M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’on pouvait s’y attendre, la commission mixte paritaire réunie pour examiner le projet de loi de finances pour 2012 n’a pu parvenir à un accord sur un texte acceptable par les deux assemblées.

Ce désaccord ne nous inquiète pas, bien au contraire : il confirme que la majorité du Sénat a changé le 25 septembre dernier. Il est rassurant de constater que gauche et droite ne retiennent pas les mêmes options et que, dans le contexte actuel, l’orientation politique différente des deux assemblées ne peut que se traduire par des approches divergentes sur les questions des finances publiques et des choix budgétaires.

Les appels répétés à l’union nationale face à la crise sont un leurre, et votre politique constitue bien l’expression de choix clairs et partisans, madame la ministre.

Dans la logique qui anime le Gouvernement et les parlementaires de l’opposition sénatoriale, le projet de loi de finances pouvait fort bien se concevoir sur une ligne de partage entre réduction ou, pour le moins, maîtrise de la dépense publique, réduction du poids relatif des dépenses fiscales dans le produit de l’impôt et mise à contribution des collectivités locales, au travers d’un gel des dotations et de la création d’un dispositif de péréquation horizontale venant compléter la péréquation verticale des dotations de solidarité – on peut en effet se douter que ces dernières ne sont pas promises à la plus forte des évolutions dans les années qui viennent !

Ces orientations budgétaires visaient fondamentalement à prolonger l’effort de réduction des déficits, que la non-reconduction d’un certain nombre de dispositions mises en œuvre pour les seules années 2010 et 2011 rendait également plus aisée, de manière strictement comptable.

Dans son équilibre initial, le projet de loi de finances pour 2012 retenait la prévision d’un déficit approximatif de 80 milliards d’euros, somme largement corrigée par une hypothèse de croissance résolument optimiste que les plus récentes études de l’INSEE rendent désormais caduque, puisque nous devrions, d’ici à l’élection présidentielle, entrer dans une période de récession, s’il faut en croire ce que l’on nous annonce.

Il est fort probable d’ailleurs que cette récession a déjà commencé, et que le ralentissement de l’activité entraînera à son tour une contraction de l’emploi, en commençant par réduire le nombre de contrats de courte durée et l’emploi intérimaire, avant de provoquer une stagnation, sinon une baisse des recettes fiscales, laquelle ne sera bien entendu pas sans effets sur l’exécution du budget.

D’une certaine manière, cette récession annoncée et palpable constitue le point d’orgue d’un quinquennat présidentiel où nous aurons toujours couru après la croissance et l’activité, sans jamais rencontrer autre chose qu’une crise économique d’un tour nouveau.

Nous avons, pour notre part, toujours nié que la crise se serait déclenchée en 2008. La surchauffe financière de l’été 2008 et sa réplique actuelle, cette crise de la dette obligataire des États européens venus au secours de leurs secteurs financier et bancaire, ne sont pas le fait isolé d’une simple économie financiarisée qui se serait développée « hors sol », dans une espèce de quatrième dimension.

Elles ne constituent que la queue de la comète, mes chers collègues, la comète de la dérégulation des marchés financiers, que nous avons largement favorisée, en France, depuis les années quatre-vingt. Je pense en particulier à la loi bancaire de 1984, qui ne faisait que prolonger les ruptures de l’été soixante-neuf, quand Richard Nixon, président des États-Unis, suspendait la parité de l’or et du dollar pour financer, notamment, l’aventure vietnamienne.

