M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux.

Mme Renée Nicoux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion de ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt est l’occasion de mettre à l’honneur une population et des territoires qui ont, souvent de manière légitime, le sentiment d’être relégués au second plan des préoccupations nationales : je veux parler du milieu agricole et rural.

Les chiffres sont pourtant parlants : les terres agricoles et forestières représentent plus de 80 % du territoire de la France hexagonale. À l’heure où notre pays connaît une des crises économiques les plus graves de ces dernières décennies, je tiens à rappeler que l’agriculture française assure 19 % de la production de l’ensemble des pays de l’Union européenne.

C’est une richesse et un potentiel à ne pas négliger, qu’il faut au contraire développer. C’est bien l’objectif visé au travers de ce projet de loi, pour que continuent de vivre nos territoires.

Dès son arrivée au pouvoir, le Gouvernement a clairement affiché sa volonté de redonner la priorité au renforcement de notre modèle agricole, en termes économiques, sociaux, mais aussi environnementaux.

Une première étape, et non des moindres, a été franchie grâce à l’impulsion et à la témérité de la France lors des négociations sur la réforme de la politique agricole commune pour les six prochaines années, avec notamment la sauvegarde du budget, qui n’était pas acquise au départ. Cette avancée ne peut être dissociée du présent projet de loi d’avenir.

Je salue le travail du Président de la République et du ministre de l’agriculture. Ce sont les objectifs mêmes de la PAC qui ont été profondément révisés grâce à leur engagement fort : les aides dont bénéficient les agriculteurs se voient conférer un caractère plus égalitaire entre filières et agriculteurs, la diversité des productions est favorisée et la priorité est clairement donnée à l’élevage allaitant, une filière longtemps lésée dans l’attribution des aides.

La France a défendu une agriculture respectueuse de l’environnement et protectrice des ressources, en s’appuyant sur un dispositif appliqué dans tous les pays d’Europe : le verdissement. Bénéficiant de 30 % des aides du premier pilier de la PAC, celui-ci aura une incidence sociétale importante, en termes de qualité de la production, de durabilité des capacités productives des terres, mais aussi de compétitivité, puisque tous les agriculteurs européens seront soumis au même règlement.

Enfin, la France a également fait le choix d’orienter une partie de ces aides européennes vers un soutien à l’activité, à l’emploi et à l’installation des jeunes agriculteurs.

Partant de ces avancées obtenues à l’échelle européenne, le projet de loi d’avenir dont nous débattons aujourd’hui permet d’aller encore plus loin dans la transition vers le nouveau modèle agricole que nous souhaitons pour l’avenir. Ce texte a pour vocation de fournir un cadre législatif permettant à nos agriculteurs et au secteur forestier d’assurer leur développement économique, tout en prenant en compte la dimension écologique de leurs activités.

Les outils sont là pour encourager un changement de pratiques et conduire nos agriculteurs à entamer une transition vers un système de production agroécologique, privilégiant l’autonomie des exploitations agricoles et l’amélioration de leur compétitivité et de leurs résultats, grâce à des pratiques plus économes en énergie, en eau, en engrais, en produits phytopharmaceutiques ou en médicaments vétérinaires. Ces démarches innovantes, répondant aux attentes de la société et aux défis environnementaux actuels, sont constitutives d’un modèle pour l’avenir.

Le projet de loi tend à engager dès à présent cette transition et à façonner un nouveau cadre pour la politique agricole nationale. Le renforcement de la performance économique et environnementale de l’agriculture, la préservation du foncier, le soutien à l’installation des jeunes, mais aussi l’accent mis sur l’enseignement agricole, technique et supérieur, font partie des priorités retenues.

Tout d’abord, la loi vise à apporter un cadre législatif et réglementaire pour favoriser le développement des filières, en s’attachant à concilier les performances économique, sociale et environnementale de notre agriculture. Cela est facilité par la promotion d’une démarche collective, avec la création du groupement d’intérêt économique et environnemental. Ce regroupement des exploitants agricoles, soutenu par des aides publiques spécifiques, a pour objectif de modifier ou de consolider durablement leurs systèmes de production, de développer l’entraide et l’expérimentation, de faciliter la commercialisation des produits et d’apporter une réponse pertinente au problème de l’isolement en milieu rural.

