M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie la Haute Assemblée d’avoir inscrit à l’ordre du jour de ses travaux ce débat sur la place de la culture dans la collaboration entre l’État et les collectivités territoriales.

De fait, l’État et les collectivités territoriales sont des acteurs majeurs de la culture dans notre pays, avec bien sûr, les créateurs et les publics de la culture.

Les collectivités territoriales s’engagent sur le fondement de la clause de compétence générale, avec ou sans l’État – mais en général avec lui ; leur action est au cœur du service public de la culture depuis plus de cinquante ans.

Dans le contexte politique et institutionnel d’aujourd’hui, ce constat prend une importance nouvelle. En effet, le travail conjoint de l’État et des collectivités territoriales nous donne la responsabilité d’assurer l’avenir des politiques culturelles. Tel sera l’objet de mon intervention de ce soir.

Ce que nous entendons par « culture » dans notre pays fait l’objet de l’intervention de multiples acteurs, qui, tous ensemble, contribuent à son financement : c’est sans doute l’une des grandes caractéristiques de notre système culturel qui explique que la France soit un pays tout à fait unique au monde en matière de soutien et d’accompagnement des politiques culturelles.

La politique culturelle résulte d’une forte tradition nationale, mais aussi de l’engagement important des collectivités territoriales.

Toutefois, il faut le rappeler, le financement de la culture vient d’abord du public des concerts, des acheteurs de livres, des habitués des musées. Ce financement est à la fois fragile et indispensable, mais il est insuffisant pour créer les conditions d’une production artistique et d’un entretien du patrimoine conformes à l’ambition et à la mission historique de notre pays.

C’est au nom de cette ambition que l’État et les collectivités territoriales se sont engagés à soutenir la culture, à la fois dans sa dimension de création et dans sa dimension patrimoniale.

Comme tous les orateurs l’ont souligné, les collectivités territoriales apportent non seulement des financements déterminants pour la culture, mais aussi leur capacité d’innovation et leurs initiatives, qui ont fortement contribué à modeler l’histoire et les contours de la politique culturelle dans notre pays.

Des chiffres permettant de mesurer l’engagement des collectivités territoriales ont été donnés. Selon les travaux menés par le département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la culture et de la communication, les collectivités territoriales ont dépensé 7,47 milliards d’euros en faveur de la culture en 2010, une somme qui augmente de 2,3 % par an ; les communes de plus de 10 000 habitants ont financé à elles seules 4,6 milliards d’euros, tandis que les départements et les régions ont consacré à la culture respectivement 1,4 milliard d’euros et 662 millions d’euros.

En 2010, la culture représentait 8 % du budget des villes, 7 % de celui des EPCI, 2 % de celui des départements et 2,6 % de celui des régions.

Reste que la part de l’État dans le financement de la politique culturelle demeure tout à fait importante. En effet, selon une étude récente de l’inspection générale des affaires culturelles et de l’inspection générale des finances, les crédits budgétaires et les dépenses fiscales s’élèvent au total à plus de 13 milliards d’euros par an.

La France investit dans une politique culturelle, sur tous les territoires, dans un souci d’égalité et d’équité entre eux. Elle a aussi une vision de la politique culturelle. À cet égard, on n’a peut-être pas suffisamment souligné dans ce débat que la responsabilité partagée de l’État et des collectivités territoriales est aussi de garantir la liberté de création des artistes, ainsi que la liberté de programmation des responsables des établissements ; elle est également de garantir à tous les citoyens un égal droit d’accès aux politiques et aux établissements culturels.

Mesdames, messieurs les sénateurs, notre responsabilité est pleine et entière dans cette mission essentielle, qui incombe à l’État, mais aussi à tous les acteurs des territoires.

Toujours est-il que la culture, ce ne sont pas simplement des chiffres et des investissements. C’est aussi, pour un maire, une bibliothèque – une institution dont les missions se sont profondément renouvelées depuis trente ans –, un conservatoire, impliqué dans la sensibilisation et l’éveil artistiques sous toutes leurs formes, ou un théâtre, dont les portes sont ouvertes à tous ; c’est encore un musée ou un patrimoine, élément du patrimoine national dont la préservation est à mettre au compte des plus grandes réussites de notre pays.

Si le poids de la culture dans le budget des villes et des agglomérations est important, c’est parce que la culture est vivante, qu’elle est une réalité palpable, sensible, sur tous les territoires de France.

