M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, rapporteur pour avis.

M. Jean-Luc Fichet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis de la majeure partie des articles du titre IV du projet de loi ALUR, portant sur la modernisation des documents de planification et d’urbanisme.

En effet, la rénovation des règles d’urbanisme et de planification stratégique est un levier essentiel dans la lutte contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain. Il s’agit là d’une préoccupation constante de notre commission, qui est compétente en matière d’aménagement du territoire comme d’environnement.

Les règles d’urbanisme ont un rôle à jouer pour faire évoluer l’aménagement de l’espace dans notre pays, pour adapter nos territoires à la transition écologique, pour préparer en amont l’adaptation au changement climatique, par exemple dans les zones inondables ou les zones littorales.

Après avoir examiné attentivement les dispositions du titre IV et procédé à un certain nombre d’auditions, j’ai été amené à proposer quatre séries d’amendements à la commission du développement durable. Néanmoins, la commission s’étant déclarée, dans sa majorité, opposée à ce projet de loi, elle a par principe rejeté la plupart des amendements que je lui ai présentés. (M. Gérard Longuet s’exclame.)

La première série d’amendements prévoyait plusieurs améliorations à l’article 58 relatif aux schémas de cohérence territoriale, les SCOT. Je me félicite que certains de ces aménagements figurent dans le texte adopté par la commission des affaires économiques. Il s’agit, notamment, du délai de mise en compatibilité des PLU avec le SCOT, qui ne devra être pris en compte qu’à partir du moment où celui-ci devient exécutoire. Il s’agit aussi de limiter dans le temps la non-application du principe d’urbanisation limitée pour les communes quittant le périmètre d’un SCOT.

J'ai constaté également avec satisfaction que l'article introduit à l'Assemblée nationale sur les démarches d'inter-SCOT a été supprimé. J'avais moi-même défendu cette suppression devant la commission du développement durable. Un tel cadre juridique n'a pas lieu d'être ; il s'inscrit en contradiction flagrante avec l'esprit de ce projet de loi. Des démarches d'inter-SCOT sont déjà mises en œuvre de façon volontaire et spontanée sur de nombreux territoires, sans qu'il soit nécessaire de légiférer et d'introduire une couche de complexité supplémentaire. À ce rythme, on risquerait bientôt de parler « d'inter-inter-SCOT » et l'on n'en finit plus de cette dynamique infernale d'inflation législative.

La deuxième série d'amendements que j'avais défendus concernait le PLU intercommunal, pour lequel il m'était apparu nécessaire de trouver une solution de compromis sur l'obligation de transfert de compétence introduite à l'article 63. J'ai en effet l'intime conviction qu'à terme le passage à une élaboration intercommunale du PLU est incontournable. Toutefois, cette évolution ne doit pas s'effectuer sous la contrainte de l'automaticité. Il s’agit d'un mauvais signal envoyé aux maires qui peuvent alors légitimement se sentir découragés et démobilisés.

En outre, cette démarche est relativement précipitée, à peine deux ans après l'entrée en vigueur de la loi Grenelle 2, dont les mécanismes d'incitation n'ont pas encore eu le temps de produire tous leurs effets.

En accord avec le rapporteur de la commission des affaires économiques, j’ai donc proposé à la commission du développement durable l’introduction d’une minorité de blocage permettant d’empêcher ce transfert. Je n’ai pas été suivi par mes collègues, mais je me réjouis de retrouver, là encore, dans le texte adopté par la commission des affaires économiques, une solution similaire.

La troisième série d'amendements que j’ai présentée a connu un sort différent des précédentes. Elle a en effet été adoptée à l'unanimité par la commission du développement durable et renvoyée à la discussion en séance publique par la commission des affaires économiques, ce qui témoigne de son importance. Il s'agit de l'introduction de mesures complémentaires pour la gestion de l'urbanisme littoral.

Je précise que ces propositions, dont nous aurons à débattre dans l'hémicycle, sont issues des travaux de la mission d'information sur les difficultés d'application de la loi Littoral. Cette mission, actuellement en cours, est conduite par nos collègues spécialistes de la question, Odette Herviaux et Jean Bizet.

