M. Robert Tropeano. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier, rapporteur.

M. Alain Fauconnier, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi a le mérite d’échapper au travers qui caractérise souvent les textes sur la consommation : il n’est pas un simple catalogue de mesures sectorielles. Fondé sur une approche transversale du champ de la consommation, il est porteur d’une véritable ambition : devenir une loi de régulation économique, une loi qui renforce la confiance, aujourd’hui fragilisée, entre consommateurs, producteurs et distributeurs.

La confiance entre consommateurs et professionnels est l’huile qui fait tourner les rouages de l’économie de marché. Elle est aussi un bien collectif fragile, et doit reposer sur une information transparente et loyale, elle-même garantie par un système de contrôles et de sanctions crédibles.

Ce sont ces fondements institutionnels de la confiance que le projet de loi vise à consolider, pour rendre notre économie à la fois plus juste et plus efficace. Je regrouperai les dispositions proposées en trois ensembles.

Un premier ensemble de mesures concerne les moyens de faire respecter l’ordre public économique, c’est-à-dire les règles relatives à la protection et à la sécurité du consommateur ainsi qu’à la régulation concurrentielle des marchés.

La mesure phare en est évidemment l’action de groupe. Il s’agit d’une action collective conçue de manière non pas punitive, mais dissuasive. Elle vise à créer un droit à réparation pour le consommateur, tout en évitant les dérives d’une judiciarisation de la vie économique. Martial Bourquin, corapporteur, étant plus précisément chargé de cette question, je lui laisse le soin de l’aborder de manière plus approfondie.

Cette partie du projet de loi comprend également un renforcement des compétences de la DGCCRF, notamment de ses pouvoirs d’enquête ; elle prévoit aussi la création ou le durcissement des sanctions administratives. Il s’agit de mettre en place une police économique modernisée, plus diligente et plus efficace, dont les procédures et le rythme soient davantage adaptés à la dynamique du monde économique que ceux des institutions judiciaires.

Enfin, ce premier volet du projet de loi comprend une mesure innovante et forte : le renforcement des pouvoirs du juge en matière économique, avec l’extension à tous les contrats du pouvoir de supprimer les clauses abusives.

Le deuxième ensemble de mesures vise à mieux défendre les intérêts et les droits des consommateurs dans les domaines du crédit et de l’assurance, qui représentent des postes de dépense à la fois importants et contraints.

La principale disposition est la création d’un registre national des crédits aux particuliers. Le dispositif se concentre sur les cas de surendettement liés au crédit à la consommation, en suivant les recommandations du Conseil d’État, de la CNIL et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Même s’il n’est pas parfait, j’approuve le dispositif proposé, car il constitue une réponse législative attendue depuis longtemps pour enrayer la spirale du surendettement.

Cette réforme est complétée par toute une série de mesures, certes moins médiatiques, mais susceptibles d’avoir des effets importants sur le pouvoir d’achat des ménages. Je pense en particulier à la possibilité de résilier à tout moment les contrats d’assurance au-delà de la première année suivant leur conclusion, ainsi qu’au renforcement des mesures de protection contre la multiassurance par l’ouverture d’un délai de rétractation de quatorze jours.

Enfin, le troisième ensemble de mesures est destiné à accroître la transparence de l’information et à renforcer les droits contractuels des consommateurs.

Mes chers collègues, je vous fais observer que ces mesures créeront les conditions d’une montée en gamme de nos productions nationales, car une meilleure identification de la qualité des produits par les consommateurs constitue, pour les producteurs et les distributeurs, une incitation forte à offrir des biens et des services de meilleure qualité.

À ce stade, je mentionnerai, sans entrer dans les détails, les principales mesures qui constituent ce volet du projet de loi : la réforme du régime des garanties légales, le renforcement de la qualité et de la transparence de l’information relative aux plats servis dans la restauration et l’extension du régime des appellations géographiques protégées aux biens non alimentaires.

Permettez-moi une dernière remarque pour conclure cette présentation générale : ce texte a été bâti sur la recherche d’un équilibre entre défense des consommateurs et compétitivité de notre économie. Cet équilibre, Martial Bouquin et moi-même avons veillé, en tant que rapporteurs au fond, à le préserver. Ce principe nous a guidés dans notre travail d’amendement et dans l’examen des amendements que vous avez présentés. Au demeurant, et je reviens ainsi à ma remarque initiale, l’ambition de ce texte étant de rétablir la confiance entre les acteurs du marché, il raterait son objectif s’il apparaissait comme une loi pour les consommateurs et contre les entreprises.

