M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir une période minimale d’exposition aux risques professionnels pour la validation des points du compte personnel de prévention de la pénibilité.

Pourquoi vouloir instaurer une période minimale par principe ? Un trimestre d’exposition à l’un des facteurs de risques professionnels permettra d’acquérir un point. Dix points ouvriront le bénéfice d’un trimestre de formation, de travail à temps partiel ou de majoration de la durée d’assurance vieillesse.

Il n’y a pas de raison de prévoir une période minimale d’exposition autre pour valider les points, puisque le dispositif prévu ne fait pas de discrimination entre les secteurs d’activité. Qui plus est, les facteurs de risques professionnels ont des effets différés sur la santé même en cas d’exposition courte.

La commission émet donc un avis défavorable.

Par ailleurs, il est exact, monsieur Longuet, qu’un certain nombre de métiers, spécialement dans l’industrie, ont une mauvaise image auprès du public, en particulier auprès des jeunes. Je ne crois pas que permettre à des personnes exposées à des facteurs de risques de s’engager dans un parcours professionnel en vue de changer de métier empêche de travailler à remédier à cette situation : il existe des moyens pour inciter les jeunes à se tourner vers les métiers industriels, sans avoir à craindre que la création du compte personnel de prévention de la pénibilité ne dégrade encore l’image de ceux-ci.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur Longuet, l’élaboration du décret d’application sera précédée d’une concertation avec les partenaires sociaux. Le décret définira, en particulier, la durée minimale d’exposition à des facteurs de pénibilité requise pour qu’un salarié puisse bénéficier de points sur son compte personnel de prévention de la pénibilité.

Par ailleurs, comme le disait à l’instant Mme la rapporteur, si l’on veut donner une meilleure image à certaines professions, il faut faire en sorte que celles-ci n’apparaissent pas comme des « trappes à pénibilité » et signifier à ceux qui voudraient s’y engager que les pouvoirs publics, les entreprises et les partenaires sociaux ont la volonté de leur offrir les meilleures conditions de travail, en tout état de cause la possibilité d’une réparation, par le biais d’une activité à temps partiel ou, le moment venu, d’un départ anticipé à la retraite.

Le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 272.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 267, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 4162-3. – Les points sont attribués au vu des expositions du salarié déclarées par l’employeur, auprès de la caisse mentionnée à l’article L. 215-1, à l’article L. 222-1-1 du code de la sécurité sociale ou à l’article L. 723-2 du code rural et de la pêche maritime dont il relève. Un décret fixe les modalités selon lesquelles la déclaration par l’employeur est réalisée.

La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Cet amendement établit en quelque sorte un lien entre ce qui existe, à savoir la fiche de prévention de la pénibilité créée par la loi de 2010, et votre proposition de rendre cette fiche opposable au titre non plus de la prévention, mais d’un droit général à compensation.

Cet après-midi, nous avons parlé longuement de la prévention et du droit à compensation. Philippe Bas est en particulier intervenu pour exprimer sa crainte, que je partage, que la fiche ne devienne de plus en plus le support d’une compensation, et non pas un appel à la prévention.

Dans certains cas, les facteurs de pénibilité sont incontournables ; dans d’autres, ils peuvent parfaitement être levés grâce à des équipements mécaniques, à des automatismes. Ainsi, pour l’alimentation d’une chaîne de production, on peut recourir à un automatisme qui, sous le contrôle d’un salarié, permet des cadences supérieures avec un moindre effort, en évitant au personnel ces gestes répétitifs à l’origine de troubles musculo-squelettiques.

C'est la raison pour laquelle nous avons voulu insister sur la prévention. Dans un souci de simplification et de faisabilité, cet amendement tend à intégrer la déclaration des expositions à des facteurs de pénibilité dans un cadre existant, celui des déclarations sociales. Ainsi, les procédures seront simplifiées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Au travers de cet amendement, vous souhaitez, monsieur Longuet, qu’un décret fixe les modalités de déclaration, par les employeurs, des expositions de leurs salariés à des facteurs de pénibilité pour créditer leur compte personnel de prévention de la pénibilité, afin que cette procédure soit intégrée dans le cadre existant des déclarations sociales.