La première mesure proposée consiste à introduire un nouveau dispositif : la charte régionale d’aménagement. Il s’agit d’un outil permettant de préciser avec force prescriptive, au niveau régional, les modalités d'application de la loi Littoral. Il ne s'agit de rien de moins que d'un retour à l'esprit initial de cette loi, et de la mise en œuvre de documents qui auraient dû exister depuis près de trente ans.

En effet, la loi Littoral a été volontairement conçue de façon interprétative. Elle doit être déclinée localement pour prendre en compte la diversité des littoraux de notre pays. Or cela n'a jamais été fait. Les difficultés actuellement rencontrées, dans certains départements, par les élus des communes littorales découlent en grande partie de cette absence d'interprétation. Sans compter que cela a permis au juge de s'engouffrer dans la brèche, au point de se substituer totalement au législateur, par le biais d'une jurisprudence restrictive, élaborée au cas par cas et de façon souvent peu cohérente.

Quant aux gouvernements successifs, ils ont globalement toujours eu conscience du problème, mais ont aussi toujours soigneusement évité de s'en saisir, préférant procéder à coup de rustines et proposer un accompagnement, certes utile, mais rarement suffisant pour résoudre l’ensemble des problèmes. Il est donc temps aujourd'hui que le Parlement se ressaisisse de cette question, et le présent projet de loi constitue un véhicule législatif approprié.

Enfin, comme tous les membres de la mission d'information, je suis pleinement conscient de la sensibilité de la loi Littoral et de la nécessité de maintenir une protection ferme sur un littoral français soumis à de fortes pressions. C'est pourquoi les amendements que je vous propose prévoient de nombreux garde-fous, que je vous invite à examiner attentivement. En particulier, ils donnent au Conseil national de la mer et des littoraux un rôle d'arbitre dans l'élaboration de ces chartes régionales d'aménagement. Il s'agit autant de préserver une vision harmonieuse à l'échelle nationale que de régler des problèmes liés à l'articulation des chartes et aux recoupements avec d'autres documents d'urbanisme.

La seconde mesure proposée sur ce thème vise à permettre l'urbanisation dans les « dents creuses » des hameaux des zones rétro-littorales des communes littorales. Il est en effet peu compréhensible que l'on puisse construire des hameaux nouveaux, même intégrés à l'environnement, dans des communes littorales, alors qu'il est interdit de combler les « dents creuses » des hameaux existants. En matière de lutte contre l'artificialisation des sols et la consommation d'espaces agricoles, on a déjà connu des dispositifs plus efficaces ! Ici encore, la possibilité d'urbanisation est encadrée par de très nombreux garde-fous, qui préviennent soigneusement toute dérive potentielle.

Ces amendements méritent que le Sénat y accorde de l'attention. Ils sont équilibrés, et n'ont en aucun cas pour but de porter atteinte à la protection du littoral français. Au contraire, ils visent avant tout à revenir à ce que la loi Littoral avait initialement prévu, conformément aux vœux de ses concepteurs. C'est la raison pour laquelle la commission du développement durable les a adoptés à l'unanimité.

Enfin, le quatrième thème sur lequel j'ai jugé opportun de reprendre un amendement à titre personnel, même s'il n'a pas été adopté par la commission du développement durable, est relatif au régime des sites et sols pollués.

En effet, à l'occasion des auditions que j'ai menées en tant que rapporteur pour avis, j'ai eu connaissance d'une réflexion conduite depuis quatre années par l'administration afin de donner davantage d'efficacité aux dispositifs existants d'information sur les sols pollués et de réhabilitation de ceux-ci. Cette réflexion a eu pour cadre le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques, en liaison avec les associations représentatives des collectivités territoriales et les associations de défense de l'environnement.

Cette réforme s'inscrit pleinement dans les objectifs visés par ce projet de loi, car la réhabilitation des friches industrielles est l'une des clefs de la densification de l'habitat urbain que chacun appelle de ses vœux. Or, cette réhabilitation implique une maîtrise du risque de pollution des sols, et un traitement de ceux-ci lorsque la pollution est avérée.

L'amendement que je vous propose, portant article additionnel, crée, d'une part, des « zones de vigilance » pour les sites et sols pollués par des exploitations industrielles, afin d'améliorer l'information des acquéreurs et des aménageurs des terrains concernés.

