M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, notre pays souffre depuis des années de politiques d’austérité qui conduisent à une forte modération des salaires. Cette politique de rigueur, publique comme privée, entraîne notre pays dans une spirale de récession.

Comme l’attestent les récentes statistiques de l’INSEE, la consommation des ménages a reculé de 0,9 % entre février 2012 et février 2013. Cette chute n’est malheureusement pas accidentelle, elle démontre un changement de comportement radical de la part des consommateurs qui, face à l’ampleur de la crise, ne font plus seulement le choix de privilégier les achats les moins chers en jouant sur les soldes, les promotions ou en achetant en ligne : ils décident maintenant de renoncer à acheter, soit par prudence, soit parce qu’ils sont dans l’incapacité financière de le faire.

L’explosion du chômage que vous refusez d’encadrer en interdisant les licenciements boursiers, les salaires indécents soutenus par les exonérations de cotisations sociales consenties aux patrons pour les salaires les plus bas, la hausse des contrats précaires et à temps partiel, tout concourt à une baisse continue de la demande et de la consommation. Pourtant, chacun s’accorde à dire que cette baisse aura inévitablement pour conséquence l’accroissement du chômage. Comme le précisait l’économiste Philipe Légé, « tout est en place pour que l’échec se perpétue. En 2014, le pacte de compétitivité sera financé par des coupes budgétaires supplémentaires et par une hausse de TVA, ce qui aggravera la baisse de consommation ».

N’oublions pas non plus les conséquences à venir de l’accord national interprofessionnel, l’ANI, et de l’article 12 du projet de loi le transposant qui autorisent les employeurs à diminuer la rémunération de leurs salariés jusqu’à 1,2 SMIC, voire à les licencier, si ces derniers refusent cette atteinte à leur pouvoir d’achat.

Comment croire un seul instant que ces mesures, qui vont soit comprimer les salaires, soit entraîner des vagues de licenciements, n’auront pas de conséquences désastreuses sur l’emploi et la consommation ?

C’est dans ce contexte que nous sommes appelés à débattre de cette proposition de loi prévoyant le déblocage de l’intéressement et de la participation.

Le texte nous apparaît limité.

Tout d’abord, il ne s’agit là que d’une mesure « à un coup », et donc limitée dans le temps.

M. Jean Desessard. C’est vrai !

M. Dominique Watrin. Passés les six mois durant lesquels les salariés pourront prétendre au déblocage de l’intéressement et de la participation, le Gouvernement, s’il ne trouve pas d’autres moyens d’action pour soutenir la consommation, ne disposera d’aucun levier supplémentaire pour relancer l’économie.

Et personne ne peut raisonnablement prétendre, aujourd’hui, que les conséquences catastrophiques des politiques menées depuis des années et qui, malheureusement, se poursuivent pourraient être contrebalancées par cette seule mesure. En 2014, lorsque les délais d’application de cette loi auront expiré, comment entendez-vous, monsieur le ministre, permettre aux salariés de notre pays de consommer des produits de qualité – qui plus est, fabriqués en France –, quand les Français sont déjà des millions à renoncer aux soins, faute d’argent, et que le nombre de salariés pauvres ne cesse de croître ?

Nous doutons d’autant plus de l’efficacité de cette mesure qu’elle suppose que toutes les sommes débloquées par les salariés soient réinvesties dans la consommation. Si j’admets que plus de 8 millions de salariés sont concernés, nous ne pouvons ignorer ni les expériences malheureuses du passé, ni le contexte actuel.

On sait en effet, grâce à une étude de l’INSEE menée à la suite du déblocage de l’intéressement mis en œuvre en 2004, que, sur les 7,5 milliards d’euros débloqués par les salariés, au mieux 2,5 milliards d’euros ont été réinjectés dans la consommation. Les salariés ont donc fait très majoritairement le choix de placer ces sommes sur d’autres supports d’épargne, plus souples et pouvant être mobilisés par la suite plus facilement.

