctionnement de notre justice et, plus généralement, de notre démocratie. La deuxième se rapporte à l’Institut national d’aide aux victimes et de médiation, qui regroupe l’ensemble de ces associations ; c’est un encouragement à leur égard dont je vous remercie, d’autant qu’elles travaillent dans des conditions parfois difficiles. Et la troisième s’adresse directement aux victimes.

Je me permets en conséquence de vous adresser trois remerciements. (Mme la garde des sceaux sourit.)

défense de la langue française et conditions d'un développement harmonieux de la diversité linguistique

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, auteur de la question n° 824, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.

M. Éric Bocquet. Madame la ministre, dans quelques semaines, ce sera le vingtième anniversaire de l’adoption de la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française. Chacun s’en souvient, ce texte s’appuyait sur une disposition introduite en 1992 dans la Constitution, à l’article 2 : « La langue de la République est le français. »

Le décret d’application du 3 juillet 1996 a mis en place un dispositif d’enrichissement de la langue française. Ses articles 11 et 12 imposent l’usage des termes en français dans les services et établissements publics de l’État.

Ce vingtième anniversaire peut être l’occasion d’un point d’étape sur la loi de 1994, dont Jacques Toubon, l’un de vos prédécesseurs, avait été à l’origine.

Depuis plusieurs années, chacun peut faire le constat d’une accélération de l’évolution dans l’emploi d’un vocabulaire nouveau, essentiellement d’origine anglo-saxonne. La mondialisation économique et l’essor des nouvelles technologies y ont également grandement contribué.

Le débat n’a donc rien de superficiel ou d’anecdotique. L’évolution de notre langue est aussi le marqueur d’une évolution d’un certain mode de pensée, ce que d’aucuns appellent parfois la « pensée unique », elle-même révélatrice d’un système économique que certains souhaiteraient également unique. Les mots sont bien les outils et les véhicules de l’expression d’une pensée.

L’enjeu n’est donc pas seulement linguistique ou défensif ; il est aussi fondamentalement politique, au sens le plus noble du terme. Il s’agit non pas d’engager une guerre linguistique, mais bien de créer les conditions d’un développement harmonieux et mutuellement enrichissant de la diversité linguistique dans nos sociétés.

Je souhaite connaître vos réflexions sur ce sujet, madame la ministre. Pourriez-vous également nous présenter les éventuelles initiatives en cours ou à venir pour répondre au défi de la défense et de la promotion de la langue française ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, vous appelez mon attention sur le sens et l’ambition de la politique, certes interministérielle mais d’abord pilotée par le ministère de la culture, en faveur de la langue française et de la diversité linguistique.

Comme vous le rappelez à juste titre, la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française est une grande loi. D’ailleurs, la date symbolique du 4 août n’a pas été choisie au hasard : la maîtrise de la langue, c’est véritablement l’abolition des privilèges ! Donner à tous nos concitoyens les outils de maîtrise de la langue française, c’est leur permettre d’accéder à l’égalité.

La défense et la promotion de la langue française s’inscrivent dans une perspective de valorisation de la diversité culturelle et linguistique dont notre pays est porteur. On a longtemps considéré que le français s’opposait aux langues régionales, aux langues de France. Aujourd'hui, par la politique culturelle que je mène, j’entends bien montrer que valorisation de la diversité linguistique et défense et promotion de la langue française sont parfaitement conciliables.

J’espère pouvoir répondre à vos interrogations sur les orientations et actions.

La loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française est un élément essentiel de notre pacte républicain. C'est la raison pour laquelle j’ai souhaité, avec Catherine Tasca, mettre à profit le vingtième anniversaire de son adoption pour organiser le 13 octobre prochain au Sénat une réflexion sur la portée réelle de ce texte, sur son rôle au regard de nos solidarités francophones et sur sa pertinence dans un contexte d’internationalisation des échanges et de bouleversement dans les conditions de transmission des savoirs.

Vous le savez, il y a eu un débat sur l’enseignement en langue anglaise dans certaines de nos universités et grandes écoles pour des élèves étrangers issus de pays non francophones. À mon sens, compte tenu des garanties qui ont été apportées, notamment sur le fait qu’une telle démarche s’inscrivait dans un processus d’apprentissage du français, la possibilité d’offrir à ces étudiants des cours en anglais à leur arrivée en France, en tout cas au début, doit être assurée. Cela fait partie, vous l’avez souligné, d’une politique ouverte et dynamique pour promouvoir l’enseignement de la langue française et sa diffusion partout dans le monde.

Par ailleurs, il existe un comité de terminologie, dans lequel l’Académie française et nos partenaires francophones jouent un rôle très actif. Ce dispositif interministériel nous permet d’enrichir la langue en permanence.