Par ailleurs, les structures légales existantes de regroupement d’agriculteurs sont significativement renforcées et leur fonctionnement est amélioré par le texte. Par exemple, la transparence des groupements agricoles d’exploitation en commun, les GAEC, est clairement définie, et la gouvernance des coopératives agricoles sera améliorée par l’accès, pour tout adhérent, à l’information sur les prix et les transactions commerciales.

Ces dispositions sont cruciales pour mieux associer l’agriculture à l’agroalimentaire en aval. Il est en effet essentiel de donner aux agriculteurs la possibilité de peser dans leurs relations avec les acteurs économiques qui assurent le débouché de leur production. C’est pourquoi il semble indispensable d’étendre la contractualisation, via les accords interprofessionnels, à d’autres secteurs agricoles que l’élevage ovin ou le secteur des fruits et légumes frais, par exemple. La mise en place du médiateur des relations commerciales agricoles et le renforcement du rôle des interprofessions dans la régulation des filières, avec une meilleure représentation des syndicats, devraient contribuer à cette généralisation.

Le projet de loi tend également à préserver le foncier agricole et les espaces naturels et forestiers, de manière à répondre à la difficulté grandissante, pour les agriculteurs, surtout les jeunes, à accéder au foncier.

Pour cela, le rôle des SAFER, outils d’organisation de l’occupation du foncier agricole, est considérablement renforcé. Elles pourront accéder à l’information sur les cessions de biens agricoles, ainsi que sur les mouvements de parts sociales des sociétés à objet agricole ou encore sur les donations. Elles pourront aussi intervenir sur les terrains agricoles laissés à l’abandon, et user de leur droit de préemption en cas de vente de l’usufruit de biens.

Un amendement sera présenté, tendant à autoriser la dissociation des terres et du bâti lors d’une rétrocession, afin de faciliter les transactions au profit des agriculteurs.

En outre, le contrôle des structures, qui donne l’autorisation d’exploiter, est conforté et rénové afin de lutter plus efficacement contre les agrandissements excessifs d’exploitations, qui se font au détriment de l’installation.

À ce propos, je voudrais particulièrement insister sur l’impulsion qui est donnée au travers de ce texte pour encourager l’installation, le renouvellement des générations, ainsi que la formation des futurs agriculteurs, qui seront les promoteurs d’une agriculture d’avenir, diversifiée et génératrice de valeur ajoutée.

Tout d’abord, le cadre juridique de la politique d’installation est significativement rénové, avec l’allongement à cinq ans de l’application du dispositif d’installation progressive, la mise en place d’une couverture sociale pour les candidats à l’installation pendant la phase de préparation de leur installation, l’adaptation des contrats de génération au secteur agricole pour faciliter la transmission de l’exploitation à un jeune par le chef d’exploitation partant, la modernisation des critères d’installation, l’activité minimale d’assujettissement remplaçant la surface minimum d’installation. Cela va dans le sens d’une meilleure équité et d’une facilitation de la reconnaissance des jeunes agriculteurs, puisque l’attribution des terres et l’affiliation des agriculteurs à la Mutualité sociale agricole se feront non plus selon la taille des exploitations, mais selon l’activité économique.

La mise en place du registre des actifs agricoles, réclamé par la profession, constitue une autre avancée.

En amont de l’installation, la question de l’enseignement et de la recherche en agriculture devait aussi être abordée, afin que nos agriculteurs bénéficient de la meilleure formation possible. Même si l’enseignement agricole est reconnu comme étant de très bonne qualité et permettant une bonne insertion professionnelle, celui-ci doit accompagner l’évolution des pratiques culturales. La création d’un Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France, visant au rapprochement entre les sciences agronomiques, biologiques, écologiques et agricoles, y contribue.

