M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi, qui a été déposée par les députés du groupe socialiste, des radicaux de gauche et de l’UMP, a pour ambition d’apporter une réponse concrète et immédiate à une difficulté réelle : sécuriser juridiquement l’accord conclu entre les représentants des monitrices et des moniteurs de ski, représentés par leur principal syndicat, et les Écoles de ski français.

Cet accord vise à favoriser l’accès au métier des jeunes diplômés, sans pour autant que leur entrée en activité, qui repose sur une réduction progressive d’activité des moniteurs seniors, ait pour effet d’affecter négativement les droits à retraite de l’ensemble des actifs de cette profession.

Le dispositif proposé ici est facultatif, comme l’a rappelé Georges Labazée, et laisse donc toute liberté aux ESF, les écoles de ski français, d’organiser la réduction d’activité des monitrices et des moniteurs qui ont atteint l’âge d’ouverture du droit à retraite, mais qui souhaitent poursuivre leur activité.

De plus, cette organisation n’est valable que si ce dispositif profite aux jeunes diplômés de moins de trente ans. Il s’agit en quelque sorte d’un passage de témoin entre professionnels d’un même métier. Vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, c’est un contrat de génération avant l’heure.

Je ne reviendrai pas en détail sur le dispositif, parce que je n’en ai pas le temps et parce que notre rapporteur Georges Labazée l’a très bien détaillé.

Si la volonté affichée est tout à fait louable et généreuse, il n’en demeure pas moins que le système proposé est dérogatoire au droit commun et qu’il est la conséquence des diverses réformes du droit à la retraite que, par ailleurs, le groupe communiste républicain et citoyen conteste – j’y reviendrai.

Pour autant, cette organisation n’est pas nouvelle, cela a été dit. Mise en œuvre en 1963, elle a jusqu’à présent permis l’entrée dans la vie active des jeunes monitrices et moniteurs dans de bonnes conditions. Le départ progressif des seniors leur permettait en quelque sorte de bénéficier d’une assurance chômage, bien que ce terme ne soit pas juste, les moniteurs de ski étant, je le rappelle, de professionnels libéraux qui ne peuvent prétendre au chômage et n’ont donc aucune obligation légale de s’arrêter de travailler.

On le voit bien, on touche là au cœur de la problématique : l’obligation faite aux seniors de quitter leur emploi. Nous y reviendrons peut-être dans un moment, lorsque M. Pozzo di Borgo défendra ses amendements. On est également au cœur des spécificités des territoires de montagne qui, alors qu’ils représentent plus de 22 % de notre territoire national, sont trop souvent méconnus.

Il n’en demeure pas moins que cette proposition de loi constitue une réponse pragmatique à la difficulté juridique à laquelle sont confrontés ces professionnels libéraux, dont l’activité, très encadrée, repose sur le triptyque professionnalisme – avec un haut niveau de formation et un sens particulier de la pédagogie –, sécurité et passion.

Afin de tenir compte de ces éléments et de la nécessité, dans l’intérêt de la profession et pour favoriser le dynamisme économique, d’organiser l’entrée dans la vie active des jeunes monitrices et moniteurs, les professionnels ont donc imaginé, il y a bien longtemps – c’était en 1963 – un dispositif de cessation progressive d’activité.

C’est ce dispositif, remanié depuis sa création, que le tribunal de grande instance d’Albertville et la HALDE, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, ont remis en cause. La HALDE n’a pas manqué de rappeler que, pour organiser un traitement différencié qui ne soit pas assimilable à une discrimination, il fallait que le législateur, et lui seul, intervienne.

Tel est donc l’objet de cette proposition de loi, qui, en outre, vise à prendre en compte les réalités économiques de nos territoires de montagne, dont les ressources naturelles constituent souvent la première richesse.

Notre collègue Georges Labazée a d’ailleurs parfaitement souligné dans son rapport combien le tourisme de montagne, et par conséquent le ski, constitue une source importante de richesse. Ce n’est bien évidemment pas le cas dans tous les territoires, mais ça l’est pour ceux qui ont fait le choix d’orienter leur économie vers « l’or blanc ». Je n’y reviendrai donc pas, si ce n’est pour préciser que, derrière ces chiffres, il y a une réalité : cette richesse, cette activité, par nature saisonnière, conditionne pour partie le maintien et l’installation de jeunes couples dans nos territoires, donc la vitalité de ces derniers.