J’en viens maintenant rapidement au détail des mesures du texte dont j’avais la charge et à la présentation des principaux amendements adoptés par la commission des affaires économiques.

Le chapitre II du projet de loi concerne l’amélioration de l’information et le renforcement des droits contractuels du consommateur. Il vise notamment à transposer la directive 2011/83 relative aux droits des consommateurs, dont la plupart des dispositions sont soumises à une obligation de transposition maximale.

La commission des affaires économiques a adopté quelques amendements de fond importants sur cette partie du texte.

Ainsi, la durée de la présomption d’antériorité du défaut de conformité a été élevée à dix-huit mois, en assortissant cette mesure d’un délai d’entrée en vigueur, afin de laisser le temps aux entreprises d’adapter leur modèle économique.

Le dispositif de lutte conte le démarchage commercial téléphonique proposé par le Gouvernement a été renforcé par des mesures fortes et concrètes.

Concernant les foires et salons, la commission a renforcé l’information des consommateurs, sans aller jusqu’à instaurer un délai de rétractation.

Dans cette partie du texte, la principale question sur laquelle il me semble que nous devons encore avancer est le « fait maison » dans les restaurants. Les débats ont été animés en commission, et je ne doute pas qu’ils le seront aussi en séance…

Enfin, la commission a introduit des dispositions relatives à l’optique-lunetterie : il s’agit de reprendre l’esprit des dispositions adoptées par le Sénat en décembre 2011, à l’occasion de la discussion d’un projet de loi présenté par Frédéric Lefebvre ; nous y avions notamment travaillé avec Gérard Cornu.

Je dirai quelques mots sur le chapitre III, relatif au crédit et à l’assurance, notamment sur le registre positif des crédits introduit par l’Assemblée nationale. Avec la création de ce registre positif, qui permettra de responsabiliser les prêteurs, on dispose désormais de mesures solides renforçant la lutte contre le surendettement sans pour autant interdire le crédit et donc nuire à la consommation et à la croissance.

J’ai d’ailleurs relevé que le président du comité de configuration avait salué la pertinence du rapport réalisé début 2013 par notre groupe de travail sénatorial à propos de la probable émergence d’un « mal-endettement invisible », contre lequel les dispositifs existants ne sont pas suffisants.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Alain Fauconnier, rapporteur. La commission soutient donc pleinement la démarche du Gouvernement dans ce domaine, qui vise, résumée en deux mots, à calibrer le registre pour le ramener à l’essentiel et répondre ainsi aux exigences constitutionnelles de proportionnalité. Ce dispositif désamorce également tout risque d’utilisation mercantile ou d’interconnexion avec d’autres fichiers en évitant d’utiliser le numéro de sécurité sociale, le NIR.

Afin de dynamiser le processus et de veiller à son caractère évolutif, nous proposons que le comité de suivi du registre des crédits comprenne deux députés et deux sénateurs. Pour accélérer la mise en œuvre de la réforme, le texte adopté prévoit que les mesures d’application réglementaires seront regroupées dans deux décrets seulement. Il conviendra enfin de mesurer de façon claire l’efficacité du dispositif, ce qui justifie une définition plus précise du ciblage des rapports d’évaluation de la mise en place du registre.

Le volet « crédit » du projet de loi, initialement assez modeste, a été renforcé par les députés, avec des mesures comme la réduction de la durée des plans conventionnels de redressement, l’extinction au bout d’un an des lignes dormantes de crédit renouvelable ou la suppression, pour les particuliers comme pour les professionnels, de l’hypothèque rechargeable.

Afin de tenir compte des pans entiers de notre économie que la crise a fragilisés et qui auraient bien du mal à résister à un resserrement du crédit, la commission a estimé opportun de différer la réduction de huit à cinq ans de la durée des plans de surendettement en synchronisant l’entrée en vigueur de cette disposition avec la date de mise en place effective du registre des crédits.

S’agissant du volet « assurance », le projet de loi initial vise à favoriser la liberté de choix du consommateur « captif » ou de celui qui manque de temps pour mener à son terme le véritable parcours du combattant que peut représenter actuellement la résiliation. La seconde idée est de donner la possibilité aux consommateurs de regagner du pouvoir d’achat en réduisant les situations de multi-assurance. Les députés ont notamment décidé d’inclure les assurances « affinitaires », comme les assurances liées aux téléphones mobiles ou aux voyages, dans le champ d’application des modalités de résiliation de droit commun.

