M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, je cède mon tour de parole à M. Deneux.

M. le président. Avant de vous donner la parole, monsieur Deneux, je vous rappelle que je devrai impérativement suspendre la séance à treize heures au plus tard, la séance des questions d’actualité au Gouvernement commençant à quinze heures.

Vous avez la parole, mon cher collègue.

M. Marcel Deneux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je regrette les conditions dans lesquelles ce débat est organisé ; et je déplore toutes les conséquences qui pourraient résulter du fait d’avoir bâclé un débat au Sénat.

Même si le débat n’aura pas vraiment lieu, je suis ravi que la question de la politique énergétique ait été inscrite à l’ordre du jour de nos travaux. La France va-t-elle respecter les engagements qu’elle a pris dans ce domaine ? Serons-nous exemplaires demain, comme nous l’avons été par le passé ? Telles sont les questions qui se posent.

Nous avons pris des engagements en 2008. À mi-chemin du délai prévu pour les atteindre, nous ne sommes malheureusement pas à mi-chemin de leur réalisation.

Je constate que notre échange tombe à point nommé puisque la Commission européenne a présenté hier le paquet énergie-climat pour 2030, et je m’en félicite.

Avant tout, je veux rappeler que nous nous sommes engagés à diminuer de 20 % notre consommation d’énergie d’ici à 2020. La tâche n’est pas des plus simples ! Certes, la meilleure énergie, et la moins coûteuse, est toujours celle que l’on ne consomme pas ! Il reste que la concrétisation de cet objectif suppose de la pédagogie, des investissements importants et des innovations technologiques.

La pédagogie est de notre responsabilité politique : nous devons mieux informer les consommateurs, mieux éduquer nos enfants, rendre l’État et les collectivités territoriales exemplaires en matière de consommation.

S’agissant de l’objectif de porter à 23 % la part des énergies renouvelables, force est de constater que l’année 2013 a marqué un recul significatif des mises en service, pour l’éolien comme pour le photovoltaïque. Il est clair que l’objectif ne sera pas atteint, et cela pour de nombreuses raisons, parmi lesquelles je tiens à citer l’absence d’une simplification administrative pourtant très attendue.

Il faut rassurer les opérateurs et leur redonner confiance en définissant clairement les perspectives.

M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a lancé un appel d’offres pour le développement de compteurs intelligents. La mise au point de tels compteurs est en effet nécessaire à l’application de la politique que nous souhaitons en matière de précarité énergétique et d’encouragement à une consommation intelligente des ménages.

En ce qui concerne notre politique nucléaire, le Président de la République a pris une position. Où en sommes-nous de la réalisation de sa promesse ?

Celle-ci pourrait être bonne, à condition qu’elle soit mise en œuvre de manière mesurée et raisonnable. En vérité, tout dépend de la durée de la période de transition et de l’objectif de réduction que l’on se fixe. Ne reproduisons pas ce qui se passe en Allemagne, pays souvent cité en exemple par les opposants farouches au nucléaire !

Il faut trouver, pour chaque territoire, le bon mix énergétique, en partant de ce qui existe et en fonction des sommes que l’on s’engage à mobiliser. En France, pour l’instant, il n’y a pas de réponse possible à la démobilisation du volume d’énergie nucléaire.

L’électricité nucléaire soutient le pouvoir d’achat des ménages, mais aussi la compétitivité de notre économie, qu’il est nécessaire d’encourager.

À cet égard, il faut rappeler que certains pays, en particulier les États-Unis et le Royaume-Uni, développent l’utilisation des gaz de schiste. En France, nous avons décidé de ne même pas connaître la richesse ou la pauvreté de notre sous-sol ; nous l’avons même inscrit dans la loi. Il faut adapter notre réglementation pour que nous puissions au moins évaluer nos réserves, afin de savoir de quoi nous parlons.

