M. le président. L'amendement n° 188 n'est pas soutenu.

La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l'amendement n° 193.

M. Charles Revet. Cet amendement vise à rappeler la définition du terme « mariage ». (Encore ! sur les travées du groupe socialiste.) Eh oui, mes chers collègues, il convient de l’inscrire dans le texte pour que ce dernier soit conforme à la Constitution !

En commission, nous avons assisté à un échange assez vif entre une personne auditionnée, qui considérait que le mot « mariage » était un terme signifiant, et le président de la commission, M. Jean-Pierre Sueur, qui estimait – c’est une constante chez lui ! – que les mots évoluaient. La personne lui a objecté que, certes, les mots évoluaient – elle pouvait d’ailleurs lui en citer quelques-uns –, mais que le mot « mariage » avait la même définition depuis qu’il existait.

M. Sueur a repris, on l’a vu, cet argument – peut-être pour mieux s’en convaincre lui-même… – afin d’essayer de nous imposer son diktat quant à la définition du mot « mariage ».

Dans le cadre de la discussion que nous avons ici, il importe de rappeler cette définition importante : le mariage unit un homme et une femme qui ont la possibilité de procréer. Deux femmes ou deux hommes ne pourront au contraire jamais procréer ensemble.

En outre, à considérer certaines conventions internationales, c’est aussi cette définition qui est retenue, au niveau européen notamment. Notre amendement s’inscrit donc dans cette démarche. D’ailleurs, qu’arrivera-t-il si, par ce texte, vous modifiez les choses, alors que c’est cette définition qui figure dans les textes internationaux ?

Telles sont les raisons pour lesquelles nous entendons inscrire, avec mes collègues, la définition du mariage dans le projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. –  M. Yves Détraigne applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne, pour présenter l'amendement n° 240.

Mme Marie-Annick Duchêne. Cet amendement, qui fait écho aux amendements identiques présentés par mes collègues, traduit la volonté de chacun de nous d’affirmer ses convictions personnelles et donc profondes.

Il vise à substituer à l’alinéa 3 de l’article 1er du projet de loi quatre alinéas qui établissent la nature spécifique de l’institution du mariage.

Tout d’abord, la filiation se fonde sur la différence des sexes.

Lors de la première rédaction du code civil en 1804, il n’apparaissait pas du tout nécessaire, il est vrai, de définir le mariage en spécifiant le sexe. En 2013, il y a encore des hommes et des femmes qui pensent qu’il n’y a pas d’autre moyen naturel pour « perpétuer l’espèce », pour reprendre les termes de Portalis, déjà cités par mes collègues Jean-Pierre Leleux et Jean-Claude Lenoir.

Selon moi, les questions de fond sont les suivantes : quelle famille voulons-nous avoir ? Et quelle place accordons-nous à l’enfant au sein de cette famille ? Je vous invite, madame la ministre, à mener cette réflexion.

Pour ma part, je suis sûre que le mariage est une institution créée pour assurer sa propre pérennité et pour protéger le sujet fragile qu’est l’enfant.

La solution de l’union civile présentée par M. Gélard me semble être une démarche de rassemblement.

Mme Cécile Cukierman. On a voté hier sur cette proposition !

Mme Marie-Annick Duchêne. Les homosexuels sont reconnus et protégés par ce statut civil.

L’adoption simple, également proposée par Patrice Gélard, peut être une solution non seulement pour les couples homosexuels, mais également pour tous les enfants de familles homoparentales, car ils seraient ainsi protégés par ce statut juridique.

Pour ma part, je regrette que cette proposition n’ait pas été retenue pour le moment. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. –  Mme Françoise Férat et M. Yves Détraigne applaudissent également.)

M. le président. L'amendement n° 83 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 143. – Le mariage est contracté par un homme et une femme. »

La parole est à M. Patrice Gélard.

M. Patrice Gélard. Les amendements précédents entrent un peu plus dans le détail que celui que je vais vous présenter. Leur contenu, plus long, va au-delà de l’objectif que nous poursuivons. Aussi, avons-nous fait « court », si je puis dire, avec cet amendement, qui ne comporte qu’une seule phrase : « Le mariage est contracté par un homme et une femme. »

Nous reprenons ici le texte que nous avions déposé il y a quatorze ans, au nom de notre groupe, lors de l’examen du projet de loi instaurant le PACS.