Je tiens, pour conclure, à souligner la qualité de ce texte. Comme je l’ai dit, les outils sont là. De l’enseignement au soutien à l’installation, à l’accès au foncier et à l’encouragement au regroupement des agriculteurs pour créer de la valeur ajoutée, cette loi posera les jalons essentiels d’un renouveau des pratiques agricoles et de l’agroécologie. Les jeunes agriculteurs pourront se saisir de ces outils et s’engager sur une nouvelle voie de développement agricole, pour affronter les défis économiques et environnementaux actuels, tout en bénéficiant d’une protection accrue. C’est pourquoi les sénateurs du groupe socialiste soutiennent, bien sûr, ce projet de loi, qui prépare un nouveau modèle d’agriculture ambitieux pour l’avenir de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont.

M. Ambroise Dupont. Je commencerai en vous félicitant, monsieur le ministre, de votre reconduction à ce ministère si important pour notre pays et de l’élargissement du champ de votre compétence à l’agroalimentaire.

Je me félicite que ce débat puisse avoir lieu à un moment où l’agriculture se porte mal dans certaines de nos régions, en particulier celles d’élevage, et alors que nous n’avons pas pu débattre au Sénat du budget de l’agriculture, en décembre dernier.

Force est de constater que, malgré les lois successives, la situation des agriculteurs, des éleveurs en particulier, ne s’est pas améliorée. Le secteur agricole a été très affecté par la crise, par la mondialisation, dans le cadre d’une concurrence grandissante des pays émergents ou de certains de nos voisins européens. C’est la raison pour laquelle les grandes lois nationales, quelles que soient les majorités, nous apparaissent parfois insuffisantes.

Ainsi, en raison de la découverte de sangliers porteurs de la peste porcine en Lituanie, sur fond de tensions politiques en Ukraine, la Russie a décrété un embargo sur le porc européen, qui fait chuter les cours et pénalise nos régions exportatrices, pourtant exemptes de cette maladie. Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous de promouvoir sur ce point, à l’échelle européenne et au sein de l’OMC ?

Ces dernières années, notre modèle agricole a eu tendance à sacrifier le secteur primaire – les producteurs – au profit du secteur tertiaire, c’est-à-dire les services agricoles, financés par les premiers. À terme, le modèle économique du secteur primaire est difficilement tenable. Si l’on ne prend pas en compte ses spécificités, il entraînera dans sa chute les deux autres secteurs !

L’un des moyens d’accroître les revenus des agriculteurs consiste à valoriser les productions et à les attacher à leur terroir. C’est tout le principe des produits sous signes de qualité, tels que les AOC et les IGP. Vous souhaitez ici simplifier les procédures de reconnaissance et renforcer leur protection contre les risques d’usurpation et de détournement ou d’affaiblissement de leur notoriété. C’est un pas en avant, nécessaire, mais qui ne règle pas tout. Ainsi, certains distributeurs créent encore des labels, sources de confusion dans l’esprit du consommateur.

À ce propos, je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir accepté de participer au prochain festival des AOC de Cambremer, événement que j’ai créé voilà plus de vingt ans. Après l’Italie et le Japon notamment, la Norvège est cette année l’invitée d’honneur du festival, ce qui montre que la problématique des produits sous signes de qualité est largement mondialisée.

Le grand sujet du jour est la répartition des aides agricoles entre « grandes cultures » et « élevage ». Un rééquilibrage était nécessaire. La France a choisi, à travers les mécanismes de la nouvelle PAC, de soutenir en priorité l’élevage. Il le faut, et je me réjouis d’une telle décision, bien que ce ne soit pas encore suffisant.

À ce sujet, comment se feront les nouvelles répartitions entre les différentes formes d’élevage, en particulier pour les filières et les territoires les plus fragiles, et entre grandes exploitations exportatrices et petites exploitations ?