Au lieu de cela, nous restons dans notre ignorance, par peur de la connaissance et du progrès. Notre société est toujours en avance d’une crainte, mais trop souvent en retard d’une idée : ce n’est pas digne de la France ! Une polémique, fût-elle médiatique, n’a jamais remplacé une politique éclairée par des connaissances scientifiques reconnues.

Les parlementaires que nous sommes gagneraient à s’interroger, d’une manière pragmatique, sur le calendrier de la future loi de programmation pour la transition énergétique. Le Gouvernement promet son adoption avant la fin de cette année ; je crains que cette prévision ne soit trop optimiste. Encore faudra-t-il que ce texte contienne les bonnes mesures.

Mes chers collègues, il s’agit d’un virage important : il faut prendre le temps de le négocier si nous voulons être efficaces !

M. Jean Bizet. Monsieur le président, je demande la parole.

M. le président. Je vous la donne bien volontiers, mon cher collègue, mais je vous prie d’être bref, car il est presque treize heures.

M. Jean Bizet. Monsieur le président, je tiens à dénoncer ce faux débat.

Il n’a échappé à personne que le groupe écologiste a manipulé cette matinée en faisant volontairement durer l’examen de la proposition de loi portant réforme de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

M. Jean Bizet. En effet, nos collègues ont déposé pas moins de huit amendements dans le but de retarder l’ouverture du débat sur la production énergétique en France. Résultat : le Gouvernement est empêché de répondre aux questions des orateurs.

Je pense que la commission des lois a été complice de ce procédé assez lamentable visant à occulter le débat.

En tout cas, mes chers collègues, je vous donne rendez-vous le 26 février pour reprendre nos discussions sur la politique énergique !

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, je demande à répondre à M. Bizet !

M. le président. Monsieur Dantec, je vous accorde quelques secondes.

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, je considère que les accusations de manipulation lancées par M. Bizet sont totalement inacceptables. J’ignore ce que notre règlement prévoit en pareil cas, mais je trouve les propos de notre collègue absolument inadmissibles. Le terme « lamentable » a été employé ; j’aurais pu le reprendre.

Je rappellerai simplement que la quasi-totalité des amendements défendus par Hélène Lipietz ont été adoptés. Ils ont donc permis l’amélioration de la proposition de loi portant réforme de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, qui a ensuite été adoptée à l’unanimité.

Considérer que faire adopter des amendements est une manière de faire traîner les débats est absurde et… lamentable !

M. le président. Monsieur Dantec, monsieur Bizet, chacun d’entre vous aura pu faire valoir son point de vue.

M. Jean Bizet. Justement, pas tout à fait !

6

Nomination d’un membre d'une commission spéciale

M. le président. Je rappelle au Sénat que la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe a présenté une candidature pour la commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel.

Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.

La présidence n'a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Philippe Darniche membre de la commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, en remplacement de M. Philippe Adnot, démissionnaire.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures, pour les questions d’actualité au Gouvernement.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

7

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

annonces du président de la république sur la décentralisation

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin.

M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question a trait à la décentralisation.

Pour le Sénat, qui est l’assemblée des territoires, quoi qu’en ait dit de façon malvenue le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, la décentralisation reste une grande ambition politique – il ne s’agit pas d’un dossier technique –, ce qui explique pourquoi, au lieu de nous disperser sur une succession de textes, nous avons essayé de définir une ligne d’horizon pour la décentralisation.

Nous avons ainsi décidé de constituer, sous votre autorité, monsieur le président, une mission d’information, dont j’étais le président et dont M. Yves Krattinger était le rapporteur, pour essayer de définir un certain nombre de perspectives. Nous en avons relevé trois principales, que je veux rappeler à votre attention.

La première est la défense de la commune. Les maires sont inquiets et, au moment où les conseils municipaux vont être renouvelés, nous devons les soutenir. Il faut non seulement défendre la commune, qui est le premier espace républicain, mais aussi, évidemment, l’intercommunalité, la commune ayant besoin de solidarité. Il s’agit pour nous de défendre une intercommunalité entendue très largement, qui doit être non pas hiérarchique, mais collégiale. (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)

M. Jean-Pierre Raffarin. Deuxième perspective très importante : la défense de la ruralité. Je sais bien que cela ne concerne jamais que 15 millions de personnes, mais ce sont tout de même 15 millions de personnes qui comptent dans notre pays. (M. Gérard Larcher opine.)