Or, compte tenu de l’effet anxiogène de la crise économique, tout nous conduit à penser que les salariés auront aujourd’hui le même comportement qu’en 2004 et en 2008, d’autant plus que cette disposition intervient après que le Gouvernement a fait le choix de rehausser le plafond du livret A, placement préféré de nos concitoyens.

Cela étant dit, cette proposition de loi montre – c’est ce qui nous intéresse plus particulièrement – que les députés socialistes, tout comme le Président de la République et le Gouvernement, donnent raison à l’analyse qui est la nôtre depuis maintenant plusieurs années, selon laquelle la relance économique de notre pays passe aussi par une relance de la consommation. C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons sur ce texte, en invitant le Gouvernement à aller beaucoup plus loin.

Comment ne pas exprimer ici notre déception après l’annonce, par le ministre de l’économie et des finances, du refus de légiférer pour encadrer les rémunérations des dirigeants d’entreprise ? En lieu et place d’une loi, le Gouvernement dit avoir obtenu de la présidente du MEDEF, Laurence Parisot, et du président de l’Association française des entreprises privées, l’AFEP, Pierre Pringuet, « un renforcement de leur code de gouvernance ». Vous faites ainsi le choix de vous en remettre à une très hypothétique autorégulation des patrons et des actionnaires au lieu de recourir à la loi, autrement efficace.

Vous auriez mieux fait de vous inspirer de notre proposition de loi du 21 mai 2012 « tendant à encadrer les écarts de rémunération au sein des entreprises publiques et privées ». Notre dispositif permettait de relever les salaires les plus bas, puisque toute décision ayant pour effet de porter le montant annuel de la rémunération la plus élevée à un niveau vingt fois supérieur à celui du salaire le plus bas aurait été considérée comme nulle, dès lors que le salaire le plus bas ne serait pas relevé. Voilà une mesure qui permettrait, n’en doutons pas, d’augmenter le pouvoir d’achat !

Notre conviction, monsieur le ministre, est qu’il faut rompre définitivement avec toutes les politiques budgétaires et salariales récessives, en mettant en place une stratégie de croissance conjuguant relance de l’offre et relance de la demande, en soumettant la finance pour favoriser l’investissement productif.

Car de quelle crise parlons-nous, sinon de la crise d’un système économique, le capitalisme, qui conduit notre pays dans le mur, en accaparant les richesses économiques de la planète et en mettant sous tension les salariés, voire en les appauvrissant ?

D’ailleurs, où est la crise pour les actionnaires du CAC 40, qui se sont arrangés, depuis 2008, pour stabiliser les dividendes distribués à un très haut niveau en faisant des salariés les variables d’ajustement de la crise ?

N’est-ce pas Le Figaro qui annonçait, il y a moins d’un mois, que le groupe Lagardère allait distribuer 1,2 milliard d’euros de dividendes exceptionnels à ses actionnaires, soit près de deux fois le montant de la taxe supplémentaire infligée à partir de cette année aux retraités imposables ?

De quelle crise parle-t-on lorsque le journal Les Échos – voyez, j’ai de bonnes lectures ! – indique, dans son édition du 21 mai 2013, donc tout récemment, que l’«’abondance de liquidités et la recherche de rendement poussent les investisseurs vers les actions ».

Décidément, ce texte ne va pas assez loin ! Il faut, monsieur le ministre, de tout autres ambitions pour que notre pays retrouve le chemin du dynamisme économique et de la justice sociale.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe CRC s’abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

(M. Jean-Léonce Dupont remplace M. Jean-Pierre Raffarin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille.

M. Hervé Marseille. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, la manière dont il a été présenté et examiné en commission des affaires sociales démontre bien les limites du présent texte.

Madame la rapporteur, comme vous l’avez dit en commission et répété à la tribune, la mesure ne permettra ni de faire décoller la consommation dans le pays ni de rétablir la confiance. Vous l’avez également constaté, la mesure « ne constitue pas une idée neuve ». Enfin, il s’agit, avez-vous dit, d’une « mesure circonstancielle qui appelle des réformes plus profondes de notre système d’épargne salariale ».

