Un sénateur du groupe socialiste. Oh !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui !

L’ennui est que la baisse que vous proposez n’interviendra qu’en 2015 et en 2016. La France aura donc perdu trois ans.

M. Jean-Marc Todeschini. Elle en a perdu dix avec vous !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Dans le contexte d’aujourd’hui et de ces dernières années, de notre point de vue, c’est une faute lourde !

Quant à la diminution à hauteur de 1 milliard d’euros des impôts pesant sur les entreprises, avec la suppression annoncée de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, et la diminution de l’impôt sur les sociétés, elle n’interviendra qu’à partir de 2015, pour s’étaler jusqu’en 2017 et au-delà. En outre, nous ne savons pas comment ces mesures seront financées !

En effet, comment concilier la réduction du déficit public à 3 % du PIB en 2015 et le financement des mesures précitées ? Car il faut également leur ajouter 5 milliards d’euros de mesures en faveur du pouvoir d’achat d’ici à 2017, ainsi que les dernières nouvelles mesures annoncées hier par M. le Premier ministre pour tenter de calmer la fronde d’une partie de ses troupes, et dont nous ne connaissons pas plus le financement.

Gilles Carrez, président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, présente une estimation de 25 milliards d’euros à trouver d’ici à 2017 pour financer les baisses de prélèvements annoncées et un chiffrage d’économies nécessaire entre 70 milliards et 80 milliards d’euros, au lieu de 50 milliards d’euros.

Cependant, le plus inquiétant est que, si les prévisions de croissance pour 2014 et 2015 détaillées dans le présent projet de programme de stabilité sont envisageables, les hypothèses pour 2016 et 2017 apparaissent exagérément optimistes.

Globalement, l’économie française ne redémarre que très lentement, avec une perspective de croissance située plutôt entre 1,4 % et 2 % en 2016 et 2017. Dans son budget pour 2014, le Gouvernement avait estimé la croissance à 2 % en 2016 et 2017. Dans le nouveau programme de stabilité, les projections ont été révisées à la hausse à 2,25 %. Un tel optimisme pour la fin du quinquennat permet l’astuce comptable consistant à présenter un ratio de dépense publique autour de 53 % du PIB.

Dans son avis sur le programme de stabilité, le Haut Conseil des finances publiques a jugé sévèrement ces nouvelles hypothèses de croissance.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Non !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Si ! Selon lui, ces prévisions reposent sur des hypothèses très favorables, tant pour le soutien apporté par l’environnement international que pour le dynamisme de la demande intérieure. Il estime que le contexte de faibles marges des entreprises françaises pourrait conduire à une croissance moins dynamique de la masse salariale marchande et de l’investissement productif.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Soyez un peu optimiste !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Selon le Haut Conseil, la croissance potentielle risque d’être durablement faible pour plusieurs raisons : déficit de compétitivité, euro fort et chômage élevé. La faible inflation a en outre pour conséquence d’augmenter les taux d’intérêt réels, donc de limiter l’accélération de la croissance, et renchérit le coût de la dette.

Les hypothèses de croissance s’avèrent donc surestimées pour la fin du quinquennat. (M. Jean-Marc Todeschini s’exclame.) Or, si la croissance s’avérait moindre, à pression fiscale inchangée sur la période, sans même parler d’une possible remontée des taux d’intérêt, ce ne sont plus 50 milliards d’économies qu’il faudrait réaliser, mais beaucoup plus ! (M. Jean-Marc Todeschini s’exclame de nouveau.)

Selon les économistes de Natixis, avec une croissance de 0,6 % en 2014, de 1 % en 2015 et les années suivantes, les dépenses publiques devraient alors baisser de 2,1 % en volume pour satisfaire l’objectif de recul des dépenses publiques de 3 points de PIB à l’horizon 2017. Il faudrait alors diminuer les dépenses publiques non plus de 50 milliards d’euros, mais de 85 milliards d’euros.