Le Gouvernement pourra sans doute, sur ce point, rassurer les auteurs de l’amendement : c’est bien ce qui est envisagé, afin que cette déclaration nouvelle ne soit pas source de complexité. Il n’est toutefois pas besoin de le préciser par un renvoi spécifique à un décret, l’alinéa 78 de l’article prenant déjà cette situation en compte. La transmission de la fiche ne jouera un rôle que pour contrôler, éventuellement, la réalité des expositions déclarées.

C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est du même avis que la commission. Je confirme l’analyse de Mme la rapporteur.

M. Gérard Longuet. Je retire l’amendement, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 267 est retiré.

L'amendement n° 268, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Chaque année, l’employeur informe le salarié de la déclaration le concernant mentionnée à l’alinéa précédent.

Cet amendement n’a plus d’objet.

L'amendement n° 273, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 20, seconde phrase

Remplacer le nombre :

55

par le nombre :

57

La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Avec cette substitution du nombre 57 au nombre 55, il s’agit non pas de remplacer la Meuse par la Moselle (Sourires.), mais de tenir compte de ce que l’Assemblée nationale a voté.

Nos collègues députés ont en effet prévu que la liquidation des points, sous réserve d’un nombre suffisant, puisse entraîner une liquidation des droits sept ans avant l’âge légal de départ à la retraite, afin de permettre aux assurés qui rempliraient les conditions requises de pouvoir bénéficier pleinement du dispositif « carrières longues ».

Or, le projet de loi comporte également un dispositif dérogatoire à l’âge légal de départ à la retraite pour les salariés ayant été exposés à la pénibilité. Il convient de rationaliser le nombre de dispositifs permettant des départs anticipés à la retraite. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. L’âge de 55 ans a été fixé par l’Assemblée nationale afin d’assurer la coordination avec la retraite anticipée pour carrière longue. Grâce à ce dispositif, les personnes ayant commencé à travailler très jeunes, par exemple avant l’âge de 16 ans, et ayant cotisé 174 trimestres peuvent partir à la retraite à 56 ans.

Il ne faut donc pas relever l’âge minimal de liquidation des trimestres d’assurance acquis grâce au compte de prévention de la pénibilité, sinon des salariés éligibles à la retraite anticipée pour carrière longue ne pourraient faire usage des points inscrits à leur compte.

Aussi la commission a-t-elle émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 273.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 274, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 22

Rédiger ainsi cet alinéa :

« III. - Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’utilisation des points inscrits au compte. Il fixe le barème de points spécifique à chaque utilisation du compte en priorisant le 1° puis le 2° du I. Il précise les conditions et limites dans lesquelles les points acquis peuvent être affectés, en cas d’usure précoce, à l’utilisation mentionnée au 3° du I.

La parole est à Mme Catherine Deroche.

Mme Catherine Deroche. Cet amendement reprend les préconisations du rapport Moreau sur l’utilisation des points : « Les équivalences […] seraient déterminées de façon à encourager l’utilisation de ces points d’abord pour financer des périodes de formation, ensuite des périodes de temps partiel de fin de carrière, enfin le rachat de trimestres pour le départ en retraite. »

Or, tel qu’il est rédigé, le dispositif créera un appel d’air pour les départs anticipés, car, en dehors du minimum des vingt points fléchés obligatoirement vers une action de formation, les points disponibles seront utilisés pour permettre des départs anticipés à la retraite.

Nous souhaitons donc encadrer davantage l’utilisation des points du compte personnel de prévention de la pénibilité. Le décret devra prévoir que ces points serviront en priorité à la prévention de la pénibilité, via des actions de formation permettant au salarié d’obtenir un poste qui ne soit plus exposé à des facteurs de pénibilité, puis à des aménagements de carrière si l’action précédente n’a pas été suffisante pour mettre fin à l’exposition.

Enfin, cet amendement prévoit de réserver les possibilités de départ anticipé à la retraite aux seuls salariés qui auraient été exposés à certains facteurs de pénibilité ayant occasionné un vieillissement précoce médicalement constaté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement tend à restreindre l’utilisation du compte de prévention de la pénibilité, en prévoyant notamment que le départ anticipé à la retraite ne sera possible qu’en cas « d’usure précoce ».

