Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Tout à fait !

Mme Corinne Bouchoux. Nous sommes un lundi après-midi : chacun pouvait prendre ses dispositions pour se rendre en séance publique. J’ignore s’il s’agit d’un problème de cumul, d’agenda ou de désintérêt pour ce sujet.

Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Ce sont les trois problèmes à la fois !

Mme Corinne Bouchoux. Quoi qu’il en soit, cette situation est inacceptable ! Aussi, j’aimerais proposer à M. le président de la commission des lois de réfléchir à une modification du règlement de la Haute Assemblée, afin d’imposer la présence d’un quota masculin pour un certain nombre de textes !

Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Tout à fait !

Mme Corinne Bouchoux. Cela ne va pas : les sénatrices sont en majorité, et sur un tel sujet cette situation est extrêmement préoccupante.

Mme Nathalie Goulet. Nous risquons le conflit d’intérêts ! (Sourires.)

Mme Corinne Bouchoux. Je remercie par avance Chantal Jouanno et Esther Benbassa, qui manient mieux Twitter que moi, de bien vouloir y signaler le nombre d’hommes présents en cet instant dans cet hémicycle.

Mme Esther Benbassa. Vingt-trois sénatrices pour six sénateurs !

Mme Corinne Bouchoux. C’est tout simplement scandaleux !

Cela étant, je tiens à saluer la présence, dans les tribunes, de Maya Surduts, qui poursuit un certain nombre de combats féministes sans lesquels nous ne serions pas aujourd’hui présentes pour débattre du texte que Mme la ministre nous propose. Je remercie par ailleurs toutes les militantes qui se sont consacrées à cette cause ô combien importante : l’égalité entre les hommes et les femmes.

Tout d’abord, à l’instar de Chantal Jouanno et d’Esther Benbassa, je tiens à évoquer la question des « trans ». On ne peut pas aborder un texte qui a trait à l’égalité entre les hommes et les femmes en occultant totalement ce sujet ! Quelque 10 000 à 40 000 personnes sont concernées, ce qui pose un certain nombre de questions, dont celle de l’état-civil. S’il n’est pas possible d’y répondre via le présent texte, nous souhaitons que ce dossier progresse très rapidement. On ne peut pas avancer au sujet de l’égalité entre les femmes et les hommes tout en laissant les « trans » de côté. Ce n’est pas possible !

Ensuite, je souligne que les inégalités entre les hommes et les femmes seront pour partie prises en compte grâce à ce texte, ce dont je me réjouis. Tous les secteurs de la société sont concernés. Voilà pourquoi il faut une loi intégrative, touchant tous les domaines ! J’évoquerai, à ce titre, un domaine qui a déjà été mentionné et qui est symboliquement important : celui de la culture.

Il y a quelques années, le rapport de Mme Reine Prat a pointé de nombreuses aberrations en la matière. Beaucoup de femmes sont compétentes dans le domaine de la culture et possèdent de réels talents. Or regardez les instances de ce domaine : les postes de direction sont monopolisés par les hommes ! Cette situation ne peut pas continuer. C’est un gâchis monstrueux.

Au surplus, alors que 20 % des cinéastes français sont des femmes, de nombreux festivals – dont certains sont alimentés par des fonds publics – persistent à ne présenter, dans le cadre de leurs sélections, que des œuvres de réalisateurs ! Cette situation ne peut pas continuer non plus. Il faut agir.

Un autre domaine est extrêmement important, et certains orateurs l’ont déjà évoqué. Il s’agit de l’éducation. Il faut évidemment faire reculer les stéréotypes sexistes et homophobes – les premiers et les seconds sont souvent liés.

Globalement, je suis persuadée que la crise que nous traversons actuellement est non seulement une crise économique, sociale et politique – doublée d’une crise de confiance et, à nos yeux du moins, d’une crise écologique – mais aussi une crise de l’hyper-masculinité de nos sociétés ! (Exclamations sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et de l’UDI-UC.)

Mme Muguette Dini. C’est vrai !