On pourrait presque s’arrêter là : tout est dit ! Rien d’étonnant, dans ces conditions, à ce que le texte ait été rejeté par notre commission.

M. Charles Revet. C’est logique !

M. Hervé Marseille. Reprenons ces différents points.

L’objet du texte qui nous est soumis est de permettre aux salariés de débloquer leurs primes de participation et d’intéressement, dans la limite de 20 000 euros, avant le terme du blocage légal, en bénéficiant des exonérations fiscales et sociales qui leur sont attachées, et ce afin de consommer des biens et services.

Effectivement, il ne s’agit pas là d’une mesure particulièrement innovante. D’autres gouvernements l’ont fait auparavant. Comme cela a déjà été rappelé, la loi a autorisé cinq déblocages exceptionnels en vingt ans. C’est presque devenu un classique !

On ne peut donc pas vous reprocher, monsieur le ministre, d’avoir agi comme vos prédécesseurs, mais on pourrait, en revanche, vous reprocher de ne pas avoir tiré les leçons des démarches précédentes.

L’objet de la mesure est de relancer la consommation, ce qui pose trois questions.

On peut, d’abord, se demander si la mesure sera effectivement utile et de nature à relancer la consommation. À l’évidence, non. On ne saurait mieux le dire que notre rapporteur !

En dépit de son ampleur potentielle, l’effet keynésien du déblocage exceptionnel ne peut avoir, à lui seul, qu’un impact marginal. Il sera marginal et d’autant plus incertain que l’on ne sait rien des montants débloqués en 2004, 2006 et 2008. Heureusement, le présent texte prévoit enfin une évaluation a posteriori. Cela nous permettra d’y voir plus clair, mais l’information ne sera exploitable que pour l’avenir.

La mesure aura d’autant moins de chance de relancer la consommation que l’ensemble des autres mesures prises par le Gouvernement depuis son arrivée au pouvoir ne peut, au contraire, que la déprimer.

C’est le cas de la suppression de l’exonération des heures supplémentaires, de l’augmentation de la CSG, de la suppression du forfait applicable au versement des cotisations sociales pour les salariés intervenant au domicile des particuliers, du gel du barème de l’impôt sur le revenu, de l’augmentation de la redevance audiovisuelle.

Ce sont ces 30 milliards d’euros retirés au pouvoir d’achat des ménages qui contribuent à maintenir la consommation en berne.

Et apparemment, ce n’est pas fini, puisque l’on parle d’une augmentation de la TVA, qui serait prévue pour le 1er janvier 2014. Il s’y ajouterait sans doute la mise sous conditions de ressources des allocations familiales.

Comment, alors, espérer quoi que ce soit du présent texte ?

C’est, en réalité, toute la cohérence de votre politique économique du pouvoir d’achat et de la consommation qui est posée, et de manière particulièrement caricaturale, lorsque l’on met en balance le déblocage exceptionnel proposé avec le quasi-triplement du forfait social dans le tout premier collectif budgétaire adopté par la nouvelle majorité, en juillet 2012.

Il est totalement contradictoire d’avoir fait passer, il y a moins d’un an, le forfait social de 8 % à 20 % pour « éviter la substitution de cette forme de rémunération aux hausses de salaires directs » et de compter maintenant sur la participation et l’intéressement pour relancer la consommation !

Cela me conduit à la deuxième question soulevée par la proposition de loi : faut-il seulement relancer la consommation ainsi ? À notre avis, non. En effet, ce qui affecte notre économie est un choc d’offre, non de demande. Ce sont le chômage, le poids des prélèvements sociaux, l’insuffisance d’investissement qui dépriment la croissance et, partant, le pouvoir d’achat des ménages.

Dans ces conditions, relancer la consommation ne peut être d’aucune efficacité pour faire repartir la croissance. Autrement dit, compte tenu du contexte, le multiplicateur keynésien ne peut être que faible, voire nul.

Au contraire, le déblocage, s’il était effectivement utilisé par les salariés, pourrait même déstabiliser la trésorerie des entreprises et fragiliser leurs fonds propres, et ce à un moment où il faudrait, au contraire, les renforcer, notre économie manquant cruellement d’investissement productif.