Vous le voyez, mes chers collègues, nos maux ont des causes structurelles, mais aussi historiques. Souvenez-vous : en 1973, à quelques jours de distance, le ministre de l’économie et des finances d’alors, un certain Valéry Giscard d’Estaing, mettait un terme au droit du Trésor public de solliciter la « planche à billets » pour se refinancer, puis inventait l’un des plus remarquables produits financiers qui aient jamais été proposés à l’épargne publique, le fameux « 7 % » de janvier 1973 ! À l’époque, l’État émit pour 6,5 milliards de francs, valeur 1973. Dans quel but ? Tout simplement pour compenser une moins-value de recettes fiscales liée à une certaine latence dans l’application et la généralisation de la TVA…

Souvenons-nous aussi qu’une bonne partie de l’emprunt Balladur de 1993 fut consacrée au financement de la suppression du fameux décalage d’un mois de la TVA !

L’avantage de ces petits rappels, c’est qu’ils nous montrent à l’envi que ce qui creuse les déficits publics réside fondamentalement dans la réduction des recettes fiscales, une réduction qui est devenue en quelque sorte la marque principale des politiques publiques depuis quelques années.

La majorité de gauche du Sénat a, dans sa grande sagesse, contrairement à ce que vous pouvez prétendre, madame la ministre, mis en évidence que la mobilisation de recettes fiscales nouvelles était l’une des conditions de la réduction des déficits et, surtout de l’engagement d’une nouvelle politique dans l’intérêt de notre pays et de nos concitoyens.

Oui, nous réaffirmons ici haut et clair qu’il existe bel et bien une autre politique.

Rendre toute son efficacité à l’impôt de solidarité sur la fortune, améliorer la qualité de notre impôt sur le revenu, supprimer une bonne part des dispositifs incitatifs qui polluent et pervertissent l’impôt sur les sociétés, tout cela était contenu dans le projet de loi de finances pour 2012 tel qu’il avait été voté par la majorité sénatoriale.

Que ces apports déterminants du travail sénatorial ne figurent aucunement dans le texte adopté par l’Assemblée nationale est sans doute regrettable, mais il ne doit pas nous faire oublier deux choses.

D’abord, il est finalement plutôt cocasse que ceux qui n’ont pas de mots assez forts pour vouloir réduire les déficits – comprenez le plus souvent en réduisant les dépenses publiques sans préciser forcément lesquelles, bien entendu – ont dû se remettre à l’ouvrage pour l’accroître de nouveau...

Ensuite, que deux conceptions des finances publiques aient finalement été exposées et validées par les deux assemblées constitue somme toute un élément clé du débat public.

Le vrai vote sur le projet de loi de finances pour 2012 n’a pas forcément lieu aujourd’hui, mes chers collègues. Il est même probable qu’il n’aura lieu dans le pays qu’entre avril et juin prochains, entre le premier tour de l’élection présidentielle et le second tour des élections législatives, c’est-à-dire que nous voterons aujourd’hui la motion tendant à opposer la question préalable déposée par la commission des finances sur le texte revenant de l’Assemblée nationale, en l’attente du jugement citoyen qui nous amènera à un travail de réécriture du texte aujourd’hui rejeté par le Sénat.

Et, comme le veut l’usage, je dis mille mercis aux fonctionnaires du Sénat, collaborateurs du groupe et assistants parlementaires, pour leur concours à la qualité de cette discussion enfin menée à son terme ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce dernier projet de loi de finances du quinquennat du Président Nicolas Sarkozy est le symbole de l’incohérence, de l’instabilité et de l’inefficacité qui ont caractérisé l’ensemble de ses politiques fiscales.

Lorsque notre Haute Assemblée a débuté l’examen de ce projet de loi en première lecture, le Gouvernement semblait consacrer tous ses efforts au maintien du triple A pour notre pays. Or, ce triple A, si sacré, est aujourd’hui en bien mauvaise posture.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous vous en réjouissez ?

M. François Fortassin. Non, mais vous nous dites que ce n’est pas grave, alors nous pouvons conserver le moral !

Monsieur le président de la commission des finances, je considère, comme beaucoup aujourd'hui, que nous sommes financièrement morts, physiquement vivants, politiquement… nous ne savons pas encore, mais vous entretenez l’espoir en estimant que, en matière politique, seule la mort physique est irrémédiable !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et vous, n’avez-vous plus d’espoir ?