Or c’est au niveau du département que se fait l’indispensable équilibre entre le rural et l’urbain, même si ce niveau d’administration peut aussi être légitimement défendu pour les espaces urbains. Il reste que la défense de la ruralité passe par la défense du département, en charge de la cohésion sociale et territoriale.

Troisième perspective essentielle : puisqu’il nous faut faire des économies, la décentralisation ne peut être exemptée de l’effort national. Pour ce faire, nous devons éviter tous les doublons. Aussi, pour mettre fin à la concurrence entre les régions et les départements, tout en évitant la cantonalisation de la région, nous devons avoir des régions plus grandes, qui font de la stratégie et travaillent sur les grandes infrastructures, sur les grandes questions universitaires, sur la politique des entreprises, les départements restant en charge de la cohésion. Dans ce cadre, les régions et les départements ne doublonnent pas, ce qui permet de faire des économies.

Ma question est donc la suivante : quelle place le Premier ministre réserve-t-il au Sénat dans ses projets en matière de décentralisation, après les annonces du Président de la République ? La Haute Assemblée étant un partenaire fiable pour lui, quelle suite entend-il donner à ses idées dans cette réflexion ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur Raffarin, le Premier ministre étant en déplacement à Metz avec Mme Lebranchu, il m’a chargé de vous répondre à sa place, même s’il aurait souhaité le faire personnellement.

Votre question fait très largement écho aux déclarations du Président de la République, qui vient de réaffirmer sa détermination à poursuivre l’effort de simplification de l’organisation administrative de notre territoire.

Le Gouvernement a été chargé de préparer un second volet de la réforme de la décentralisation qui permettra de clarifier les compétences entre les différents niveaux de collectivités et ainsi de lutter contre les enchevêtrements et les trop nombreux doublons.

Le rôle moteur des régions en matière de développement économique sera renforcé par le transfert de nouvelles compétences de l’État. Je peux notamment citer les aides aux entreprises et le soutien à l’innovation.

Concernant les départements, le Gouvernement a pris la pleine mesure de leur action en matière de cohésion sociale et de solidarité territoriale, pour reprendre votre expression. Leurs attributions en ces domaines seront enrichies et précisées. Pour être clair, nous sommes opposés à la suppression des départements sur tout le territoire, ce que propose, par exemple, M. Jean-François Copé. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Gérard Larcher. On a dit ce qu’on en pensait !

M. Alain Gournac. Ce n’est pas nous ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ce serait aujourd’hui un non-sens : dans les zones rurales, notamment, ils jouent un rôle essentiel pour la cohésion sociale et territoriale, vous l’avez dit fort justement.

Pour autant, cette organisation territoriale ne saurait rester figée. Dans un souci d’efficacité, elle doit aussi permettre aux collectivités de s’adapter aux spécificités de chaque territoire. C’est la raison pour laquelle le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles a créé les conférences territoriales de l’action publique. En leur sein, les représentants des différentes collectivités de chaque région auront la possibilité d’affiner par voie de délégation l’exercice de leurs compétences.

Face à des régions aux prérogatives renforcées, nous devons collectivement nous poser la question de leur nombre et de leur taille, comme vous l’avez fait. Si certaines atteignent déjà une taille suffisante pour exercer de nouvelles compétences, d’autres pourraient être amenées à se regrouper ou à mutualiser leurs services. En vue de les accompagner, nous travaillons à la mise en œuvre d’incitations financières dans le calcul des dotations de l’État.