Compte tenu de tous ces éléments, le fait que le déblocage proposé soit d’une ampleur sans précédent n’est pas une bonne nouvelle.

Il sera, c’est vrai, d’une ampleur sans précédent : ceux de 1994 et 1996 ne concernaient que l’achat de véhicules et les déblocages étaient limités aux sommes attribuées au cours des deux années précédentes, quand celui-ci a un objet de consommation beaucoup plus large pour des sommes non limitées dans le temps.

Le plafond de déblocage en 2004 et 2008 était deux fois inférieur à celui qui est proposé aujourd’hui. Et, contrairement à celle qui nous est proposée, les mesures de 2005 et 2008 ne concernaient que la participation, et non l’intéressement. L’ampleur potentielle de la mesure fait donc bien peser un risque sur notre économie.

En résumé, cela nous conduit à penser qu’à l’échelle macroéconomique, au mieux, ce déblocage ne servira à rien, au pire, il pourrait même avoir des effets néfastes ; à l’échelle microéconomique, est-on seulement sûr que les sommes débloquées seront injectées dans la consommation ?

C’est la troisième question que pose, selon nous, ce texte. Autrement dit, n’y a-t-il pas un risque de détournement de la mesure ?

Nos collègues de l’Assemblée nationale ont adopté deux dispositions pour l’éviter. Si l’effectivité de la première nous paraît parfaitement illusoire, la seconde va, en revanche, dans le bon sens. Encore mériterait-elle, selon nous, d’être davantage resserrée.

La première de ces dispositions institue un contrôle a posteriori. Les bénéficiaires de la mesure devront tenir à la disposition de l’administration fiscale les pièces justificatives attestant l’usage des sommes débloquées. Mais qui peut croire une seule seconde que de tels contrôles seront effectués ? Comme si l’administration fiscale n’avait pas déjà suffisamment à faire avec ses missions actuelles !

En revanche, les députés ont été bien inspirés de limiter l’usage des sommes débloquées à la fourniture de services ou à l’achat de biens. Il s’agit d’éviter le contournement de la mesure consistant à replacer les sommes débloquées sur des supports d’épargne plus liquides ou plus rémunérateurs. Ce risque est aujourd’hui d’autant plus réel que les plafonds des livrets défiscalisés ont été récemment augmentés.

Même en l’absence de contrôle a posteriori effectif, nous croyons que l’immense majorité des salariés concernés respecteront les règles du jeu.

En revanche, nous pensons que le dispositif doit encore être resserré pour ne concerner que la fourniture de services, à l’exception, donc, de l’achat de biens manufacturés. Notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe défendra un amendement en ce sens. Le déblocage représenterait, en effet, une perte de valeur économique s’il servait surtout à acheter des biens produits à l’étranger et, donc, à dégrader un peu plus le solde de la balance commerciale française.

En revanche, la mesure pourrait être, a minima, un premier geste en direction des secteurs du bâtiment et des services à la personne, des activités non délocalisables qui ont vraiment besoin d’être soutenues pour développer leur potentiel.

En attendant la remise à plat de tout le dispositif d’intéressement, de participation et d’actionnariat salarié promis par le Président de la République à Rueil-Malmaison le 29 novembre 2012, le groupe UDI-UC se positionnera sur ce texte en fonction du sort qui sera réservé à ses amendements. Mais je crains, monsieur le ministre, que vous n’ayez déjà apporté la réponse avant même qu’ils ne soient défendus ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur un sujet aussi important que celui du pouvoir d’achat de nos concitoyens, et dans la période de crise économique que nous traversons, les divisions partisanes et les renvois mutuels de responsabilité, n’ont, me semble-t-il, pas lieu d’être. Le sujet mérite le plus grand sérieux. Je vous invite donc, mes chers collègues de la majorité comme de l’opposition, à rassembler nos efforts pour permettre à nos concitoyens les plus en difficulté de « sortir la tête de l’eau », si je puis m’exprimer ainsi.