M. Roland Courteau. Il ne faut peut-être pas exagérer…

Mme Corinne Bouchoux. Pardonnez-moi de le dire : si le monde va si mal, c’est notamment parce que le pouvoir est accaparé par les hommes et mis par ces derniers au service du profit ! Toujours plus de profit, toujours plus d’hommes ! Il faut sortir de cette logique.

On nous répliquera : « La politique d’égalité entre les hommes et les femmes coûte trop cher ». La question des moyens a été abordée. Mais certaines mesures ne coûtent rien, alors qu’elles peuvent transformer symboliquement la société. La toponymie urbaine constitue un exemple très simple. Près de 98 % des rues sont actuellement baptisées d’après des noms masculins.

Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis de la commission de la culture. La situation s’améliore !

Mme Corinne Bouchoux. Qu’est-ce qui nous empêche – surtout en ce Panthéon du cumul – de dédier plus de rues à des femmes ? C’est une question extrêmement importante, notamment sur le plan symbolique. La France compte des femmes scientifiques, des femmes artistes, des femmes politiques,…

Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Et des résistantes !

Mme Corinne Bouchoux. … on pourrait citer des wagons de noms féminins d’après lesquels baptiser des rues ! Ces mesures ne coûtent rien. Elles ne nécessitent pas de passer par la loi, et pourtant nous pouvons tous commencer à agir. Qu’attendons-nous pour le faire ?

L’éducation joue un rôle structurant. Nous espérons que ce texte sera enrichi, voté et enfin appliqué. À l’instar d’Esther Benbassa, j’espère que, dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPE, qui formeront les enseignants de demain, seront mis en place des enseignements dignes de ce nom afin de lutter contre les stéréotypes. La situation n’est plus tolérable. C’est vrai pour les inégalités entre les hommes et les femmes. C’est également vrai pour les inégalités sociales ou en matière de diversité.

Je conclurai par un regret – mais ne dit-on pas : « Faites ce que je dis, pas ce que je fais ? » : je gage que, mercredi prochain, lorsque nous traiterons du cumul des mandats, tous nos collègues masculins seront revenus, et qu’ils seront très nombreux en séance !

Mme Gisèle Printz. C’est vrai !

Mme Corinne Bouchoux. Les femmes cumulent moins que les hommes et, je le répète, la crise que nous traversons aujourd’hui est également une crise de l’hyper-masculinité des instances de pouvoir. La société est mixte, il faut que tout soit mixte. Il faut lutter contre les violences conjugales et abattre les inégalités ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste. – Mmes Françoise Laborde et Nathalie Goulet applaudissent également.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, avant tout, je tiens à saluer la méthode selon laquelle le présent projet de loi a été élaboré.

Madame la ministre, vos prédécesseurs – Simone Veil, Yvette Roudy, Michèle André ici présente, Véronique Neiertz, Nicole Péry – ont bâti un édifice législatif solide et structurant. Toutefois, comme toutes les personnes de bonne foi qui veulent bien s’intéresser un tant soit peu à ce sujet, vous avez constaté que l’égalité entre les femmes et les hommes ne progresse que peu et lentement dans les faits.

La misogynie persiste, même si, en l’obligeant à sortir de l’ombre et du non-dit, on lui a porté un coup qui, souhaitons-le, lui sera peut-être un jour fatal.

Je le répète, l’égalité avance peu et lentement. Dans certains domaines, les inégalités ont reculé, ce dont nous nous félicitons, mais dans d’autres secteurs elles résistent, et nous les identifions même sous de nouvelles formes, sonnant comme des punitions diaboliques.

« Vous avez voulu le divorce ? Eh bien, vous aurez la solitude et la pauvreté propre aux familles monoparentales. Vous avez voulu la libération sexuelle ? Eh bien, vous aurez l’hyper-sexualisation du corps de vos filles et de vos petites filles, la marchandisation du sexe et la banalisation de la pornographie. Vous avez voulu l’égalité professionnelle ? Vous en aurez un peu, mais vous n’aurez pas l’égalité familiale, et vous continuerez à superviser la sortie de l’école et le quotidien du dix-huit à vingt heures, à suivre les carnets de santé et à assumer la diplomatie intra-familiale. »

Le présent projet de loi répond à ce besoin de consolider l’égalité formelle pour en rapprocher l’égalité réelle. Le Gouvernement a repéré où sont les obstacles et, au cours des deux jours de débats qui commencent, nous allons tenter de les désosser un par un. Toutefois, ne soyons pas naïfs : ces obstacles, que nous identifions, ne sont pas de simples vestiges un peu encombrants d’un passé qui n’en finirait pas.