J’en viens à une autre question, en vous priant de m’excuser de ne pas traiter plus à fond chacun des thèmes : celle de l’urbanisme dans les zones agricoles, que Didier Guillaume a évoquée. Je regrette l’absence de souplesse de certaines règles inscrites dans la loi ALUR pour l’accès au logement et un urbanisme rénové. Je pense notamment, à cet égard, à la problématique de l’habitat isolé situé au cœur des terres d’élevage. Ce bâti, souvent ancien, et pas uniquement lié à l’activité agricole, est menacé, puisque toute évolution du bâti existant, en particulier les extensions, est devenue quasiment impossible. Les territoires ruraux sont vivants et leurs habitants doivent pouvoir entretenir et faire évoluer l’habitat existant sans contraintes excessives.

La filière équine est la grande absente de votre projet de loi. Je milite depuis longtemps, avec beaucoup de mes collègues sénateurs, pour la reconnaissance de son caractère agricole. Nous en avons souvent parlé avec vous et M. Cazeneuve.

Comme j’ai eu l’occasion de le souligner, le relèvement du taux de TVA a des conséquences très lourdes sur cette filière. J’ai noté quelques aménagements récents en faveur des centres équestres, qui devraient ramener le taux moyen de TVA applicable à environ 10 %, ce qui est déjà élevé ! En revanche, l’enseignement de l’équitation, les prises en pension, le dressage, les ventes d’équidés seront taxés au taux normal de 20 %. Et je n’oublie pas les courses, auxquelles ce taux s’applique depuis 2013. La fixation du taux à 20 % ne fera que fragiliser davantage les acteurs les plus modestes de la filière, en particulier les petits propriétaires et éleveurs, et encourager les paiements « au noir ».

Le groupe « cheval » du Sénat s’est aussi interrogé sur l’encadrement du commerce de chevaux, dont la législation a été largement abrogée voilà plusieurs années, ce qui a créé des dysfonctionnements importants dans les filières loisir, sport et viande. À l’heure de la sécurisation des filières, et après le scandale des « lasagnes de bœuf au cheval », la dérégulation du commerce de chevaux conduit, par exemple, à des problèmes de traçabilité, notamment lors de l’entrée d’équidés sur notre territoire, ce qui peut induire des risques sanitaires.

Une autre inquiétude de la filière concerne la « taxe affectée » sur les paris hippiques en ligne au profit des sociétés de courses, dont le dispositif a dû être adapté pour tenir compte des observations de Bruxelles. Le taux, initialement fixé à 8 %, a été ramené à 5,9 %, ce qui, pour les courses organisées à l’étranger – qui attirent 10 % des enjeux en France –, et compte tenu de la rémunération versée aux organisateurs locaux, laissera dans ce cas 2,9 % pour la filière. Comment feront alors les sociétés-mères ?

Par ailleurs, vous le savez, depuis plusieurs mois, le comité stratégique que je préside travaille à l’avenir de l’Institution des courses en France. Il faut, j’en suis convaincu, aboutir à un projet qui allie le sceau des acteurs et celui de l’État.

Le cheval est une filière agricole à part entière, qui fait vivre certains de nos territoires, mais qui revêt aussi une dimension sportive, comme en témoigne l’organisation en Basse-Normandie, cet été, des Jeux équestres mondiaux. Cet événement international – plus de soixante nations seront représentées – mettra en lumière l’excellence de la filière équine française.

Si votre texte n’aborde pas la filière équine, il crée un nouvel établissement public à caractère national, dénommé « Haras national du Pin ». Placé sous tutelle du ministère de l’agriculture, il aura notamment pour objectifs la préservation et la valorisation du patrimoine du haras national du Pin, la création d’un pôle international dédié aux sports équestres ou encore l’appui à la filière et la promotion des métiers du cheval, reprenant les accords professionnels et régionaux. C’est, à mon sens, une bonne mesure, mais l’installation d’une déchetterie industrielle près du haras du Pin nous inquiète. Il s’agit d’un dossier complexe, qui suscite de nombreuses réactions localement. Monsieur le ministre, je souhaite que vous et votre collègue de l’écologie restiez attentifs aux éventuels risques environnementaux.

