M. Alain Néri. Tiens, il vous arrive donc d’avoir de la mémoire !

Mme Fabienne Keller. Eh oui ! Je m’en souviens même fort bien, et avec tristesse, mon cher collègue !

M. Alain Néri. Vous oubliez la dette, le déficit : votre mémoire est sélective !

Mme Fabienne Keller. Non, ce soir, elle est surtout carbonée…

M. Alain Le Vern. Elle est carbonisée, plutôt ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Mme Fabienne Keller. Allons, ne soyez pas désagréable !

Les Sages avaient motivé leur décision en invoquant l’équité fiscale, estimant qu’il n’était pas juste d’appliquer une taxe carbone aux petites entreprises, alors que les industriels se voyaient attribuer gratuitement des quotas.

Tel est l’état des lieux, madame la ministre.

Je profite de la présente discussion pour vous faire part de mon inquiétude quant aux suggestions du groupe de travail que vous venez de lancer sur la fiscalité écologique. J’ai lu dans la presse que vous feriez des propositions sur le diesel. C’est bien, mais c’est encore trop peu. La taxe carbone doit avoir un champ beaucoup plus large. Pourquoi ne pas inclure d’autres polluants, d’autres gaz à effet de serre que le carbone et ne pas prendre en compte d’autres engins que les véhicules fonctionnant au diesel ?

Mais revenons aux quotas qui nous préoccupent ce soir.

Le projet de loi soumis à notre examen sanctionne, en quelque sorte, le passage à l’âge adulte du marché des quotas en transposant la directive de 2009 qui fixe les principales règles du jeu du marché pour la période 2013-2020. En soi, c’est une bonne chose.

Le principe de l’octroi des quotas aux industriels à titre onéreux, par le biais d’enchères, va dans le bon sens, à savoir celui de la responsabilisation croissante des émetteurs. À cet égard, permettez-moi de me réjouir qu’il n’y ait qu’une plus deux plateformes d’adjudication – une européenne et deux nationales. Je rappelle que, sous la présidence de Jean Bizet, notre commission des affaires européennes avait souhaité une seule plateforme, afin qu’un seul prix soit fixé pour un produit dont le marché est liquide et bien organisé. Cela étant, avec une plus deux plateformes, le système devrait aussi pouvoir fonctionner.

Pour autant, la directive aborde avec réalisme la délicate question des conséquences d’une telle évolution du système pour les industries les plus exposées à la concurrence internationale et aux fuites de carbone. C’est une bonne chose. Ainsi, le principe de l’allocation gratuite des quotas est maintenu dans la limite de la performance des 10 % d’industriels du secteur les plus vertueux en termes d’émissions.

Madame la ministre, mon groupe soutiendra la ratification de l’ordonnance du mois de juin dernier. Il votera par conséquent le présent projet de loi, mais en gardant les yeux ouverts, sans se cacher les immenses difficultés auxquelles le marché des quotas doit faire face. Je pense évidemment aux fraudes à la TVA, déjà évoquées, aux vols de quotas sur les registres et aux autres scandales qui ont marqué l’histoire de ce jeune marché fragile, qui reposait, à ses débuts, sur la tenue de quelque vingt-sept registres nationaux dans des conditions de sécurité hétérogènes. À cet égard, on ne peut que se féliciter de la création d’un registre communautaire, dont prend acte l’ordonnance précitée.

Mais où en sommes-nous quant à la régulation du marché au comptant ? Petit moment de tristesse : naguère, la France disposait de la place la plus active, BlueNext, et d’une régulation adéquate grâce à la loi d’octobre 2010. Hélas, BlueNext a disparu. Les ambitions de la Caisse des dépôts et consignations Climat ont été revues à la baisse. En termes de place, la France ne compte plus guère dans le monde de la finance carbone !

Madame la ministre, la directive MIF 2, en cours de discussion, doit régler le problème en assimilant les quotas à des produits financiers, ce qui leur imposera la réglementation financière communautaire et mettra fin au débat : est-ce une commodity ou un produit financier ?

En attendant, où en sommes-nous ? Ne risque-t-on pas de voir survenir un nouveau scandale qui accentuerait la mauvaise image du système d’échange ?