Le Gouvernement souhaite que le débat sur la carte territoriale ait lieu avec l’ensemble des forces politiques. À cet égard, vous l’avez rappelé, nous nous félicitons de ce que le Sénat, d’une certaine façon, nous ait devancés avec la mission commune d’information que vous présidiez, monsieur Raffarin, et dont le rapporteur était M. Yves Krattinger. Au nom du Gouvernement, je tiens à saluer la qualité du travail accompli, que nous prendrons naturellement en compte pour réussir cette réforme, tout en étant particulièrement attentifs à la poursuite du dialogue avec le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Annie David applaudit également.)

annonces du président de la république sur les engagements budgétaires

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Mesdames, messieurs les ministres, nous avons inlassablement déclaré que votre augmentation des impôts tuerait l’impôt, que nous assisterions à une démonstration in vivo de la courbe de Laffer. La baisse actuelle des recettes fiscales en est en effet l’illustration.

Les dernières déclarations du Président de la République sonnent comme un aggiornamento et comme la prise de conscience du découragement croissant des entreprises depuis vingt mois.

Mme Éliane Assassi. Oh là là !

M. Aymeri de Montesquiou. On peut chiffrer ses propos : une baisse des charges des entreprises de 50 milliards d’euros et une baisse des impôts sur les ménages de 6 milliards d’euros d’ici à 2017 ; une baisse, dès 2015, du déficit budgétaire de 15 milliards d’euros pour parvenir aux 3 % « maastrichtiens ».

M. Alain Gournac. Ça va être dur !

M. Aymeri de Montesquiou. Nous nous y sommes engagés auprès de la Commission européenne, et c’est la crédibilité de notre signature sur les marchés qui est en jeu. Sans elle, le poids de nos remboursements ne pourra que s’alourdir.

La croissance étant atone, les recettes fiscales se réduisant ou étant gelées, l’équilibre ne pourra se faire qu’en diminuant les dépenses, constituées à 50 % par les salaires. Il est en effet exclu d’amputer l’investissement public, pour ne pas ajouter la crise à la crise. Il faut donc réduire les dépenses de fonctionnement.

Je rappelle que la France affiche le rapport entre nombre d’agents publics et nombre d’habitants le plus élevé de l’Union. Or je n’imagine pas que vous envisagiez de diminuer leur rémunération ou de renoncer aux 35 heures, hélas, uniques au monde. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Éliane Assassi. La France a d’autres choses uniques au monde !

M. Aymeri de Montesquiou. Aussi, je reprendrai les conclusions du rapport de la Cour des comptes de juillet 2012, en paraphrasant Paul Quilès : il ne faut pas seulement dire que nous allons diminuer le nombre d’agents publics ou des missions, mais il faut nous dire lesquels.

M. Roland Courteau. Quelle est votre préférence ?

M. Aymeri de Montesquiou. Quelle va être la réduction annuelle du nombre d’agents publics ou des missions que vous envisagez, et dans quels ministères ? Ne me répondez pas, s’il vous plaît, que vous allez créer un nouveau haut comité consultatif ! (Rires et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du Budget. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question qui, d’abord, me donne l’occasion de faire un point sur les chiffres. En effet, je ne sais pas où vous avez trouvé les vôtres, mais ils ne correspondent absolument pas à ceux qui figurent dans les rapports de la Cour des comptes et du Haut Conseil des finances publiques.

En ce qui concerne les déficits, je veux bien admettre qu’ils puissent parfois diminuer moins vite qu’ils n’ont augmenté par le passé, mais cela ne signifie pas qu’ils augmentent !

Permettez-moi de vous donner la séquence de la réduction des déficits publics pour que nous disposions tous des mêmes éléments statistiques et chiffrés : lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, en 2012, le dernier déficit public connu était de 5,3 % ; au terme des efforts que nous avons faits en loi de finances rectificative pour 2012, il était de 4,5 % ; nous serons autour de 4,1 % en 2013 et à 3,6 % en 2014.

Nous avons consenti un effort structurel sans précédent, comme le Haut Conseil des finances publiques l’a reconnu, de 1,3 % en 2012 et de 1,7 % en 2013.