Faut-il rappeler les données publiées récemment par l’INSEE ? Un recul du pouvoir d’achat de 0,9 % – chiffre jamais atteint depuis 1984 ! – et une baisse de 0,4 % de la consommation en 2012, sans compter la récession – moins 0,2 % de croissance –, qui se poursuit pour le deuxième trimestre consécutif.

Les causes de cette situation sont multiples et imbriquées de manière complexe. Quant aux responsabilités, elles sont sans doute très largement partagées.

La situation s’explique, en premier lieu, par le ralentissement des revenus d’activité et l’augmentation du chômage, conséquences directes de la crise mondiale qui a plongé notre pays – et bien d’autres !– dans une langueur sans précédent.

Bien sûr, les hausses d’impôts jouent également un rôle dans la perception qu’ont les Français de leur pouvoir d’achat. Mais c’est aussi l’augmentation des dépenses contraintes, telles que le logement, l’énergie ou la téléphonie, qui pèse lourdement sur leur budget. Ces dépenses, qui représentaient seulement 15 % de la consommation des ménages en 1959, en représentent plus de 30 % aujourd’hui.

Le moral des ménages est au plus bas. Il y a urgence, monsieur le ministre, à rétablir la confiance de ces derniers dans notre économie. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui y contribuera sans doute. Elle sera, en tout cas, un apport non négligeable pour nombre de ménages, qui pourront débloquer jusqu’à 20 000 euros sur les montants qui leur sont attribués dans le cadre de la participation et de l’intéressement.

Ces montants, qui doivent normalement être bloqués pendant cinq ou huit ans, pourront donc être débloqués de manière anticipée, dans la plupart des cas sur simple demande du bénéficiaire, formulée entre le 1er juillet et le 31 décembre 2013.

Certes, cela a été dit et je le redis, cette proposition de loi ne permettra pas à elle seule de dynamiser durablement le pouvoir d’achat et la croissance, mais elle n’en constitue pas moins, pour de nombreux ménages, un « coup de pouce » qui sera sans doute bienvenu et viendra s’inscrire dans un dispositif plus large, comme nous l’a annoncé M. le ministre.

C’est ainsi qu’elle devra être complétée par d’autres mesures en faveur du pouvoir d’achat. Le prochain examen du projet de loi relatif à la consommation en sera sans doute l’occasion.

Relancer la croissance, c’est relancer la consommation et l’investissement, mais c’est aussi et, surtout, agir pour la compétitivité de nos entreprises. Nous l’avons suffisamment dit, les marges de ces dernières ont atteint un niveau dangereusement faible, qui les empêche d’investir, d’innover. Il en résulte qu’elles sont prises dans un cercle vicieux et que leur « retard » de compétitivité vis-à-vis de la concurrence étrangère s’accroît.

Le Gouvernement et la majorité – pas toujours au complet, je le regrette ! – ont déjà engagé un certain nombre de réformes courageuses et nécessaires pour permettre à nos entreprises de retrouver une réelle compétitivité-coût et hors-coût. Notre groupe, lui, les a toutes soutenues, qu’il s’agisse de la Banque publique d’investissement ou du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.

C’est grâce à un ensemble de réformes structurelles de ce type que nous pourrons sans doute restaurer une croissance durable et créatrice d’emplois. Si les efforts en ce sens doivent être poursuivis et accélérés, c’est parce que la croissance et les emplois sont les meilleures garanties pour le pouvoir d’achat des Français. De ce point de vue, le rapport Gallois doit être notre référence absolue. Et nous sommes heureux que le Gouvernement l’ait compris !

En attendant que ces réformes produisent tous leurs effets, la présente proposition de loi portant déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement est une mesure importante, souple et efficace pour restaurer en partie le pouvoir d’achat de nos concitoyens. (Mme Isabelle Debré s’exclame.)

En incluant les sommes issues de l’intéressement et non seulement celles qui sont issues de la participation, comme c’était le cas des deux derniers dispositifs de déblocage en 2005 et en 2008, la présente proposition de loi élargit le bénéfice de cette mesure, qui concernera plus largement les salariés des PME et non seulement ceux des grandes entreprises.