Fondées sur les informations rendues publiques par l'État sur les 260 000 sites potentiellement pollués et jointes aux PLU, ces « zones de vigilance » seront plus aisément gérables par les collectivités locales, et par les notaires responsables de la sécurité des transactions, que les bases de données actuellement disponibles, qui sont certes exhaustives, mais insuffisamment sélectives. Elles permettront de cibler concrètement les quelque 8 000 sites identifiés comme réellement susceptibles de poser problème.

D'autre part, cet amendement simplifie les procédures de réhabilitation des sites et sols pollués visant à permettre leur changement d'usage, et clarifie les responsabilités des différents intervenants dans ce domaine.

Même si, pris par le temps, le Gouvernement n'a pas pu insérer ce dispositif dans le projet de loi initial, j'estime qu'il serait regrettable que le Parlement ne saisisse pas l'opportunité d'adopter, sans plus attendre, une réforme parvenue à maturité et consensuelle, qui sera de nature à faciliter la réutilisation des friches industrielles (M. le rapporteur pour avis de la commission des lois marque son approbation.) à d'autres fins, et d'abord au logement.

Voilà les améliorations, madame la ministre, mes chers collègues, que je vous suggère d'apporter au projet de loi.

La commission du développement durable a émis un avis défavorable à l'adoption de ce texte. Je porte cette position à votre connaissance afin de m'acquitter fidèlement de ma tâche de rapporteur pour avis. Mais il va sans dire que, à titre personnel, je suis tout à fait favorable au vote de ce texte par notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Michel Le Scouarnec, Joël Labbé et Raymond Vall applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis.

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, j’ai de la chance ! En effet, chaque fois que la commission des lois me confie un rapport pour avis, c’est sur un texte de Cécile Duflot. (Sourires.)

J’en veux pour preuve le dernier en date, c’était sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour accélérer les projets de construction de logement, avec un projet d’ordonnance important qui relevait de la mission impossible : allait-on réussir à faire reculer l’inflation des recours dilatoires dans le domaine de l’urbanisme ?

Voyez le hasard : c’est justement la loi qui autorisera la ratification de cette ordonnance, si vous suivez ma proposition en ce sens, que l’on m’a très modestement chargé de rapporter pour avis, au nom de la commission des lois. J’y vois une prédestination.

Madame la ministre, je souhaiterais tout d’abord saluer votre courage, votre volonté et votre audace.

M. Jean-Claude Lenoir. Ce sont des vertus bien nécessaires !

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois. Personne n’en parlera au cours des trois prochains jours, pourtant, par une nouvelle ordonnance prévue dans ce texte, vous tentez en effet une incroyable opération de simplification des règles d’urbanisme. Je rappelle, puisque vous m’y invitez, mon cher collègue (Sourires.), qu’à l’issue de la loi Grenelle 2 neuf cent soixante pages supplémentaires ont été ajoutées aux différents codes. Souvenons-nous-en et reconnaissons que cette mission de simplification qui va vous incomber par la présente loi n’est pas la moindre.

Nous parlons de cohérence d’ensemble. Comme notre rapporteur Claude Bérit-Débat, on serait tenté de se demander : « Comment faire autrement ? ».

Pourtant, mes chers collègues, restons attentifs à la cohérence entre les différentes lois que nous votons. À l’occasion de la discussion générale sur le projet de loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles, Marylise Lebranchu a d’ores et déjà présenté la « bande-annonce » d’un texte sur les régions et les départements, prévu pour le début de l’année 2014 et dans lequel il sera notamment question du chef de filât « aménagement du territoire » de la région et de la portée du schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire. C’est important.

En effet, si l’on peut saluer la démarche de simplification et le réordonnancement de la hiérarchie des normes opéré par le présent texte entre SCOT et plan local d’urbanisme, il ne faut pas négliger, dans un même souci de cohérence, l’articulation des démarches de planification territoriales avec l’échelle régionale. Comme le rapporteur Claude Bérit-Débat, j’insiste sur ce point.