En outre, les 50 milliards d’euros d’économies sur trois ans sont constitués pour une part de mesures qui ne sont pas nouvelles. Je rappelle que le gel des dépenses en valeur, donc la baisse en volume, déjà respecté depuis plusieurs années, avait été engagé par notre ancienne majorité ; le gel du point d’indice des fonctionnaires en 2015 et 2016 est également la poursuite d’une mesure mise en place depuis 2010 – son prolongement est d’ailleurs en contradiction avec les propos de Mme Lebranchu, ministre de la fonction publique, qui avait annoncé, en janvier 2014, que ce gel ne durerait pas toute la législature.

Par ailleurs, ces 50 milliards d’économies sont en réalité une baisse équivalente appliquée à une hausse tendancielle estimée à 35 milliards d’euros par an, soit 105 milliards d’euros sur trois ans. En réalité, il s’agit donc d’une réduction d’un peu moins de la moitié de la hausse prévue des dépenses. C’est déjà bien, mais c’est insuffisant !

Ce plan d’économies ressemble donc à un plan de colmatage, alors qu’il faudrait un plan d’économies structurelles. Il faut réformer le marché du travail et la formation professionnelle, il faut supprimer les 35 heures, il faut aller plus loin dans les réformes des retraites et de la sécurité sociale.

M. Jean-Marc Todeschini. L’avez-vous fait ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. La réflexion sur le « millefeuille territorial » est certes envisagée, avec la proposition de création de grandes régions, que nous approuvons, mais la suppression des départements, l’échelon social de proximité, est inenvisageable pour le groupe UMP du Sénat, je le répète.

M. Daniel Raoul. Et Copé ?

M. Jean-Marc Todeschini. Et Fillon ? Vos copains veulent la faire, pourtant !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Encore une fois, quelle perte de temps ! Vous avez supprimé notre réforme territoriale, qui créait le conseiller territorial et répondait parfaitement à l’objectif que vous affichez maintenant. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)

M. Gérard Longuet. C’est vrai !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Dois-je rappeler que nous avions supprimé la clause de compétence générale des départements et des régions ? Cette clause a été réintroduite sous Ayrault et elle est à nouveau supprimée sous Valls ! (M. Jacques Legendre applaudit.)

Un sénateur du groupe UMP. Quelle logique !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Quant à l’effort de 11 milliards d’euros que vous demandez aux collectivités locales, je souhaite que vous soyez beaucoup plus précis, monsieur le Premier ministre.

M. Didier Guillaume. C’est le même que celui que vous exigiez !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. En effet, nous ne comprenons pas comment vous obtenez ces 11 milliards d’euros. Nous ne disposons d’aucun détail, car il s’agit d’un agrégat macroéconomique. Nous voulons savoir comment et quand ces économies seront dégagées. Nous voulons également que cet effort s’accompagne de la stabilité des normes et que l’on cesse de mettre de nouvelles dépenses à la charge des collectivités locales. Le dispositif actuel n’a plus de logique ! (M. Jean-Marc Todeschini s’exclame.)

Même incohérence avec le gel du point d’indice des fonctionnaires : vous gelez le point d’indice, mais, parallèlement, vous refusez de revenir, même partiellement, sur la création de 60 000 nouveaux postes de fonctionnaires. C’est illogique ! Comme l’a rappelé le gouverneur de la Banque de France, « en 2013, malgré le gel du point d’indice de la fonction publique, la masse salariale de la fonction publique a augmenté de près de cinq milliards d’euros, soit autant que l’économie réalisée sur la charge de la dette publique grâce au bas niveau des taux d’intérêt ».

Ce bas niveau des taux d’intérêt, dont vous gratifient les marchés financiers, est d’ailleurs votre meilleur allié actuellement.

M. Philippe Marini. Les marchés financiers sont vos meilleurs amis !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous réussissez à « limiter la casse » grâce à une charge de la dette en diminution. Le taux des obligations assimilables du Trésor – OAT – à dix ans est en effet particulièrement bas, actuellement légèrement inférieur à 2 %.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Réjouissez-vous !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Le coût de financement à moyen et long termes a atteint un plancher de 1,54 %, contre 1,86 % en 2012 et une moyenne de 4,15 % sur la période 1998-2007.

