M. le président. La parole est à M. Philippe Esnol.

M. Philippe Esnol. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 1988, dans le film Cinema Paradiso, Philippe Noiret nous communiquait, ainsi qu’à tant d’autres spectateurs, le goût complice du beau cinéma, le plaisir inoubliable des grands films, l’atmosphère incomparable des salles obscures.

Voilà un film qui, j’en suis sûr, sera revenu à l’esprit de beaucoup d’entre nous en abordant le débat que le groupe CRC nous propose ce soir, un débat légitime et important, pour un sujet sur lequel nous avons, je le pense, de nombreuses préoccupations en commun.

Si le titre que j’évoquais à l’instant réveille en nous un souvenir nostalgique, ce n’est pas seulement celui d’un film et d’acteurs que nous avons aimés, c’est aussi celui d’un monde du cinéma qui nous a fait rêver, avec ses projectionnistes, ses personnages, ses artisans. Aujourd'hui, ce monde s’interroge.

Nos collègues du groupe CRC, en effet, n’en appellent pas à la nostalgie : ils ont souhaité un débat sur l’avenir de l’exploitation cinématographique indépendante. Et c’est bel et bien vers l’avenir qu’il faut nous tourner !

Déjà, à l’époque de Cinema Paradiso, le cinéma de loisir, à travers les films à grand spectacle, existait et se taillait la part du lion dans ce qu’il faut bien appeler l’industrie cinématographique.

Cette dualité, c’est celle que nous retrouvons dans le domaine de la diffusion des œuvres : les grands multiplexes des grosses compagnies accueillent un public toujours plus nombreux, mais les salles indépendantes, confrontées, d’une part, à cette concurrence et, d’autre part, aux mutations, notamment technologiques, de cette activité, rencontrent des difficultés croissantes.

La première question que je souhaite évoquer dans ce débat sur l’avenir des salles indépendantes, c’est, par conséquent, celle de cette structure duale du réseau de diffusion des œuvres cinématographiques.

Si celle-ci peut s’envisager comme une pression forte de la concurrence des grands acteurs du secteur sur les petites salles, elle n’est pas pour autant exclusive de certaines vertus, à condition, et c’est le cas, que les pouvoirs publics veillent à préserver une politique de redistribution intelligente entre les deux.

La France, grâce à sa politique en faveur de la diversité culturelle, est parvenue à protéger cet écosystème dans lequel les salles d’art et d’essai permettent à un large public d’accéder à des œuvres souvent plus exigeantes, souvent aussi moins rentables, que celles qui sont diffusées par les grands distributeurs.

Les acteurs de la distribution cinématographique indépendante se caractérisent eux-mêmes par une réelle diversité : ce sont les salles privées, les salles associatives, ou encore les salles publiques, ces dernières étant souvent adossées à une politique culturelle communale très volontariste.

Ce sont aussi des festivals de cinéma, qui favorisent la découverte et l’accès à des œuvres méconnues, parfois françaises, parfois étrangères, mais très fréquemment situées hors des circuits commerciaux traditionnels.

Dans ma commune de Conflans-Sainte-Honorine, nous avons à la fois une salle indépendante, située en centre-ville et dont la programmation est d’une très grande qualité, et un multiplexe plus éloigné, bénéficiant évidemment d’une forte fréquentation.

Si la concurrence existe et que nous devons veiller à préserver un équilibre qui, bien sûr, n’est pas naturel, cette situation de dualité propre à la France fait de nous un pays en pointe dans la défense de l’exception culturelle. C’est un fait qu’en France, plus qu’ailleurs, l’accès à des œuvres originales et de qualité est possible.

Pour autant, les salles de cinéma indépendantes subissent, en raison même de leur exigence artistique, une situation commerciale complexe.

Leur taux de rentabilité n’est pas comparable et ne peut pas se comparer à celui des grands distributeurs, qui diffusent les films en fonction du nombre d’entrées escompté, et réalisent de phénoménales économies d’échelle par la taille et la concentration de leurs salles.

Il y a quelques mois, madame la ministre, le Groupement national des cinémas de recherche vous a remis le Manifeste pour une exploitation indépendante, qui a eu le mérite d’ouvrir la discussion sur un certain nombre de préoccupations.

Il faut, bien sûr, entendre ces inquiétudes, par exemple s’agissant des modalités de la régulation des implantations de salles nouvelles.

Il faut aussi intégrer les réflexions sur la façon de mieux coordonner l’action culturelle cinématographique avec les actions éducatives, tant il est vrai que l’éducation à l’image des jeunes publics est un enjeu de pédagogie immédiat et d’avenir pour les pratiques culturelles.

De manière générale, comme le soulignent avec raison les membres de l’Association pour le cinéma indépendant et sa diffusion, le soutien aux salles indépendantes est partie prenante du soutien à la création indépendante. En effet, sans la rencontre avec le public que permet le diffuseur, en salle ou en festival, les œuvres cinématographiques ne peuvent pas avoir d’existence réelle.

Or cette dualité que j’évoquais met en jeu ni plus ni moins que la coexistence de la dimension marchande et même industrielle existant dans le cinéma avec la dimension artistique, dont la rentabilité n’est qu’une considération accessoire.