Il est indispensable de pouvoir décrire toutes les réalités techniques ou sociologiques du monde contemporain, ainsi que les évolutions sociétales. La stratégie d’influence de la France repose aussi sur sa capacité à représenter le monde contemporain et donc à en nommer les réalités. Ainsi, dans nombre de domaines scientifiques et techniques, nous avons des termes français précis et correctement définis qui permettent de maintenir notre langue en état d’exercice et d’en faire le vecteur privilégié de la transmission et du partage des savoirs.

La pluralité linguistique est constitutive de notre pays ; vous y êtes attaché.

J’ai souhaité conduire une réflexion pour définir une politique publique en faveur des langues régionales. Plusieurs des conclusions formulées l’année dernière par le comité consultatif que j’avais mis en place ont d’ores et déjà été mises en œuvre.

J’ai ainsi publié un code des langues de France qui permet de regrouper et d’organiser, un peu sur le modèle des codes Dalloz, l’ensemble des textes législatifs et réglementaires assurant la présence de ces langues dans la société, que ce soit dans l’enseignement, dans les médias ou dans la justice. Il s’agit là d’une avancée notable dans la reconnaissance des langues qui font la France.

Le 31 mars dernier, j’ai signé et adressé à l’ensemble des directeurs de mon ministère et aux principaux responsables d’institutions culturelles une circulaire relative à la valorisation des langues de France. Un principe de non-discrimination y est posé de manière très nette : il faut appliquer aux projets en langues régionales les dispositifs de droit commun, notamment s’agissant du soutien financier – soutien financier à la création, par exemple –, en vigueur pour les projets en langue française. Cela répond à une exigence d’égalité et de démocratie culturelle.

À travers ces différentes mesures – et je n’en citerai pas d’autres pour ne pas allonger mon propos –, il s’agit pour le Gouvernement tout entier de créer les conditions d’un développement harmonieux de la diversité linguistique dans notre pays.

Une vigilance constante est nécessaire pour veiller à l’application du principe constitutionnel qui fait du français la langue de la République, mais nous devons également donner à cette dernière les moyens d’accueillir et de valoriser son patrimoine linguistique riche et vivant.

Comme je l’avais indiqué devant l’Assemble nationale au mois de janvier dernier, il faut concilier la langue de la République et la République des langues.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

Je souhaitais vivement connaître votre appréciation sur le sujet. Les éléments d’information que vous apportez sont tout à fait satisfaisants.

Vous l’avez bien compris, il ne s’agit nullement d’une démarche défensive ; l’enjeu n’est pas d’ériger une ligne Maginot face à l’intrusion des langues étrangères. D’ailleurs, l’apprentissage d’autres langues permet de mieux comprendre la sienne, et les langues s’enrichissent mutuellement.

Le processus est donc permanent. Il s’agit non pas d’arrêter l’histoire de l’évolution, mais d’avoir tout de même en tête des préoccupations que nous sommes très nombreux à partager. Après tout, la Joconde aurait-elle connu le même succès si toutes les couleurs avaient été mélangées pour aboutir à une teinte tout à fait indéfinissable ? (Mme la ministre sourit.)

enseignement de l'informatique

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 748, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Catherine Procaccia. Je remercie Mme la ministre de la culture et de la communication de me répondre à la place de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Bocquet vient de souligner qu’il ne fallait pas « arrêter l’histoire de l’évolution ». Je partage ce souci. C’est le sens de ma question, qui concerne l’apprentissage de l’informatique et de son langage dans l’enseignement non seulement secondaire, mais également primaire.

Depuis 2012, les élèves des terminales scientifiques peuvent choisir une option « Informatique et sciences du numérique », possibilité qui sera étendue à l’ensemble des classes de terminale à la prochaine rentrée.

L’enseignement de l’informatique a été introduit dans un certain nombre de pays, comme le Royaume-Uni, la Suisse, l’Estonie, la Finlande, Singapour, Israël, d’ailleurs avec beaucoup de succès, ou dans le secondaire aux États-Unis.

L’initiation à la programmation dès le plus jeune âge est préconisée par de nombreux experts. Une approche ludique permet un accès au socle de la logique informatique et de la programmation, stimulant, d’après les spécialistes, une culture transverse et logique.

L’Académie des sciences a très récemment rappelé dans un rapport l’importance d’une formation aux codes et aux langages. Reconnaissons que notre pays est longtemps resté hermétique en la matière ; le déficit d’éducation à l’informatique est réel.

Récemment encore, dans son discours aux États-Unis, lors de l’US French Tech Hub, le Président de la République, François Hollande, a lui-même exprimé sa volonté de donner une impulsion à l’enseignement de la programmation informatique dans nos collèges.

Madame la ministre, pourriez-vous me préciser le calendrier prévu pour la mise en place de telles expérimentations et les critères de choix des établissements ? Le dispositif sera-t-il fondé sur le volontariat, en fonction des académies ?

Au-delà du simple développement de l’usage du numérique dans le milieu scolaire, il est essentiel de favoriser le développement et la compréhension de la science informatique.

Vous-même, M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et Mme la secrétaire d'État chargée du numérique partagez-vous le jugement des spécialistes quant à « l’urgence de ne pas attendre » ?