Toutefois, une remontée est possible, ce qui pourrait anéantir tous les efforts. Un point de taux d’intérêt en plus, c’est en effet 3 milliards d’euros de plus en termes de charge de la dette la première année et 6 milliards l’année suivante. Certes, vous envisagez cette hypothèse dans le programme de stabilité et nous vous savons gré de cette prudence affichée.

Rappelons enfin que la France emprunte, chaque année, plus ou moins de 200 milliards d’euros. En 2014, le budget prévoit l’émission de 173 milliards d’euros de dette à moyen et à long terme. Ce chiffre fait de notre pays le second plus gros emprunteur de la zone euro, derrière l’Italie, dont le programme s’élève à 235 milliards d’euros. Selon les économistes de Natixis, la France prévoit même d’émettre davantage ; ils chiffrent nos probables émissions en 2014 à 198 milliards d’euros de dette à moyen et à long terme, soit un peu plus que le montant émis en 2013, qui s’élevait à 192 milliards d’euros. La France ne réduirait donc pas son programme d’emprunts, contrairement à l’Italie.

Nous le voyons, nous sommes dans une situation critique. Nous pouvons basculer dans le gouffre, comme remonter la pente.

M. Jean-Marc Todeschini. Plus qu’une minute, il faut conclure !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Après deux années d’échecs, sanctionnés par les Français lors des dernières élections, vous avez décidé de changer votre fusil d’épaule, mais la plupart des mesures entreront en vigueur au mieux dans un an et, outre des questionnements concernant leur financement, leur équilibre repose sur des hypothèses de croissance probablement surestimées. Enfin, les mesures réellement structurelles sont insuffisantes.

Pour toutes les raisons que j’ai évoquées, le groupe UMP du Sénat ne voterait donc pas ce projet de programme de stabilité. (M. Jean-Marc Todeschini s’exclame.) Mais notre Haute Assemblée est privée de vote. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) C’est particulièrement regrettable pour nos collectivités territoriales que vous malmenez (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Todeschini. Qu’avez-vous fait avant !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … et que nous représentons !

Le groupe UMP le déplore profondément, comme l’a exprimé notre collègue Roger Karoutchi lors d’un rappel au règlement à la reprise de la séance de cet après-midi.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. La responsabilité du Gouvernement n’est pas engagée ici, au Sénat. Nous ne sommes pas dans le cadre d’un vote, comme à l’Assemblée nationale.

M. Jean-Marc Todeschini. Vous avez épuisé votre temps de parole !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cette inégalité de traitement est dommageable pour notre institution. Et nous regrettons, monsieur le président du Sénat, que vous n’ayez pas défendu la Haute Assemblée en insistant auprès du Gouvernement pour qu’il décide un vote ici même !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Pourtant, sous le précédent quinquennat,…

M. Jean-Marc Todeschini. C’est fini !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … un vote avait eu lieu à l’occasion du premier débat sur le programme de stabilité en 2011. En 2012, il n’y avait pas eu de vote, car il n’y avait pas eu de débat, le Parlement ne siégeant pas en avril 2012 en raison de la campagne de l’élection présidentielle.

Depuis lors, en 2013 et de nouveau cette année, les gouvernements de gauche nous refusent ce vote,…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pourquoi ? Qu’avons-nous fait ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … pourtant prévu par l’article 14 de la loi de programmation des finances publiques, lequel précise que, concernant le projet de programme de stabilité, le Parlement débat de ce projet et se prononce par un vote.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

M. Jean-Marc Todeschini. Vingt minutes, c’est long !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le Premier ministre, nous ne sommes pas dupes de cette inégalité de traitement ! Votre majorité est plus fragile ici…

M. le président. Concluez, madame Des Esgaulx !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … qu’à l’Assemblée nationale où vous avez aussi perdu votre majorité absolue ! Nous aurions bien aimé un peu plus de courage ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Jean Arthuis applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour le groupe socialiste. (De nombreux sénateurs du groupe UMP se lèvent et quittent l’hémicycle.)