Mme Cécile Cukierman. Cela n’a pas changé !

M. Patrice Gélard. À l’époque, cet amendement n’avait pas été accepté pour une raison très simple : Mme la garde des sceaux nous avait alors répondu que cela allait de soi depuis 1804 et qu’il ne convenait pas d’inscrire dans le code civil ce qui s’entendait par la conception même du mariage.

Le code civil sous-entendait donc bien alors que le mariage était l’union d’un homme et d’une femme, et telle était la règle que tout le monde, notamment l’ensemble de la majorité socialiste de l’époque, respectait.

Aujourd'hui, il faut remettre les points sur les i, en rappelant tout simplement ce sur quoi nous avions alors insisté. Mes chers collègues, il convient dès lors de voter pour cet amendement simple : le mariage est l’union d’un homme et d’une femme. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. –  M. Yves Détraigne applaudit également.)

M. le président. Les six amendements sont identiques.

L'amendement n° 107 rectifié est présenté par MM. Retailleau, Savary, de Raincourt, G. Larcher et Mayet.

L'amendement n° 136 rectifié est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et MM. de Legge et Cléach.

L'amendement n° 158 rectifié est présenté par MM. Bécot, G. Bailly, Bordier, César, Cornu, Houel et P. Leroy, Mme Mélot et M. Pointereau.

L'amendement n° 189 est présenté par M. Gournac.

L'amendement n° 194 est présenté par MM. Revet et Darniche.

L'amendement n° 241 est présenté par Mme Duchêne.

Ces six amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 143. – Le mariage est l’union d’un homme et d’une femme. »

La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter l’amendement n° 107 rectifié.

M. Bruno Retailleau. L’amendement se justifie par la phrase qui le porte.

L’altérité des sexes est, pour le mariage, je tiens à le rappeler, un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Ce point juridique ne devrait donc pas faire question ici.

Vous le savez, un principe fondamental reconnu par les lois de la République doit présenter trois caractéristiques : premièrement, il doit avoir été affirmé constamment par les lois de la République ; deuxièmement, il ne doit souffrir aucune exception ; troisièmement, il doit être lié à un régime de droit, de liberté ou de protection. C’est exactement le cas du mariage et c’est même aussi le cas des droits à la filiation.

Il s’agit donc d’une définition d’ordre juridique.

Le champ de l’article 1er est beaucoup plus large. En effet, nous ne cessons de le démontrer depuis le début de la discussion, se cachent derrière le mariage l’adoption, la filiation, la présomption de paternité, etc. Tout se tient !

C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement socle visant à rappeler que le mariage suppose l’altérité sexuelle, qui fonde le modèle familial prévalant en France, mais aussi dans toutes les autres cultures et civilisations. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour présenter l'amendement n° 136 rectifié.

M. Jean-Pierre Leleux. Cet amendement est d’une simplicité biblique, si j’ose dire, dans la mesure où il rétablit réellement le sens du terme « mariage ».

Pour compléter les différentes explications qui viennent d’être données, je dénoncerai l’argumentaire qui est avancé pour justifier le bien-fondé de l’article 1er : vous autorisez l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, car il est discriminatoire de ne pas mettre sur un pied d’égalité le mariage de couples hétérosexuels – cette expression est, à mon sens, un pléonasme – et le mariage de couples de personnes de même sexe.

Si nous acceptons cette proposition, nous allons précisément faire un acte discriminatoire dans la mesure où l’on ne peut pas dire que ces couples sont égaux : les uns sont procréatifs, et peuvent constituer réellement une famille, tandis que les autres ne le sont pas. Cette différence justifie qu’ils soient traités différemment. Il ne s’agit en rien d’un principe d’égalité.

Oui, pour replacer le mariage dans la conception de l’altérité sexuelle des parents que sous-tend la création d’une famille.