Certes, j’entends les critiques de nos collègues de l’opposition,….

Mme Isabelle Debré. Ce ne sont pas des critiques ! Ce sont des constats !

M. Yvon Collin. … qui nous disent que ce type de dispositions n’a jamais marché et provoque surtout des effets d’aubaine.

Je leur répondrai que le dispositif, tel qu’il a été amélioré par l’Assemblée nationale, permet justement, en tout cas, selon moi, d’éviter ce type d’effets.

Ainsi, l’article 1er prévoit le fléchage des sommes débloquées vers l’acquisition de biens de consommation ou de prestations de services. Ce fléchage évitera que les sommes débloquées ne soient déplacées vers d’autres types d’épargne plus liquides ou plus rémunératrices, comme cela a pu être le cas par le passé.

Pour éviter les abus, sans être trop rigide et risquer de décourager les bénéficiaires, la proposition de loi a également prévu un dispositif de contrôle par l’administration fiscale. Certes, je partage les interrogations de certains collègues concernant l’application pratique de ce dispositif de contrôle. En effet, si les bénéficiaires n’effectuent qu’un achat important grâce aux sommes débloquées, il semble relativement simple de garder à disposition de l’administration fiscale les pièces justifiant cet achat. Qu’en est-il, toutefois, lorsqu’ils effectuent une multitude d’achats de moindre montant ?

Mme Isabelle Debré. Tout à fait ! C’est cela !

M. Yvon Collin. Il paraît, dès lors, assez complexe de conserver l’ensemble des tickets de caisse et autres preuves d’achat. Néanmoins, cette complication ne me paraît pas de nature, je l’espère, en tout cas, à constituer un véritable obstacle susceptible de nuire à l’efficacité et à l’utilité de ce texte. Peut-être M. le ministre nous répondra-t-il sur ce point.

Ce déblocage exceptionnel ne constitue pas non plus une « menace déstabilisatrice » pour les entreprises, comme j’ai pu l’entendre, car il est suffisamment encadré. Un certain nombre de précautions ont été prises par les auteurs du texte : ainsi, quand les fonds bloqués sont réinvestis dans des titres d’entreprises ou dans des parts ou actions d’OPCVM, la conclusion d’un accord collectif est nécessaire pour les débloquer. Cela permettra de ne pas déstabiliser la trésorerie ou les fonds propres des entreprises.

En outre, cela a été rappelé, les fonds investis dans des entreprises solidaires sont exclus du dispositif, afin de pérenniser le financement de ces dernières.

Par conséquent, cette proposition de loi nous semble aussi utile qu’équilibrée. Elle prévoit un certain nombre de garde-fous pour éviter tout effet secondaire non désiré, tout en restant suffisamment souple pour être efficace. Nous pensons vraiment qu’elle constituera une « bouffée d’oxygène » pour de nombreux ménages qui se privent depuis plusieurs mois et n’osent pas consommer.

Voter en faveur de cette proposition de loi, c’est soutenir le pouvoir d’achat de nos concitoyens, qui en ont bien besoin en ce moment. C’est pourquoi, avec mes collègues radicaux de gauche et les membres du RDSE, nous la soutiendrons dans une belle unanimité ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, que nous disent les textes à propos de la participation et de l’intéressement ? Ils nous disent qu’ils ont pour objet « d’associer collectivement les salariés aux résultats et aux performances de leurs entreprises ».

Les primes de participation et d’intéressement ne sont donc pas versées aux salariés en contrepartie du travail fourni au profit de l’employeur ; elles le sont en raison de l’appartenance du salarié à l’entreprise et de ses résultats. Vous aviez d’ailleurs noté, monsieur le ministre, qu’il existait une inégalité entre les salariés des grandes entreprises et ceux des très petites entreprises.

Pour nous, écologistes, la reconnaissance de l’appartenance du salarié à l’entreprise doit passer non pas simplement par des mécanismes de primes, mais également par une meilleure intégration des salariés aux choix et aux orientations de l’entreprise.