Le backlash, comme l’ont identifié les Américaines, c’est-à-dire la revanche, repose sur une stratégie : celle de la guérilla mobile, se déplaçant là où l’on constate une faille législative, sociologique ou culturelle. C’est notre vigilance et notre réactivité qui nous prémunissent. Le présent projet de loi nous protège, comme le feront les suivants, car il y en aura d’autres !

Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Eh oui !

Mme Laurence Rossignol. Rien n’est stabilisé, rien n’est achevé.

Les oratrices précédentes ayant parlé – et bien parlé – des nombreux sujets dont traite le présent texte, j’évoquerai plus spécifiquement l’accès à l’IVG, ce droit reconnu depuis bientôt quarante ans. À cet égard, je tiens à donner lecture d’un témoignage que j’ai recueilli hier, et dont la sincérité et la véracité sont totales. Je vais vous le lire comme je l’ai reçu. Il émane d’une femme de quarante ans, ayant eu recours à une IVG il y a moins de deux mois, dans un hôpital que je connais bien.

« Il faut tout d’abord obtenir un certificat de grossesse. La pénurie de gynécologues et leur agenda surchargé m’ont obligé à camper trois heures dans la salle d’attente de la clinique, la même que celle où j’avais mis ma fille au monde, en espérant que ″quelqu’un puisse me recevoir″, comme me l’a asséné l’assistante avec une mine outrée.

« Puis le gynécologue, après un long sermon se concluant par : ″Je vous préviens, c’est la première et la dernière fois″, m’a fait subir une échographie avec le son et l’image. Nue sur la table et vulnérable, j’ai alors subi un interrogatoire se soldant par la question vicieuse : ″Mais, si vous le gardiez, il serait malheureux ?″

« Devant ma détermination, un second gynécologue a fait son entrée comme par hasard dans la salle d’examen, en s’exclamant devant l’écran de l’échographie : ″Oh ! Le beau bébé !″ Éloquent ! Je suis ressortie avec mon certificat, mais aussi avec les photographies de l’échographie et une ordonnance pour le bilan de grossesse, au cas où je changerais d’avis. »

« Vient ensuite le rendez-vous dans le centre d’orthogénie de l’hôpital de ma ville. Dans un cagibi sordide, intelligemment situé en plein cœur du pôle "mère-enfant". Assise à cet endroit stratégique, chacun peut savoir que celle qui attend sans avoir un gros ventre ou une poussette est candidate à l’avortement. »

Je vous épargne les détails de l’IVG médicamenteuse et de l’expulsion tels qu’ils sont relatés dans la lettre ; sachez seulement qu’ils sont sordides et cohérents avec le reste du tableau.

Encore un dernier passage : « Arrive ensuite la gynéco qui va faire le curetage. Elle me pose mon dossier sur le ventre, fronce un sourcil et me demande, suspicieuse : "Pourquoi vous ne voulez pas le garder celui-là ? – Madame, je crois que c’est trop tard. – Ah bon ? Est-ce que vous avez fait aussi le placenta ?... – Je n’en sais rien, madame, je n’en sais rien." »

Cette femme est ensuite repartie avec un implant, sans qu’on lui explique ce qu’il fallait faire, ni combien de temps elle le garderait, ni quels en étaient les effets. Rien ! Elle est repartie sans même qu’on lui propose une nouvelle consultation.

À la lecture de ce témoignage, je me suis interrogée. Nous serons amenés, au cours de cette discussion, à examiner un amendement visant à étendre le délit d’entrave à l’IVG pratiquée hors des murs des hôpitaux ainsi qu’à l’accès à l’information sur l’IVG. Je me suis donc demandé s’il ne fallait pas déposer un sous-amendement afin de viser également les équipes médicales pratiquant des IVG et chargées d’accompagner les patientes.