Dans ce contexte, comment les pouvoirs publics peuvent-ils agir sur le marché international de l’industrie cinématographique de manière à protéger l’exception culturelle française, à laquelle nous sommes tous profondément attachés ? Il ne s’agit pas, vous l’avez bien compris dans mes propos, de déconsidérer l’industrie cinématographique en tant que telle : elle participe des loisirs et des divertissements, elle crée de la richesse et des emplois.

Tout l’enjeu consiste dès lors à ne pas sacrifier le septième art aux seules considérations économiques et aux seuls mécanismes de marché.

C’est bien là, madame la ministre, qu’intervient l’action de votre administration, dans toute sa légitimité et dans toute sa nécessité.

Il s’agit, très concrètement, d’apporter une assistance spécifique à l’exploitation cinématographique indépendante, fondée sur le constat que ces salles jouent un rôle précieux et irremplaçable dans les domaines de la diversité culturelle, de la diffusion des œuvres, de l’éducation des publics, un rôle de quasi-service public, oserai-je dire. (Sourires.)

Dans ce cadre, les défis à relever par les salles indépendantes sont nombreux et l’aide à leur apporter est diverse.

Le défi technologique est ainsi essentiel : la numérisation des salles constitue un saut à effectuer, nécessaire mais coûteux. Dans ce domaine aussi, les petites salles sont désavantagées. Le Centre national du cinéma et de l’image animée a mis en place un outil extrêmement utile, sous forme de subvention, destiné à l’aide sélective à la modernisation des salles sous-équipées. Les collectivités territoriales participent bien souvent à ce type de dispositifs.

Enfin, demeure la question de la régulation des autorisations accordées, en matière d’exploitation commerciale, par la Commission nationale et les commissions départementales en ayant la charge et relevant du ministère. C’est un vrai sujet, car ces équipements participent à l’aménagement de nos territoires sur un plan aussi essentiel que l’accès à des offres culturelles originales.

Dans ce domaine aussi existent des inégalités territoriales, qu’il revient aux pouvoirs publics de réduire. Sans doute pourrait-on réfléchir à davantage associer les acteurs locaux, notamment les collectivités territoriales, à ces décisions d’autorisation d’exploitation. C’est du moins, me semble-t-il, l’une des pistes de réflexion que certains d’entre vous ont déjà évoquées.

Au moment de conclure, chers collègues, je tiens à adresser de nouveau mes remerciements au groupe CRC, qui nous permet de parler de cinéma ce soir, ce qui n’est pas si fréquent dans cet hémicycle !

M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Françoise Férat. Tout à fait !

M. Philippe Esnol. Mais le débat que nous avons montre surtout les grands enjeux relatifs à l’avenir de l’exploitation cinématographique indépendante.

Concilier visée culturelle et logique économique n’est pas chose simple, à l’évidence. Le Sénat indique aujourd’hui au Gouvernement qu’il est prêt à apporter sa contribution sur ce sujet important. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, en France, la création cinématographique est foisonnante, grâce à un outil précieux : le CNC.

Mais, pour que vive la diversité des films, il nous faut veiller à la distribution. Aujourd’hui, l’exploitation cinématographique est partagée entre les grands complexes commerciaux et les salles dites « indépendantes » proposant des films d’auteurs, des films du monde, des courts métrages…

Face à des mastodontes adossés à de grands groupes qui possèdent des équipements comptant parfois jusqu’à vingt-trois salles et 7 286 sièges – c’est chez moi !- le cinéma indépendant tente de survivre, sans obtenir les copies de films porteurs, sans offrir le clinquant des multiplexes, sans proposer de ces formules d’abonnement qui fidélisent les cinéphiles. Il est donc bien souvent menacé, face à une situation économique délicate, de devoir baisser le rideau.

Le CNC a aidé ces salles indépendantes à la numérisation et, s’il n’avait pas été écrêté par Bercy, il aurait pu soutenir la nécessaire accessibilité à tous.

Fort heureusement, il existe toujours en France des salles comme le Ciné 104, La Clef, les Majestic ou les Méliès, au cœur des villes, dans de vrais quartiers, parfois piétons, près de vrais cafés, des salles de cinéma où l’on peut voir des œuvres du monde entier.

Ces salles, notamment celles dites « d’art et d’essai », jouent un rôle moteur dans la diffusion du septième art. Elles auront encore besoin du CNC, car le numérique, c’est l’entrée dans l’obsolescence programmée. Le soutien financier de l’État et des collectivités leur sera indispensable afin qu’elles puissent continuer à faire découvrir et promouvoir des œuvres.

On est loin de la pratique des multiplexes, qui déprogramment soudainement un film en fonction de son résultat, favorisant le quantitatif au détriment du qualitatif et de la création.

L’encadrement de l’implantation de nouvelles salles de cinéma est indispensable à l’ensemble de la filière. Un maillage fort de salles indépendantes constitue une condition essentielle au maintien de la diversité de l’offre et de son exposition, particulièrement pour les films dits « exigeants », qui nécessitent un accompagnement dans la durée.

A contrario, l’envahissement des villes et périphéries par les multiplexes véhicule, hélas, les mêmes dérives que la grande distribution : bâtiment gigantesque de béton et de tôle entouré de parkings, de fast-food, canalisation industrielle des flux humains, pour ce qui est de l’aménagement ; uniformisation, écrasement de la diversité, flexibilité de la programmation, pour ce qui est de la culture. On y amène son cerveau comme on amène son caddie à l’hypermarché !