Oui, à l’union civile pour permettre, éventuellement, à des couples de personnes de même sexe de s’unir avec des droits équivalents à ceux du mariage, sans aller jusqu’à la filiation.

Mais non à l’extension du mariage aux couples homosexuels. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour présenter l'amendement n° 158 rectifié.

M. Michel Bécot. Cet amendement socle nous fait redécouvrir, si je puis dire, les bases de notre humanité.

Le mariage est à la fois un contrat et une institution, cela a été dit et répété, dont le but est de fonder une famille. Les conditions d’altérité sexuelle des époux découlent de la signification profonde du mariage, qui est de créer une famille. C’est pourquoi le mariage ne peut concerner qu’un homme et une femme.

Pour fonder une famille, pour donner la vie à un enfant, il sera toujours nécessaire de faire appel à un gamète femelle et à un gamète mâle. Jamais deux personnes de même sexe ne pourront procréer ensemble. C’est donc non pas l’orientation sexuelle ou la sexualité qui fonde le droit de se marier, mais la distinction anthropologique de l’homme et de la femme.

Le mariage repose sur l’union des sexes en raison de leur complémentarité dans le domaine de la procréation. Nous proposons que les couples de personnes de même sexe puissent bénéficier d’une union civile, ce qui leur permettrait d’officialiser leur union et de jouir des droits patrimoniaux identiques à ceux des couples mariés.

Cette union civile se distingue du mariage en ce qu’elle n’ouvre aucune filiation, qui ne pourrait être que fictive.

Cette proposition d’union civile est de nature à répondre aux vœux de la plupart des Français et d’une partie aussi des homosexuels.

L’inquiétude de nos concitoyens est grande : ils nous ont fait connaître, à plusieurs reprises, leur désapprobation à l’égard de ce texte. Dès lors, pourquoi persister à maintenir ce texte au nom d’une prétendue égalité, tout en mécontentant une très grande majorité de Français, qui ne se reconnaissent pas dans la vision que vous avez de la famille. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. le président. L'amendement n° 189 n'est pas soutenu.

La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l'amendement n° 194.

M. Charles Revet. Nous sommes constants dans notre position parce que sous sommes dans la réalité des choses.

Vous voulez changer la société ; vous avez même annoncé que nous allions changer de civilisation. Mais ce que vous voulez faire, vous ne le dites pas !

Il suffit de parler à n’importe lequel de nos concitoyens pour qu’il vous dise : le mariage, c’est un homme et une femme. Parce que vous avez la majorité aujourd’hui, vous souhaitez changer la terminologie et inverser les choses ; mais vous ne changerez pas le fait qu’un homme et une femme sont différents et complémentaires !

Nous souhaitons réaffirmer cette vérité en espérant qu’à force de l’entendre, vous vous convaincrez que vous devez être un peu plus réalistes dans vos projets.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne, pour défendre l'amendement n° 241.

Mme Marie-Annick Duchêne. L’alinéa 3 de l’article 1er du projet de loi remet fondamentalement en cause le sens et la vocation du mariage pour l’ensemble des couples. Le titre V du livre Ier du code civil, intitulé « Du mariage », traduit parfaitement le caractère essentiel de l’altérité des sexes et associe constamment le mariage et la filiation.

Madame la ministre, votre projet de loi met à mal tout l’équilibre et le sens de l’institution du mariage. Comment accepter d’en modifier les conditions d’accès sans qu’aient été clairement identifiées toutes les conséquences qui découleront inévitablement de cette modification de l’équilibre général de notre organisation sociale ?

La distinction des sexes dans le mariage est conforme à la Constitution et au principe d’égalité. Toute notre jurisprudence le confirme : traiter différemment des situations objectivement différentes n’est pas un motif de discrimination.

Si ce projet de loi est adopté, le principe d’unité du mariage disparaîtra : il existera un mariage hétérosexuel, qui continuera à garantir à l’enfant une double filiation naturelle par le biais de la présomption de paternité, et un mariage homosexuel, dans lequel la filiation risque de devenir virtuelle. Alors, notre société aura basculé dans un autre modèle.