Cette économie associant tourisme, sport et passion repose sur une dynamique propre aux saisonnalités. Elle présente en outre les particularités montagnardes de l’enclavement et de la faible densité de population. Ces particularités pèsent, avec les questions du transport des matières premières et de la consommation énergétique, sur un tissu industriel en plus grande difficulté que partout ailleurs en France.

Cette proposition de loi, mes chers collègues, n’apporte bien sûr pas toutes les réponses aux problèmes spécifiques de nos massifs ou de nos communes de montagne.

Toutefois, cette initiative parlementaire achève la volonté des acteurs économiques et des professionnels qui, ensemble, étaient parvenus à un accord équilibré, tout en renforçant son effet protecteur pour les moniteurs de ski les plus âgés, car, contrairement à ce qui était prévu dans le pacte intergénérationnel de 2012, la réduction progressive s’effectuera en trois temps.

L’article 3 de cette proposition de loi prévoit en effet un dispositif transitoire, afin de ne pas porter atteinte aux droits de certains moniteurs ; cela a été rappelé par M. le rapporteur.

Mon premier constat, mes chers collègues, est donc positif. Les spécificités des territoires de montagne sont reconnues et prises en compte, de même que les particularités économiques et sociales et les besoins singuliers d’insertion professionnelle des jeunes dans notre économie.

Malgré tout, les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne peuvent ignorer que la dernière modification du pacte intergénérationnel, comme les précédentes, est la conséquence des réformes successives des retraites, qui, toutes, sans exception, ont conduit à l’allongement des durées de cotisation et à l’augmentation des décotes, bref, ont compliqué les conditions d’accès à la retraite de nos concitoyennes et concitoyens.

Les monitrices et moniteurs de ski, qui relèvent du régime des indépendants, subissent également ces conséquences, alors même que leurs durées de cotisation sont réduites, du fait du caractère saisonnier de leur activité et des règles de cumul des retraites, qui leur sont défavorables.

Parce qu’ils sont multiactifs, qu’ils cumulent plusieurs activités dans l’année et qu’ils relèvent parfois de régimes différents – ils sont libéraux l’hiver et salariés l’été –, les monitrices et moniteurs de ski peuvent être polypensionnés et relever de plusieurs régimes de retraite. Or on sait que les règles de calcul des droits et des durées de cotisation des polypensionnés leur sont défavorables.

Cela explique sans doute pourquoi, comme l’a précisé notre collègue Georges Labazée dans son rapport, la pension de retraite moyenne d’un moniteur de ski ayant validé l’ensemble des trimestres nécessaires à l’obtention d’une retraite à taux plein grâce à son activité de moniteur de ski s’élèverait à 6 000 euros par an, soit, si cette pension est lissée sur douze mois, à peine 500 euros mensuels.

Même si on la rapporte au nombre de mois cotisés, soit entre quatre et cinq mois par an en moyenne, cela représente une pension sur douze mois variant entre 1 200 euros et 1 500 euros mensuels. Et encore faut-il que les moniteurs aient validé tous leurs trimestres, ce qui, compte tenu de l’entrée tardive dans la profession, est loin d’être le cas de la majorité d’entre eux. En la matière, force est de constater que cette proposition de loi ne changera rien.

De même, elle ne modifiera en rien l’organisation du temps de travail des moniteurs et des monitrices de ski. Je pense à la hiérarchie des plannings, par exemple, ou à l’organisation du fonctionnement – de la toute-puissance, suis-je tentée de dire – du principal syndicat de la profession, le Syndicat national des moniteurs du ski français. Nous avons été alertés par des moniteurs qui aimeraient faire entendre une voix différente dans nos montagnes…

Pour ces raisons, le groupe CRC a décidé de prendre acte de la volonté des professionnels, telle qu’elle a été transposée dans cette proposition de loi, sans pour autant lui apporter son soutien. En conséquence, nous nous abstiendrons sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.

M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, alors que la saison hivernale touche à sa fin et que les dernières stations viennent de fermer leurs portes, il nous revient d’examiner une proposition de loi résultant de plusieurs initiatives parlementaires et soutenue par-delà les massifs et les appartenances partisanes – cela prouve d'ailleurs qu’elle est bonne !