M. François Fortassin. J’ai de l’espoir, mais pas dans le projet de budget que vous défendez.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ah !

M. François Fortassin. Après l’annonce, le 5 décembre dernier, d’un placement « sous surveillance négative » de la France ainsi que de quatorze autres membres de la zone euro, par l’agence Standard & Poor’s, c’est l’agence Fitch qui a abaissé vendredi dernier la perspective de notre note, qui passerait de « stable » à « négative ».

Je ne tiens pas à m’attarder ici sur le « diktat » de ces agences, mais il conviendrait cependant de s’interroger pour savoir exactement si ce que l’on dit aux Français est une réalité ou si nous sommes des vendeurs d’illusions…

On nous annonce presque quotidiennement la très probable et prochaine dégradation de notre triple A, la seule inconnue étant le nombre de crans dont la France serait dégradée. Le Gouvernement a d’ailleurs changé de discours pour minimiser les effets d’une telle dégradation. Ce retournement semble pour le moins surprenant.

Cette dégradation aurait ainsi, comme le signale le directeur général de l’Agence France Trésor, des conséquences extrêmement lourdes et il déclarait récemment que « ceux qui prétendent qu’il ne se passera rien le jour où la France perdra son triple A se trompent complètement ». Il estime qu’une dégradation d’un cran de notre note représenterait un surcoût financier important. Et il ajoute : « Une perte de la note aurait des conséquences sur le reste de la zone euro et sur tous les émetteurs français, même les entreprises privées. »

Cette probable dégradation du triple A français tombe au mauvais moment, d’autant plus que l’INSEE a annoncé vendredi dernier que la France était entrée en récession.

Pour 2012, les économistes s’accordent sur un risque de récession, même sans aggravation de la crise des dettes souveraines. En revanche, le défaut de l’Italie, par exemple, plongerait très probablement toute la zone euro, non pas dans une phase de récession mais dans une véritable dépression.

Tout cela est alarmant.

Or, force est de constater que les accords survenus jusqu’à présent au niveau européen, sous l’impulsion du couple franco-allemand, n’ont pas permis de résoudre la question des risques tant d’aggravation de la crise des dettes souveraines que de la contagion. Et, pendant ce temps, la zone euro a besoin d’urgence de retrouver le chemin vertueux de la croissance.

En outre, l’incohérence des hypothèses sous-jacentes adoptées par le Gouvernement pour le projet de loi de finances pour 2012, renforce encore le manque de crédibilité de ce texte. Le Gouvernement a déjà lui-même révisé ses hypothèses de croissance à la baisse, les ramenant de 1,75 % à 1 %. Or celles-ci continuent d’être soumises à d’importants aléas. Les prévisions de l’OCDE, publiées le 28 novembre dernier, prévoient une croissance de 0,3 %.

Le Gouvernement ne semble pas s’inquiéter outre mesure de ces perspectives de croissance très alarmantes. Les plans de rigueur successifs qui nous sont présentés marquent l’absence d’une stratégie cohérente. Surtout, nous plongeons notre pays et l’opinion publique dans un climat de profonde incertitude, néfaste pour la croissance.

L’Observatoire français des conjonctures économiques, dans une estimation datant d’octobre, donc avant le « plan Fillon II », a estimé que les politiques restrictives prises par le gouvernement français réduiront la croissance de 1,6 point en 2012.

S’il est nécessaire de redresser les finances publiques, il est indispensable de ne pas prendre des mesures qui affecteraient la croissance à long terme, comme j’ai eu l’occasion de le dire précédemment.

À ce propos, la suppression, que l’on peut considérer comme injuste et parfois même irresponsable, de la taxe professionnelle constitue une remise en cause inacceptable de l’autonomie financière des collectivités territoriales.