M. Didier Guillaume. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,…

M. Jean-Marc Todeschini. Certains ne sont pas si chers, ils sont même impolis !

M. Didier Guillaume. … je vais attendre que la plupart des collègues de l’UMP quittent l’hémicycle pour démarrer mon propos, car tous ces mouvements rendent la concentration difficile. Vous voudrez bien, monsieur le président, défalquer ces instants de mon temps de parole.

Monsieur le Premier ministre, je voudrais d’abord vous féliciter très chaleureusement, au nom de notre groupe, d’être venu dès ce soir, au Sénat, le même jour que le débat à l’Assemblée nationale, pour évoquer le pacte de responsabilité et de solidarité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Et permettez-moi également, parce qu’il a été beaucoup question de vote, de vous féliciter d’avoir obtenu, par votre majorité, la majorité absolue des votes cet après-midi à l’Assemblée nationale, gage de la confiance que la majorité de gauche apporte à votre gouvernement. (M. Jacky Le Menn applaudit.)

M. Alain Fouché. Cela a été dur, tout de même !

M. Didier Guillaume. Vous avez dit qu’il fallait regarder la vérité en face. Oui, monsieur le Premier ministre, regardons la vérité en face ! Notre endettement est devenu un problème politique majeur. Cet endettement a augmenté depuis quarante ans. Notre dette a grossi à un rythme effréné. Et il faut regarder la réalité en face : à quel moment cette dette a-t-elle le plus augmenté ? Et à quel moment a-t-elle un peu diminué ? En effet, si l’on veut un débat objectif, il faut également prendre cela en compte.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On a confiance dans votre objectivité… (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Didier Guillaume. Dans un contexte de faible inflation et de faible croissance, cette dette est devenue un fardeau. Est-ce là l’héritage que nous voulons laisser à nos enfants ? Avec un tel niveau d’endettement, notre destin ne nous appartient plus. Avec un tel niveau d’endettement, notre souveraineté serait menacée. Avec un tel niveau d’endettement, c’est toute notre démocratie qui en prendrait un coup !

Quelle liberté collective avons-nous quand le deuxième budget de l’État est celui de la dette ? Quelle liberté collective avons-nous quand nos choix politiques sont subordonnés aux taux d’intérêt des marchés financiers ? C’est de cela qu’il s’agit ce soir, et c’est le débat qui a occupé le Parlement toute la journée !

Nous devons recouvrer notre autonomie et notre souveraineté. Nous devons surtout permettre aux générations futures de pouvoir faire, le moment venu, leurs propres choix.

Alors, oui, monsieur le Premier ministre, vous l’avez dit, le pacte de responsabilité est un levier de confiance pour aller chercher la croissance. Sans croissance, point de salut ! Sans croissance, pas de développement économique, pas de création d’emplois et, donc, pas de fluidité dans les mouvements ! C’est de cela qu’il s’agit et vous avez pris, monsieur le Premier ministre, avec votre gouvernement, une décision historique – je dis bien « historique ».

Vous êtes le premier gouvernement de la VRépublique à avoir décidé de combattre la dette, de la faire baisser par la réduction des dépenses publiques. Il n’y en a pas eu un autre ! C’est pourquoi nous sommes parfois las d’entendre les donneurs de leçons qui trouvent que « ce n’est pas assez ceci » ou que « c’est trop cela ». Là encore, regardons la réalité en face !

Depuis des années, les uns et les autres, la droite, comme la gauche, ont augmenté les impôts. Mais aujourd’hui ce n’est plus possible. La droite et la gauche ont mené des politiques pour faire baisser le chômage mais on voit où nous en sommes aujourd’hui. Depuis un an, le chômage des jeunes a baissé. Nous pouvons nous en réjouir, car un jeune qui retrouve le chemin de l’emploi retrouve le chemin de la société et retrouve donc le chemin de la République. Le chômage est toutefois encore trop haut et je souhaite à notre ex-collègue, le ministre Rebsamen, d’avoir la grande joie d’annoncer le moment venu l’inversion et la baisse du chômage.