Sans doute, des inégalités existent, qui conduisent l’État à s’interroger sur son rôle de garant d’une bonne péréquation entre les territoires – j’y reviendrai – ; mais une formidable ambition est à l’œuvre, qui prend autant de visages que nos territoires sont divers.

L’État est aux côtés des collectivités territoriales pour la plupart des projets structurants en matière culturelle. Cette présence sur l’ensemble des territoires est la mission essentielle du ministère de la culture. À cet égard, j’ai veillé, depuis deux ans, à ce que s’opère un rééquilibrage, non pas au détriment de Paris, mais en faveur des territoires.

L’héritage historique du ministère de la culture explique que, parmi les établissements nationaux financés par l’État, musées ou théâtres, un très grand nombre soient situés à Paris. L’effort de l’État pour les soutenir, tout à fait indispensable, se traduit par un déséquilibre extrêmement important dans les chiffres quand on les considère d’une manière statique. Reste que j’ai veillé, malgré les difficultés budgétaires, à maintenir une dynamique en faveur des crédits déconcentrés de l’État, pour que la création, le spectacle vivant et les arts visuels soient soutenus sur tous les territoires et pour que l’État irrigue, aux côtés des collectivités territoriales, l’ensemble des politiques culturelles.

Tous les orateurs ont souligné que le rôle de l’État en matière culturelle avait évolué. Par exemple, la loi du 7 janvier 1983 a prévu le transfert aux départements des archives départementales et confirmé que les bibliothèques seraient organisées et financées par les communes ; elle a également transféré aux départements les bibliothèques centrales de prêt à compter du 1er janvier 1986.

Elle a ainsi posé un certain nombre de jalons, qu’il faut aujourd’hui prolonger au moyen d’expérimentations et d’initiatives qui peuvent prendre différentes formes ; c’est ainsi que, dans le Lot, une expérimentation très intéressante a permis un transfert de crédits de l’État au département dans le domaine des monuments historiques : l’État conserve ses compétences régaliennes, notamment en matière d’expertise scientifique et technique, mais c’est le département qui gère les fonds au plus près des intérêts du territoire.

En définitive, la loi de 1983 était peu diserte en matière de transfert de compétences culturelles, et pour cause : l’action culturelle des collectivités territoriales et les principes de partenariat avec l’État reposaient largement sur la clause de compétence générale.

Ainsi, dans le domaine culturel, la décentralisation, dès l’origine, a moins répondu à une logique de blocs de compétences ou de spécialisation des compétences qu’à une logique de domaines communs d’action, d’exercice conjoint d’une compétence générale par chacun des niveaux de collectivités publiques.

Aujourd’hui, la règle est que la culture est une compétence partagée. Ce principe a été réaffirmé d’une manière extrêmement claire, y compris lors de la préparation du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, qui sera soumis au Sénat au mois de juillet prochain.

Je le répète : la culture est une compétence partagée, de sorte que chaque niveau de collectivités territoriales est compétent pour exercer l’ensemble des fonctions culturelles, aux côtés de l’État, qui, à partir d’une vision nationale des enjeux de la culture, oriente, soutient, accompagne, décide, réglemente aussi, notamment dans le domaine du patrimoine où il joue un rôle tout à fait indispensable d’expertise scientifique et technique. Cette compétence partagée sera préservée dans les réformes à venir.

Ce partage des compétences culturelles qu’a permis la clause de compétence générale se traduit, notamment, cela a été souligné, par l’importance des financements croisés, qui ont constitué la clef de voûte de la politique culturelle de la France. Ainsi, les subventions versées entre collectivités représentaient 240 millions d’euros en 2010, soit 3,2 % des dépenses culturelles nettes locales

L’État, quant à lui, hormis ses grands opérateurs que j’ai évoqués, n’intervient quasiment jamais seul. C’est en particulier le cas en matière de politique des labels et des réseaux dans le cadre de la décentralisation.

Dans ce contexte, la loi de 2010 avait suscité de nombreuses inquiétudes, de la part non seulement des élus, mais aussi de l’ensemble des acteurs culturels, lesquelles portaient sur l’encadrement des financements croisés et sur la répartition des compétences.

Grâce à la mobilisation des élus et des acteurs concernés, les principes avaient été assouplis à l’égard d’un certain nombre de domaines dans lesquels l’attribution d’une compétence exclusive à un niveau de collectivité aurait été arbitraire ou inadaptée à la nature même de la compétence exercée. Ainsi le sport, la culture et le tourisme avaient-ils été exclus de cet exercice de répartition des compétences.