Qu’en est-il du droit à l’information ou au contrôle, direct ou indirect, qu’ont les salariés sur leur entreprise ? Où en est-on de la mise en œuvre des dispositifs qui permettent une meilleure coopération des salariés pour arrêter les orientations de leur entreprise ? Qu’en est-il d’une véritable codécision dans le dialogue social ? Autant de questions qui ne sont toujours pas résolues et qui se posent encore pour la participation et l’intéressement.

À cet égard, je rappelle que les sociétés coopératives ouvrières de production, les SCOP, dans lesquelles le capital et le sort de l’entreprise restent entre les mains des salariés, sont exemplaires tant au niveau social que sur le plan du dynamisme économique.

Je sais d’ailleurs que M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire, ici présent, n’est pas insensible aux structures de ce type, car il n’ignore pas que ces entreprises résistent mieux à la crise que les autres.

Mme Isabelle Debré. C’est vrai !

M. Jean Desessard. Pourquoi ne pas s’en inspirer et étendre ce principe de codécision à d’autres entreprises, dans lesquelles les salariés sont encore bien trop souvent considérés comme de simples facteurs de production ?

Après ce bref détour, cette introduction sur ce qu’est et devrait être un véritable mécanisme de participation et d’intéressement, venons-en à la proposition de loi.

L’objet de ce texte est donc de permettre le déblocage exceptionnel des primes de participation et d’intéressement placées en épargne salariale.

Dans ce cadre, les salariés disposeront de six mois, à compter de la publication de la loi, pour débloquer jusqu’à 20 000 euros nets de prélèvements sociaux. Les sommes ainsi débloquées, y compris les intérêts, bénéficieront d’une exonération d’imposition sur le revenu, sous réserve de la CSG et de la CRDS sur les intérêts.

Je rappelle la situation actuelle : soit le salarié choisit l’épargne salariale sur cinq ans, voire huit ans, soit il demande le versement de la somme définie, mais celle-ci est alors soumise à taxation. Le déblocage ne sera toutefois pas autorisé, à juste titre, pour les sommes gérées par un PERCO, c’est-à-dire un plan d’épargne pour la retraite collectif, ni pour celles qui sont investies sur un fonds solidaire.

Cela a été dit précédemment, la mesure qui nous est présentée intervient dans un contexte particulier : celui de la plus forte baisse du pouvoir d’achat des Français depuis 1984. J’ajoute que plusieurs dispositifs similaires ont été mis en place, au moins quatre en un peu moins de vingt ans. S’agissant du dernier en date, celui de 2008, qui devait en principe permettre l’injection de 12 milliards d’euros dans l’économie, il a seulement entraîné le déblocage de 3,9 milliards d’euros.

Nous rappelons également que ce type de dispositif, comme l’avait fait judicieusement remarquer Mme la rapporteur en commission, peut provoquer un effet d’aubaine et détourner l’épargne salariale vers d’autres placements plus rémunérateurs, de type livret A ou assurance vie. Il en a été ainsi lors du déblocage de 2004, quand 70 % des sommes liées à l’intéressement ou à la participation ont été replacées sur des supports d’épargne plus liquides ou plus rémunérateurs. Espérons que le fléchage vers les achats de biens et de services, prévu dans la proposition de loi, permettra de lutter efficacement contre les dérives du système.

Malgré les quelques réserves que nous venons de formuler, le groupe écologiste ne s’opposera pas à une mesure visant à permettre, dans un contexte difficile, aux 9 millions de salariés qui peuvent en bénéficier de puiser dans leur épargne pour améliorer leur pouvoir d’achat. Il apportera son soutien à la proposition de loi portant déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement, tout en attendant beaucoup du projet de loi sur la consommation, en particulier des mesures qui seront prises à destination des chômeurs, des précaires et des salariés les plus modestes, qui ne bénéficient, quant à eux, ni de primes de participation ni de primes d’intéressement.

Les élus écologistes se prononcent donc pour l’adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)