Outre que sa définition ne sera pas aisée, cette notion ne prend pas en compte la caractéristique principale de la pénibilité, qui est d’affecter l’espérance de vie en bonne santé et la qualité de vie à la retraite, et non d’engendrer des pathologies qui pourraient être médicalement constatées. Pour ces situations, le dispositif de départ anticipé à la retraite pour invalidité mis en place par la réforme de 2010 est parfaitement adapté.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. L’avis du Gouvernement est également défavorable. La logique qui sous-tend cet amendement est tout à fait différente de celle du projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Votre réponse assez décevante, madame la ministre, montre que vous ne souhaitez ni prévenir ni traiter la pénibilité. Ce que vous voulez en réalité, c'est organiser un système de contournement de l’âge minimal de départ à la retraite.

Ainsi, vous orientez l’utilisation du compte de prévention de la pénibilité non pas vers une requalification des métiers et des emplois, mais vers un départ à la retraite précoce. C’est un choix ! Personnellement, en tant que libéral, je serais d’ailleurs tenté de laisser à chaque salarié la possibilité d’arbitrer entre partir plus tôt à la retraite et se former pour évoluer professionnellement, obtenir une nouvelle qualification et échapper ainsi à des tâches pénibles.

Néanmoins, le sujet, c’est l’éradication de la pénibilité. Or vos réponses font apparaître que votre objectif est de favoriser les départs anticipés à la retraite, et non de le traiter.

Je parlais tout à l’heure de la mécanisation d’un certain nombre de tâches sur les chaînes d’approvisionnement. Si nous voulons une industrie moderne et le respect de l’intégrité physique des salariés, il faut privilégier l’investissement, et donc dégager des moyens de financement. À tout prendre, je trouve préférable de mobiliser des financements pour améliorer les conditions de travail ou la formation des travailleurs, plutôt que de se borner à permettre à certains salariés de prendre une retraite anticipée. L’objectif doit être de promouvoir l’amélioration de la qualification, la protection personnelle du travailleur, et non de perpétuer le système de recours aux départs anticipés à la retraite que nous avons connu, en particulier, à l’occasion des grandes crises de la sidérurgie. Pour notre part, nous prônons la formation et l’investissement pour éradiquer les tâches les plus pénibles : cela est possible !

Nous avons évoqué des métiers en apparence subalternes, mais importants dans la vie quotidienne, tels ceux de la propreté. Dans ce secteur, avec des équipements adaptés, on peut accroître la productivité en remplaçant le maniement du balai par l’utilisation de machines, comme on peut le voir dans les aéroports, par exemple. Ces investissements financés par l’employeur permettent également d’améliorer la qualification et les conditions de travail du salarié.

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. Monsieur Longuet, je vais expliciter ce que vous entendez par « prise en compte de l’usure précoce », afin de montrer à quel point la réforme de 2010 était généreuse…

Concrètement, la mise en œuvre du dispositif adopté en 2010 a permis quelques milliers de départs anticipés de salariés usés. Pour pouvoir en bénéficier sans autre condition, il fallait justifier soit d’un taux d’incapacité permanente de 20 % au moins – cela équivaut à la perte d’une main –, soit d’un taux d’incapacité permanente compris entre 10 % et 20 %, conjugué à une exposition pendant au moins dix-sept ans, dont il fallait faire la preuve, à des facteurs de risques professionnels.

Vous dites craindre un appel d’air en matière de départs anticipés : il est vrai que, avec votre système, cela ne risquait pas d’arriver ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 274.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 275, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 23

Remplacer le nombre :

52

par le nombre :

57

La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Nous souhaitons l’amélioration des conditions de travail et en acceptons la conséquence, c'est-à-dire la poursuite des carrières jusqu’à l’âge normal de départ à la retraite.

Le coût de votre dispositif nous inquiète. Le rapport de la commission fait apparaître qu’il atteindra 500 millions d’euros en 2020, 2 milliards d’euros en 2030 et 2,5 milliards d’euros en 2040. Il s’agit d’un effort considérable, dont nous ne savons pas comment il sera financé.