Si je prends, pour appuyer mon propos et conduire la démonstration jusqu’à son terme, le déficit des comptes sociaux, comprenant le régime général et le fonds de solidarité vieillesse, il était de plus de 20 milliards d’euros en 2011, il est passé à un peu plus de 17 milliards d’euros en 2012 et il sera de 16,2 milliards d’euros en 2013, puisque nous avons sous-exécuté l’ONDAM à hauteur de 1 milliard d’euros, et de 12,8 milliards d’euros en 2014.

En d’autres termes, en l’espace de vingt mois, nous aurons diminué de 8 milliards d’euros le déficit des comptes sociaux, alors qu’il avait spectaculairement augmenté au cours du dernier quinquennat. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Yves Daudigny. C’est la réalité !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Par conséquent, monsieur le sénateur, comme j’ai senti un peu d’angoisse dans votre question, je voulais, en vous apportant une réponse précise, faire en sorte que vous puissiez partir plus serein de l’hémicycle après cette séance de questions que vous ne l’étiez lorsque vous y êtes entré. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Guillaume. Il est rassuré !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Par ailleurs, vous parlez d’économies. Bien entendu, nous allons en faire, et beaucoup plus que vous n’en avez réalisé.

Voici, là encore, quelques chiffres qui devraient être de nature à vous rassurer totalement : la dépense publique a augmenté entre 2007 et 2012 de 170 milliards d’euros…

M. Aymeri de Montesquiou. Ce n’est pas la question !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce n’est pas la question, mais c’est ma réponse, car il faut être extrêmement précis sur ces sujets-là.

Je reprends : 170 milliards d’euros entre 2007 et 2012, soit un peu plus de 2 % d’augmentation de la dépense publique pendant cette période ; on est aujourd’hui à 0,4 % dans le budget 2014, et nous envisageons de faire 50 milliards d’euros d’économies d’ici à 2017.

Sans doute vous interrogez-vous : arriveront-ils à les faire ? Monsieur le sénateur, je veux aussi vous rassurer sur notre détermination à ce sujet, et ce avec d’autant plus de crédibilité que nous avons déjà réalisé 15 milliards d’euros d’économies sur un an, quand la révision générale des politiques publiques avait permis de n’en dégager que 10 milliards d’euros sur trois ans.

Par conséquent, nous sommes sur un chemin de réduction des déficits et de maîtrise de la dépense qui doit nous conduire à tenir les engagements que nous avons pris devant l’Union européenne.(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. André Gattolin applaudit également.)

tva applicable à la presse numérique

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme vous le savez, la presse est frappée lourdement par la crise économique.

Elle subit aussi de plein fouet la révolution des technologies de l’information et de la communication. Tout est bouleversé : techniques de fabrication, distribution, métiers, usages des lecteurs, et, bien sûr, l’ensemble du modèle économique.

Nous sommes dans ce moment où l’ancien meurt et le nouveau peine à naître.

L’enjeu est, bien sûr, de sauvegarder les titres et les emplois. Mais il y a un autre enjeu, plus global, intéressant toute la société : continuer à avoir une information de qualité, diverse et pluraliste, libre et indépendante, nécessité vitale pour notre démocratie.

Après la disparition de quelques titres nationaux et les menaces sur de nouveaux titres parmi les plus prestigieux, c’est maintenant la presse quotidienne régionale qui est aussi en grand danger.

Les aides de l’État sont très importantes,…

M. David Assouline. … mais, elles sont critiquées, à raison : certains bénéficiaires sont très loin d’avoir ce « caractère d’intérêt général quant à la diffusion de la pensée », pourtant exigé pour bénéficier de ces aides. De plus, la répartition et les priorités retenues sont contestables.

Face à cette crise, quelle est l’action du Gouvernement pour réformer ces aides et aider notre presse à affronter avec succès le défi historique qui est devant elle ?