Néanmoins, comme je ne pratique pas le « un fait divers, une loi », j’ai pensé qu’il valait mieux procéder par ordre en vous suggérant, à vous, madame la ministre, ainsi qu’à votre collègue chargée de la santé, dont je sais l’intérêt qu’elle porte à ce sujet, de diligenter une enquête afin de savoir si de telles pratiques sont marginales, minoritaires ou répandues.

Des échos nous parviennent, nous recueillons des témoignages, mais je ne dispose pas d’une étude statistique du phénomène. Je sais seulement que ces pratiques n’ont rien d’exceptionnel. Il nous faut savoir ce qu’il en est exactement et agir en conséquence. En tout cas, le climat n’est pas bon, il est propice à des remises en cause sournoises de l’IVG.

Nous comptons, madame la ministre, sur votre engagement, comme vous pouvez compter sur notre soutien dans votre action et pour ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE. – Mmes Chantal Jouanno, Nathalie Goulet et Christiane Kammermann applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, assurer l’égalité entre les femmes et les hommes constitue l’une des priorités de ce gouvernement – le premier gouvernement paritaire de l’histoire de la République –, qui s’est doté d’un ministère aux droits des femmes de plein exercice.

II est vrai que, au cours des quarante dernières années de nombreuses avancées ont été réalisées dans la conquête de l’égalité. Je pense notamment aux lois Roudy de 1983 et Génisson de 2001 sur l’égalité professionnelle, à la loi sur la parité de 2000, ou encore à la récente loi sur l’instauration du binôme dans les conseils départementaux.

Néanmoins, le classement du forum économique mondial réalisé en 2012 place la France au 57e rang, sur 135 pays, en matière d’égalité entre les sexes. Si notre pays obtient de bons résultats dans le domaine de l’éducation et de l’accès aux soins, cette étude montre en revanche que nous avons encore d’importants progrès à accomplir quant à l’accès au travail, ainsi que dans les sphères économique et politique.

J’en veux pour preuve la composition même de notre assemblée, qui ne compte que 22 % de femmes.

Le projet de loi que vous nous présentez, madame la ministre, vise à améliorer et renforcer les dispositions existantes. Il s’agit d’un texte ambitieux qui procède d’une démarche innovante. Comme vous l’avez rappelé, alors même que l’ensemble des lois traitant des droits des femmes et de l’égalité ont abordé le sujet de manière sectorielle, ce texte prend enfin en compte la dimension transversale du problème en reconnaissant que les inégalités et les discriminations sont protéiformes.

Il contient des mesures permettant d’assurer l’égalité professionnelle en sanctionnant l’inégalité salariale ou en réformant le congé parental.

Ce texte permettra de lutter contre la précarité spécifique des femmes en expérimentant, par exemple, une garantie contre les impayés de pensions alimentaires.

Il les protégera contre les violences qu’elles peuvent subir en privilégiant l’éviction du domicile du conjoint auteur de violences ou encore en généralisant le dispositif « Téléphone grand danger ».

Enfin, il renforcera la parité dans la sphère politique en doublant la sanction financière des partis qui ne la respecteraient pas et généralisera ce principe de parité aux instances dirigeantes des fédérations sportives ainsi qu’à tous les établissements publics à caractère industriel et commercial, aux chambres de commerce et d’industrie et aux chambres d’agriculture.

C’est un fait : la conquête de l’égalité passe par le droit. Mais elle passe aussi et surtout, en amont, par l’accès à l’éducation, dont le défaut est, avec les résistances culturelles et les préjugés, à l’origine des différences de traitement entre les femmes et les hommes.

À ce titre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la situation des outre-mer, où le taux d’échec scolaire et d’analphabétisme est particulièrement élevé.

Vous le savez, madame la ministre, la réalité sociologique, géographique et économique des collectivités d’outre-mer est différente de celle des régions hexagonales. Les difficultés y sont souvent exacerbées et les inégalités entre les sexes ne font pas exception.

On peut regretter au passage que les outre-mer ne comptent que deux sénatrices sur vingt et un sénateurs.