Sur tous ces dossiers d’actualité, notre filière équine a besoin de votre soutien. Elle est plus fragile qu’on ne le croit et représente, je le rappelle, 75 000 emplois.

Pour conclure, je compte sur votre engagement pour redonner le caractère d’excellence « à la française », celui de son avenir, à notre agriculture, cette filière économique majeure de notre pays. (Applaudissements sur diverses travées.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.

M. Daniel Dubois. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous féliciter à mon tour de votre reconduction dans vos fonctions. Vous connaissez bien, désormais, ce secteur de l’économie, dont vous pouvez mesurer pleinement les enjeux. Ils sont de taille, et les attentes sont immenses.

Je souhaite remercier notre collègue Joël Labbé de nous avoir expliqué clairement ce que recouvre la notion d’agroécologie. Pour ma part, je n’en avais pas appréhendé toute la portée en écoutant M. le ministre et M. le rapporteur Guillaume, qui avaient, me semble-t-il, quelque peu idéalisé ce concept…

M. Didier Guillaume, rapporteur. Il vaut mieux écouter le ministre, quand même !

M. Daniel Dubois. Certes, mais notre collègue Joël Labbé est un spécialiste de l’écologie ! Je l’ai donc écouté avec attention.

Monsieur le ministre, de l’avis de beaucoup de professionnels du secteur, le texte que vous nous proposez manque malheureusement un peu de souffle.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Nous n’avons pas dû rencontrer les mêmes !

M. Daniel Dubois. N’y voyez pas un propos politique, encore moins une intention polémique,…

M. Jean-Jacques Mirassou. Non, bien sûr…

M. Daniel Dubois. … mais, face aux enjeux, nous avons le devoir d’être plus ambitieux, plus réalistes, pour proposer à la « ferme France » une réelle vision d’avenir.

L’agriculture est l’un des secteurs très importants de notre économie, tant par sa taille que par sa qualité. Elle évolue en permanence. Nous devons accompagner cette évolution, mais aussi, et surtout, l’anticiper, pour permettre à nos exploitants d’être encore plus performants, encore plus innovants, en un mot compétitifs.

Nous avons une chance inouïe. Notre pays possède en général de bonnes terres, notre climat est favorable aux cultures, nos agriculteurs sont parmi les mieux formés. Qu’attendons-nous pour mieux profiter de ces atouts, de cette capacité de pouvoir produire plus et mieux, alors que la demande mondiale augmente de 2 % à 3 % par an ?

La production agricole française représente 19 % de la production européenne et emploie plus d’un million d’actifs. C’est une filière d’avenir, qui, avec l’agroalimentaire, apporte près de 8 milliards d’euros d’excédent à la balance commerciale de notre pays. Nous avons donc, j’en suis convaincu, le devoir de veiller à sa compétitivité.

Des pays voisins, comme l’Allemagne, sont en train de nous dépasser petit à petit. La main-d’œuvre y est globalement moins chère que chez nous, d’environ 20 %. Cette différence atteint même 50 % dans le secteur des fruits et légumes. Ce n’est pas une question de revenu, car le niveau de rémunération de nos agriculteurs est déjà trop faible. Il s’agit plutôt de mieux faire correspondre le coût du travail et la rémunération des producteurs. Monsieur le ministre, j’ai entendu, au travers de vos propos, que le Gouvernement s’engageait sur le sujet.

La compétitivité de l’agriculture ne se mesure pas sur un seul secteur. C’est le résultat des performances de toute la filière, du producteur au consommateur en passant par la transformation. Pour améliorer la compétitivité, il faut réduire le coût du travail et aussi, je le pense, simplifier les normes administratives. Par ces temps de disette budgétaire, une telle simplification des normes ne coûte rien, ou très peu, au regard des avantages qu’elle procurerait à nos paysans.