La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles procède d’une autre logique : elle repose d’abord sur la confiance dans la capacité des collectivités à exercer leurs compétences au plus près des besoins des territoires et à coordonner leurs interventions. Plutôt que de définir des blocs de compétences, ce texte désigne des chefs de file dans certains domaines et détermine un cadre d’organisation des missions de service public pour d’autres. Il place la collaboration entre les collectivités locales et la concertation au cœur du projet de réforme institutionnelle.

Cette loi donne des moyens nouveaux permettant de créer une différenciation d’actions et de réaliser des expériences là où elles semblent se justifier, sans remettre en cause le rôle et les missions essentielles de l’État. Malgré ces précautions, ce texte a suscité des craintes et nourri des inquiétudes, en particulier chez les acteurs de la culture.

Je le répète à cette tribune : cette loi ne procède pas à de nouveaux transferts de compétences, mais elle mise sur la responsabilité des collectivités, sur leur capacité à soutenir des politiques structurantes adaptées aux réalités et aux enjeux territoriaux.

Cette confiance est assortie de l’institution de conférences territoriales de l’action publique, instances de dialogue et de concertation entre les différents niveaux de responsabilité ; elles seront présidées par le président de la région. Par conséquent, quand la culture sera à l’ordre du jour, des représentants de l’État seront évidemment autour de la table. Comment il pourrait en être autrement ?

Comme je vous l’ai annoncé, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que vous examinerez dans quelques semaines reconnaîtra enfin la notion de compétence partagée en matière culturelle. L’un de ses articles est dédié à cette « exception » que la culture partage avec le sport et le tourisme. Il s’agissait d’une revendication très forte du secteur de la culture, tant du ministère de la culture, que des collectivités territoriales ou des acteurs. Par conséquent, c’est pour moi une grande satisfaction de constater que cette exception sera reconnue dans la future loi.

La reconnaissance de cette compétence partagée représente une victoire, car c’est la reconnaissance de la spécificité de l’organisation du secteur culturel en tant que domaine d’intervention ne pouvant se découper en tranches de compétences. Néanmoins, la compétence partagée peut aussi constituer une source de fragilité dans un contexte de bouleversement institutionnel et de difficultés budgétaires.

Aussi, cette reconnaissance de la spécificité de l’organisation en matière culturelle doit renforcer notre responsabilité commune de repenser les conditions de nos interventions, afin de garantir la place de la culture au cœur des questions d’aménagement du territoire, de justice sociale et de solidarité.

Plusieurs arguments plaident en faveur de ce grand chantier.

Tout d’abord, on parle souvent de coconstruction des politiques entre les collectivités locales et l’État, mais est-ce bien toujours le cas ? On le sait très bien, la réalité est parfois beaucoup moins enchantée que les grands discours qui peuvent être tenus. Coexistent dans les conventions d’objectifs, dans les adresses aux acteurs, des attentes qui ne sont pas toujours compatibles et qui sont plus ou moins coordonnées. Des quiproquos subsistent, et les travaux des conseils d’administration ou des comités de suivi ne reflètent pas toujours une volonté commune.

Par ailleurs, si l’État porte sa part de responsabilité dans les critiques qui peuvent lui être adressées, le monde des collectivités territoriales en matière culturelle n’est pas non plus uniquement pavé de roses !

Ensuite, le contexte budgétaire actuel constitue un véritable défi et conduit chacun à réaliser des économies. Aussi est-il nécessaire de travailler ensemble, avec des objectifs coordonnés et réfléchis, afin de maintenir un fort tissu de création et de diffusion de la culture sur l’ensemble du territoire. En effet, il est important d’éviter les effets « boule de neige ». Comme certains l’ont parfaitement souligné ce soir, si chaque niveau de collectivité choisit de sacrifier la culture en vue d’effectuer des économies, des pans entiers de la vie culturelle profonde de notre pays s’en trouveront durablement affectés.

Il faut donc que nous nous organisions mieux pour conserver des moyens d’intervention, des crédits affectés à la culture, à l’innovation culturelle, et aussi, bien sûr, des espaces et des territoires d’émergence artistique pour les jeunes artistes, pour les nouveaux artistes, ainsi que pour les artistes aux esthétiques exigeantes. Cela a été souligné, la culture ne saurait répondre à la seule logique de la rentabilité économique. Des études ont été menées. Toutes soulignent – point important – que la culture n’est pas une dépense inutile, et qu’elle ne doit pas être jugée à la seule aune de sa rentabilité économique. Il est de la responsabilité conjointe de l’État et des collectivités locales d’agir avec force pour maintenir la création, dans toute sa diversité, vivace sur notre territoire.