M. Jean-Michel Baylet. C’est vrai !

M. François Fortassin. Or ce sont ces collectivités territoriales qui soutiennent l’investissement dans notre pays…

M. Jean-Michel Baylet. C’est exact !

M. François Fortassin. … et il faut savoir – c’est une cote mal taillée – que 75 000 euros d’investissement correspondent à un emploi, de sorte que si, dans une collectivité, on réduit les investissements de 20 millions d’euros, cela correspond à 300 chômeurs de plus…

M. Vincent Delahaye. Et au Sénat ?

M. François Fortassin. … et cela, le Gouvernement ne semble pas le mesurer. C’est ainsi qu’il y a une baisse injuste et injustifiée des concours de l’État aux collectivités.

Je souhaiterais d’ailleurs ici ouvrir une parenthèse.

Il y avait jusqu’à aujourd'hui une redevance sur les concessions hydro-électriques. En l’état actuel du droit, un sixième de cette redevance est reversé, à juste titre, aux communes sur le territoire desquelles coulent les cours d’eau utilisés. Alors que les députés avaient supprimé cette part réservée aux communes en première lecture, le Sénat, dans sa sagesse, l’avait rétablie en adoptant des amendements déposés par plusieurs membres de notre assemblée. Les députés, en nouvelle lecture, sont revenus à leur rédaction initiale tout en précisant que, dans le cas des plus petites installations, les communes pourraient recevoir une partie des recettes, fixée au maximum à un sixième de la redevance.

Je regrette personnellement que la volonté du Sénat et, surtout, les principes qui nous avait guidés dans cette démarche, n’aient pas été respectés.

Enfin, et c’est le plus important aujourd'hui, la France a besoin d’une réforme fiscale globale et courageuse pour répondre à la crise et retrouver la croissance.

La version du projet de loi de finances pour 2012 adoptée en première lecture par le Sénat avait le mérite de ne pas affaiblir les collectivités territoriales, d’introduire plus de justice sociale et fiscale et, enfin, de tirer les enseignements de la crise financière, notamment en introduisant une taxe sur les transactions financières, à laquelle les membres de mon groupe sont particulièrement attachés, comme ils le sont à l’impôt sur le revenu, qui doit conserver le caractère progressif dont il est doté depuis sa création, au début du XXe siècle.

En l’absence d’une perspective de conciliation entre nos deux assemblées, la majorité du groupe du RDSE apportera donc son soutien à la motion tendant à opposer la question préalable présentée par notre rapporteure générale. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget pour 2012 sur lequel nous allons nous exprimer au terme de cette nouvelle lecture, après l’échec de la commission mixte paritaire, sera peu ou prou celui qu’a voté l’Assemblée nationale en première lecture.

Peu de modifications du Sénat ont, en effet, été retenues par les députés, le débat principal portant sans doute sur le seul apport important du Sénat, au-delà des clivages partisans, concernant tout particulièrement la péréquation horizontale.

Sur ce sujet, nous pouvons regretter que les députés n’aient pas retenu comme critère de répartition du Fonds national de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales le revenu moyen pondéré par un coefficient – de 1, de 0,8 ou de 0,6 – permettant de prendre en compte le coût du logement.

C’était une idée défendue notamment par notre collègue Philippe Dallier, auquel, en la circonstance, je souhaite rendre hommage.

M. Philippe Dallier. Merci, mes chers collègues !

M. Dominique de Legge. Nous nous félicitons néanmoins du maintien de la clause de revoyure au 1er septembre 2012, qui était la condition pour qu’une majorité accepte ici la mise en œuvre dès 2012 de la péréquation, qui ne saurait être repoussée ad vitam aeternam.

J’étais de ceux qui, tout en reconnaissant les interrogations que suscitaient les simulations dont nous disposions, ne souhaitaient pas que, face aux difficultés rencontrées, nous différions une fois encore la mise en œuvre de ce principe ; je souhaite également rendre hommage à notre collègue Charles Guené à cet égard.