Pour toutes ces raisons, les écologistes défendent et défendront toujours l’exploitation indépendante, dont les difficultés méritent bien cette séance d’alerte. Bienvenue, monsieur Laurent !

Bien souvent, les demandes d’extension ou d’implantation de nouveaux équipements s’inscrivent dans des zones où une offre de cinéma préexiste. De plus, dans son bilan de la géographie du cinéma, le CNC indique qu’au cours des dix dernières années le nombre d’écrans a augmenté, alors que, dans le même temps, le nombre d’établissements baissait. C’est la concentration. Aujourd’hui, près de 60 % des entrées sont réalisées par les multiplexes.

L’aménagement culturel et social du territoire, dont l’implantation des salles, doit répondre à des critères comme la formation du jeune public, comme les débats ou la diversité des choix éditoriaux dans les salles d’art et d’essai.

Ce constat, nous le partageons tous, même si, chez certains, persiste un double discours qui s’accommode de la défense orale de l’exploitation indépendante et du soutien matériel à l’installation de multiplexes dans leur commune…

Il est donc nécessaire de requalifier le système d’autorisation des multiplexes en tenant compte des spécificités du secteur : projet de programmation, nature et diversité culturelle de l’offre proposée, insertion du projet dans son environnement, préservation d’une animation culturelle et respect de l’équilibre des agglomérations. Le pluralisme doit être garanti et le niveau de décision un peu plus éloigné du destinataire des éventuelles retombées économiques.

Il faut un suivi plus contraignant des engagements pris par les opérateurs au moment de l’autorisation d’implantation ou d’extension, ainsi qu’un système de sanctions dissuasives en cas de non-respect du contrat.

Je ne doute pas que notre ancien collègue Serge Lagauche, missionné pour un rapport, fera des propositions allant dans ce sens quand il remettra son travail, et nous y serons tous très attentifs. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.

M. Jean-Pierre Leleux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’avais perçu que notre débat était non seulement axé sur les salles indépendantes, mais également sur la production et son financement. Après avoir entendu les précédents orateurs, je réalise que mon propos débordera quelque peu le thème central de l’avenir de l’exploitation cinématographique indépendante puisque j’évoquerai quelques sujets connexes, notamment la production et son financement. Mais, le cinéma étant à l’ordre du jour, n’est-ce pas l’occasion d’évoquer quelques sujets complémentaires, d’autant que, pour le reste, je partage largement les propos qui ont été précédemment tenus sur ce sujet assez consensuel ?

Pour aller dans le sens des orateurs précédents, je pense qu’une très grande vigilance est de mise afin que perdure notre réseau de salles, encore très capillaire sur nos territoires. Des mesures doivent être prises pour sauvegarder ce réseau, qui est une exception française et qui contribue à la diversité de l’offre culturelle et à l’accessibilité de tous les publics.

Le dispositif mis en place par le CNC à l’occasion de la loi, très réussie, sur la numérisation des salles a été, ô combien, bénéfique pour ce réseau ; je dirai même qu’il a été indispensable à son maintien.

Les mesures à prendre sont intégrées dans notre système de financement du cinéma, système très envié à l’étranger et grâce auquel le cinéma français affiche une belle vitalité.

Mais, à côté de cette vitalité, souvent liée à la réussite de quelques films phare ainsi qu’à l’émergence des multiplexes, qui ont attiré davantage de publics, le secteur connaît depuis peu quelques déséquilibres, puisqu’un tiers seulement des films affichent un résultat positif pour la production.

Le cinéma français peine également à se maintenir face à la redoutable concurrence américaine. Les films français réalisent ainsi seulement un tiers des entrées, quand plus d’un film sur deux est américain. La part de marché du cinéma américain s’est élevée l’année dernière à 54 %, contre 43 % en 2012, soit une progression de 11 %.

Le CNC a relevé à maintes reprises un manque de fonds propres du secteur, une hausse du coût de certains films, avec un problème de partage des risques et une difficulté d’exposition des films fragiles.

Ces faits sont autant de signes avant-coureurs d’un affaissement possible du dispositif de financement du modèle français, accentué par la crise économique actuelle, qui avait jusqu’ici plutôt épargné l’activité cinématographique.

Ces fractures pourraient, à terme, menacer l’avenir et l’équilibre des ressources du secteur. Elles appellent à s’interroger sur les voies à emprunter pour sauvegarder un dispositif d’intervention qui en a assuré la prospérité depuis plus d’un demi-siècle.

Le CNC a publié une étude sur l’économie des films d’initiative en décembre dernier, portant sur une période de huit ans. Cette étude a alimenté les travaux d’un groupe de suivi. À la suite de ces travaux, René Bonnell a présenté un rapport et préconise, dans ses conclusions, quelques mesures pour freiner la hausse des budgets de production : ce serait, avec une transparence accrue de la filière, une des clés de l’avenir du système

Un an après la polémique sur les acteurs trop payés, soulevée par le producteur Vincent Maraval, le rapport recommande ainsi d’afficher clairement les salaires des acteurs et réalisateurs, en les distinguant du reste des coûts de fabrication, et de respecter un certain ratio, pas encore défini. Cela passerait notamment par davantage d’audits des budgets de production et de distribution par le CNC.