Madame la ministre, le rôle de la loi n’est pas de courir après les évolutions de la société, mais d’offrir un cadre complet et cohérent ; ce n’est pas ce que fait votre projet de loi !

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Si !

M. le président. L'amendement n° 11 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après les mots :

de sexe différent

supprimer les mots :

ou de même sexe

L'amendement n° 12 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :

Alinéas 4 et 5

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Gélard, pour défendre ces deux amendements.

M. Patrice Gélard. Toujours dans l’esprit qui est le nôtre, l’amendement n° 11 rectifié bis vise à supprimer les mots « ou de même sexe » à l’alinéa 3 de l’article 1er du projet de loi. Nous voulons maintenir ce qui est actuellement prévu : les personnes qui désirent se marier doivent être de sexe différent. Nous sommes donc toujours opposés au mariage de personnes de même sexe.

L’amendement n° 12 rectifié bis vise, lui, à supprimer les alinéas 4 et 5 de l’article 1er du projet de loi, qui prévoient que « le mariage ne peut être contracté avant dix-huit ans révolus ». Actuellement, le code civil comporte une formule différente : « L’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus. » Dans la rédaction que l’on nous propose, il n’est plus question d’homme et de femme ; la phrase n’a plus pour sujet des personnes, mais une institution.

À cet égard, je ferai une incidente. Selon les conventions internationales, seuls les hommes et les femmes nubiles peuvent se marier. Or l’âge nubile n’est pas le même d’un État à un autre : dans notre pays, il est de dix-huit ans ; ailleurs, il peut être de douze, quatorze ou seize ans. La loi nationale peut donc, sur ce point précis, adapter la convention internationale.

S’agissant de cette limitation parfaitement justifiée de la liberté du mariage en fonction d’un âge nubile, fixé en France à dix-huit ans, nous proposons simplement de conserver la rédaction actuelle du code civil : « L’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus. »

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces différents amendements ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Quinze amendements ont été défendus dans la présente discussion commune.

Deux autres n’ont pas été soutenus, mais ce n’est pas bien grave, car ils étaient identiques à certains autres, de sorte que nous n’avons rien perdu.

La commission des lois a émis un avis défavorable sur tous ces amendements, et cela pour des raisons simples.

Les amendements nos 9 rectifié bis, 10 rectifié bis et 83 rectifié bis visent en réalité à supprimer l’article 1er du projet de loi. M. Gélard, qui n’est pas parvenu à obtenir la suppression de cet article en bloc, essaie maintenant de le supprimer alinéa par alinéa ; lorsque tous les alinéas auront été supprimés, il n’y aura plus d’article 1er ! Pour des raisons purement logiques, la commission des lois est défavorable à ces amendements.

Les autres amendements se répartissent en deux séries.

Les amendements de la première série, à peine différents, donnent du mariage une définition assez large, mais qui revient à en faire l’union d’un homme et d’une femme.

Les amendements de la seconde série, déposés en partie par les mêmes sénateurs, sont beaucoup plus secs : ils prévoient que le mariage est contracté par un homme et une femme, selon la formule employée par M. Gélard, ou qu’il est l’union d’un homme et d’une femme, expression qui me semble meilleure sur le plan du droit.

Tous ces amendements tendent à ruiner l’article 1er du projet de loi, et finalement le projet de loi lui-même. La commission des lois y est donc défavorable.

Chers collègues de l’opposition, permettez-moi, pour vous rassurer, de formuler une observation sur le sens des mots.

Ce matin, sur le site internet du Figaro,…

M. Charles Revet. Une bonne lecture !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. … car je consulte également tous les journaux, j’ai lu un petit communiqué annonçant que la maison Larousse modifierait le sens du mot « mariage » dans la prochaine édition de son dictionnaire, pour tenir compte de la volonté du législateur. Souhaitons que cette volonté s’exprime ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Lenoir. Le projet de loi n’est pas encore voté !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. M. le rapporteur, pour compléter son propos, aurait pu citer également ces propos du directeur de cabinet du secrétaire perpétuel de l’Académie française : « Le sens des mots n’est évidemment pas figé. Si l’usage évolue dans la pratique et le langage, la définition de "mariage" pourra être revue dans la prochaine édition. » Vous le voyez, même l’Académie française est prête à faire évoluer la définition de ce mot !