Par ailleurs, nous allions aborder la question des magasins « drive », par hasard, au détour d’un article. Non ! Nous entendons que la cause de l’urbanisme commercial – parce que c’est une cause – soit traitée en tant que telle, globalement, dans un texte spécifique. Nous admettons que celui-ci soit porté par la ministre en charge de ces questions. Cependant, il devra présenter une cohérence articulée avec le présent texte.

Enfin, nous allons, en quelques phrases, évoquer des thématiques telles que l’avis donné par la CDCEA – la commission départementale de la consommation des espaces agricoles –, la préservation des terres agricoles, la lutte contre l’étalement urbain. Rappelons toutefois qu’un autre texte est en préparation, la future loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Elle rencontrera également un problème d’articulation avec celui qui nous occupe aujourd’hui.

Sous ces réserves, saluons la performance de ce texte. Seuls 20 % du territoire national étant couverts par un SCOT, il était plus que temps de chercher à donner une cohérence globale aux projets des territoires.

La commission des lois a salué l’équilibre trouvé dans ce texte. Je préfère parler d’équilibre que de « compromis », terme qui laisse penser que l’on aurait lâché quelque chose. (M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, opine.)

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Très bien !

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois. La commission des affaires économiques a effectivement trouvé un équilibre sur ce que je connais depuis 1973. En effet, le premier POS intercommunal de France est celui de Lille Métropole. Que ce soit avec Pierre Mauroy ou avec Martine Aubry, que j’essaie de seconder à Lille Métropole, nous avons toujours abordé la question de l’aménagement et de l’urbanisme avec les 85 maires de la même manière : celle de la coproduction.

Nous discutons de deux règles avec les maires. Vous avez, seuls, un droit d’initiative en matière de PLU ; vous avez, seuls, un droit de veto. Le droit d’initiative, cela veut dire que nous vous cofinançons, dès votre élection et quel que soit votre bord politique, une étude d’urbanisme, qui permet de traduire dans l’espace votre projection de l’urbanisme de demain dans la commune. Le droit veto, cela signifie que vous êtes seuls à pouvoir octroyer les autorisations de construire. (M. François Grosdidier s’exclame.) Monsieur, l’équilibre entre, d’une part, le souci de cohérence spatiale – et l’intercommunalité peut à juste titre revendiquer de constituer l’échelle territoriale pertinente – et, d’autre part, le droit d’initiative et le droit de veto du maire…

M. François Grosdidier. Il n’y a pas de droit de veto sur un permis de construire !

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois. … peut-il être sauvegardé ? Eh bien, oui ! Cela se passe ainsi dans de très nombreux territoires.

En l’occurrence, la commission des affaires économiques, suivie par la commission des lois, nous propose de surcroît une minorité de blocage qui sécurise encore le processus. Je crois que cela va dans le bon sens.

J’en viens à la question du foncier. Je voudrais tout d’abord signaler que, pour nous préparer à ce débat,…

M. Jean-Claude Lenoir. À cette épreuve !

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois. … MM. Philippe Dallier, François Pillet, Yvon Collin et moi-même avons élaboré un rapport d’information sur les outils fonciers à la disposition des élus locaux.

Le texte du Gouvernement, complété par la commission, va dans le sens de nos préconisations en matière d’articulation entre établissement public foncier d’État, intervenant plutôt à l’échelle régionale, et établissement public foncier local, intervenant plutôt à l’échelle départementale. Je pense plus particulièrement à la possibilité d’une généralisation du recours aux EPF sur l’ensemble de l’espace français dès lors qu’un accord clair intervient sur la question des compétences. Nous nous réjouissons de ces avancées.

Par ailleurs, ceux qui ont quotidiennement recours au droit de préemption confirmeront qu’il y avait deux trous dans le filet : les cessions de parts de SCI et les donations fictives. Ces lacunes sont comblées.

Sur les rapports entre bailleurs et locataires, madame la ministre, vous avez fait preuve d’audace, encore d’audace,…

M. François Grosdidier. D’inconscience !

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois. … parfois même au détriment de quelques souplesses constitutionnelles. C’est pourquoi, tout en recherchant le même résultat que vous, nous tenterons sur un ou deux articles de vous amener à rééquilibrer ces rapports. C’est en tout cas le sens d’un certain nombre d’observations qui ont été exprimées par la commission des lois et que je suis donc chargé de vous rapporter.