Cette transparence doit également viser les recettes des films en salle, pour un partage équitable du chiffre d’affaires.

Dans son rapport, René Bonnell propose ainsi d’inciter au partage du risque commercial, en envisageant, par exemple, un intéressement calculé sur des données aisément vérifiables : les entrées en salles et les autres supports de diffusion. Il préconise d’ailleurs d’encadrer, voire de supprimer, les à-valoir sur intéressement, c’est-à-dire la fixation de la rémunération des « talents » avant de connaître la réussite du film.

En clair, il s’agit de réinstaurer de bonnes pratiques dans un système qui connaît désormais quelques excès.

En outre, il devient aujourd’hui manifestement nécessaire d’élargir les sources de financement du secteur.

Les recettes publicitaires des chaînes se tarissent depuis deux ans, et l’auteur du rapport estime que l’apport de ces chaînes pourrait diminuer de 18 % entre 2012 et 2017, ce qui représenterait une perte de 63 millions d’euros.

Afin d’élargir le financement de la production et redistribuer les ressources, plusieurs leviers pourraient être activés : d’abord, une plus grande pluralité des investissements des chaînes historiques, par exemple en instituant une obligation d’intervention dans un certain nombre de premiers ou deuxièmes films ; ensuite, une plus grande attractivité du secteur pour les capitaux privés ; enfin, une solution innovante, le développement du crowdfunding, c’est-à-dire l’appel au financement des particuliers via internet, en le dotant d’un cadre juridique précis, assorti d’un « label CNC ».

Le rapport n’évite pas les sujets sensibles ou polémiques, puisqu’il pose la question de la sortie éventuelle de films directement en vidéos et celle de l’assouplissement de la chronologie des médias, questions récurrentes ces dernières années.

En effet, si la salle doit demeurer le lieu unique de diffusion du film pendant quatre mois, il me paraît souhaitable d’aller vers un assouplissement de la chronologie des médias, en redéfinissant l’ordre et les délais dans lesquels l’exploitation d’un film peut intervenir.

Je n’entrerai pas davantage dans le détail des chantiers qui pourraient être ouverts, d’autant que je suis quelque peu hors sujet ! Mais je souhaitais les évoquer, madame le ministre, pour avoir votre sentiment sur l’ensemble de ces questions et connaître le calendrier des réformes que vous envisagez de lancer.

Je souhaiterais également profiter de votre présence dans cet hémicycle pour attirer votre attention sur un point particulier, qui est peu évoqué : le droit des procédures collectives dans les entreprises de production. Les redressements ou liquidations judiciaires présentent en effet dans ce secteur un nombre important de spécificités et sont d’une certaine complexité.

Dans l’état actuel du droit, la faillite d’une société de production est susceptible de paralyser tout ou partie de l’actif immatériel dont elle est propriétaire et, ainsi, de restreindre la communication des œuvres au public.

Les dégâts peuvent être, semble-t-il, assez importants, la faillite créant une situation juridique incertaine quant au sort des droits sur les catalogues de producteurs.

Ainsi, l’article L. 132-30 du code de la propriété intellectuelle, qui traite de l’articulation entre les revendications des multiples intervenants – auteurs, coproducteurs, créanciers privilégiés –, laisse ouvertes de nombreuses et importantes questions, s’agissant notamment des modalités de résiliation du contrat de production audiovisuelle, de l’information des ayants droit par le liquidateur, de la concurrence des droits de préemption et du déroulement de la procédure des droits de fixation de prix.

Or les difficultés résultant de ce manque de précision de la loi s’ajoutent à la situation économique détériorée de l’entreprise et conduisent à une possible dévalorisation des actifs détenus, voire à leur gel définitif.

Par exemple, lors d’une liquidation judiciaire, les auteurs peuvent, de droit, obtenir la résiliation de leur contrat de production, au bout de trois mois. Quand on sait que, avant toute cession, le liquidateur doit consulter tous les auteurs pour savoir s’ils désirent faire valoir leur droit de préemption, on voit que ce délai est manifestement trop court, d’autant que, au terme des trois mois, la valeur de l’œuvre aura fondu, faute d’être exploitable, les droits ayant été repris par l’auteur.

Sur ce simple aspect des choses, il serait, me semble-t-il, indispensable d’allonger ce délai pour le porter à dix-huit mois minimum.

La question du sort des droits d’auteur et des œuvres cinématographiques et audiovisuelles lors de la défaillance des entreprises de production mérite d’être étudiée, voire de faire l’objet d’une disposition législative, comme le préconise le rapport Gaschet, rédigé à la demande du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique et adopté le 8 mars 2012.

Madame la ministre, l’occasion nous en sera peut-être fournie par l’examen de la loi relative à la création que vous êtes en train d’élaborer.

Je conclurai en rappelant l’intérêt et l’importance du débat que nous avons aujourd’hui. Si je n’ai que peu évoqué les salles indépendantes, c’est pour vous éviter, madame la ministre, mes chers collègues, d’inutiles redites et parce que j’ai préféré profiter de mon temps de parole pour aborder quelques sujets connexes, mais importants ! (Sourires.)