Il existe une autre difficulté, que nous avons tous soulignée : le cours des quotas ne cesse pas de chuter. En 2010, nous avions retenu un prix de 17 euros la tonne pour la contribution carbone. Un an plus tôt, le rapport d’Alain Quinet évoquait un prix de 100 euros la tonne en 2020. Or, à la clôture d’hier soir, nous en étions à 4,03 euros la tonne… Rien ne semble pouvoir arrêter la glissade continue du prix de la tonne de carbone. Cela n’est pas acceptable, car c’est de nature à affecter profondément, dans l’esprit des citoyens, l’idée que les émissions ont un coût.

Il faut donc que le marché des quotas se redresse. Je ne crois pas que l’instauration d’un prix minimum nous permettra de l’obtenir. En effet, le problème ne vient pas du marché lui-même, mais du niveau du plafonnement des émissions, qui a été fixé avant la crise et ne représente plus une véritable contrainte du fait de l’effondrement de la production industrielle en Europe. C’est sur ce niveau qu’il faut agir et, à cet égard, le retrait de quotas mis en adjudication par la Commission européenne va dans le bon sens.

Le dernier problème auquel je songe est l’attitude des autres pays du monde. Les négociations climatiques n’ont jamais été complètement remises sur les rails après l’échec de la conférence de Copenhague, et le monde semble toujours divisé entre les pays qui ont la volonté d’agir en matière climatique et les autres, notamment les pays émergents, qui ne veulent pas poser de limites trop fortes à leur développement industriel.

Or, au-delà même des problèmes cruciaux de compétitivité et d’emploi, la simple cohérence écologique doit nous conduire à empêcher que le consommateur puisse s’exonérer du signal-prix pesant sur le carbone en achetant des biens fabriqués dans des pays totalement laxistes en la matière. Cela pose la question d’un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières. Je me permets d'ailleurs de vous rappeler, madame la ministre, que nous avons démontré, à l’issue d’un travail approfondi mené au sein de la commission des finances, qu’un tel mécanisme serait « OMC-compatible » dès lors que les règles appliquées seraient les mêmes en interne et aux frontières.

Après avoir, comme beaucoup de mes collègues, dressé la liste de mes inquiétudes, je voudrais vous proposer d’être optimiste, madame la ministre, et vous poser la question de fond : avez-vous la volonté de remettre notre système sur ses deux pieds ? Cela impliquerait d’employer toute votre énergie à améliorer l’état du marché du carbone et d’engager un vrai travail sur la taxe carbone, comme l’avait fait le précédent gouvernement. Ainsi, le système de limitation des émissions de gaz à effet de serre marcherait sur ses deux pieds.

L’autre sujet central est l’état d’esprit de nos principaux partenaires européens : dans quelle mesure ont-ils la volonté de limiter les émissions de gaz à effet de serre ?

Mes chers collègues, émettre du carbone a un coût pour la planète et ce coût doit se refléter dans le prix que paie le consommateur final. Cela est juste, cela est efficace et cela favorisera l’indispensable transition de notre économie vers des technologies peu émettrices.

Malgré tous ses défauts, le système communautaire d’échange de quotas est un outil pertinent. Il faut donc le remettre en ordre.

Nous avons besoin d’un véritable élan au niveau européen, car c’est bien à cet échelon que les défauts du marché du carbone pourront être corrigés. Aux organisations non gouvernementales qui demandent la suppression du système d’échange de quotas, je proposerais plutôt de travailler à l’amender. Il nous faut plus d’Europe et surtout mieux d’Europe pour sortir de l’impasse actuelle. Nous avons besoin d’une Europe qui fixe des objectifs d’émissions de manière réaliste, et pas seulement technocratique.

Évelyne Didier a cité le cas d’une entreprise qui ne produit presque plus mais qui bénéficie de quotas. Je rappelle que nous avions déposé un amendement pour éviter ce genre de situation, mais il est apparu que cet amendement n’était pas conforme à la directive. C’est la modification de la directive qui permettrait de retirer leurs quotas aux entreprises dont l’activité baisserait trop fortement.