Pour le reste, et je terminerai avec cette remarque, ce texte extrêmement important laissera surtout une trace parce que, pour la première fois, on regarde en face la question du logement des plus défavorisés et, en particulier, cette réalité profonde : aujourd’hui, les plus pauvres des plus pauvres se retrouvent dans le parc privé.

Comme l’a très bien dit le rapporteur Claude Dilain, il était plus que temps de s’emparer à nouveau de la problématique de l’habitat indigne et de mettre en place, notamment sur les copropriétés, un certain nombre de dispositions que nous considérons comme parmi les plus importantes de ce projet de loi.

Si notre collègue Dilain a insisté sur le problème des grandes copropriétés dégradées car il a vu la nasse se refermer sur elles, j’ai tenu pour ma part à publier, en annexe du rapport de la commission des lois, un chiffre montrant que, dans le parc privé d’origine industrielle des anciennes villes textiles ou sidérurgiques, se trouvent des petites copropriétés qui concentrent l’essentiel de l’activité des marchands de sommeil. Comme j’ai entendu tant M. Braye, président de l’ANAH que le Conseil supérieur du notariat préconiser la mise en place d’un régime propre à toutes les copropriétés, et comme il n’était pas simple d’exister à côté de Claude Dilain (Sourires.), je me suis efforcé de fluidifier le système que ce dernier a élaboré afin de n’exclure aucune copropriété dégradée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Mme Esther Benbassa ainsi que MM. Joël Labbé et Raymond Vall applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. François Calvet.

M. François Calvet. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, c’est le cinquième texte relatif au logement que nous présente le Gouvernement !

Après avoir détricoté ce qui avait été voté par la précédente majorité, augmenté les impôts pesant sur le secteur du logement et sur les propriétaires, comme les droits de mutation, vous nous proposez effectivement, madame la ministre, un nouveau projet de loi, tentaculaire, sous le prétexte d’œuvrer contre la fracture résidentielle et de rétablir une égalité d’accès au logement.

Nous ne pourrions que louer vos intentions si celles-ci étaient suivies d’effet. Mais force est de constater que, à ce jour, cette énergie déployée est sans résultat sur la reprise de la construction de logements.

À l’heure actuelle, les indicateurs relatifs à la construction de logements neufs, comme ceux qui concernent la rénovation des logements anciens, continuent de se dégrader, alors qu’il manquerait 3,7 millions de logements en France pour atteindre un taux d’équipement équivalant à celui que connaissent nos voisins allemands. Entre mars 2012 et avril 2013, seuls 336 000 logements ont été mis en chantier (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.), soit une baisse de 18 % par rapport aux douze mois précédents, et les permis de construire accusent le même repli. Paradoxalement, le stock de logements neufs ne cesse de croître car la solvabilité des Français s’effondre (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame à nouveau.) et l’offre de logement ne correspond pas aux zones où les besoins existent. Les investissements dans l’ancien enregistrent également un net recul : 5,8 % en un an. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame encore.)

Ce gel des transactions et de la construction est la cause majeure de la grogne des entreprises du secteur du bâtiment, qui souffrent davantage d’une baisse générale et sévère de leur activité que de la concurrence des auto-entrepreneurs.

À défaut de pouvoir accroître la production de logements et le nombre de logements disponibles dans les zones tendues, vous vous attaquez à l’une des conséquences de cette situation de tension, la hausse des prix des loyers, tout en ignorant délibérément ses causes.

Vous nous proposez en fait de tenter de gérer la pénurie au seul bénéfice des plus faibles.

Si vous le permettez, je m’en tiendrai à trois volets – l’encadrement des loyers, la garantie universelle, le logement insalubre –, laissant à ma collègue Élisabeth Lamure le soin d’évoquer la très importante question de l’urbanisme.

Vous encadrez les loyers pratiqués par les propriétaires privés, dont le montant ne pourra être supérieur au loyer médian de référence fixé chaque année par le préfet.