M. Jean-Pierre Raffarin. On lui souhaite aussi !

M. Didier Guillaume. Oui, il faut tous nous en réjouir, mes chers collègues, parce que c’est l’intérêt de la nation française !

Monsieur le Premier ministre, vous l’avez dit, vous avez écouté les parlementaires – ceux de votre majorité, notamment. Non seulement vous avez écouté les parlementaires, mais vous avez aussi entendu les Français parce que vous les connaissez. Vous avez entendu leurs souffrances. Vous avez entendu leurs craintes. Que veulent nos concitoyens ? De la justice et de la vérité. Oui, de la justice et de la vérité !

Vous savez, les Français sont capables d’entendre qu’il faut faire des efforts. Les Français sont capables d’entendre qu’il faut aller dans telle direction, à condition que ce soit juste et qu’on leur tienne le discours de la vérité. Sans cela, l’abstention et le vote extrême – n’en doutons pas ! – continueront à augmenter.

Il fallait absolument protéger les petites retraites. Et vous l’avez fait : 6,5 millions de personnes sont concernées. Qu’on ne nous dise pas que c’est le fruit d’un marchandage…

M. Jean-François Husson. Non, nous n’avions pas pensé ça…

M. Didier Guillaume. … ou que c’est epsilon : 6,5 millions de Français dont les pensions de retraite sont inférieures à 1 200 euros par mois vont être épargnés par ce plan ! C’est une mesure de justice. Vous avez également pris en compte les fonctionnaires de catégorie C et la pauvreté.

Tout à l’heure un orateur disait : « Mais qui paie ? Ce sont les départements ! ». Je rétorque : Et alors ? Sous prétexte que ce serait à l’État de prendre ses responsabilités, on préférerait laisser les gens dans la précarité !

M. Alain Fouché. L’État renvoie tout aux départements !

M. Didier Guillaume. On préférerait laisser les gens dans la précarité ? Non ! Moi, je préfère que les départements paient, qu’ils financent le RSA ! Je préfère que les départements augmentent les fonctionnaires de catégorie C ! C’est un gage de justice sociale. Si nous le faisons, c’est bon pour nos concitoyens.

Ne regardons pas d’où cela vient. Regardons l’objectif. Et l’objectif, c’est la justice dans notre pays. Elle est vraiment essentielle. Il faut protéger les classes populaires, vous l’avez fait.

Autre exigence, après la justice, la vérité.

Jean Jaurès (Ah ! sur plusieurs travées de l'UMP.)… Oui, c’est une très belle référence ! Donc, Jean Jaurès disait : « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ». Et c’est ce que vous avez fait. La vérité, monsieur le Premier ministre, c’est que le pays vit au-dessus de ses moyens ! La vérité, c’est que le pays était en faillite, au bord de la faillite, comme le disait un précédent Premier ministre ! (Murmures sur les travées de l’UMP.)

Un sénateur du groupe socialiste. Absolument !

M. Didier Guillaume. Et c’est de ce pays-là dont nous avons hérité, c’est ce pays-là que la gauche a trouvé !

La dette a augmenté, il fallait la faire diminuer. Tout à l’heure, Mme Des Esgaulx disait que les promesses du précédent quinquennat ont été exaucées. Pour avoir été exaucées, elles l’ont été ! Augmentation de la dette de plus de 650 milliards d’euros ! Augmentation du déficit du commerce extérieur de plus de 75 milliards d’euros ! Augmentation du déficit de la branche maladie de plus de 10 milliards d’euros ! Disparition de postes d’enseignants ! Fermetures de services publics ! Telles étaient bien vos promesses ! Les nôtres (M. Alain Fouché s’exclame.), ce sont les promesses de l’État républicain, qui est égalitaire sur l’ensemble du territoire !

J’en viens au dernier point : les collectivités locales.

Sur les régions, il me semble que le Sénat sera unanime. Le rapport a été fait : il faut diminuer le nombre de régions et il faut plus d’efficacité.