Nous avons également besoin d’une Europe qui régule le marché du carbone comme les autres marchés, et ne laisse pas aux tricheurs la possibilité de prospérer. Madame la ministre, je vous propose de lancer l’idée d’un comité de gestion du marché du carbone, qui examinerait très régulièrement et objectivement la situation afin que des dispositions opérationnelles puissent être prises.

Nous avons enfin besoin d’une Europe qui sache se faire entendre dans le monde, sans céder à la pression des pollueurs. Comme d’autres collègues, je m’inquiète des débats en cours au sein de l’Organisation de l’aviation civile internationale sur les émissions du secteur aérien, dont on sait qu’elles ne sont pas du tout taxées pour le moment.

Madame la ministre, c’est après le vote de ce projet de loi que le travail pour redresser définitivement le marché du carbone va vraiment commencer. C’est un travail européen, et nous attendons une action ferme de votre part. Je crois que, sur la question du changement climatique, nous souhaitons tous que la voix de la France porte en Europe et dans le monde. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Ronan Dantec applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons ce soir arrive à un moment paradoxal de l’histoire du système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre. En toute logique, l’année 2013, celle du passage à la troisième phase du marché européen de quotas, aurait dû voir le parachèvement de cet outil. En effet, dans l’esprit des responsables européens, la période 2005-2007 devait être celle du rodage de tous les acteurs, la période 2008-2012, celle de la maturité, le marché restant alimenté par des quotas distribués gratuitement par les États, et c’est à partir de 2013 que les choses sérieuses devaient vraiment commencer, l’allocation gratuite étant remplacée par la mise aux enchères des quotas, avec certes de nombreuses mesures d’atténuation pour les secteurs industriels les plus exposés.

En toute logique, donc, l’année 2013 aurait dû voir le système communautaire d’échange faire de l’Europe le leader incontesté des marchés mondiaux du carbone, entraînant les autres pays à sa suite et fixant un prix de référence des émissions pour le monde entier. En toute logique, ce marché aurait dû, en outre, fortement dynamiser les investissements verts et contribuer à faire de l’Europe la puissance dominante pour l’ensemble de ces technologies d’avenir.

Madame la ministre, où en sommes-nous alors que nous nous préparons à avaliser l’inscription dans notre droit du passage à la troisième phase du système communautaire d’échange ? Très loin, hélas, de ces objectifs ambitieux que nous avions fixés. Pis, nous avons sous les yeux un paysage dévasté et un marché qui ne sait plus où il va.

D’une part, le système communautaire d’échange a fait l’objet de fraudes et de diverses attaques qui en ont miné la crédibilité aux yeux du public. Des progrès ont été faits depuis, mais, à l’heure où nous parlons, la réglementation financière communautaire ne s’applique toujours pas aux échanges au comptant.

D’autre part, et c’est ce qui est inquiétant pour l’avenir, le niveau des échanges et le cours des quotas sont totalement déprimés et font perdre, au sens propre, toute valeur aux investissements visant à réduire les émissions de CO2.

Cette situation a d’ores et déjà des conséquences budgétaires pour la France. Il n’y a pas si longtemps, nous espérions collecter plus d’un milliard d’euros par an grâce au système d’enchères. Or, à en juger par le cours actuel, la recette risque de ne pas atteindre 400 millions d’euros, alors même que l’Agence nationale de l’habitat est censée recevoir chaque année 590 millions d’euros provenant du système d’enchères. Il serait d'ailleurs intéressant que nous profitions de ce débat pour éclairer cette situation.

Au-delà de ces problèmes ponctuels, c’est la capacité d’entraînement des Européens en matière de lutte contre le changement climatique qui est en cause. Il paraît dès lors souhaitable que les pouvoirs publics agissent vite et bien.

Certes, madame la ministre, le Parlement ne va pas chambouler votre projet de loi, qui ne fait que prendre acte de la directive du 23 avril 2009 et la traduire fidèlement dans notre droit. Il n’est sans doute pas utile de perturber encore davantage le fonctionnement du marché en créant de nouvelles difficultés au moment de la transposition de cette directive.

Pour autant, l’examen de ce projet de loi nous permet de vous interroger sur le fond : qu’allons-nous faire du système communautaire d’échange de quotas d’émission ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il faut le supprimer !