Notre cinéma est le pivot d’un cinéma européen reconnu dans le monde entier, que nous devons absolument protéger. Nous serons donc très attentifs à son évolution ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite à mon tour remercier Pierre Laurent de nous avoir donné l’occasion de débattre de l’exploitation cinématographique indépendante, un sujet trop peu évoqué dans la discussion politique, alors qu’elle représente un secteur important de l’écosystème du cinéma français.

L’année 2013 a été marquée par une actualité cinématographique très riche. La Vie d’Adèle a été lauréat d’une triple palme d’or lors du dernier festival de Cannes ; quant à Amour, de Michael Haneke, qui est – faut-il le rappeler – une coproduction majoritairement française, il a gagné l’oscar du meilleur film étranger.

Il nous a fallu, en 2013, réaffirmer le principe de l’exception culturelle s’agissant du mandat transatlantique entre l’Union européenne et les États-Unis. Je remercie Danielle Michel d’avoir rappelé que nous avions aussi obtenu une victoire avec le maintien de la territorialisation des aides au cinéma et à l’audiovisuel, dont vous connaissez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’importance pour la création artistique et la création d’emplois dans nos territoires.

Je me suis fortement engagée en faveur de la réaffirmation de ces principes, car ils constituent, avec le compte de soutien géré depuis 1946 par le CNC, l’oxygène qui permet à cet art et à cette industrie qu’est le cinéma de continuer de représenter aujourd’hui 100 000 emplois en France et de produire chaque année un demi-point de la richesse nationale.

À ces victoires artistiques et économiques, il convient d’ajouter la mise en œuvre – historique, car très attendue après huit ans de négociations ! – d’une convention collective de la production signée par l’ensemble des organisations de producteurs et par une très grande partie des syndicats de salariés, autant d’avancées qui se font en faveur de la diversité de la création cinématographique ainsi que de l’aménagement du territoire.

Elles vont de pair avec l’engagement que j’ai pris en faveur de l’éducation artistique et culturelle, politique dans laquelle tous les cinémas, notamment d’art et d’essai, sont fortement impliqués.

Monsieur Laurent, vous avez posé la question du devenir de l’exploitation cinématographique indépendante. Je voudrais commencer par rappeler le paysage dans lequel elle s’inscrit aujourd’hui.

En 2013, le film français a représenté 33 % des parts de marché, avec une fréquentation totale de 193 millions d’entrées, contre 203 millions en 2012 et 216 millions en 2011 – un résultat exceptionnel cette année-là, qui s’explique notamment par le succès du film Intouchables.

Les résultats de l’année dernière peuvent paraître inquiétants, mais il faut les relativiser : il y a vingt ans, nous étions au creux de la vague avec seulement 100 millions d’entrées ! Je répondrai donc à Michel Le Scouarnec que le cinéma français se porte bien, même si 2013 a été moins bonne que les deux années précédentes.

La salle de cinéma constitue incontestablement un équipement culturel éminemment démocratique, facile d’accès et très populaire. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité ramener la TVA sur le billet de cinéma au taux réduit, soit 5,5 %, comme je m’y étais engagée. Je salue l’action de la Fédération nationale des cinémas français qui, en retour de cette diminution du taux de TVA, propose au public de moins de quatorze ans des billets à 4 euros chez ses membres volontaires.

La France bénéficie d’un parc de salles unique en Europe de par sa modernité, sa diversité et la densité de son maillage territorial. Ce parc de 5 508 écrans est réparti sur 1 600 communes, qui regroupent la moitié de la population française. C'est tout à fait unique au monde !

Les 118 agglomérations de plus de 50 000 habitants sont toutes équipées d’au moins une salle de cinéma. Elles abritent 41,9 % des établissements et ont réalisé 82,6 % des entrées en 2012.

Je rappelle que 75 % des cinémas font partie de la petite exploitation et que les établissements de la petite et moyenne exploitation, qui forment l’essentiel de l’exploitation indépendante, totalisent 34 % des entrées. Les 181 multiplexes – certains sont indépendants et n’appartiennent pas à un circuit national – représentent donc 66 % des entrées.

L’exploitation indépendante, parce qu’elle est un élément essentiel du maillage du territoire, joue un rôle déterminant dans la diversité de l’offre cinématographique. Pour cette raison, elle est particulièrement soutenue par les pouvoirs publics.

Pour répondre à Philippe Esnol, j’indiquerai que le système d’aide à l’exploitation du CNC est largement consacré à l’exploitation indépendante, et ce via quatre types d’aides. Ce sera mon premier point.

Il s’agit, d’abord, de l’aide à la numérisation, étant précisé que cette aide concerne l’ensemble des salles. Ainsi, 1 400 écrans ont été soutenus par le CNC, pour 100 millions d’euros. Le parc français est désormais numérisé totalement ou presque, ce qui est exceptionnel pour un pays dont le parc est aussi dense, y compris dans les zones rurales.

Le plan de soutien mis en œuvre par le CNC s’est achevé à la fin de 2013 : il a permis d’aider, avec le concours des collectivités territoriales et grâce à la loi adoptée en septembre 2010, les petites salles et les circuits itinérants. Au total, le CNC aura aidé 1 193 établissements, dont 87 circuits itinérants, soit 1 521 écrans, pour un montant total de 73,6 millions d’euros.