Vous me pardonnerez de parler de mon département, mais la condition des femmes mahoraises justifie que je m’y attarde un instant.

La société mahoraise traditionnelle est matriarcale. Les femmes y occupent depuis toujours un rôle majeur. Je crois important de rappeler qu’elles sont au cœur de l’histoire institutionnelle de Mayotte. Je veux ainsi rendre hommage à ce groupe de femmes appelées les « chatouilleuses » et au combat qu’elles ont mené pacifiquement pour que Mayotte reste française en soumettant leurs adversaires à des chatouilles ! (Exclamations étonnées.) C’est original, je vous le concède !

Si la polygamie et l’inégalité successorale ont été supprimées, si l’âge légal du mariage a été relevé et la parité, instituée, l’égalité est aujourd’hui encore loin d’être assurée.

Je rejoins l’ancien préfet de Mayotte qui déclarait que « l’accès à l’éducation, à la formation, à l’emploi, aux postes à responsabilité, la reconnaissance sociale, familiale et professionnelle relèvent encore trop souvent de l’utopie ».

Dans cette île, la population active occupée s’élève à seulement 35 000 personnes sur 212 000 habitants La proportion de femmes en situation d’emploi est deux fois plus faible – 22 % – que celle des hommes – 43 %. Le niveau de formation insuffisant, les grossesses précoces, le manque de structures d’accueil des enfants, conduisent bon nombre d’entre elles à demeurer « femmes au foyer ».

La représentation équilibrée entre les deux sexes est également loin d’être effective dans la vie politique mahoraise et, même si elles n’ont plus peur d’investir le champ politique, on ne dénombre que deux femmes maires sur dix-sept, et une conseillère générale sur dix-neuf.

Le soutien du Gouvernement à la réalisation d’un planning familial, qui a ouvert ses portes le 18 juin 2012, et à la mise en place d’un programme « 101 femmes, 101 métiers » sont des actions qu’il faut impérativement développer.

Madame la ministre, je voterai pour ce texte qui met en place une politique transversale d’égalité afin d’agir avec efficacité en faveur des droits des femmes. J’encourage en outre ce Gouvernement à poursuivre les actions de rattrapage entreprises dans nos territoires plus éloignés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, du groupe CRC et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, nous aurons l’occasion de revenir, au cours de l’examen des amendements, sur les sujets qui ont été abordés par les différents intervenants, mais je souhaite, en cet instant, faire brièvement un point général.

Je tiens tout d’abord à adresser à chacun d’entre vous mes remerciements pour vous être impliqués dans l’étude de ce projet de loi, alors même que, j’en suis bien consciente, les délais étaient assez contraints.

Je crois que vous avez tous compris l’ambition de ce texte, sa cohérence, sa logique profonde, sa transversalité, même si certains d’entre vous ont trouvé matière à l’enrichir.

Brigitte Gonthier-Maurin nous a rappelé que de nombreuses associations qui œuvrent depuis des années pour les droits des femmes attendent le Sénat, l’Assemblée nationale et le Gouvernement « au tournant » sur un texte qu’elles appellent de leurs vœux depuis longtemps. Mais nous devons aussi faire en sorte que cette loi-cadre soit bâtie sur une armature solide tout en gardant la capacité de s’enrichir d’autres sujets qui n’ont pas été jusqu’à présent évoqués.

Il reste que je tiens à souligner à nouveau la cohérence profonde de cette « œuvre collective », pour reprendre les termes du président Sueur. Ce n’est pas, madame Laborde, un énième texte : la vocation fondamentale de ce texte, c’est que puisse y trouver place tout ce qui sert l’égalité entre les femmes et les hommes.

Dans le débat qui va suivre, je serai à l’écoute de toutes vos propositions, comme j’ai été très intéressée par toutes les dispositions qui y ont été intégrées ou ont été simplement avancées en commission. Ce texte sort en effet sensiblement amélioré des travaux que celle-ci a conduits. Je pense, par exemple, aux propositions qui concernent le Conseil supérieur de l’audiovisuel, à celles qui ont été faites sur les concours de « mini-miss », à celles portant sur le nom des stages de responsabilisation ou encore à celle de Laurence Rossignol sur la nécessité de réaffirmer le droit à l’interruption volontaire de grossesse.