M. François Marc. Autant le dire, la tournure que prennent les débats en Europe n’est pas faite pour nous rassurer. Certains évoquent l’instauration d’un prix plancher pour les enchères, d’autres le gel de quotas dans l’attente d’hypothétiques jours meilleurs ; le Parlement européen doit d'ailleurs se prononcer prochainement sur ce sujet.

Quel que soit le schéma retenu, et à condition que tel ou tel État ne bloque pas le processus, tout cela ressemble beaucoup à un sauve-qui-peut et l’on ne perçoit pas de véritable vision de l’avenir.

Mme Delphine Batho, ministre. Absolument !

M. François Marc. Disons-le clairement : s'agissant d’un marché comme celui des quotas, créé par une décision des pouvoirs publics et sur lequel le prix du bien échangé n’est que le reflet du poids de la contrainte carbone qui repose sur les industriels, le vice fondamental du système vient sans doute de la manière dont les pouvoirs publics déterminent la quantité de quotas mise sur le marché.

M. Ronan Dantec. Absolument !

M. François Marc. Les quantités de quotas allouées pour la période 2008-2012, qui peuvent servir en 2013 et au-delà, ont été fixées en 2007, soit avant le début de la crise, et les quantités allouées pour la période 2013-2020 l’ont été au cours de l’année 2009, sans que l’on sache clairement comment allaient évoluer les économies des pays de l’Union européenne. Ces quantités paraissent aujourd'hui en total décalage avec la situation réelle des pays européens, et il est à craindre que toute méthode rigide n’aboutisse à créer sans cesse de nouveaux déséquilibres de marché.

En cette période de gros temps, le moment n’est-il pas venu de revoir la copie en révisant la méthode elle-même ? Ne pourrait-on, par exemple, fixer des quantités de quotas par pays sur la base des hypothèses de croissance des secteurs soumis au système communautaire d’échange, mais en prévoyant des ajustements automatiques, c’est-à-dire des modulations en fonction de la croissance réelle de chaque pays ? La contrainte carbone garderait ainsi un sens au fil du temps. Ce genre de méthode pourrait en outre recueillir l’adhésion de pays comme la Pologne, qui, ayant à l’esprit la nécessité d’assurer leur croissance, peuvent paraître fermés à des schémas rigides appliquant la toise de manière uniforme à toutes les économies.

Telle est la suggestion que je tenais à vous faire ce soir, madame la ministre.

Nous sommes conscients que ni vous personnellement ni le Gouvernement dans son ensemble n’avez de responsabilité dans la crise profonde que connaît aujourd'hui le marché des quotas, mais c’est à vous et à vos collègues européens qu’il appartient d’y répondre. Nous avons entendu votre propos introductif, et nous ne pouvons que vous encourager à porter, au nom de la France, une parole forte au Conseil de l’Union européenne. Je suis persuadé que, si nous nous livrons à une recherche active des solutions qui apporteraient une réponse appropriée à la situation et permettraient une mobilisation de tous les acteurs européens, nous pourrons mettre en place un système bien plus équilibré. Nous comptons sur votre détermination à avancer dans cette direction. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Ronan Dantec applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Alain Le Vern.

M. Alain Le Vern. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au terme de cette discussion générale, je voudrais non pas me lancer moi-même dans une analyse approfondie de ces dispositifs, les orateurs précédents venant de dire ce qu’il convenait d’en penser, mais resituer le débat dans un contexte plus global, ce qui devrait recevoir l’approbation de tous. En effet, nous partageons tous ici l’idée fondamentale selon laquelle l’action politique doit apporter une réponse à l’avenir de notre planète et aux problématiques de l’environnement.

Force est de constater qu’une telle approche, reposant sur une démarche globale, est éminemment complexe.

Bien sûr, nous avons besoin d’une approche non seulement au niveau européen, avec « plus d’Europe » et « mieux d’Europe », mais également au niveau international, tant les problèmes évoqués ce soir ignorent totalement les frontières administratives. Ils nécessitent une volonté politique forte, des actions concertées, partagées, déterminées, contraignantes.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Alain Le Vern. Madame la ministre, c’est au fond l’orientation que vous suivez depuis maintenant plusieurs mois à la tête de votre ministère. J’en veux pour preuve, non seulement vos visites vespérales sur le terrain haut-normand en période de crise, mais surtout l’organisation du débat sur la transition énergétique que vous avez voulu et que nous allons décliner dans nos régions. Il s’agira d’évoquer la sobriété énergétique, les énergies renouvelables, la mixité énergétique et le prix de l’énergie, dont on voit bien qu’il est un élément déterminant à la fois de la compétitivité de nos économies et de la démarche vertueuse, laquelle doit, si nécessaire, être contrainte, pour faire en sorte que les objectifs de la directive soient atteints. Car il apparaît clairement aujourd’hui que le système est boiteux.