Si la France est redevenue la première destination du tourisme de montagne, elle le doit à la beauté de ses cimes et à la qualité de ses infrastructures, mais aussi à l’excellence de ses moniteurs et monitrices, sans oublier ses pisteurs, guides et accompagnateurs, qui transmettent leur amour de la montagne et de leurs disciplines. Nous le savons, l’économie des régions de montagne repose sur de fragiles équilibres. Le tourisme en est l’une des principales composantes ; il est également une source d’emploi pour les habitants.

Arnaud Bovolenta, Jean-Frédéric Chapuis, Marie Martinod, Bastien Midol : ces médaillés français aux jeux Olympiques de Sotchi sont en formation pour devenir moniteurs de ski. Ils feront partie des 350 diplômés annuels de l’École nationale des sports de montagne, qui sont autant de futurs éducateurs à insérer. À l’autre bout de la chaîne, le taux d’activité des moniteurs est de 56 % à 70 ans ; à 77 ans, ils sont encore près de 30 % à ne pas avoir raccroché les spatules !

Au-delà du constat que la pratique des sports d’hiver et la vie au grand air conservent en bonne santé – témoin le président du Syndicat national des moniteurs du ski français, le SNMSF, Gilles Chabert, dont on a beaucoup parlé tout à l'heure –, la régulation de la profession apparaît comme une nécessité.

Cette profession s’est organisée d’une manière particulière, mais efficace, reconnaissons-le, puisque le chômage y est quasi inexistant. Soumis au régime des indépendants, les moniteurs sont, dans leur écrasante majorité, membres d’une école de ski, qui est en charge de la gestion des plannings et de la répartition des cours.

La nécessité de dispositifs d’accompagnement pour les moniteurs âgés et d’insertion pour les plus jeunes s’est rapidement imposée. Le premier dispositif date de 1963, cela a été rappelé. Il a fait l’objet d’actualisations régulières. Les plus récentes sont intervenues en 2007 et en 2012, année où le principal syndicat des moniteurs de ski, le SNMSF, a adopté un nouveau dispositif, dit « pacte intergénérationnel », approuvé par plus de 94 % de ses membres.

Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, vous avez rappelé le contentieux juridique opposant certains moniteurs seniors – peu nombreux – à leur école de ski. Un constat s’impose à nous : cette situation doit être clarifiée. Comment mieux y parvenir que par la voie législative, en définissant un cadre juridique précis ?

Le texte soumis à notre examen prend en compte les revendications des représentants de la profession, mais aussi les avis de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, et du Défenseur des droits. Il est également compatible avec la directive européenne 2000/78/CE.

En effet, cette directive dispose que « les différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ». De ce point de vue, l’équilibre trouvé dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale est tout à fait satisfaisant.

D’une part, si l’on considère le dispositif proposé pour les moniteurs seniors, qui est détaillé à l’article 2, on constate – c’est un point important – que la réduction d’activité se fait par seuils : entre 62 et 65 ans, elle ne peut dépasser 30 % ; entre 65 et 67 ans, elle passe à 50 % ; enfin, après 67 ans, les moniteurs peuvent avoir le statut de simple renfort, en période de vacances scolaires.

Parallèlement, ils conservent leur propre clientèle, constituée tout au long de leur carrière en dehors des écoles de ski ; je rappelle que nous parlons ici d’une profession libérale. Nous sommes donc face non pas à une discrimination liée à l’âge, mais à un accompagnement progressif vers la retraite. Le Défenseur des droits, que vous avez saisi à juste titre, monsieur le rapporteur, a dressé le même constat.

D’autre part, l’article 1er va plus loin que les pactes intergénérationnels, en posant que la « redistribution d’activité résultant de la mise en œuvre de ce dispositif bénéficie exclusivement aux moniteurs âgés de moins de trente ans ». Le texte évite ainsi d’opposer les jeunes moniteurs aux plus âgés. Il concilie les besoins des uns et des autres, dans l’intérêt de la profession. En outre, aux deux extrémités de la pyramide des âges, les moniteurs pourront valider chaque année deux trimestres d’assurance vieillesse au minimum. Cet aspect est primordial dans une profession dont l’activité est saisonnière.