Le Président de la République a promis un choc de simplification. Le Premier ministre, pas plus tard qu’hier, a promis une réduction drastique des normes pour libérer les entreprises. Monsieur le ministre, je pense qu’il faut s’engager également dans cette voie pour l’agriculture.

Je prendrai un exemple parmi tant d’autres, dont nous avons beaucoup débattu en commission : les transporteurs d’engrais minéral devront désormais remplir leur lot de déclarations, ce que les agriculteurs font déjà… Pourquoi faut-il deux déclarations, alors que l’on connaît le sort irrémédiablement réservé à ces documents : se perdre dans les méandres d’une administration tatillonne, qui trop souvent contrôle au lieu d’accompagner et de soutenir ?

Vous souhaitez ajouter une norme ? Soit. Supprimez alors l’obligation de déclaration faite aux agriculteurs. Voilà qui serait efficace et donnerait un peu d’oxygène aux professionnels. D’ailleurs, ce serait conforme à la demande du Président de la République de ne pas créer une nouvelle norme sans en supprimer une existante.

Abandonnez aussi cette idée d’une écologie punitive. On peut allier agroécologie et performance : il suffit de le vouloir. Qui peut penser aujourd’hui que les agriculteurs sont les ennemis de l’environnement, alors que la nature est leur bien le plus précieux ? Heureusement, monsieur le ministre, le bail à clause environnementale, à défaut d’être supprimé, comme nous le demandions, a été encadré dans votre texte.

La compétitivité de notre agriculture est plombée par des charges bien trop élevées au regard de la taille moyenne des exploitations et de leur équipement. Alors que, en Allemagne, le produit d’un méthaniseur représente 20 % des revenus d’un exploitant, la France crée toutes les contraintes possibles et imaginables pour en freiner l’installation. Voilà encore un moyen d’améliorer la compétitivité qui n’apparaît pas dans le texte.

Autre grande absente du projet de loi : l’utilisation de l’eau. Or la politique d’irrigation est un enjeu majeur pour l’avenir de l’agriculture en une période de réchauffement climatique. Rien n’en est dit dans ce texte. C’est, là aussi, un vrai rendez-vous manqué.

Au cours de nos débats, je proposerai avec mes collègues du groupe UDI-UC la création d’un observatoire de la compétitivité de l’agriculture française, qui agira sur les prix et les marges, mais aussi sur les distorsions de concurrence.

Pour briser la « boîte noire » des prix et des marges, nous proposons d’instaurer le libre accès aux informations et aux statistiques des centrales d’achat qui ne jouent pas le jeu de la transparence. Le name, blame and shame pratiqué chez les Anglo-Saxons est bien plus efficace que des amendes souvent dérisoires. Cette accessibilité imposera le consommateur comme arbitre des distorsions entre prix d’achat au producteur et prix payé par le consommateur.

Cet observatoire réalisera de plus chaque année une étude exhaustive des distorsions de concurrence imposées aux agriculteurs dans l’application des directives communautaires et des normes françaises. L’identification rapide de ces distorsions permettra, d’une part, de mieux négocier à Bruxelles, et, d’autre part, de supprimer rapidement, au niveau national, des règlements et des normes inutiles et inefficaces pour l’agriculture.

Encore une fois, le choc de simplification décrété par le Président de la République doit aussi être mis en œuvre dans ce secteur. Monsieur le ministre, des actes, de l’air, de l’oxygène pour l’agriculture française ! J’espère sincèrement que vous entendrez cette proposition et que vous y adhérerez.

Pour conclure, je tiens à saluer le travail des rapporteurs au fond et du président de la commission des affaires économiques, qui ont su trouver des compromis sur de nombreux articles du projet de loi, rattrapant ainsi un peu les défauts du texte qui nous arrivait de l’Assemblée nationale.

Naturellement, j’ai déposé, avec mes collègues du groupe UDI-UC, d’autres amendements, concernant le registre des actifs, la compensation agricole ou les produits phytosanitaires. J’espère vivement que nous serons entendus. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
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