À cette tribune, je souhaite simplement montrer qu’un dispositif vertueux permettrait aussi d’améliorer sensiblement l’ensemble des mesures que nous voulons mettre en œuvre pour les énergies renouvelables.

Par exemple, le point 18 de la directive permet d’affecter au moins 50 % du produit de la mise aux enchères des quotas d’émission de gaz à effet de serre au financement d’« activités de recherche et de développement dans le domaine de la réduction des émissions et de l’adaptation à l’évolution du climat ». La directive est donc claire sur ce point. Le même paragraphe précise que les recettes peuvent être utilisées pour financer, entre autres, des projets de démonstration en vue de « réduire les émissions de gaz à effet de serre [et de] s’adapter aux conséquences du changement climatique ».

Ainsi, madame la ministre, si nous parvenions, grâce à cette sorte de mandat que le Parlement s’apprête à vous donner, à faire évoluer dans la bonne direction ce système, qu’on envisage trop volontiers de façon un peu marchande ou technocratique, il prendrait une dimension beaucoup plus vertueuse puisqu’il permettrait non seulement de sanctionner les abus et de parvenir à l’objectif de réduction des gaz à effet de serre, mais également d’améliorer considérablement les progrès en matière d’énergies renouvelables.

Mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui devant une véritable gageure : trouver des fonds, dans un contexte difficile, pour financer la recherche et l’innovation au service de la cause que nous entendons défendre.

Il existe, bien sûr, des possibilités d’amélioration, par exemple sur les hydroliennes ou les éoliennes flottantes. À cet égard, madame la ministre, je tiens à saluer de nouveau votre décision de relancer un appel d’offres, notamment en ce qui concerne les côtes de Haute-Normandie.

On voit bien qu’il y a là une vraie cohérence entre ce que nous disons ce soir sur la directive de 2009, votre approche globale du problème, madame la ministre, et la volonté de la France de mettre en place une filière d’excellence dans le domaine des énergies renouvelables, mise en place qui repose évidemment sur la recherche, alors que nous peinons aujourd'hui, malheureusement, à trouver des crédits suffisants pour améliorer les résultats de cette dernière.

À nos yeux, cet effort sur la recherche doit nous permettre d’améliorer le rendement des dispositifs techniques que j’ai évoqués et de progresser au regard des consommations abusives. Il est tout de même paradoxal que, aujourd’hui, des pays par ailleurs montrés en exemple utilisent le charbon ou le lignite, qui sont des facteurs majeurs de pollution atmosphérique.

Je serai heureux, madame la ministre, de connaître vos intentions sur ce point. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Ronan Dantec applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre. Monsieur le président, je souhaite simplement, en cet instant, répondre brièvement sur différents points qu’ont soulevés les orateurs qui sont intervenus au cours de cette discussion générale.

Je veux d’abord préciser à Laurence Rossignol, tout en la remerciant de son intervention, qu’à ce jour trois pays ont indiqué leur hostilité au back loading, à savoir la Pologne, Chypre et la Grèce, tandis que onze États sont pour. Or cette matière est régie par le système de la codécision, avec majorité qualifiée. Nous le savons, l’Allemagne n’a pas encore pris position. Le processus de discussion interne à l’Union européenne poursuit donc son cours, avec une chance d’aboutir.

Compte tenu de l’évolution du contexte européen, une des questions politiques posées par la commissaire européenne sur les problèmes d’évolution structurelle future du marché du carbone, laquelle nous semble nécessaire, est de savoir s’il est opportun de rouvrir le débat sur la directive, avec le risque que cette réouverture se traduise non pas par des avancées, que tous les intervenants ont appelées de leurs vœux de manière convergente, mais, au contraire, par un détricotage de l’engagement européen en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique. C’est une crainte qu’il faut entendre, même si je ne la partage pas complètement.