La commission des affaires économiques a adopté plusieurs mesures en privilégiant le principe de liberté de choix de l’assuré et la simplicité. Cette partie du texte contient de substantielles marges de réduction des dépenses contraintes des ménages, alors même que la question du pouvoir d’achat est au centre des préoccupations dans notre pays.

Le chapitre IV du projet de loi crée des indications géographiques protégées dans le secteur des biens manufacturés. C’était déjà une proposition du précédent projet de loi sur la consommation, mais le dispositif prévu par le présent texte est plus complet et plus abouti. Il précise notamment la procédure d’homologation des cahiers des charges des futures indications géographiques.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Alain Fauconnier, rapporteur. Il reprend les modifications que nous avions introduites il y a deux ans, en articulant mieux le droit des marques et le nouveau droit des indications géographiques. Je me félicite que l’apport du Sénat soit ainsi reconnu.

Concrètement, il s’agit de ne pas empêcher les entreprises bénéficiant d’une indication de la possibilité de l’exploiter, même lorsqu’il existe une marque voisine. Je pense en particulier aux couteaux de Laguiole, chers à certains d’entre nous. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)

La commission a amélioré la rédaction du texte transmis par l’Assemblée nationale en adoptant quelques amendements rédactionnels et de précision, et a veillé à associer davantage l’Institut national de l’origine et de la qualité, l’INAO, qui s’occupe des appellations du domaine alimentaire, à l’Institut national de la propriété industrielle, l’INPI, qui sera chargé de gérer les nouvelles indications géographiques non alimentaires.

Je cède maintenant la parole à mon collègue rapporteur au fond, Martial Bourquin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est en effet à M. Martial Bourquin, rapporteur.

M. Martial Bourquin, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’associe bien entendu aux propos tenus à l’instant par Alain Fauconnier s’agissant des grandes orientations et des principales dispositions du présent projet de loi.

Nous avons réalisé de nombreuses auditions, qui se sont déroulées de manière pluraliste, dans le cadre d’un groupe de travail. Nous avons conduit une véritable réflexion, souhaitant que l’examen de ce projet de loi soit préparé non seulement par des auditions, mais également par une concertation maximale.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est salué par les associations de consommateurs. Il est bien compris et accepté par les représentants du monde économique, qui le jugent équilibré. C’est une réforme du droit de la consommation qu’il prévoit. Il changera donc la vie quotidienne de nos concitoyens.

Faute de temps, je ne reviendrai pas sur l’ensemble des dispositions dont j’ai la charge. Je me contenterai d’aborder trois sujets importants : l’action de groupe, les pouvoirs de la DGCCRF, les délais de paiement et les relations inter-entreprises.

S’agissant tout d’abord de l’action de groupe, je rappelle que l’introduction d’une telle procédure en droit français fait l’objet d’un débat récurrent depuis près de trente ans. Notre Haute Assemblée a pris part à ce débat : le rapport rédigé en 2010 par Richard Yung et Laurent Béteille, au nom de la commission des lois, fait référence sur la question, et a beaucoup contribué à faire avancer le débat. Le projet de loi s’inspire d’ailleurs largement du dispositif voté en décembre 2011 par le Sénat sur la base du rapport Yung-Béteille.

La commission des affaires économiques se félicite que le Gouvernement propose l’introduction d’une telle procédure dans le droit français. L’action de groupe est une avancée majeure que nos concitoyens attendent. Une procédure de ce type est indispensable, car les modes individuels de réparation des dommages ne sont pas suffisamment satisfaisants pour les consommateurs. En effet, si le consommateur dispose de la possibilité d’une action individuelle, il en est souvent dissuadé, parce que, pour résumer, le gain potentiel n’en vaut pas les inconvénients.

Vous connaissez tous les différents éléments de la procédure prévue par le projet de loi ; je n’y reviendrai donc pas. Je souhaite seulement formuler quelques observations.

Premièrement, la crainte de dérives à l’américaine a longtemps justifié le refus d’introduire une procédure d’action de groupe en France ; or elle n’est pas fondée. Le filtre des associations de consommateurs, la limitation de l’action de groupe à la réparation des préjudices matériels ou encore le choix du système de l’opt in constituent autant de garanties.