Enfin, le prochain examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République nous permettra de discuter du rôle des intercommunalités dans la politique culturelle ; la création des métropoles, la fusion des régions, la perspective de disparition des départements, toutes ces grandes décisions bouleverseront fortement l’organisation actuelle de la politique culturelle. Nous devons donc nous poser la question de la place et du rôle du service public de la culture, notamment sur les territoires. Quel est le rôle souhaité et souhaitable de l’État ? Doit-il être le même quelle que soit la région ? Maryvonne Blondin a évoqué tout à l’heure le pacte d’avenir pour la Bretagne. Nous travaillons actuellement avec la région Bretagne pour organiser un certain nombre d’actions au plus proche des besoins des habitants, sans que l’État se dépouille pour autant ou que soit mis en place un régime d’exception en faveur de cette région. Il s’agit simplement de répondre de manière pragmatique aux attentes et aux spécificités de chaque territoire.

J’en suis convaincue, l’État doit garder une administration de proximité, sans doute même plus proche encore qu’aujourd’hui, concomitamment à l’évolution institutionnelle et administrative à venir. C’est pourquoi j’encourage une déconcentration plus importante des crédits du ministère de la culture en direction des DRAC.

Pour engager ce travail, inventer un nouveau mode d’exercice de compétences partagées, nous disposons d’atouts en matière culturelle, et tout d’abord, une habitude de travailler ensemble, qui ne se retrouve peut-être pas autant dans d’autres domaines. J’en veux pour preuve le CCTDC, le Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel. Vous le savez, j’ai souhaité donner une nouvelle impulsion à cette institution à mon arrivée. Je n’ai de cesse de me féliciter avec les associations d’élus de l’existence de cette instance consultative tout à fait unique dans le paysage institutionnel national. Je salue le climat de confiance qui préside aux séances plénières et aux réunions de préparation. C’est essentiel, mais ce n’est pas encore suffisant.

Le CCTDC doit être pour le ministère une instance politique de référence dans le dialogue avec ses partenaires politiques, complémentaire des instances techniques ou paritaires : Conseil national des professions du spectacle, comité technique ministériel, Observatoire des monuments historiques, notamment.

Le CCTDC doit être l’instance de référence dans la réflexion sur l’évolution des politiques publiques en matière culturelle. Ses travaux doivent pouvoir constituer des orientations reconnues et une base de travail pour les territoires.

Par ailleurs, une parole commune des collectivités et de l’État dans une période d’agitation et d’incertitude peut également contribuer à apaiser les inquiétudes, notamment lorsqu’elles sont d’ordre budgétaire.

Voilà pourquoi je vous propose de faire du CCTDC l’unique point d’entrée des concertations engagées par l’État. Aujourd'hui, tel n’est pas toujours le cas. Cette situation contribue à brouiller les grands exercices du ministère et engendre un certain agacement chez les élus, qui sont parfois sollicités par plusieurs biais.

De même, le CCTDC devrait être le lieu d’observation des dynamiques régionales à l’œuvre. À l’inverse, il est nécessaire de réfléchir à la façon dont ses travaux peuvent faire référence pour les instances régionales de coopération.

L’année dernière avait été évoquée la création d’un haut conseil des territoires. Si cette instance avait été créée, mon souhait aurait été qu’il puisse intégrer le CCTDC comme une « commission culture ». En l’absence de ce haut conseil, compte tenu des enjeux et de la responsabilité que le CCTDC est amené à assurer, je souhaite mettre la formalisation de l’existence de ce dernier à l’ordre du jour, car il n’est régi aujourd'hui par aucun texte de nature législative ou réglementaire. Il faut donc lui donner plus de force normative.

C’est au sein de cette vision renouvelée de notre organisation que les questions de la délégation des compétences et des guichets uniques doivent être replacées. C’est clair et net, nous ne découperons pas le ministère de la culture et de la communication à la carte. Ce ministère, je m’y suis engagée, conservera tout son rôle en matière d’impulsion, de contrôle scientifique et technique, de préservation de l’équité entre les territoires, d’innovation, son rôle de garant de la liberté de création et des créateurs, etc. Il sera toujours au plus proche de chaque territoire. Je veux être la ministre de la culture qui territorialisera ce ministère.