Pour le Gouvernement, l’ouverture du mariage et de l’adoption aux de personnes de même sexe signifie que tous les couples doivent avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs, mais aussi les mêmes interdits. Autrement dit, les interdits qui prévalent aujourd’hui pour les mariages hétérosexuels s’appliqueront demain à tous les mariages. Tout le reste n’est que supputations ou fantasmes.

Enfin, parce qu’il faut renouveler un peu le stock des arguments, je voudrais vous livrer deux citations.

Napoléon, auteur du code civil (Exclamations sur les travées de l'UMP.), disait : « Les lois sont faites pour les mœurs, et les mœurs varient. Le mariage peut donc subir le perfectionnement graduel auquel toutes les choses soumises paraissent soumises. » Napoléon n’avait donc pas une vision éternelle du contenu du mot « mariage » !

M. Bruno Sido. Perfectionnement n’est pas dévoiement !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je vous invite à méditer aussi ce propos d’un sociologue (Exclamations sur les travées de l'UMP.), spécialiste de la famille, François de Singly : « Ce qui est intéressant dans le fait que la définition de la famille soit floue, c’est que cette imprécision autorise son succès. L’universalité de la famille tient dans son absence de définition. »

Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous qui êtes si attachés aux progrès numériques du mariage, je vous invite à ne pas avoir peur de l’avenir et à évoluer, car le projet du Gouvernement permettra un accroissement du nombre des mariages !

Bien évidemment, le Gouvernement est défavorable à l’ensemble des amendements en discussion commune.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Humbert, pour explication de vote sur l’amendement n° 9 rectifié bis.

M. Jean-François Humbert. Le mariage est l’institution qui organise l’alliance de l’homme et de la femme, avec la succession des générations et la lisibilité de la filiation. Nous souhaitons préserver l’altérité sexuelle dans le mariage afin de préserver la présomption de paternité, qui découle très naturellement de la procréation.

Nous considérons que le droit ne peut ni ignorer ni abolir la différence entre les sexes. Cette différence est constitutive non seulement de la pérennité d’une société, mais également de l’identité de l’enfant, qui ne peut se construire que face à un modèle d’altérité sexuelle.

Ce principe est d’autant plus fort qu’il trouve dans notre droit une protection toute particulière en tant que principe fondamental. En effet, de 1804 à nos jours, l’altérité sexuelle comme caractéristique du mariage n’a cessé d’être réaffirmée ; à cet égard, je vous rappelle la loi du 27 juillet 1884 sur le divorce, la loi du 13 juillet 1907 relative au libre salaire de la femme mariée et à la contribution des époux aux charges du ménage et la loi du 18 février 1938 modifiant le code civil.

La différence entre les sexes, fondamentale dans le mariage, ne peut pas être abolie par une simple loi.

Par ailleurs, l’ensemble des bouleversements du droit de la famille qui pourraient être introduits par cette réforme posent des questions qui relèvent de nombreux domaines, comme la bioéthique. (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste.) Chers collègues de la majorité, si je vous dérange, dites-le ! (Exclamations sur les mêmes travées.)

Un sénateur du groupe socialiste. Oui !

M. le président. Veuillez poursuivre, mon cher collègue !

M. Jean-François Humbert. L’impossibilité biologique pour deux personnes de même sexe de procréer soulève forcément des questions liées à la procréation médicalement assistée, mais aussi à la gestation pour autrui qui découle de la rupture d’égalité avec les homosexuels masculins, lesquels ne peuvent pas procréer sans le ventre d’une femme.

Pour toutes ces raisons, et parce que nous craignons que cette réforme n’entraîne d’autres revendications, légitimes dès lors qu’elles seraient fondées sur l’égalité et l’amour réciproque qui sont le nouvel objet du mariage selon le projet de loi, nous sommes opposés à la remise en cause de l’altérité sexuelle comme caractéristique de l’union matrimoniale.