La procédure instituée par le projet de loi est limitée à la consommation et à la concurrence. La question de l’institution d’une action de groupe en matière de santé et d’environnement est tout à fait légitime. Pour autant, la commission des affaires économiques juge qu’il n’était pas souhaitable d’étendre à ces secteurs la procédure d’action de groupe prévue par le présent texte. La prise en compte des préjudices moraux ou corporels nécessite en effet une individualisation de l’évaluation de l’indemnisation, et donc un dispositif adapté.

À l’occasion de l’examen des amendements déposés sur le sujet, je pense que vous pourrez, monsieur le ministre, confirmer les engagements pris par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, à savoir la présentation dans les prochains mois d’un dispositif d’action de groupe en matière de santé…

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Martial Bourquin, rapporteur. … et le lancement d’une réflexion quant à la mise en place d’une action de groupe en matière d’environnement.

Enfin, la procédure proposée par le Gouvernement est équilibrée. Elle reprend d’ailleurs les principales recommandations formulées en décembre 2012 par le Conseil national de la consommation, une instance respectée et entendue qui se compose de représentants des consommateurs et des professionnels.

Nos auditions nous ont permis de constater que les associations de consommateurs saluent le dispositif, tandis que les organisations professionnelles, dont certaines restent cependant opposées à l’institution d’une procédure d’action de groupe, en reconnaissent le caractère globalement équilibré.

Les députés ont profondément amendé le dispositif initial, en adoptant près d’une cinquantaine d’amendements. Le principal d’entre eux porte sur l’introduction d’une action de groupe simplifiée, afin d’accélérer la procédure dans le cas de préjudices sériels.

La commission des affaires économiques du Sénat a, à son tour, adopté plusieurs amendements en juillet dernier. Je pense, par exemple, aux amendements de notre collègue Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis au nom de la commission des lois, qui visaient à préciser la procédure de médiation. Par ailleurs, sur mon initiative, la commission a clarifié les conditions de déclenchement de l’action de groupe simplifiée.

Près de quatre-vingt-dix amendements ont été déposés sur les articles relatifs à l’action de groupe. La commission des affaires économiques a été défavorable à l’ensemble des amendements remettant en cause l’équilibre de la procédure proposée par le Gouvernement.

J’en viens au deuxième sujet important que je souhaitais aborder : les pouvoirs de la DGCCRF.

Le projet de loi repose sur une idée force : renforcer les pouvoirs de la DGCCRF au service du consommateur et faire respecter la loi de modernisation de l’économie, la LME.

Le chapitre V du projet de loi prévoit l’application d’amendes administratives en cas de non-respect des dispositions du code de la consommation imposant des obligations formelles dans les domaines des informations précontractuelles, des règles de publicité des prix et des publicités illicites pour des ventes réglementées comme les soldes. Une amende administrative pourrait également sanctionner la présence d’une clause abusive interdite – figurant sur la « liste noire » –, ce qui n’est pas prévu aujourd’hui.

Les amendements adoptés par la commission des affaires économiques tendent à répondre à deux objectifs : d’un point de vue rédactionnel, il s’agit d’améliorer la qualité et la fluidité de la loi ; par ailleurs, il convient de clarifier le texte en confortant le principe du respect du contradictoire et en perfectionnant l’arsenal de mesures permettant de lutter contre les ententes secrètes.

De façon sous-jacente aux dispositions parfois très techniques de ce texte, nous devons nous efforcer de trouver le bon équilibre entre deux exigences contradictoires : d’une part, il existe une demande sociale forte et croissante de contrôle de la sécurité et de la conformité des produits, demande à laquelle la représentation nationale ne peut être sourde ; d’autre part, il importe de garantir l’équité ainsi que la proportionnalité de la sanction.

À cela s’ajoute la difficulté pour la DGCCRF de faire face à des tâches croissantes avec des moyens dont la diminution a été opportunément interrompue par le nouveau gouvernement. Beaucoup de sénateurs de toutes tendances ont demandé que cette direction ait justement les moyens…

M. Gérard Le Cam. Eh oui ! C’est très important !

M. Martial Bourquin, rapporteur. … de faire appliquer la loi, notamment la LME, ainsi que celle que nous nous apprêtons à voter.