À mon sens, nous sommes aujourd’hui dans une situation telle qu’il faut absolument engager la réforme structurelle de ce système. Sinon, la page sera tournée sans qu’il y ait d’alternative.

Je remercie Jean Bizet d’apporter son soutien à la ratification de l’ordonnance. Concernant les engrais, monsieur le sénateur, sachez que, outre l’accent mis sur la nécessité de diminuer les quantités d’intrants, un important travail est engagé actuellement pour remplacer l’azote minéral par de l’azote organique.

Evelyne Didier a réveillé un débat à mes yeux historiquement légitime : était-ce une bonne stratégie de « marchandiser » le CO2 et de lui donner une valeur en pensant qu’un tel dispositif allait permettre d’orienter les investissements vers la sobriété en termes de carbone ?

Encore une fois, on peut se poser la question de savoir si ce choix stratégique était fondé et s’il reste pertinent, mais, aujourd’hui, le marché des quotas d’émission est le seul instrument qui existe. En tout cas, c’est la solution qui a été retenue et je ne pense pas qu’on puisse l’abandonner, même si je suis d’accord pour dire qu’il faut travailler à une réforme structurelle profonde de ce mécanisme pour le rendre efficace. À mon sens, son abandon se traduirait aujourd’hui par un recul, car il ne se ferait pas au profit d’un autre instrument plus vertueux et plus efficace.

En ce qui concerne Mittal, madame la sénatrice, le problème que vous avez pointé se posait effectivement, mais ce ne sera plus le cas avec la ratification de cette ordonnance puisque, dans la troisième phase, une entreprise cessant son activité se verra en même temps supprimer les quotas gratuits.

Mme Évelyne Didier. Très bien !

Mme Delphine Batho, ministre. S’agissant du mécanisme d’inclusion aux frontières, auquel nous sommes très favorables, et sur lequel je reviendrai un peu plus tard, une des questions en suspens pour les jours qui viennent est de savoir si le livre vert de la Commission européenne sur l’horizon 2030 va ouvrir le débat sur les fuites de carbone et la perspective, que nous appelons de nos vœux, d’un mécanisme d’inclusion carbone, qui doit être le corollaire de nos propres efforts.

En effet, à nos yeux, il peut y avoir un engagement unilatéral de l’Union européenne en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais cela suppose que nous ne soyons pas victimes de fuites de carbone et que nous disposions donc d’un instrument pour les combattre.

Je remercie également Marcel Deneux de son intervention. S’agissant des propositions sur lesquelles nous travaillons encore aujourd’hui, elles ne sont pas encore abouties et doivent être discutées dans le cadre du débat national sur la transition énergétique. J’espère que nous pourrons en promouvoir d’ores et déjà un certain nombre lors du Conseil européen sur l’énergie du 22 mai prochain.

À mon sens, quatre éléments déterminent ce que doivent être les évolutions du marché du carbone.

Tout d’abord se pose le problème du long terme, c’est-à-dire de l’après-2020 : quel doit être le niveau d’engagement global de l’Union européenne en matière de réduction des gaz à effet de serre en 2030 et en 2040 ? C’est la préoccupation que le Président de la République a mise en avant.

Ensuite, il y a le sujet de la gouvernance du système ; Laurence Rossignol et plusieurs d’entre vous, dont Fabienne Keller et François Marc, l’ont abordé.

Par ailleurs, il faut évoquer la régulation du prix. Nous avons assisté ce soir à un débat entre les partisans d’un mécanisme de prix plancher du carbone, préconisé par d’autres partenaires européens, et les tenants d’une logique consistant à dire que l’allocation de quotas était trop importante à l’origine et qu’il faut revoir les quantités.

Le dernier élément est le mécanisme d’inclusion carbone ; je viens de l’aborder.

Tels sont les quatre piliers sur lesquels il faut travailler, plus particulièrement les deuxième et troisième – la gouvernance et la régulation du prix –, en vue de formaliser dans un avenir proche des propositions précises de la France en direction de nos partenaires européens.