Sur certains sujets, je le disais tout à l’heure, vos propositions ont buté sur l’article 40 de la Constitution. Le Gouvernement reprend à son compte certaines d’entre elles, comme l’extension du périmètre du « Téléphone grand danger » aux victimes de viol.

D’autres ne peuvent être aujourd’hui mises en œuvre, mais le Gouvernement y est favorable. Je songe notamment au doublement de la durée du congé paternité. C’est une proposition tout à fait positive et je l’ai fait expertiser : son coût est malheureusement très élevé puisque nous l’évaluons à environ 300 millions d’euros.

Mme Nathalie Goulet. Le prix de quelques joueurs de foot ! (Sourires.)

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Nous devons trouver les moyens de financer cette mesure, mais la situation des finances publiques nous contraint aujourd’hui à la reporter. Dès que cette situation se sera améliorée, nous pourrons envisager de la mettre en œuvre. Le Gouvernement a dû opérer un choix : nous avons, pour l’heure, privilégié la création de places de crèche supplémentaires et de places chez des assistantes maternelles, ainsi que la préscolarisation. C’est ainsi que 275 000 solutions d’accueil seront aménagées d’ici à 2017.

Autre proposition ayant buté sur l’article 40, celle de Muguette Dini tendant à assurer une prise en charge à 100 % des frais sanitaires liés à des soins consécutifs à des violences non seulement sur des mineurs, comme le prévoit déjà le code de la sécurité sociale, mais aussi sur des majeurs. C’est une proposition que je juge excellente et que nous avons mise à l’étude. Je m’engage à revenir vers vous sur cette question.

Je l’ai dit en préambule : nous ne cherchons pas le consensus pour le consensus. Ma conviction profonde est que toutes les forces de progrès doivent aujourd’hui se liguer contre les forces de conservatisme si l’on veut faire évoluer la société. Les résistances existent bel et bien, vous en avez tous fait mention dans vos interventions.

J’en veux pour preuve celles que l’on peut rencontrer dans la culture ou dans le sport, dont Maryvonne Blondin a fait état : « Va-t-on trouver assez de femmes ?... Aura-t-on le vivier nécessaire ?... » J’ai envie de dire : « Ouvrez les yeux : dans tous les secteurs possibles, les femmes sont là ! ». Un exemple parmi beaucoup d’autres : lorsque la fédération française de tennis, qui compte 35 % de licenciées, fait part de ses « difficultés insurmontables » pour atteindre la parité dans ses instances dirigeantes, j’ai peine à comprendre ! (Mme Chantal Jouanno acquiesce.) Bien sûr qu’on trouvera suffisamment de femmes pour assurer cette parité !

Il faut donc que nous soyons fermes sur ces objectifs.

Madame Cukierman, vous le disiez : entre le fort et le faible, c’est la loi qui affranchit. Oui, il faut parfois des lois afin que les lois déjà existantes soient mieux appliquées. L’expérience nous l’apprend : il ne suffit pas qu’une loi soit écrite pour que son application soit effective.

Aujourd’hui, lorsque nous interdisons aux entreprises de soumissionner à des marchés publics si elles n’ont pas respecté leurs obligations d’égalité professionnelle, cela relève de l’évidence ! (Mme Catherine Tasca approuve.) Et nous parlons là de dispositions qui datent de plusieurs décennies. Ce n’est pas comme si nous prenions les entreprises par surprise !

J’entends ce que vous me dites, madame la sénatrice, mais j’ai déjà expliqué en préambule que nous avions réfléchi à des solutions pragmatiques, qui laissent à l’entreprise, jusqu’au dernier moment, la possibilité de présenter le document qui prouve qu’elle a bel et bien entamé une démarche en son sein, soit pour négocier avec les représentants des salariés, soit pour commencer à rédiger un plan d’action en faveur de l’égalité professionnelle. En revanche, une entreprise qui, en toute connaissance de cause, s’y refuse est une entreprise qui ne respecte pas la loi et il me paraît donc bien naturel de l’empêcher d’accéder à de tels marchés publics.