Cette mise en œuvre ne se fera néanmoins qu’à hauteur de 150 millions d’euros en 2012,…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est plus prudent !

M. Dominique de Legge. … au lieu des 250 millions d’euros prévus initialement, pour atteindre le milliard d’euros en 2016, avec des ajustements possibles dans le cadre de la clause de revoyure.

Cette application plus progressive doit permettre d’atténuer l’impact du prélèvement en 2012, qui pourrait poser effectivement problème pour certaines communes contributrices, malgré les ajustements opérés au Sénat et à l’Assemblée nationale.

Nous nous félicitons également du maintien par les députés de la pondération du potentiel financier agrégé à hauteur de 20 %, du revenu moyen à hauteur de 60 % et de l’effort fiscal à hauteur de 20 %, alors que l’Assemblée nationale avait initialement pondéré le PFIA à hauteur de 40 %, le revenu moyen à hauteur de seulement 40 % et l’effort fiscal à hauteur de 20 %.

La prise en compte plus importante du revenu moyen nous était, en effet, apparue pertinente, afin de mieux prendre en compte les charges sociales pesant sur les communes et, d’une façon plus générale, les charges supportées par les communes et les intercommunalités.

Les députés ont également accepté l’exclusion du bénéfice du FPIC des ensembles intercommunaux ou des communes isolées dont l’effort fiscal est inférieur à 0,5. En effet, ceux-ci ne sauraient être aidés et bénéficier de la péréquation sans avoir un minimum utilisé leur outil fiscal pour percevoir des recettes.

Par ailleurs, les 150 premières communes éligibles à la DSU-cible seront exonérées de prélèvement, leur EPCI prenant en charge le montant de ce prélèvement. C’était, là aussi, un point important.

En outre, la suppression des strates est bien confirmée en raison des effets de seuil constatés aux entrées et aux sorties. Ainsi que l’a souligné Mme la rapporteure générale, ces strates sont remplacées par l’application d’un coefficient logarithmique, qui vient pondérer la population de chaque ensemble intercommunal, afin de prendre en compte l’accroissement de la richesse avec la taille de la collectivité.

Quant aux autres mesures substantielles proposées par notre assemblée, elles ont quasiment toutes été rejetées par les députés, étant, pour l’essentiel, soit des mesures visant à supprimer des articles – autrement dit des mesures de « détricotage » du texte du Gouvernement par la majorité sénatoriale –, soit des propositions tendant à créer de nouvelles taxes – plus de 30 – ou de nouvelles niches fiscales, 17 au total.

Valider un choc fiscal de 30 milliards d’euros, dont 20 milliards d’euros pour nos seules entreprises, qui subissent déjà de plein fouet la crise économique, est irresponsable au regard de la situation actuelle. Mais nul n’est dupe : l’exercice n’était qu’affichage politique, puisqu’il demeurait totalement virtuel, le dernier mot revenant à l’Assemblée nationale.

M. Jean Bizet. C’est vrai !

M. Dominique de Legge. Je peux comprendre que la majorité sénatoriale ne partage pas les choix du Gouvernement et exprime son point de vue. Pour autant, je regrette que vous ayez privilégié l’affirmation d’une opposition systématique, chers collègues.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est dommage en effet !

M. Dominique de Legge. Compte tenu de la gravité de la situation,…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas le moment !

M. Philippe Dominati. C’est irresponsable !

M. Dominique de Legge. … la recherche d’un échange aurait permis au pays, à la classe politique et au Sénat de sortir grandis.

M. Jean Bizet. C’est juste !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est clair !

M. Dominique de Legge. Comment le Sénat peut-il être crédible en votant un budget excédentaire, alors que vous refusez, dans le même temps, les dépenses, qui sont sans doute, à vos yeux, insuffisantes ?

M. Dominique de Legge. Peut-être auriez-vous préféré alourdir les prélèvements obligatoires, dont vous regrettez, par ailleurs, qu’ils augmentent dans les proportions que l’on sait ?...