Déjà, sur le premier point, à savoir les objectifs énoncés par le Président de la République pour les horizons 2030 et 2040, je constate, dans les discussions avec nos partenaires de l’Union européenne, que les positions évoluent. La France peut donc jouer un rôle moteur dans le débat en mettant un certain nombre d’idées sur la table.

J’ai été sensible à ce qu’a dit Raymond Vall sur le lien très important entre engagement environnemental et croissance économique.

Pour ce qui est de l’OACI, des discussions difficiles sont engagées actuellement sur la directive ETS Aviation. Là aussi, il importe d’éviter un recul en préservant cet instrument très important par des solutions de compromis à l’échelon international, faute de quoi nous serions confrontés à des blocages très importants.

Ronan Dantec a raison de dire qu’il ne faut pas « saucissonner » les différentes réflexions, qui sont évidemment liées par la question du financement de la transition énergétique, abordée également par Alain Le Vern.

Monsieur Dantec, vous êtes un fin connaisseur des conférences sur le climat. Du reste, nous aurons besoin de la mobilisation des parlementaires dans la préparation des échéances à venir, notamment celle de Varsovie, à la fin de cette année.

En ce qui concerne l’annulation des quotas, j’ai évoqué la question des différentes techniques. S’agissant de l’annulation en fin de période, nous devons aujourd’hui passer d’un niveau de discussion technique – j’allais dire d’ajustement dans le système actuel –, même si cela reste nécessaire, à une réflexion plus globale sur l’évolution structurelle du marché européen du carbone.

Je remercie Jean-Jacques Filleul d’avoir souligné l’urgence à agir et d’avoir exprimé son soutien au projet de loi de ratification.

Fabienne Keller, vous avez évoqué les travaux réalisés dans le cadre du Comité pour la fiscalité écologique. Ils suivent leur cours sur la base de la feuille de route ambitieuse fixée lors de la conférence environnementale. Je salue le travail qui a été mené sur le mécanisme d’inclusion carbone pour établir sa compatibilité avec les règles de l’OMC.

En ce qui concerne l’action de la France au sein de l’Union européenne, le Conseil européen du mois de mai devrait permettre d’apporter un certain nombre d’éléments sur la nécessité des réformes de structures que nous avons évoquées.

Je remercie François Marc de sa suggestion portant sur la mise en place d’un mécanisme incluant une clé de répartition de l’effort intra-européen qui prendrait en compte la situation économique des différents pays, afin de respecter une logique d’effort égal en fonction du degré de transformation de chacune de ces économies et de son engagement dans la transition écologique. Cette piste de réflexion mérite d’être étudiée si l’on veut débloquer les discussions européennes et éviter de se heurter à la règle de l’unanimité.

Les conséquences budgétaires du faible prix du carbone sont évidentes et le ministère du budget donnera prochainement un certain nombre d’indications. Néanmoins, l’Agence nationale de l’habitat dispose aujourd’hui d’un budget qui lui permet de tenir ses engagements en matière de rénovation énergétique. À moyen terme, la faiblesse du prix du carbone, si elle devait se maintenir, aurait effectivement des conséquences négatives sur ces programmes. C’est pourquoi il convient de remédier à cette situation.

Alain Le Vern a rappelé que le produit des enchères ETS devait financer la transition énergétique. Il faut, dans les discussions actuelles au niveau européen, maintenir le lien entre l’engagement en matière d’énergies renouvelables et l’engagement climatique. Nous avons vu en effet apparaître des positions qui validaient l’engagement sur les énergies renouvelables à l’horizon 2030, mais qui le dissociaient de l’engagement sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. La France n’est pas favorable à cette dissociation et souhaite préserver la logique du paquet énergie-climat qui lie étroitement les deux questions.

En ce qui concerne les énergies renouvelables, l’appel d’offres pour les grandes installations photovoltaïques a été publié aujourd’hui même : il intègre des critères de bilan carbone destinés à orienter les soutiens vers l’industrie française.

S’agissant de l’hydraulique et l’éolien offshore, je vous confirme, monsieur le sénateur, que nous sommes en train de travailler sur un tarif de rachat pour les démonstrateurs qui permettra de répondre à vos attentes.

Telles sont, monsieur le président, les réponses que je souhaitais apporter aux différents intervenants en cet instant du débat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)