Nous aurions apprécié qu’à tout le moins, afin de respecter la crainte exprimée par les Français, cette question de société majeure fasse l’objet d’une consultation nationale, qui aurait permis d’aborder en profondeur les conséquences sociales et bioéthiques du projet de loi. Chers collègues de la majorité, je ne voudrais pas interrompre vos conversations… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) C’est d’ailleurs ce que préconisait l’Académie des sciences morales et politiques dans son avis du 21 janvier 2013, compte tenu des bouleversements importants que l’adoption de ce projet de loi entraînerait pour l’ensemble des droits de nos concitoyens.

Enfin, comme l’a proposé cette institution, nous privilégions une formule plus respectueuse de tous, qui aurait consisté en la création d’une union civile (MM. Bertrand Auban et Roland Courteau s’exclament.) offrant aux couples de personnes de même sexe une protection juridique équivalente à celle qui existe pour les couples mariés, à l’exception du régime de la filiation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. –  Mme Françoise Férat applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Nos amendements précédents ayant connu le sort que vous savez, je crains que le résultat du vote à venir ne surprenne personne. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)

Malheureusement pour nous et, d'ailleurs, pour l’ensemble de nos concitoyens, vous avez décidé, mesdames les ministres, de jouer aux apprentis sorciers.

Tout d’abord, vous avez décidé qu’il suffisait à deux individus de même sexe de s’aimer pour leur ouvrir le droit au mariage.

Ensuite, vous avez décidé qu’il suffisait à deux individus de se marier pour pouvoir « parentaliser » – nous n’en sommes pas à un néologisme près dans cette enceinte… –, la procréation leur étant impossible.

Enfin, vous avez décidé qu’il suffisait qu’un couple désire un enfant pour que son vœu soit exaucé, que ce soit par la PMA ou par la GPA. D'ailleurs, j’en profite, madame Bertinotti, pour vous rappeler – et m’étonner – qu’une question qui vous a été posée tout à l'heure pour la quatrième fois reste toujours sans réponse.

Quand on entend le raisonnement que vous suivez, on croit rêver ! Mais, après tout, vous nous avez déjà vendu de l’illusion en nous promettant le redressement productif à travers la création d’un ministère ou encore la croissance européenne à travers l’insertion d’une ligne dans le pacte budgétaire européen… Tout cela pourrait nous inciter à sourire si le résultat n’était pas si grave pour la société. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

En diluant la substance même du mariage, vous faites disparaître sa justification originelle, à savoir la protection juridique du lien entre le père et son enfant, à travers la présomption de paternité. En fondant le mariage sur la simple reconnaissance sociale de l’amour entre deux personnes de même sexe, vous ouvrez la porte à un nombre important de revendications, qui, à n’en pas douter, trouveront un appui important dans le principe d’égalité protégé par la Constitution et une arme redoutable grâce à la question prioritaire de constitutionnalité. En suivant la logique du mariage, duquel découle la possibilité d’adopter des enfants, vous niez la vraisemblance biologique comme fondement de l’adoption et l’altérité sexuelle comme marqueur anthropologique dans la construction identitaire d’un individu.

Ce n’est là qu’un aperçu des multiples problèmes que soulève le présent projet de loi. Du reste, vous les connaissez bien, et nombreuses sont les questions que vous laissez en suspens.

Je répète une fois de plus que nous souhaitons obtenir une réponse sur le recours, dans les textes à venir, à la PMA et à la GPA, dont personne n’ignore qu’elles seront, sans plus de débat, imposées par la Cour européenne des droits de l’homme au nom de la sacro-sainte égalité. J’ai déjà eu l’occasion de le dire deux fois dans cette instance depuis hier.

Comme le montre l’avis qu’elle a rendu le 21 janvier 2013, l’Académie des sciences morales et politiques a bien compris les enjeux du texte puisqu’elle proposait alors d’organiser un grand débat. De ce dernier, vous n’avez pas voulu. Je ne sais pas si je dois me réjouir ou non que l’avis de cette instance n’ait pas plus d’importance pour vous que n’en a celui d’une majorité de la population, ces millions de Français qui se sont récemment exprimés dans la rue.

Puisque vous persévérez dans votre aveuglement, puisque vous continuez à avancer tête baissée,…