Cela implique de rechercher des procédures juridiques et des sanctions à la fois efficaces et dissuasives pour les professionnels indélicats.

Le troisième sujet qui, vous le savez, me tient à cœur, concerne les délais de paiement et les relations inter-entreprises, sujet absolument fondamental.

Le projet de loi instaure des sanctions administratives comme alternatives aux sanctions pénales et civiles en cas de non-respect de ces délais et des règles de formalisme contractuel. Les propositions que j’ai formulées en commission convergent vers un seul objectif, simple et clair : faire en sorte que la LME soit appliquée et que les délais de paiement entre entreprises soient mieux respectés.

Le projet de loi tend également à améliorer les relations inter-entreprises, notamment entre la grande distribution, d’une part, les industries agroalimentaires et les agriculteurs, d’autre part, qui paraissent en effet très dégradées. C’est parce que ces relations sont difficiles et qu’elles peuvent avoir des conséquences sur le consommateur que le projet de loi comporte des dispositions nouvelles, en particulier une obligation de prévoir une renégociation en cas de variations importantes des prix des matières premières agricoles.

Nos agriculteurs sont souvent spoliés !

Nos PME, nos TPE sont parfois spoliées par des groupements d’achat qui leur imposent une loi d’airain !

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Martial Bourquin, rapporteur. Pour faire face à ce phénomène, ce projet de loi contient des propositions très importantes.

La commission des affaires économiques a apporté plusieurs améliorations au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.

Tout d’abord, elle a souhaité rendre plus effectives les dispositions sur les délais de paiement entre entreprises, tous secteurs confondus, avec la volonté, comme l’ont dit précédemment M. le ministre de l’économie et des finances et M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, à la fois de faire respecter ces délais et de tenir compte des situations de toutes les filières.

De la même façon, nous souhaitons faire en sorte que ces délais de paiement soient raccourcis, ce qui représente une somme d’environ 10 milliards à 11 milliards d’euros injectée au profit de nos PME.

Par ailleurs, si les amendements que nous présentons sur ce sujet sont votés, plus de pouvoirs seront donnés aux commissaires aux comptes pour informer sur ces délais de paiement et alerter en cas de non-respect de ceux-ci. Ces propositions s’inspirent du rapport que j’avais remis à M. le ministre de l’économie et des finances et à M. le ministre du redressement productif.

Dans le même esprit, je vous proposerai d’adopter un dispositif de contrat-type pour rééquilibrer les relations entre sous-traitants et grands donneurs d’ordre. Il y va de l’avenir de nos PME, lesquelles investissent peu, car elles n’en ont pas les moyens, cette façon de faire du cash à leurs dépens les empêchant d’innover, de grandir pour devenir des entreprises de taille intermédiaire, ou ETI. C’est pourquoi nous nous attaquons à ce fléau.

En conclusion, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires économiques, je forme le vœu que le Sénat adopte à une très large majorité le présent projet de loi, enrichi des amendements de la commission des affaires économiques et des amendements auxquels elle est favorable.

Comme l’indiquait Alain Fauconnier, ce texte important permet de mieux réguler l’économie en assurant un équilibre entre les intérêts des consommateurs et ceux des entreprises. La France doit rester un pays producteur et les consommateurs doivent y être respectés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Luc Fichet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission du développement durable s’est saisie pour avis des articles relatifs à l’action de groupe, des articles relatifs à l’information du consommateur sur la réparabilité des produits et la durée des garanties légales, des articles concernant la protection des indications géographiques, ainsi que de deux mesures ponctuelles relatives aux transports.

Premier sujet : l’action de groupe. Les articles 1er et 2 du projet de loi introduisent dans notre législation une action de groupe en matière de droit de la consommation et de la concurrence. C’est l’aboutissement d’un débat de près de trente ans auquel le Sénat a largement contribué.

À l’heure de la crise économique, il est plus que jamais essentiel de rétablir la confiance des consommateurs dans les mécanismes, y compris contentieux, de régulation du marché. L’action de groupe est une procédure démocratique en ce qu’elle facilite l’accès de chacun à la justice. Le dispositif, considérablement amélioré par le travail en commission, encadre correctement les risques de dérives pour les entreprises.

Nous aurons l’occasion de débattre largement des améliorations restant à apporter au texte, mais une problématique me semble fondamentale, celle des délais dans le cadre de la procédure d’action de groupe.