Ce dispositif n’est pas sans rappeler que le prix du pain a, lui aussi, été fixé durant de longues années par l’État, au motif que le pain était une denrée de première nécessité et qu’il fallait lutter contre l’inflation. C’est Raymond Barre qui, en 1978, l’a libéralisé, et ce n’est qu’en décembre 1986 que les ordonnances sur les prix ont définitivement été abolies.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Avant, on crevait de faim ?

M. François Calvet. Les prix imposés sur le pain avaient conduit les artisans boulangers à ne fabriquer que du pain de qualité moyenne, uniforme et le plus souvent d’origine industrielle.

M. François Calvet. À partir de 1978, il a fallu refaire naître les savoir-faire perdus, retrouver les farines et reconstruire un métier, aujourd’hui florissant et qui s’exporte dans le monde entier. (M. François Grosdidier opine. – Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. Marc Daunis. Mon cher collègue, nous ne mangeons pas de ce pain-là !

M. François Calvet. Laissez-moi m’exprimer !

L’encadrement des loyers aura les mêmes conséquences que l’encadrement des prix du pain : la dégradation du parc existant, une diminution de l’offre, un nouveau coup d’arrêt à la construction et une sortie définitive des investisseurs institutionnels, qui ont déjà largement déserté les métropoles.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est l’inverse ! Vous confondez confiscation et encadrement !

Mme Éliane Assassi. Où étiez-vous ces dix dernières années ?

M. François Calvet. L’encadrement des loyers, dites-vous, est la solution pour endiguer l’inflation des loyers dans certaines zones, mais comme pour le pain, la régulation des prix par la loi engendre toujours des effets pervers.

Les lois sont comme les médicaments : souvent utiles, elles ont des effets indésirables, voire dangereux, qui n’ont pas été prévus. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)

Puisque j’en suis à évoquer les effets indésirables de votre dispositif de régulation, madame la ministre, j’ai d’ailleurs un second reproche majeur à vous faire : vous ne proposez des mesures et des solutions qu’en fonction du seul prisme de l’Île-de-France.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. N’importe quoi !

M. François Calvet. La France ne se réduit pas à Paris, ni à l’Île-de-France ! (Mme Delphine Bataille s’exclame.)

M. François Calvet. La situation des zones tendues n’a rien à voir avec l’immense majorité du territoire français !

M. François Calvet. Ainsi, dans mon département des Pyrénées-Orientales, qui accueille 5 000 habitants supplémentaires par an, nous sommes confrontés non pas au problème du montant des loyers ou de l’offre locative, mais au problème du manque d’acquéreurs solvables. Cette situation a engendré un effondrement des transactions : pour le prix d’un studio parisien, vous pouvez vous offrir une grande maison avec piscine, et vous n’avez que l’embarras du choix.

Nous ne vivons pas dans le même monde (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) que ceux qui nous gouvernent aujourd’hui et nous avons vraiment le sentiment que vous nous présentez des textes dont le périmètre d’action s’arrête au périphérique parisien. (MM. Michel Savin, Jean-Claude Lenoir, François Grosdidier et Jackie Pierre applaudissent.)

Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Eh oui !

M. François Calvet. Le problème, c’est que ce projet de loi donne un mauvais signal à tous les investisseurs potentiels, et aux propriétaires qui ne connaissent pas les subtilités du zonage géographique de vos mesures phares et qui retiennent les seules annonces de la presse : encadrement des loyers, nouvel impôt pour financer la garantie universelle des loyers, nouvelles charges pour les propriétaires et copropriétaires, fin des expulsions.

C’est peut-être très réducteur,…

M. François Calvet. … mais c’est ainsi : l’investissement dans la pierre est souvent une opération de long terme, reposant sur la confiance des investisseurs dans sa rentabilité. Or, le signal que ce texte envoie aux propriétaires et futurs propriétaires est un signal non de confiance, mais plutôt de défiance. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) Nous craignons que cette confiance brisée, au détriment de tout un secteur d’activité, ne soit bien longue à revenir.

Nous savons que votre seule priorité est le logement locatif social, mais, malgré tous vos efforts, celui-ci ne pourra pas se substituer au parc locatif privé. En outre, je rappelle que la loi SRU impose de fait aux collectivités locales de ne construire que des logements sociaux pour les prochaines années,…