Les aides du CNC ont permis de couvrir 66 % des coûts de numérisation des salles, et les aides des collectivités, 18,5 % de ces coûts. Près de 68 % des établissements aidés sont situés dans des zones rurales ou dans des agglomérations de moins de 20 000 habitants.

Il s’agit, ensuite, de l’aide à la modernisation et à la création de salles, qui représente 10 millions d’euros par an. Réservée aux propriétaires ou exploitants de moins de 50 écrans, elle est strictement réservée à l’exploitation indépendante. Elle représente en moyenne 14 % du coût d’investissement ; 84 % des projets aidés sont classés « art et essai » et 58 % d’entre eux concernent des zones rurales ou de petites communes.

On le constate, les aides du CNC sont ciblées sur l’exploitation indépendante.

Dans ce contexte, l’aide sélective est très fortement sollicitée depuis 2011, avec des projets coûteux portant sur des créations, des restructurations lourdes, comme la mise en accessibilité au 1er janvier 2015, ou des déplacements d’établissements cinématographiques.

Il s’agit, en outre, des aides aux salles « art et essai ». Elles concernent 1 000 établissements classés, dont 65 % dans de petites villes ou en zones rurales, soutenus par un budget de 14 millions d’euros par an, en croissance de 31 % depuis 2008. Plus de 28 % de la fréquentation totale est réalisée dans les 1 000 cinémas classés « art et essai ». Aujourd'hui, 56 % des établissements classés sont situés dans des unités urbaines de moins de 20 000 habitants ou dans des communes rurales.

Toutes ces aides sont réservées à l’exploitation indépendante, c’est-à-dire à des sociétés qui possèdent moins de 50 écrans sur le territoire.

Au-delà des aides ciblées que je viens d’évoquer, le soutien automatique est lui-même très redistributif en faveur de l’exploitation indépendante, notamment parce que le taux d’aide, à savoir le taux de retour sur la taxe spéciale additionnelle qu’elles acquittent, s’élève à 80 % pour les petites salles, quand les grands multiplexes bénéficient, eux, d’un retour de 30 %.

Le ciblage mis en place par le CNC est donc en lui-même particulièrement efficace pour l’exploitation indépendante, mais il ne faut pas oublier l’aide automatique.

Outre les aides, et ce sera mon deuxième point, le soutien à l’exploitation indépendante passe évidemment par la réglementation.

Comme cela a été rappelé, les ouvertures de multiplexes sont toujours soumises, au titre de la législation sur l’aménagement commercial, à l’autorisation préalable d’une commission qui examine notamment l’impact du projet au regard de la diversité de l’offre de films et de l’écosystème des établissements de la zone concernée.

Entre 2009 et le milieu de l’année 2013, sur 139 demandes, 34 dossiers, déposés ou soutenus par les opérateurs importants de l’exploitation cinématographique – Kinépolis, Gaumont-Pathé, UGC et CGR –, ont été examinés. Le pourcentage de refus d’autorisation pour les opérateurs de la grande exploitation est plus important que le pourcentage global de refus sur la période : 47 % contre 22 %. Je reviendrai dans ma conclusion sur la procédure d’aménagement des équipements cinématographiques.

En parallèle, l’Agence pour le développement régional du cinéma, l’ADRC, association subventionnée par le CNC, intervient depuis trente ans pour favoriser l’accès des salles des petites villes à tous les films : elle leur permet d’accéder plus rapidement – dès la deuxième semaine d’exploitation du film – à des films dont le nombre de « copies », lesquelles sont aujourd'hui, bien évidemment, des fichiers numériques, ne permet pas au distributeur de servir les plus petites salles.

De manière générale, il serait extrêmement préjudiciable à la vitalité du cinéma en France que les films qui rencontrent un succès public, qu’ils soient commerciaux ou d’auteur, soient réservés aux seuls multiplexes et que les salles indépendantes doivent se concentrer sur des œuvres plus confidentielles.

Il est donc nécessaire que le CNC continue à veiller au maintien de ces équilibres fragiles. La problématique de l’accès des salles indépendantes aux films porteurs sera abordée dans le cadre du travail qui s’est engagé après la remise du rapport de René Bonnell, que vous avez évoqué, monsieur Leleux : l’un des groupes de travail sera ainsi consacré à la diffusion-distribution.

Enfin, vous savez que la France a su demander à tous les établissements multiplexes de prendre des engagements de programmation.

Ces engagements visent à promouvoir le cinéma européen, à maintenir un tissu diversifié d’entreprises de distribution, à limiter, au sein d’un même établissement, la multidiffusion des œuvres, que tend à renforcer le numérique, et à permettre d’examiner des offres alternatives en salle – c’est ce que l’on appelle le « hors-film » –, rendues elles aussi possibles par la diffusion numérique ; je pense à la diffusion d’opéras, à la suite d’un accord conclu avec l’Opéra national de Paris.