Il est prévu, dans le dispositif, que le juge statue dans une seule et même décision sur la responsabilité du professionnel et sur les modalités de constitution du groupe et de réparation des consommateurs lésés. Cependant, les mesures de publicité du jugement ne peuvent être mises en œuvre aux frais du professionnel qu’une fois que cette décision n’est plus susceptible de recours ordinaires ou de pourvoi en cassation.

Faut-il nécessairement attendre l’extinction de toutes les voies de recours ? Nous savons tous que cela peut prendre de nombreuses années. Or, plus ce délai sera long, moins le consommateur aura conservé les éléments de preuve nécessaires, et moins il aura envie de s’engager dans une procédure judiciaire pour obtenir réparation.

J’ai conscience de l’équilibre délicat que le texte cherche à trouver entre sécurité juridique pour les entreprises, d’une part, et garantie des droits des justiciables, d’autre part. Je suis néanmoins convaincu que nous pouvons encore affiner le texte sur ce point.

En tout état de cause, cette réforme est l’occasion pour la commission du développement durable d’affirmer fortement la nécessité d’une extension, à moyen terme, de l’action de groupe à la santé et à l’environnement.

Certes, certaines problématiques environnementales pourront d’ores et déjà se trouver incluses dans le champ d’application du dispositif prévu. Ainsi, un contentieux se développe actuellement autour des démarches de responsabilité sociale et environnementale des entreprises, la fameuse RSE. Trois associations ont par exemple déposé plainte, en février dernier, contre l’entreprise coréenne Samsung. Elles estiment que les engagements éthiques de la marque induisent le consommateur en erreur, dans la mesure où des violations sévères du droit du travail ont été constatées dans les usines de ses fournisseurs en Chine. Or, à partir du moment où les démarches RSE deviennent un argument dans la vente de biens, une action de groupe pourra tout à fait être engagée par une association sur le fondement du non-respect de ces démarches éthiques, qui constitue une pratique commerciale trompeuse.

Cela reste toutefois insuffisant. Il faudrait que trois types de dommages au moins soient ouverts à l’action de groupe.

Tout d’abord, je citerai les dommages résultant des activités de santé : les exemples récents sont nombreux, du sang contaminé aux prothèses PIP en passant par le Mediator.

Ensuite, nous pensons aux dommages résultant des produits alimentaires : les victimes de scandales alimentaires de masse, comme l’affaire de la vache folle, ou, plus récemment, de la viande de cheval, pourraient demander réparation par ce biais.

Enfin, les dommages résultant des atteintes environnementales devraient être concernés : il s’agirait non seulement des atteintes à la santé des personnes du fait d’une catastrophe environnementale, mais aussi des dommages matériels éventuellement subis. Les exemples sont, là encore, nombreux, du scandale de l’amiante aux marées noires sur nos plages bretonnes.

Pour éviter une multiplication des recours abusifs et un risque de déstabilisation des entreprises, il faudrait bien entendu prévoir un filtre. On pourrait, sur le modèle de l’action de groupe proposée dans le texte, donner l’intérêt à agir aux associations environnementales. Dans ce cas, il importerait de régler la question de leur représentativité, qui fait aujourd’hui souvent débat.

L’intérêt à agir pourrait également être donné aux agences sanitaires et environnementales de l’État, voire, dans certains cas, aux collectivités territoriales. Cette question devra être tranchée.

Pour faire avancer la réflexion sur le sujet, nous avons donc tenu à faire adopter par la commission des affaires économiques un amendement à l’article 2 tendant à réduire le délai de remise du rapport sur le bilan de l’action de groupe de quatre ans à trente mois. Il est expressément précisé que, dans ce document, devra figurer l’étude des modalités de l’extension de l’action de groupe à la santé et à l’environnement.

Deuxième sujet : l’information du consommateur.

L’article 4 met à la charge du professionnel une obligation générale d’information du consommateur sur les lieux de vente. Un point important est à noter : le fabricant doit également informer le vendeur de la période pendant laquelle les pièces détachées indispensables à l’utilisation des biens seront disponibles sur le marché. Cette information est retransmise par le vendeur au consommateur.

Deux amendements à cet article, proposés par notre commission, ont été adoptés.