Nous souhaitons donc obtenir de Mme la ministre des précisions sur la façon dont elle envisage de financer le dispositif relatif à la pénibilité, sachant qu’il ne l’est, pour l’heure, qu’à hauteur de 800 millions d’euros.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. La prise en compte des salariés proches de leur fin de carrière et ayant été exposés à la pénibilité est à nos yeux indispensable.

Si, dans certains cas, il n’est pas possible de prévoir une reconstitution intégrale des expositions aux facteurs de pénibilité subies depuis l’entrée sur le marché du travail, un aménagement du barème d’acquisition et des conditions d’utilisation des points est prévu dans le texte.

L’âge de 52 ans finalement retenu par l’Assemblée nationale permet de prendre en compte de longues expositions à des facteurs de pénibilité, dans des conditions de travail qui se sont parfois améliorées depuis.

Il appartient donc aux entreprises de mener une politique volontariste de formation, d’amélioration des conditions de travail, mais aussi de valorisation des salariés proches de l’âge de la retraite, afin que ceux-ci décident de prolonger leur activité.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable : il nous paraît important qu’une période de transition suffisamment longue permette aux salariés de bénéficier de ce système.

Monsieur Longuet, vous m’avez interrogée sur le financement du compte de prévention de la pénibilité. Vous trouverez la réponse à vos questions à la page 51 de l’étude d’impact.

Concrètement, c’est par une contribution des entreprises que ce dispositif sera financé : il faut qu’elles soient impliquées dans l’amélioration des conditions de travail des salariés. Il s’agira d’une cotisation à deux étages, acquittée pour partie par l’ensemble des entreprises, que leurs salariés soient ou non exposés à la pénibilité, pour partie par les seules entreprises exposant des salariés à des facteurs de pénibilité.

Pourquoi mettre à contribution l’ensemble des entreprises ? Parce que même celles qui n’exposent pas leurs salariés à des facteurs de pénibilité tirent ou peuvent tirer un avantage du travail de salariés se trouvant dans cette situation. On voit bien, par exemple, que des entreprises peuvent avoir intérêt au travail de nuit de salariés ne relevant pas directement de leur champ d’activité. Ainsi en est-il du nettoyage, que vous avez évoqué.

Il est souhaitable d’encourager les entreprises à réorganiser le travail pour éradiquer certains facteurs de pénibilité, mais on sait que la pénibilité ne disparaîtra pas entièrement du monde du travail : les aéroports ou les établissements de santé, par exemple, ne peuvent fonctionner sans travail de nuit.

Il est donc normal que les entreprises exposant des salariés à des facteurs de pénibilité ne soient pas les seules à contribuer à la prise en charge de ces salariés.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Madame le ministre, vous avez parfaitement raison d’indiquer que, au-delà des entreprises qui exposent les salariés à des facteurs de pénibilité, c’est l’économie globale, les consommateurs qui profitent du travail de ces salariés.

Si les disc-jockeys travaillent la nuit, c’est pour eux un choix et un mode de vie. Cela dit, je reconnais qu’il s’agit là d’un cas particulier, assez minoritaire ! En revanche, le travail de nuit permettant d’assurer la continuité du service public, dans les hôpitaux ou les transports en commun, ne correspond pas forcément à un choix des salariés concernés. Dans le même ordre d’idées, il faut aussi du personnel dans les restaurants le dimanche ou le soir de Noël.

En tout état de cause, les consommateurs bénéficient autant que les entreprises du travail effectué par les salariés exposés à des facteurs de pénibilité. Pourquoi, dans ces conditions, ne faire contribuer que les entreprises à la prise en compte de la pénibilité ? (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Madame le ministre, vous voulez faire reposer le coût de la compensation de la pénibilité sur les seules entreprises, alors que la logique voudrait que cette compensation soit assurée par le versement de salaires tenant compte de l’existence de conditions de travail difficiles, ouvrant ainsi des droits à retraite supérieurs. En général, les salariés qui travaillent de nuit ou le dimanche sont d’ailleurs mieux payés. Ce serait beaucoup plus simple que reconstituer la pénibilité a posteriori.