Monsieur Reichardt, j’ai entendu vos réflexions, que vous n’êtes d’ailleurs pas seul à formuler, au sujet du congé parental et qui tournent autour de cette question lancinante : que deviendra la mère de famille qui, au bout de deux ans et demi, ne saura pas quoi faire de son enfant parce qu’il n’aura pas accès à la scolarisation ? Je m’étonne que cette question, de bon sens, n’ait pas été posée ces dernières années.

Mme Muguette Dini. C’est vrai !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. En effet, la question de la jonction entre la fin d’un congé parental et le début de la scolarisation pour un enfant qui n’a pas eu la chance de naître au mois d’août ou au mois de septembre se pose depuis longtemps, et à de très nombreuses familles.

À cet égard, nous avons au moins le mérite, à travers ce texte, de nous saisir du problème et d’apporter des solutions puisque, lorsqu’un enfant né en début d’année atteindra l’âge de trois ans et devra attendre plusieurs mois avant d’accéder à la scolarisation, les droits de ses parents au congé parental pourront être maintenus, de manière à faire la jonction avec le calendrier scolaire, sous un certain nombre de conditions que nous verrons dans le détail lors de la discussion des articles.

À mon sens, nous ne sommes pas seulement là pour adopter une grande réforme du congé parental visant à mieux partager les responsabilités entre le père et la mère : nous devons aussi faire en sorte que nos prestations sociales soient mieux en phase avec la réalité des familles, la réalité de leurs besoins.

Je souhaite aussi revenir sur la requête formulée tant par Chantal Jouanno que par Esther Benbassa sur la question du changement d’état civil des personnes « trans ». Je vous le dis, je ne souhaite pas que nous fassions de cette loi-cadre pour l’égalité entre les femmes et les hommes, qui a une armature forte, une espèce de texte portant diverses dispositions d’ordre général, et je serai vigilante sur ce point.

Je comprends bien qu’il puisse y avoir parmi vous une volonté de saisir la balle au bond pour remédier un certain nombre de situations intolérables. À cet égard, ce que vous avez décrit est très juste, mais je préfère vous renvoyer à un travail en profondeur qui, d’ailleurs, a d’ores et déjà été entrepris par Maryvonne Blondin et Michelle Meunier. Il s’agit d’aborder l’ensemble des dimensions de cette situation complexe, ce qui permettra d’aboutir à un texte qui réponde à chacun de ces enjeux.

Vous le savez, nous avons saisi la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui a rendu un avis d’une grande clarté sur ce sujet. Je le répète, je préfère que nous ayons d’ici quelque temps un texte spécifique, convenablement préparé, plutôt que d’introduire dans ce projet de loi ce qui pourrait être considéré, à juste titre, comme un cavalier législatif par le Conseil constitutionnel. C’est pourquoi je ne pourrai pas être, pour l’heure, favorable à ces propositions.

S’agissant des violences faites aux femmes, il me semble que l’essentiel a été dit. Je me félicite de votre soutien, notamment sur le nouveau stage de responsabilisation, même si j’ai entendu que nous pouvions peut-être encore modifier la sémantique. Effectivement, une telle modification peut valoir la peine si elle nous permet d’être plus clairs sur cette notion de moment phare pendant lequel l’auteur des violences prend conscience de sa responsabilité.

Une autre étape – j’aurai l’occasion d’en reparler – consistera à renforcer le suivi psychologique des personnes victimes de violences. Certains d’entre vous savent que j’ai organisé à l’Académie de médecine, voilà quelques jours, un colloque important avec des professionnels aguerris sur cette question. Je reviendrai devant vous avec des propositions précises.

J’ai été interrogée sur les mesures à prendre pour écourter au maximum la procédure de l’ordonnance de protection. Sachez que nous avons tout simplement décidé de prendre modèle sur ce qui marche, c’est-à-dire sur l’exemple de la Seine-Saint-Denis, avec un protocole mis en place qui permet de prononcer une ordonnance en une semaine. Quand nous parlons de « meilleurs délais », c’est cette durée que nous avons en tête.