Le premier a pour objet de rendre obligatoire l’information du consommateur non plus sur la période pendant laquelle les pièces détachées sont disponibles, mais sur la date jusqu’à laquelle elles seront disponibles. La référence à une date offre une plus grande simplicité de gestion pour l’industriel et, surtout, une meilleure lisibilité pour le consommateur.

Le second vise à rétablir la confirmation par écrit, au moment de l’achat du bien, de cette date de disponibilité. L’information, certes, est déjà communiquée au consommateur avant l’achat, mais il est nécessaire de prévoir une confirmation par écrit, dans le contrat, notamment pour des motifs d’opposabilité.

L’article 6 impose de mentionner, dans les conditions générales de vente applicables aux contrats de consommation, la mise en œuvre et le contenu de la garantie légale de conformité et de la garantie relative aux défauts de la chose vendue. Il s’agit d’un apport important pour l’information du consommateur, lequel ne risquera plus d’acheter, dans le cadre d’une garantie commerciale, des prestations déjà couvertes par les obligations légales du vendeur.

L’article 7 a pour but de consolider les dispositions relatives aux garanties applicables aux contrats de consommation. La garantie légale de conformité, que le consommateur peut mettre en œuvre en cas de non-conformité du bien dans un délai de deux ans, est renforcée.

Nous avons porté, avec MM. les rapporteurs des affaires économiques, un amendement tendant à allonger la période de présomption d’antériorité du défaut de douze à dix-huit mois, et à la fixer à six mois pour les biens d’occasion.

Cette période de présomption de non-conformité permet au consommateur de ne pas avoir à faire la preuve de la défectuosité du bien pour obtenir son remplacement ou son remboursement. La durée totale de la garantie légale est actuellement de deux ans. En pratique, cependant, une fois la période de présomption achevée, il est presque impossible pour le consommateur de faire jouer la garantie légale. Au-delà, il lui faut des moyens d’expertise qu’il n’a généralement pas ou qui sont coûteux. L’allongement de la période de présomption est donc un apport important pour l’effectivité de la garantie légale.

Lors de la discussion des articles, je défendrai à titre personnel un amendement visant à étendre encore cette période de présomption pour l’aligner sur la durée totale de la garantie légale, à savoir deux ans, comme c’est d’ailleurs le cas dans d’autres pays européens – le Portugal, par exemple – sans que cela place les metteurs sur le marché de biens de consommation dans une situation problématique. L’alignement de la durée de présomption sur la durée de garantie légale paraît, de surcroît, plus lisible du point de vue du consommateur.

Je crois qu’il faut faire le lien entre, d’une part, ces réflexions sur la disponibilité des pièces détachées et l’information du consommateur quant à l’existence et au contenu des garanties légales et, d’autre part, le travail en cours concernant l’affichage environnemental.

La commission du développement durable a organisé, le 10 juin dernier, une table ronde afin de faire le point avec Jean-Paul Albertini, commissaire général au développement durable, sur l’expérimentation lancée à l’issue de la loi Grenelle 2 et à laquelle 168 entreprises ont participé. L’analyse des résultats indique le grand intérêt de la démarche, malgré des difficultés techniques indéniables, notamment dans certains secteurs comme l’agroalimentaire ou la filière « jouets ». Ce bilan plaide toutefois pour une extension assez prompte de l’affichage environnemental.

De son côté, la Commission européenne a annoncé le lancement d’une expérimentation de trois ans en vue de l’établissement d’un cadre réglementaire au niveau européen.

La France a donc un temps d’avance sur ces sujets. Il faut que nos acteurs économiques nationaux puissent en profiter, car nous sommes en position de faire de cet affichage environnemental un atout pour notre compétitivité.

Troisième sujet : les indications géographiques.

L’article 23 prévoit, d’une part, la mise en place d’indications géographiques pour les produits manufacturés, d’autre part, un mécanisme préventif de protection des noms des collectivités territoriales. Ces dispositions sont attendues de longue date.

Ce n’est pas la première fois que nous avons l’occasion d’évoquer ces questions. Un projet de loi examiné en 2011 par la commission des affaires économiques du Sénat et une proposition de loi déposée en 2012 à l’Assemblée nationale n’avaient pu aboutir, faute de dispositifs suffisamment précis. Sont proposés ici des mécanismes complets et cohérents, dont la mise en œuvre rapide permettra de répondre à des besoins de plus en plus pressants.