Enfin, notons que la mise en place de ces dispositifs est facultative : elle est laissée à l’appréciation des écoles de ski. En effet, comme cela a été souligné, les problématiques ne se posent pas dans les mêmes termes dans les grandes stations et dans les stations de taille plus modeste.

En résumé, mes chers collègues, ce dispositif est équilibré. Il est aussi frappé au coin du bon sens et constitue une sorte de contrat de génération avant l’heure.

Les sénateurs radicaux et l’ensemble des membres du RDSE ont donc choisi de ne pas déposer d’amendement sur le texte transmis par l’Assemblée nationale. Ils souhaitent que son adoption conforme fasse l’objet d’un large consensus et permette de ramener la sérénité au sein des écoles de ski françaises. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis 1963, les moniteurs de ski ont mis en place un dispositif de solidarité intergénérationnelle au sein de leur profession. Son principe est le suivant : réduire l’activité des moniteurs de ski ayant dépassé l’âge légal de départ à la retraite, afin de laisser la place aux jeunes moniteurs au sein des 260 écoles de ski françaises.

Ce dispositif a cependant été jugé discriminatoire par la HALDE et par les tribunaux de grande instance d’Albertville et de Grenoble, car il refusait l’accès à l’emploi à des moniteurs au seul motif de leur âge. La situation était d’autant plus problématique que les moniteurs seniors étaient poussés vers la sortie alors même qu’ils ne bénéficiaient pas de la totalité de leurs trimestres de retraite.

En effet, les trimestres de retraite des moniteurs entre 1963 et 1978 ne sont pas comptabilisés du fait de la non-affiliation des caisses de retraite des moniteurs au régime général des professions libérales durant cette période. De plus, comme le souligne le rapport de la commission, la réduction bénéficiait non pas exclusivement aux jeunes moniteurs, mais à tous les moniteurs. De ce fait, l’impact sur l’emploi des jeunes moniteurs était marginal.

Le sens de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est de sécuriser le dispositif de solidarité intergénérationnelle en garantissant l’accès à l’emploi des moniteurs de moins de 30 ans. Ce texte est compatible avec la directive 2000/78/CE, qui prévoit que les États membres peuvent instaurer des différences de traitement liées à l’âge dès lors que celles-ci sont « objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime ».

Le texte donne aux écoles de ski la possibilité – il ne s’agit pas d’une obligation – de mettre en œuvre un dispositif de réduction d’activité des moniteurs seniors. La limitation d’activité est encadrée : 30 % les trois premières années et 50 % les deux années suivantes, ce qui permet aux moniteurs seniors d’effectuer un nombre minimal d’heures suffisant pour valider deux trimestres de droits à la retraite par an.

La redistribution d’activité doit bénéficier exclusivement aux jeunes de moins de 30 ans et leur garantir la même durée minimale de travail pour valider ces deux trimestres de retraite par an. Ce texte entérine donc un pacte de solidarité générationnelle accepté par les moniteurs de ski eux-mêmes. Il s’agit d’une déclinaison sectorielle des contrats de génération créés par la loi du 1er mars 2013.

Cependant, cela ne doit pas nous dispenser de nous interroger sur les raisons du maintien dans l’emploi des moniteurs de ski, jusqu’à 80 ans pour 10 % d’entre eux. Il est vrai que le ski fédère des gens passionnés et que l’air pur de la montagne a une influence positive sur la durée de vie, mais se pose aussi la question des trimestres non validés entre 1963 et 1978.

Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé en commission votre volonté d’alerter le Gouvernement sur ce point, afin que la situation puisse être réglée par la loi de financement de la sécurité pour 2015. Nous saluons cette initiative – et nous nous saluerons la vôtre, monsieur le secrétaire d'État, dans quelques mois –, car les moniteurs qui le souhaitent doivent pouvoir bénéficier d’une retraite méritée.

Mes chers collègues, j’ai fait beaucoup de redites jusqu’à présent, mais je vais maintenant vous soumettre deux réflexions non pas philosophiques, certes, mais générales. (Exclamations.) Elles ne constitueront assurément pas des redites, puisqu’elles découlent d’une interrogation écologiste.

Mme Françoise Férat. Vous n’en avez pas le monopole !