Sur la clause de compétence générale, vous l’aviez proposé, nous y sommes revenus, on y revient, mais ce n’est pas tout à fait la même chose. (M. Jean-François Husson s’exclame.) Nous verrons au cours du débat parlementaire ce qui pourra être mis en place après la suppression de la clause de compétence générale. Si c’est la clause exclusive, je pense que nous ferons fausse route. Mieux vaudrait une clause qui va plus loin, permettant aux collectivités « infra » et « supra » de conventionner. Ainsi, nous avancerons.

Sur la suppression des départements, j’espère que le Sénat ne sera pas dans le camp des conservateurs et qu’il sera plutôt dans le camp des novateurs. (M. Alain Fouché s’exclame.) C’est de cela qu’il s’agit !

Mme Éliane Assassi. C’est-à-dire ? Allez au bout de votre pensée !

M. Didier Guillaume. En ville, dans les agglomérations, dans les métropoles, vous le savez bien, mes chers collègues, les régions ont la compétence économique, les intercommunalités ont la compétence économique.

M. Alain Fouché. Les départements aussi !

M. Didier Guillaume. Or, vous le savez également, ça ne peut pas continuer ainsi ! Quand vous recevez des chefs d’entreprise, en Vendée…

M. Bruno Retailleau. Ils sont nombreux en Vendée, en effet !

M. Didier Guillaume. … ou dans d’autres départements, vous leur dites qu’ils doivent remplir cinq dossiers différents pour une seule affaire. Il faut que cela cesse !

M. Jean-Pierre Raffarin. Tu quoque mi fili !

M. Bruno Retailleau. On s’en occupe !

M. Didier Guillaume. Il faut de la fluidité, il faut améliorer les choses ! Vous le savez très bien, mes chers collègues. Alors, il faudra aller de l’avant et il faudra que le Sénat avance, se situant non dans le camp des conservateurs mais dans le camp des novateurs.

M. Alain Fouché. C’est nouveau, ça !

M. Didier Guillaume. Enfin, mes chers collègues, je pense que sur un dossier comme celui-ci, il n’y a pas de place à la surenchère. Tout à l’heure, notre collègue représentant l’UMP nous parlait des 50 milliards d’euros. Pourquoi ne parlez-vous pas des 130 milliards d’euros que vous proposez ? J’ai lu votre programme de réduction de la dette de 130 milliards d’euros.

Ce que j’aimerais, chers collègues de l’UMP, c’est que vous alliez tous les dimanches sur les marchés avec des tracts pour expliquer aux Français en quoi consiste votre programme de baisse de 130 milliards d’euros !

M. Alain Fouché. Nous ne vous avons pas attendu pour le faire !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous l’avons fait, et c’est pour cela que nous avons gagné les élections municipales ! D’ailleurs, nous le faisons toute l’année !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous l’avons fait ! Et cela nous a plutôt réussi aux municipales !

M. Didier Guillaume. Faites-le, et je vous promets que les Français trouveront la pilule présentée par Manuel Valls beaucoup moins amère ! C’est cela aussi la réalité, c’est la confrontation politique, c’est présenter projet contre projet !

Oui, il faut rétablir nos finances publiques ! Oui, il faut refuser l’austérité parce que, le Premier ministre l’a très bien dit, quand notre pays investit 1 100 milliards d’euros, ce n’est pas de l’austérité ! Quand on augmente le nombre d’enseignants, ce n’est pas de l’austérité ! Quand on maintient notre modèle social, ce n’est pas de l’austérité ! C’est de la justice ! Il y va de la souveraineté de la France, il y va de son avenir !

Monsieur le Premier ministre, à la tête de ce gouvernement, vous avez eu le courage et la vérité d’avancer dans une voie difficile. Vous êtes le premier à l’avoir fait. Le groupe socialiste et apparentés vous soutient évidemment. Il vous soutient pour votre action et les orientations que vous menez mais, surtout, il vous soutient pour l’avenir de la France et des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur la plupart des travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour le groupe socialiste.