En ce qui concerne ces engagements, la présidente du CNC vient de recevoir le bilan qui a été présenté par la Médiatrice du cinéma. Je n’ignore pas que des propositions d’aménagement concernant l’accès aux films des salles indépendantes ont été formulées, notamment par l’Association française des cinémas d’art et d’essai, l’AFCAE : il s’agirait de demander aux opérateurs d’exploitation en position dominante, au niveau national ou au niveau local, de limiter, zone concurrentielle par zone concurrentielle, le nombre d’écrans pouvant être consacrés, lors des deux premières semaines d’exploitation, à la diffusion de films européens, de films de distributeurs indépendants et de films issus de cinématographies peu diffusées, lorsque ceux-ci sont objectivement « porteurs » au regard du plan de sortie national envisagé par le distributeur. Il s’agirait de favoriser l’exposition de ces films porteurs, mais dont l’esthétique est exigeante, dans l’ensemble du réseau d’exploitation indépendante.

Toutes ces propositions vont être examinées par le CNC et, bien sûr, discutées avec les opérateurs. En tout état de cause, il nous faut veiller aux équilibres entre les établissements ainsi qu’au sein des territoires, préserver la diversité des établissements et des offres et améliorer la visibilité des œuvres ainsi que la durée d’exposition des films en salles.

L’avenir de l’exploitation indépendante passe également par la réaffirmation de l’importance de la fenêtre de diffusion en salle et par le développement de la fréquentation. Je veux insister sur ce point.

Comme je l’ai dit, cette fréquentation a connu, en 2013, un léger repli. Nous devons donc être vigilants pour maintenir un haut niveau de fréquentation et une forte présence des films français, même si nos résultats restent très bons.

J’ai eu l’occasion d’affirmer à plusieurs reprises que la salle de cinéma constituait le premier et le meilleur écrin d’une œuvre à découvrir. Forte de cette conviction, j’ai demandé au CNC, à la suite de la réflexion engagée sur l’acte II de l’exception culturelle, que les discussions relatives à la chronologie des médias permettent de préserver la fenêtre de diffusion des œuvres en salle, tout en examinant, avec les professionnels, les conditions dans lesquelles certaines œuvres peuvent bénéficier de dérogations pour être diffusées plus rapidement sur d’autres canaux. Cela répond à votre question, monsieur Leleux.

De même, à l’heure où de grands acteurs de l’internet proposant des services de vidéo à la demande par abonnement s’annoncent plus actifs en Europe et, peut-être, en France – je pense bien entendu à Netflix –, il nous faut nous interroger sur leur place dans le champ de l’exception culturelle.

Ces acteurs doivent respecter la réglementation française et pouvoir apporter leur contribution économique au financement de la création, aux côtés des chaînes de télévision, premiers contributeurs en la matière. Ils ne sauraient donc bénéficier d’une quelconque exception, dès lors qu’ils cherchent à pénétrer le marché français.

Ces discussions sur la chronologie, entamées depuis plusieurs mois, vont reprendre maintenant à un rythme plus soutenu.

En outre, pour préserver la fréquentation cinématographique, nous devons également veiller au transfert de la réponse graduée au CSA. Je présenterai cette mesure de transfert dans le cadre de la future loi relative à la création, qui devrait, madame Michel, être présentée en conseil des ministres dans le courant de l’année 2014. J’œuvrerai pour qu’elle le soit le plus rapidement possible, son texte étant d'ores et déjà finalisé.

De la même manière, il nous faut engager une politique volontariste en matière de lutte contre la piraterie commerciale. C’est le travail actuellement réalisé par Mireille Imbert-Quaretta.

Mais, au-delà de la qualité de l’offre de films, une partie des propositions remises par René Bonnell visent à favoriser un meilleur financement et un plus grand essor de la diffusion des films dits « du milieu », ceux dont le devis est compris entre 4 millions d’euros et 7 millions d’euros. Madame Blandin, ces mesures en faveur des films « du milieu » bénéficieront à l’ensemble de l’exploitation française.

Des groupes de concertation résultant des travaux des Assises pour la diversité du cinéma français commencent à travailler dès ce mois de février. Lors de la remise du rapport, le 8 janvier dernier, j’ai déclaré publiquement que je serai attentive aux réformes qui seront proposées et qui pourront, le cas échéant, trouver une traduction législative dans la future loi relative à la création. Outre les propositions de René Bonnell, nous prendrons en compte le travail de différents groupes, dont celui qui a été constitué autour de Pascale Ferran et de Katell Quillévéré.

Depuis 1984, les pouvoirs publics – État et collectivités – se préoccupent continûment de la fréquentation des salles et de son renouvellement, à une échelle systématique, à travers, notamment, la politique d’éducation au cinéma. Madame Férat, à l’ère du numérique et compte tenu de la multiplication des écrans, l’éducation du public jeune d’aujourd’hui constitue évidemment une question clé pour la formation du public de demain.

Le rôle des cinémas, notamment celui des salles d’art et d’essai, est essentiel pour le maintien et le développement de l’éducation au cinéma. Pour l’année scolaire 2011-2012, les programmes École et cinéma, Collège au cinéma, Lycéens et apprentis au cinéma ont concerné 1 410 000 élèves, constituant ainsi le plus important dispositif d’éducation artistique et culturelle en temps scolaire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, l’éducation artistique et culturelle est ma priorité. Dès lors, nous voulons permettre à ces dispositifs de continuer à réussir, en les intégrant dans le parcours d’éducation artistique, en veillant à la poursuite de l’implication des collectivités territoriales dans leur financement, en préservant leur modèle – pendant le temps scolaire, découverte des films dans les salles de cinéma – , et ce dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, et en pérennisant l’effort particulier de l’éducation nationale sur la formation initiale et continue des enseignants en matière de cinéma.