Dans ce cadre, monsieur le ministre chargé du budget, comment et quand comptez-vous mettre fin à une injustice fiscale entre la presse papier et la presse en ligne, laquelle ne bénéficie pas du même taux de TVA ? En effet, le taux de TVA « super-réduit » à 2,1 % sur les ventes, n’est pas appliqué à la presse en ligne. Pourtant, ce n’est pas l’édition papier qui justifiait cette aide lorsqu’elle a été instaurée. En 2012, 1 700 entreprises ont bénéficié de ce dispositif. Cet avantage fiscal est la principale aide à la presse, à côté de l’aide au transport postal.

Au-delà de l’injustice subie par tel ou tel titre de presse diffusé exclusivement en ligne, ce différentiel de taux de TVA représente un frein à la nécessaire modernisation et aux innovations dans tout le secteur de la presse – y compris la presse traditionnelle, qui ne se conçoit plus sans le numérique – et constitue à la fois un handicap économique et un frein à la migration des abonnés « papier » vers les offres numériques.

Depuis plusieurs années, je propose régulièrement au Sénat de voter la fin de cette injustice lors de la discussion du projet de loi de finances. Je sais que le Gouvernement, et notamment la ministre Aurélie Filippetti, est sensible à cette question et a engagé des négociations au niveau européen pour obtenir cet alignement de taux de TVA, mais qu’envisage-t-il de faire sans attendre, monsieur le ministre, pour remédier à cette injustice et rendre effectif le principe de neutralité technologique ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. André Gattolin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget. Monsieur Assouline, votre question me donne l’occasion de saluer votre implication constante sur ce sujet.

Avec plusieurs de vos collègues, vous avez mené ce combat en faveur de la neutralité des supports, à la fois pour les objets culturels – je pense notamment à votre volonté d’aligner le taux de TVA s ‘appliquant au livre numérique sur le taux réduit, de 5,5 %, dont bénéficie le livre papier – et pour la presse, dont la situation est toutefois un peu différente de celle du livre.

Comme vous le savez, le taux de TVA applicable à la presse papier est de 2,1 %, pour des raisons qui tiennent au fait que, au moment où la directive sur la TVA a été adoptée, les taux réduits applicables à l’époque ont été conservés : c’est ce que l’on appelle la « clause de gel ». Lorsque ce taux a été défini, la presse numérique n’existait pas encore : c’est le progrès technologique, comme vous l’avez souligné, qui a permis à la presse numérique de se développer et de mener, notamment, des investigations aussi importantes et précieuses pour la démocratie, en France et en Europe, que celles de la presse papier.

Pour les mêmes raisons que celles qui nous ont conduits à nous mobiliser sur le taux réduit de TVA pour le livre numérique, Aurélie Filippetti a pris l’engagement, en juillet 2013, d’appliquer le taux réduit de TVA à la presse en ligne.

Il s’avère qu’un très grand nombre de pays de l’Union européenne s’associent à ce combat. Faut-il rappeler que, dans l’accord de coalition qui lie les différentes formations politiques présentes au sein du gouvernement dirigé par Angela Merkel, la mise en place d’un taux réduit de TVA sur la presse en ligne figure parmi les objectifs à atteindre ? Par ailleurs, dans le cadre des consultations en cours relatives à la rédaction de la nouvelle directive sur la TVA, de nombreux États membres de l’Union européenne nous ont rejoints.

Dans ce contexte, nous pensons que le moment est venu d’aligner le taux de TVA applicable à la presse en ligne sur celui de la presse papier. Le Gouvernement prendra une initiative législative dans les semaines à venir pour matérialiser cette volonté. Au moment où cette initiative législative sera prise, de manière à ne pas perdre de temps, nous diffuserons également une instruction qui permettra à cet alignement d’être appliqué sans délai.

Nous aurons ainsi répondu à votre préoccupation, monsieur le sénateur, et donné satisfaction à tous vos collègues qui mènent ce combat depuis de nombreuses années sur toutes les travées de cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

OGM