M. Jean Desessard. Je n’ai pas le monopole de l’écologie, certes, chère collègue, mais j’ai au moins une cohérence, et je vais vous le montrer.

Le ski est une activité saisonnière ; on ne peut pas l’étendre à l’infini. Si on ne veut pas détruire la beauté des montagnes, il faut limiter le nombre des sites touristiques. On peut encore les développer, me direz-vous, mais il y aura bien un moment où on atteindra le maximum. On ne pourra pas avoir toujours et toujours plus de croissance !

La présente proposition de loi dit qu’il faut partager. C’est aussi ce que nous avons dit au moment du débat sur les retraites : cessez de courir après une croissance qui va polluer et détruire les ressources naturelles, car nous finirons par être asphyxiés ! Distribuons le travail ! Cela ne sert à rien de vouloir travailler plus longtemps. C’est en ce sens que la proposition de loi est intéressante.

J’en viens à ma seconde réflexion. Certains membres de l’UMP – je ne parle pas de vous qui êtes présents, chers collègues, car vous êtes vertueux – affirment qu’il faut travailler davantage,…

Mme Françoise Férat. Pour gagner plus !

M. Jean Desessard. … avec moins de vacances et de jours fériés.

Toutefois, regardons les chiffres : sur les sept millions de skieurs qui ont parcouru les pistes françaises en 2013, près de cinq millions, soit 70 %, étaient français. Si vous faites travailler davantage les Français, il n’y aura plus personne sur les pistes ! (Sourires.) C’est tout un secteur économique qui sera mis en péril.

Vous ne pouvez pas à la fois demander aux Français de travailler davantage et souhaiter que l’industrie des loisirs fonctionne. Il faut examiner les choses dans leur globalité. Ce sont les vacanciers qui créent l’activité économique de la montagne. Cessez donc de dire qu’il faut travailler davantage ! Il faut plutôt partager le travail.

En conclusion, le groupe écologiste votera conforme cette proposition de loi équilibrée, qui permet de sécuriser un principe vertueux en lui donnant les moyens – c’est le plus important – de ne plus être discriminatoire. (M. le rapporteur applaudit.)

M. Bernard Saugey. C’est bien défendu !

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je commencerai par un clin d’œil : moi qui suis Marnaise, j’ai bien une légitimité à intervenir sur cette proposition de loi. Nos montagnes ne sont certes pas fameuses pour ce qui concerne la poudreuse – la montagne de Reims culmine à 286 mètres (Sourires.) –, mais nous avons tout de même deux stations de ski dans notre belle région de Champagne-Ardenne ; celle de La Chapelle, dans les Ardennes, est située à plus de 500 mètres d’altitude.

Sur le fond, le présent texte est consensuel. Il est très largement soutenu par la profession et il demeure souple, puisqu’il est fondé sur le volontariat. La problématique juridique a été très bien exposée par notre rapporteur, dont je salue le travail. Les moniteurs de ski sont des travailleurs indépendants employés à 90 % par les écoles du ski français. Ces écoles sont fédérées par le Syndicat national des moniteurs du ski français, le SNMSF.

Or, depuis 1963, ce syndicat a mis en place un système de réduction progressive de l’activité des moniteurs seniors au profit des plus jeunes. Dans une logique de solidarité intergénérationnelle, il s’agit de garantir l’activité des jeunes diplômés arrivant sur le marché du travail.

Ce système, révisé à plusieurs reprises, a assuré le plein-emploi à l’ensemble de la profession, ce qui, à l’heure où l’inflexion de la courbe du chômage se fait cruellement attendre, laisse songeur.

En particulier, il a permis aux jeunes moniteurs d’exercer, mais sans pour autant empêcher les seniors de travailler, puisque 73 % d’entre eux sont encore en activité à 65 ans et 56 % à 70 ans.

Cependant, ce dispositif fait aujourd’hui l’objet d’une bataille judiciaire. En effet, à la suite du vote de la loi du 27 mai 2008 transposant la directive créant un cadre pour l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, la HALDE a jugé ce système discriminatoire et le TGI d’Albertville l’a invalidé.

En 2012, le SNMSF a accordé davantage de garanties aux moniteurs seniors, mais le pacte a tout de même été déclaré illicite par le TGI de Grenoble en 2013. La cour d’appel a infirmé ce jugement et le verdict de la Cour de cassation est attendu.