Mes chers collègues, cet affichage n’est pas anodin dans le contexte qui est le nôtre et compte tenu de la crise que nous traversons, surtout sous le regard des agences de notation.

Nous ne pouvons donc que déplorer le manque d’unité nationale sur des sujets essentiels, alors que la crise perdure et que les mois prochains seront encore autant d’épreuves que notre pays devra traverser, et ce quelle que soit la majorité qui sera élue.

Mme Marie-France Beaufils. À qui fait-on payer la crise ?

M. Dominique de Legge. La motion tendant à opposer la question préalable que vous avez déposée en est une illustration : elle démontre votre refus d’aborder le débat de façon courageuse et lucide.

Le refus obstiné de la gauche de notre pays de voter la règle d’or témoigne de ce regrettable manque d’unité. Or le manque d’unité nationale renvoie au manque de gouvernance européenne, par ailleurs tant décrié par la gauche.

Pourtant, jamais autant de progrès n’auront été accomplis en aussi peu de temps dans la zone euro, sous l’égide du Président de la République française et de la Chancelière allemande. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Mais, nul ne le conteste, beaucoup reste encore à faire.

Si la France devait voir sa note dégradée, ce n’est pas tant le pays qui serait sanctionné – d’autres, tels que l’Autriche, la Finlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, voire l’Allemagne, le seraient aussi dans la foulée – que les lacunes en matière de gouvernance de la zone euro et de l’Europe.

La gauche en France aurait beau jeu de faire porter la responsabilité d’une éventuelle perte du triple A sur le Président de la République, qui n’a pourtant eu de cesse d’être au feu pour essayer d’éteindre l’incendie,…

M. Jean Bizet. C’est vrai !

M. Dominique de Legge. … mais il est vrai qu’elle est plus prompte à gloser qu’à faire de véritables propositions.

Le directeur de campagne de M. Hollande est-il crédible lorsqu’il déclare, parlant de l’action du Président de la République, qu’elle menace depuis cinq ans la signature de la France ? Tout ce qui est excessif est insignifiant,…

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. On est bien d’accord !

M. Dominique de Legge. … et toutes ces caricatures ne constituent pas un gage de crédibilité…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

M. Dominique de Legge. … de la part de ceux qui aspirent à gouverner demain notre pays.

M. René Garrec. Très bien !

M. Dominique de Legge. Dégrader les notes des pays membres de la zone euro reviendrait à élever de nouveaux obstacles – certes, ils ne sont pas infranchissables, mais il n’en reste pas moins des obstacles ! – sur le chemin de la résorption de la crise de la dette sur lequel la zone euro s’est pourtant bien engagée.

Les agences de notation qui prendraient cette responsabilité n’avaient pourtant pas vu venir la crise des subprimes aux États-Unis, ce qui prouve que leur mode de fonctionnement mériterait d’être revu…En tout cas, la création d’une agence de notation publique européenne indépendante est indispensable.

Dans ce contexte, et pour les raisons que j’ai évoquées, il apparaît donc essentiel, pour le groupe UMP, de voter, dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, le projet de loi de finances qui nous est aujourd'hui soumis en nouvelle lecture. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis après 130 heures de débats budgétaires et financiers, et ce dans un contexte très original.

En effet, c’est sans doute la première fois depuis de nombreuses années que l’on examine un projet de budget dont les paramètres ont à ce point évolué depuis la présentation de ce texte au mois de septembre dernier.

Les chiffres sont connus : un déficit de plus de 80 milliards d’euros, c’est-à-dire 362 milliards d’euros de dépenses pour 274 milliards de recettes. En 2012, la France devra donc emprunter sur les marchés financiers 180 milliards d’euros pour financer son déficit et le service de la dette existante. C’est dire si le socle est particulièrement important.