Cela étant, nous engageons une réflexion au cas par cas sur ce qui peut être expérimenté, sur ce qui peut fonctionner mieux. J’ai évoqué le Lot pour les monuments historiques ou le pacte d’avenir pour la Bretagne, mais d’autres actions peuvent être expérimentées, par exemple dans le Nord-Pas-de-Calais. Nous devons être extrêmement ouverts et pragmatiques, et étudier ce qui peut être généralisé ou pas, transposé ou pas.

Nous voulons évidemment tous que soit garantie l’égalité des territoires, celle des citoyens – et c’est l’objectif du ministère –, mais nos territoires n’ont pas tous les mêmes spécificités ; c’est ce qui fait d’ailleurs leur richesse. Par conséquent, leurs besoins sont différents. C’est de cette réalité-là, de cette diversité-là que nous devons faire un atout.

Les problématiques sont très nombreuses, mais le chantier n’est pas insurmontable, tant s’en faut.

Parmi les questions que nous devrons traiter, relevons, par exemple, celle d’une vision renouvelée du partage des responsabilités en matière culturelle, sur la base d’un sens partagé des politiques publiques, afin de faire pendant, en quelque sorte, à la compétence partagée.

Une compétence, c’est le droit d’exercer un certain nombre de pouvoirs. Et qu’est-ce que la responsabilité ? Que peut-on faire et que ne peut-on pas faire ? Comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je sais ce dont je ne veux pas, à savoir une politique culturelle qui se réduirait à du clientélisme en direction de tel ou tel élu, une politique culturelle qui se réduirait à un quelconque folklore plus ou moins local. Nous voulons une politique culturelle exigeante sur tous les territoires, parce que chaque Français, où qu’il habite et d’où qu’il vienne, quelle que soit son origine sociale, a droit au meilleur de la création. C’est ainsi que l’on peut toucher le public le plus large et réussir le pari de la démocratisation.

Une autre question concerne la nécessité de répondre de manière différenciée aux besoins des territoires, en fonction de leurs identités, de leurs forces, de l’état d’avancement de la construction de leurs politiques culturelles, en gardant à l’esprit la nécessaire équité dans l’allocation des moyens de l’État et la vocation de celui-ci à contribuer à la résorption des inégalités d’accès à la culture.

Autre chantier à étudier : l’amélioration de la coordination des interventions tant des collectivités par elles-mêmes que de l’État et des collectivités par une instance ad hoc.

Nous devons également travailler à une meilleure gouvernance de nos projets qui doit se traduire par un allégement des charges administratives pesant sur les acteurs de la culture et qui laisse toute sa place à la vitalité, à l’envie d’agir et de partager de nos concitoyens.

J’ai bien entendu les remarques et les interrogations au sujet de l’assujettissement des EPCC à la taxe sur les salaires. Une instruction fiscale serait nécessaire afin de clarifier la situation. Puisqu’un tel document n’a pas encore été publié, je vais réitérer ma demande en ce sens.

Enfin, nous devons évidemment continuer à étudier la question du contenu et du périmètre du rôle de l’État garant d’une vision nationale et d’une équité d’accès à la culture.

Pour ce qui concerne les enseignements artistiques, par exemple, j’ai été jusqu’au bout de cette logique de clarification des compétences entre la région et l’État. J’ai dit que l’État devait s’engager à financer les conservatoires quand ceux-ci ont une vocation professionnalisante – je pense aux filières qui permettent ensuite d’accéder aux professions du spectacle –, alors que l’enseignement de base, l’enseignement spécialisé des conservatoires relève des collectivités.

La liste est longue, les sujets sont tous extrêmement importants et denses, mais le chantier est passionnant. J’ai confiance en la capacité du ministère, des collectivités territoriales et des acteurs de la culture pour le mener à bien.

Nous sommes à un moment charnière de réforme de l’organisation de l’État et des territoires. Nous avons également une obligation commune : bien gérer l’argent public. De fait, notre responsabilité, c’est de travailler encore mieux ensemble pour maintenir haute et exigeante l’ambition culturelle nationale qui est l’une des fiertés de notre pays, chantier ô combien passionnant.

Je remercie chacun des orateurs d’être intervenu, ainsi que Pierre Laurent d’avoir demandé l’inscription de ce débat à l’ordre du jour du Sénat ce soir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées de l’UMP.)