Mme Michèle André. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, parlons clair : le programme de stabilité dont nous débattons aujourd’hui tire son importance du fait qu’il engage la souveraineté financière de la France, la crédibilité politique du Gouvernement et la responsabilité collective de la majorité présidentielle.

D’abord, faisons la part des choses. Aujourd’hui, nous dit-on à l’envi, souvent en levant les bras ou la mine désespérée, la dépense publique dépasse en France 57 % du PIB du pays. On nous dit même que nous détiendrions la médaille d’argent en la matière derrière le Danemark !

Soyons réalistes, ce pourcentage n’est pas un problème en soi. Il n’est que le marqueur d’un modèle d’allocation des ressources de la nation issu de notre histoire et dont nous n’avons pas à rougir : il est le fruit d’arbitrages successifs qui ont construit, au fil de nombreuses décennies, la physionomie, originale à plus d’un titre, de ce qu’il est convenu d’appeler le « modèle français », modèle social aux fondements économiques et politiques bien spécifiques.

Ce qui est un problème, c’est que dans la phase actuelle de l’évolution du système économique mondial, qui est une phase non pas de crise temporaire, mais de crise de mutation, qui appelle des restructurations de notre système productif, la France est endettée au-delà de ce qui est raisonnable en regard de ses capacités de remboursement.

Or que l’on tourne la question dans un sens ou dans un autre, nous devrons rembourser les intérêts de notre dette. Et, comme le Premier ministre l’a rappelé voilà quelques instants, c’est tout de même 45 milliards d’euros chaque année !

Il est juste de souligner que cette dette est le fruit de nombreuses années consécutives, comme une fuite en avant. Rappelons que la dette publique a augmenté de 30 % au cours du dernier quinquennat, passant de 64 % du PIB à plus de 90 % en 2012.

Rappelons également que la politique menée durant les deux quinquennats précédents a gonflé la dette publique – beaucoup d’orateurs l’ont indiqué –, qui s’élève à plus de 900 milliards d’euros, dont 300 milliards, certes, à cause de la crise, mais dont 600 autres milliards proviennent d’une politique délibérée d’allégements fiscaux en faveur des plus aisés, au détriment de la recherche d’une plus grande égalité sociale.

Aussi nous trouvons-nous aujourd’hui dans une situation devant laquelle la France ne peut plus reculer, sauf à remettre en question les fondements mêmes de sa souveraineté et hypothéquer durablement sa croissance.

Le programme de stabilité est un compromis entre la réduction de notre dette publique et le soutien à la croissance. Ce programme représente un engagement que nous devons tenir, vis-à-vis de la Commission européenne, d’un côté, vis-à-vis de nos partenaires européens, d’un autre côté, mais surtout, et d’abord, vis-à-vis des Français. Seule la réduction des déficits peut assurer la pérennité de notre modèle social, même si cette pérennité doit être assurée au prix d’une réforme de nos structures économiques et politiques.

Nous ne devons pas laisser croire aux Français que ce combat est facile !

Nous devons, au contraire, leur dire et leur expliquer clairement que la période que nous traversons est difficile – ils l’ont d’ailleurs bien compris ! – et que nous ne nous sortirons de cette mauvaise passe qu’en « jouant collectif », comme on dit en rugby, un sport qui m’est cher, c’est-à-dire en faisant des efforts, mais en faisant des efforts partagés.

Car les Français veulent que les efforts qui leur sont demandés soient justement répartis et qu’ils apparaissent utiles.

Quand le Gouvernement choisit de mettre en œuvre un programme de 50 milliards d’euros, ce n’est pas au hasard, « au doigt mouillé ».

Ces 50 milliards correspondent à des choix affirmés et assumés : il ne s’agit pas de choix correspondant à un programme de 35 milliards, et encore moins de 80 !

Ces 50 milliards correspondent à l’effort qu’il faut consentir pour contenir la progression de la dépense publique au niveau de l’inflation, qui devrait s’élever à + 0,1 % en volume sur la période 2015-2017.

Malgré le caractère composite du message adressé par les Français au Gouvernement par le biais des dernières élections municipales,...