Le dispositif étant fragilisé par cette insécurité juridique, l’objet du présent texte est donc simple : l’élever au rang législatif pour remédier à cette situation.

Son article 1er offre ainsi aux écoles de ski la possibilité d’instituer un dispositif de réduction d’activité des moniteurs ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite. Le caractère facultatif – j’insiste sur ce point – de ce dispositif pour les écoles de ski est déterminant, car il permettra à celles qui ont des difficultés à insérer leurs jeunes moniteurs de ne pas y recourir. Le système est donc totalement pragmatique.

Toutefois, le texte ne se contente pas de donner une valeur législative au système de 1963, puisqu’il tend aussi à prendre en compte les jurisprudences intervenues en la matière depuis 2010, ainsi que les garanties nouvelles accordées aux moniteurs seniors en 2012.

Ainsi, afin d’éviter un détournement du système, il est explicitement prévu que le temps d’enseignement dégagé par les moniteurs seniors ne profitera qu’aux moniteurs âgés de moins de 30 ans.

De même, l’article 2 du texte a pour objet de sanctuariser le principe fondamental d’une cessation progressive et proportionnelle d’activité, lequel constituait la garantie incontournable accordée en 2012 par le pacte intergénérationnel.

En vertu du dispositif en question, la réduction d’activité est plafonnée en deux temps. Les trois premières années suivant l’âge d’ouverture des droits à pension, l’activité des moniteurs seniors pourra être réduite de 30 %, puis de 50 % au cours des deux années suivantes. Au-delà, il pourra être fait appel aux moniteurs en tant que de besoin.

Autre garantie très importante : il est expressément prévu que les moniteurs ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension, mais souhaitant poursuivre leur activité, auront un nombre d’heures de cours suffisant pour valider au moins deux trimestres d’assurance vieillesse par an dans leur régime de retraite de base.

Toujours dans la même logique d’équilibre, la garantie symétrique de validation est aussi accordée aux moniteurs de moins de 30 ans. Et bien sûr, le dispositif ne concerne en aucun cas l’activité des moniteurs sollicités directement et à titre personnel par la clientèle.

Le système nous semble donc parfaitement équilibré, ce qui explique non seulement le plébiscite dont le Pacte intergénérationnel – adopté avec près de 95 % des suffrages exprimés par les membres du Congrès national des moniteurs des écoles du ski français – a fait l’objet en 2012, mais également l’avis positif du Défenseur des droits sur le texte qui nous est soumis cet après-midi.

En lui-même, il est donc difficilement contestable, mais s’il est encore contesté par certains, c’est, semble-t-il, pour une raison qui lui est étrangère : les cotisations des moniteurs de ski de 1963 à 1978, dont M. Desessard a parlé à l’instant.

Le fait que, en raison des circonvolutions de l’histoire de ce régime, les moniteurs soient réputés ne pas avoir cotisé durant cette période est proprement scandaleux, et nous soutiendrons évidemment toute initiative visant à ce qu’il y soit remédié en loi de financement de la sécurité sociale.

Si donc nous ne voyons que des raisons de soutenir ce dispositif, vous me permettrez tout de même d’observer, en conclusion, qu’il pèche peut-être par l’étroitesse de son champ.

En effet, comme notre collègue Gérard Roche le faisait observer en commission, il ne règle la situation que d’une profession de montagne, plus précisément de haute montagne. Quid des professionnels des autres activités de loisir de moyenne montagne, telles que l’accrobranche, par exemple ? Leur problématique étant tout à fait comparable, ne faut-il pas songer à une approche plus large de la question ?

Une fois cette question posée, et en attendant qu’une réponse satisfaisante lui soit apportée, le groupe UDI-UC soutiendra ce texte dans son immense majorité, parce qu’il est de nature à renforcer un secteur économique qui constitue un fleuron français, parce qu’il vise à permettre à des jeunes de continuer de rester au pays, et parce que, mine de rien, il tend à rendre hommage à une profession qui participe si activement à l’animation et à la vitalité de nos territoires, tout en endossant, il ne faut pas l’oublier, la lourde responsabilité de garantir la sécurité de tous les élèves, grands et petits, dont elle a la charge. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. Jacky Le Menn applaudit également.)