À partir de l’année 2014, je veux, avec le CNC, amplifier l’éducation au cinéma, en liaison avec la Fédération nationale des cinémas français, la FNCF. Je veux également confier au CNC une étude en faveur d’un développement de ces dispositifs dans un cadre européen.

De la même manière, nous devons aussi veiller à l’amélioration de l’accessibilité de nos salles actuelles aux publics en situation de handicap. Ce sont quelque 7 millions de personnes, avec les accompagnants, qui pourraient ainsi aller au cinéma chaque année. Après un travail mené par le CNC avec les associations, nous sommes aujourd'hui en mesure de prendre prochainement un arrêté en vue d’une obligation d’adaptation à l’accessibilité. Nous devrons lever certaines difficultés relatives au bâti et adapter la réglementation.

Pour les personnes souffrant d’un handicap sensoriel, l’accessibilité passe aussi par le numérique. À cet égard, le CNC a pu, depuis la fin de l’année 2012, grâce à l’avancement de la numérisation des salles, aider à la réalisation des versions sous-titrées et audiodécrites de films inédits – 13 ont été réalisées à ce jour – et aider à la numérisation des œuvres cinématographiques du patrimoine français – 300 œuvres ont, pour l’heure, été numérisées.

Le CNC prévoit aussi le développement d’une base de données sur les films offrant une version adaptée et travaille à la définition d’une signalétique qui permettra d’aider au repérage, par exemple dans la presse, des œuvres accessibles aux personnes handicapées.

Enfin, l’avenir de l’exploitation indépendante et de sa programmation en faveur d’une offre diverse de films français et européens repose également sur la capacité du secteur à réussir la transmission de ses salles.

Toute une génération d’exploitants, qui ont commencé ce métier dans les années soixante-dix et quatre-vingt, va bientôt partir à la retraite. Il s’agit souvent d’exploitants de complexes de taille moyenne – certains en ont deux ou trois – situés sur tout le territoire et souvent classés « art et essai ».

Une réflexion sur la problématique de la reprise des établissements va être engagée en associant la FNCF – la Fédération nationale des cinémas français –, l’IFCIC – l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles – et le CNC. Elle nous permettra de trouver les outils originaux déjà utilisés dans d’autres secteurs pour favoriser cette reprise.

En conclusion, je souhaiterais revenir sur la question de l’aménagement commercial des équipements. Vous avez abordé le sujet, chère Marie-Christine Blandin, tout comme Pierre Laurent et Françoise Férat. Je serai évidemment très attentive aux préconisations du rapport que remettra prochainement Serge Lagauche au CNC, puisque votre ancien collègue a été chargé de mener une mission d’évaluation de la procédure d’autorisation.

Pour l’heure, je me contenterai d’indiquer que les auditions menées semblent toutes conclure à un maintien indispensable de cette procédure d’autorisation préalable d’aménagement cinématographique.

Sur le fond, et sans devancer les conclusions de ce rapport, il semble que les projets présentés à l’avenir pourraient gagner en qualité, notamment grâce à des précisions relatives au projet de programmation cinématographique envisagé, afin que ces nouveaux établissements s’adaptent de manière plus fluide à l’offre cinématographique qui existe déjà sur leur zone.

Vous serez également intéressés, je pense, d’apprendre que, dès l’automne dernier, j’ai demandé au Gouvernement que la procédure d’aménagement cinématographique gagne en autonomie. Cela devrait pouvoir se concrétiser cette année, car le Gouvernement soutient un découplage des régimes juridiques respectifs de l’autorisation d’aménagement cinématographique et de l’autorisation d’aménagement commercial, et il prévoit un rapatriement du dispositif au sein du code du cinéma et de l’image animée.

Cette autonomisation est une très bonne chose. Elle devrait être transcrite dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises qui débutera prochainement à l’Assemblée nationale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, notre réseau de salles a permis de regagner 100 millions de spectateurs en vingt ans. Veiller à l’attractivité de l’offre culturelle cinématographique, favoriser les équilibres territoriaux tant pour les salles que pour l’accès aux œuvres, veiller à la pérennité et au développement d’une offre diverse de l’exploitation et assurer les conditions de son développement économique, telles sont les missions de l’exploitation cinématographique en 2014. Ce sont aussi les préconisations que je formule en faveur d’un secteur qui connaît de profondes évolutions économiques, technologiques et sans doute sociétales et pour lequel il nous incombe de travailler, comme toujours, avec l’ensemble des professionnels de la création et de la diffusion, mais aussi avec les élus des collectivités territoriales, sans oublier l’ensemble des institutions concernées.

Monsieur Leleux, s’agissant des droits sur les catalogues des entreprises de production déclarées en faillite, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique a produit un rapport évoquant ce problème, notamment pour ce qui concerne les délais, et je demanderai au secrétariat général du ministère de la culture de vous transmettre les informations que vous avez demandées. En tout état de cause, des dispositions figureront dans la future loi relative à la création, si cela se révèle nécessaire.

Je ne saurais terminer sans renouveler mes remerciements à Pierre Laurent et à l’ensemble de son groupe pour nous avoir permis ce débat sur l'exploitation cinématographique indépendante. (Applaudissements.)