Or, en l’espace de trois mois, la situation s’est profondément dégradée, ainsi que l’a rappelé Mme la rapporteure générale, du point de vue tant de la conjoncture économique et, plus particulièrement de la croissance, que des conditions financières générales.

Au demeurant, le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur a annoncé ce matin que le déficit du commerce extérieur explosera cette année, passant de 51 milliards d’euros en 2010 à 70 ou 75 milliards d’euros.

M. Pierre-Yves Collombat. Après la réforme de la taxe professionnelle !

M. François Marc. Excusez du peu ! Cela correspond à une augmentation de 50 % en un an ! Dans ce domaine aussi, on voit où en est la France…

Je veux souligner également la dégradation accélérée de la conjoncture générale, avec l’entrée en récession de plusieurs économies occidentales. L’économie d’endettement et de spéculation est aujourd'hui en train de montrer qu’elle est au « bout du rouleau », et les sommets européens ne parviennent pas à rétablir la confiance.

Bref, le diagnostic n’est guère rassurant, quoi que vous en disiez, madame la ministre, et nous ne pouvons pas vous rejoindre sur au moins un de ses éléments.

En effet, madame la ministre, vous avez indiqué, dans votre intervention liminaire, le répétant même à deux reprises, qu’il n’y avait pas d’alternative à la politique conduite par le Gouvernement. Selon vous, il n’y a qu’une solution, celle que le Gouvernement a adoptée !

S’il existe encore une démocratie parlementaire dans notre pays, permettez-nous de vous présenter nos propositions, comme nous nous y sommes employés durant plusieurs semaines.

Vous nous avez accusés de vouloir défaire plutôt que de faire ! Je regrette cette analyse, car nous avons formulé des propositions et fait voter un certain nombre d’amendements, tous plus réalistes les uns que les autres (Mme la ministre fait une moue dubitative.), afin de rééquilibrer les comptes.

Nous avons ainsi créé des recettes supplémentaires à hauteur de 11 milliards d’euros.

Nous avons opéré un tri plus ambitieux des dépenses fiscales improductives, car les niches fiscales sont, selon nous, une source à exploiter.

Nous avons manifesté notre souci d’une plus grande solidarité dans l’effort que doit aujourd'hui consentir notre pays, en prévoyant une plus grande progressivité des impôts, notamment de l’impôt sur le revenu, avec la création d’une tranche supplémentaire.

De même, dans un souci de solidarité, nous avons souhaité activer des leviers de croissance. C’est ainsi que nous avons proposé une revalorisation de la prime pour l’emploi.

Nous avons préconisé une plus grande justice fiscale à l’égard des PME, en votant un dispositif visant à solliciter plus les très grands groupes.

Nous avons favorisé les collectivités outre-mer, notamment au travers de quelques dispositifs plus spécifiques. D’ailleurs, certains d’entre eux ont été préservés par les députés.

Nous avons fait voter un certain nombre d’amendements pour le logement.

Enfin, nous avons présenté diverses propositions en faveur des collectivités locales et territoriales.

À cet égard, je regrette, madame la ministre, que le Gouvernement et la majorité des députés ne partagent pas notre point de vue selon lequel les collectivités doivent être des partenaires actifs dans le redressement du pays. Les différentes mesures que nous avions proposées pour revaloriser les dotations et favoriser la péréquation verticale n’ont pas eu l’heur de plaire au Gouvernement, ni à la majorité des députés.

Dans ces conditions, et en considération des 120 amendements votés – c’est considérable ! – aux conséquences budgétaires significatives, la question posée était simple : alors que les membres du Gouvernement en appellent à l’unité nationale autour de la règle d’or et qu’ils invitent le pays à se mobiliser et les collectivités à se serrer les coudes, votre perception des propositions émanant du Sénat allait-elle évoluer ? Le Gouvernement était-il prêt à anticiper cette fameuse règle d’or en acceptant certaines des propositions que nous lui avions soumises ?