Enfin, plutôt que de prélever des cotisations sur les entreprises, laissez-les investir dans des procédés de production qui permettent de réduire la pénibilité et d’améliorer la condition du travailleur. Au-delà de la mécanisation, que j’évoquais tout à l'heure, il est possible, par exemple, de produire les services avec un décalage par rapport à la demande formulée par le consommateur : si celui-ci peut passer commande à toute heure du jour ou de la nuit, le salarié a plutôt envie de travailler à des heures normales.

Mme Annie David. En ce cas, il ne faut pas ouvrir les magasins le dimanche !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 275.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 378 rectifié, présenté par MM. Mézard, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 23

Remplacer les mots :

peuvent être aménagés

par les mots :

sont aménagés

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. À l’origine, l’article 6 prévoyait qu’un salarié âgé d’au moins 57 ans ayant accumulé des points sur son compte personnel de prévention de la pénibilité pourrait, à compter de 2015, les utiliser pour prendre une retraite anticipée, travailler à temps partiel en fin de carrière ou bénéficier d’une formation.

Lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, madame la ministre, vous avez fait adopter un amendement tendant à abaisser à 52 ans l’âge minimal requis. C’est une excellente chose.

Pour autant, la rédaction actuelle de l’article prévoit que, pour ces salariés, le barème d’acquisition des points portés au compte personnel de prévention de la pénibilité et les conditions d’utilisation de ces points acquis « peuvent être aménagés » par décret. Notre amendement vise à rendre obligatoire, et non plus simplement facultatif, cet aménagement par décret.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cette précision, d’ordre rédactionnel, traduit notre responsabilité de législateur à l’égard des salariés exposés à la pénibilité tout au long de leur carrière. La commission a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur Requier, je tiens à vous rassurer : le Gouvernement entend bien prendre le décret d’application qui permettra la mise en œuvre de la dérogation que vous évoquez.

En réalité, sur le plan strictement juridique, l’utilisation du verbe « pouvoir » permet de déroger à la règle de droit. Néanmoins, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat : le juge interprétera la loi à la lumière de nos travaux.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Cet amendement est excellent (Exclamations sur les travées du groupe CRC.), pas tant sur le fond que parce qu’il rappelle un principe général : la loi est normative. Le recours à l’indicatif présent s’impose.

Mme Annie David. Quel succès, monsieur Requier !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 378 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 151, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 26

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« À l’issue de cette formation, le salarié bénéficie d’une priorité de reclassement dans un poste n’exposant plus les salariés aux facteurs de risques auxquels il était probablement exposé.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. L’article 6 prévoit que les points inscrits au compte personnel de prévention de la pénibilité pourront permettre au salarié de bénéficier d’une formation professionnelle.

Sans minorer l’intérêt de la formation professionnelle, qui doit être au cœur de toutes nos politiques d’emploi et à laquelle nous sommes bien évidemment attachés, nous demeurons sceptiques sur la pertinence d’une telle mesure.

Certes, d’un point de vue théorique, l’acquisition par le salarié de connaissances ou de compétences supplémentaires peut permettre à celui-ci d’accéder à un emploi moins exposé à la pénibilité, ce dont nous nous félicitons.

Toutefois, il faut que l’employeur accorde ce droit au salarié et tire toutes les conséquences du suivi d’une telle formation. À défaut, le salarié se trouverait dans une situation particulièrement aberrante : ayant bénéficié d’une formation supplémentaire en raison d’une exposition à des facteurs de risques, il pourrait être contraint de retourner à son poste antérieur.

Dans le cas d’espèce, on voit bien que l’accès des salariés à la formation professionnelle ne constitue pas une réponse suffisante s’il n’est pas accompagné d’un droit effectif à changer de poste, répondant à deux impératifs : d’une part, le retrait du salarié de son poste de travail exposé à des facteurs de pénibilité ; d’autre part, la nécessaire prise en compte, en termes de carrière, de l’évolution de ses compétences.

C’est pourquoi nous proposons, au travers de cet amendement, que le salarié ayant suivi une formation au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité bénéficie, à l’issue de celle-ci, d’une priorité de reclassement dans un poste ne l’exposant plus à des facteurs de risques.