Les indications géographiques pour les produits industriels et artisanaux pourraient concerner plus d’une centaine de produits français, qu’il s’agisse des dentelles de Calais, de la tapisserie d’Aubusson ou encore du granit de Bretagne.

Nul n’ignore ici le succès des indications géographiques protégées, mises en place depuis vingt ans à l’échelle européenne pour les produits agroalimentaires. Elles représentent aujourd’hui près de 20 % du chiffre d’affaires des industries agroalimentaires françaises et 30 % de la valeur de leurs exportations.

L’extension de ce dispositif aux produits manufacturés répond à une demande forte des producteurs, dans un contexte où la pression concurrentielle liée à la mondialisation accroît l’importance de la différenciation des produits comme moyen d’attirer la clientèle, en mettant en avant les qualités des savoir-faire locaux et, donc, en soutenant le tissu économique rural.

Cette démarche est également dans l’intérêt des consommateurs, qui sont de plus en plus attachés à l’authenticité et à la qualité de ce qu’ils achètent.

Quant au dispositif préventif de protection des noms des collectivités territoriales que tend à instaurer le projet de loi, il repose sur deux éléments : un mécanisme d’alerte des collectivités, à l’occasion du dépôt d’une demande d’enregistrement d’une marque contenant leur dénomination, et un droit d’opposition auprès de l’INPI, l’Institut national de la propriété industrielle.

Ce dispositif viendra soutenir les collectivités territoriales qui, actuellement, ne peuvent jouer à armes égales avec certains acteurs économiques cherchant à usurper leur dénomination pour tirer profit de leur réputation. Aujourd’hui, elles peuvent seulement engager une procédure judiciaire, avec les coûts et les incertitudes que cela comporte. Nous avons tous en tête les difficultés du village de Laguiole qui, après maintes procédures devant le juge, n’a toujours pas obtenu gain de cause face à l’entrepreneur qui a fait enregistrer la marque Laguiole dans trente-huit des quarante-cinq catégories de produits répertoriées par l’INPI.

En ce qui concerne le mécanisme d’alerte, il est prévu que les collectivités qui souhaitent en bénéficier se signalent auprès de l’INPI. Sans doute aurait-il été préférable de mettre en place un système plus automatique, en particulier à destination des petites collectivités. Mais toutes les solutions envisageables se heurtent à la question des moyens de l’INPI et à un problème de droit international des marques. Nous nous en tenons donc à la solution proposée par le Gouvernement, qui paraît raisonnable.

L’article 24 garantit l’effectivité des dispositions que je viens d’évoquer par la mise en place de sanctions pénales renforcées en cas de fraude aux indications géographiques pour les produits manufacturés.

Quatrième sujet : la mise en place de sanctions administratives dans le secteur des transports. Notre commission s’est en effet saisie des articles 56 et 69, qui concernent ce secteur.

L’article 56 définit, de façon similaire pour chaque mode de transport – ferroviaire, routier, fluvial, maritime et aérien –, un régime de sanctions administratives en cas de manquement aux obligations communautaires relatives à la protection des droits des passagers. Il s’agit d’une disposition à caractère essentiellement technique, que nous approuvons.

L’article 69 définit également un régime de sanctions administratives, mais pour la profession récente de moto-taxi. Il permet notamment le retrait de la carte professionnelle en cas d’infraction à la réglementation.

Le régime de stationnement de l’ensemble des taxis est, par la même occasion, revu pour tirer les conséquences d’une récente décision du Conseil constitutionnel. Je ne m’y attarderai pas, soulignant simplement que le régime des taxis motos diverge encore fortement de celui des taxis voitures, pour un service presque identique rendu à l’usager. Sans doute faudra-t-il un jour envisager une certaine forme de convergence.

La commission du développement durable ne voit pas d’opposition à l’adoption de ces deux articles en l’état.

La philosophie de ce projet de loi est de rétablir la confiance entre les différents acteurs de l’économie, car cette confiance est au cœur de la reprise économique. Rétablir la confiance passe par l’amélioration de l’information des consommateurs sur leurs droits et sur la nature des biens et services achetés. Cela passe aussi par la garantie de l’existence d’une voie de recours efficace, peu coûteuse et collective lorsque les consommateurs sont victimes des manquements de certains professionnels. Cela passe enfin, de manière plus générale, par un rééquilibrage des relations entre consommateurs et entreprises.

Avec ce texte, le consommateur devient un acteur clé de la régulation et nous nous en félicitons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)