Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais il faut bien équilibrer le budget !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Or, on ne peut que le constater, nous améliorons significativement les recettes de l’État.

Par l’amendement n° I-217, le Gouvernement tire les conséquences sur l’article d’équilibre des votes intervenus en séance publique sur la première partie. Vos services ministériels ont chiffré les amendements qui ont été adoptés après avoir été défendus par la commission ou par les groupes politiques, notamment par le groupe socialiste, par le groupe CRC, par nos amis les Verts, ainsi que par les radicaux.

M. Jean-Paul Emorine. Vous faites bien de préciser que les Verts sont vos amis ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Michel Baylet. Et moi, je voulais être sûr que les radicaux ne seraient pas oubliés ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je sais qui sont mes amis et mes alliés, et depuis longtemps !

Quoi qu'il en soit, cet exercice est extrêmement utile – je l’ai d’ailleurs déjà souligné en commission –, car il nous permet de disposer d’un chiffrage que nous n’avions jamais obtenu et qui nous apporte une certaine clarté.

En l’occurrence, nous avons été grandement surpris, madame la ministre, par l’ampleur de l’amélioration du solde.

Certes, nous nous attendions à une amélioration : nous avions chiffré les recettes supplémentaires issues de l’adoption de la plupart des amendements à quelque 10 milliards d’euros – et, n’était le chiffrage que je vais évoquer dans un instant, nous avions vu assez juste –, mais vous nous annoncez finalement une amélioration du solde de 28 milliards d’euros. L’écart est assez extraordinaire.

M. Philippe Dallier. C’est un miracle !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Non, ce n’est pas un miracle, monsieur Dallier.

M. Philippe Dallier. C’est Noël !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cela s’explique par l’adoption, après l’article 4, d’un amendement du groupe socialiste-EELV, l’amendement n° I-121 rectifié, que nous avions analysé – les débats en séance publique l’attestent – comme un dispositif ciblé sur les LBO, et qui semble avoir en réalité une portée beaucoup plus large : il apparaît que, s’il était mis en œuvre, le rendement de l’impôt sur les sociétés serait majoré de près de 50 %.

Madame la ministre, nous avons souligné à plusieurs reprises que l’impôt sur les sociétés était mité soit par des niches, c'est-à-dire des dépenses fiscales, soit par des modalités de calcul. La somme de ces niches et de ces modalités de calcul est supérieure au produit de l’impôt sur les sociétés, qui est de l’ordre de 41 milliards d’euros. C’est tout de même assez extraordinaire : voilà un impôt dont le rendement est inférieur au montant des exonérations auxquelles il donne lieu !

Par cet amendement, nous avons donc, me semble-t-il, fait œuvre utile.

Je précise que cet amendement avait été rectifié en séance publique. J’avais en effet demandé à ses auteurs de ramener le rapport entre les capitaux propres et la dette financière, pour ce qui est des LBO, de 66 % à 50 %. Aussi aimerais-je savoir si vos services ministériels se sont fondés, pour réaliser l’évaluation, sur la version initiale de l’amendement ou sur sa version rectifiée. Pour la bonne information du Sénat, il serait intéressant de savoir quelle hypothèse a été retenue au moment d’effectuer ce chiffrage, que je n’ai aucune raison de contester, car je fais confiance à vos services.

Quoi qu’il en soit, l’intention des auteurs de l’amendement n’était pas de parvenir à un tel résultat, et je ne serais pas surprise que nos collègues qui composeront la commission mixte paritaire ou ceux de l'Assemblée nationale ne retiennent pas ce dispositif en l’état.

Même si ce chiffrage nous surprend – nous, mais aussi tous nos collègues –, il a une vertu : il met en lumière la complexité de l’impôt sur les sociétés et le jeu quelquefois très puissant de ses différentes modalités de calcul. D’où l’intérêt qu’il y aurait à ouvrir – et je sais que vous n’y êtes pas hostile, madame la ministre – le chantier de l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Du reste, la commission des finances doit poursuivre ses travaux en la matière.

Il n’y a pas à s’inquiéter de l’effet optique de cette mesure sur le solde budgétaire de l’année 2012, car nous n’en sommes encore qu’à la première partie. Lorsque nous tirerons toutes les conséquences de nos votes à la fin de la deuxième partie – un budget s’envisage dans sa totalité –, étant entendu que nous rejetterons de nombreuses missions, il y aura des surprises encore plus importantes.

Je l’ai dit en préambule de cette discussion budgétaire, le propre d’un Sénat d’opposition est de s’opposer au Gouvernement. Nous n’avons pas voulu ici définir un projet, car nous n’en avions pas les moyens, et j’ai bien pris la précaution de le préciser à plusieurs reprises. En revanche, nous avons voulu montrer qu’il existait un chemin différent.

On peut s’amuser à faire ce que le président de la commission des finances appelle un travail de greffier ou de notaire, mais, si vous voulez bien me pardonner une expression un peu triviale, madame la ministre, ce ne sont pas forcément, selon qu’on emprunte votre chemin ou le nôtre, les mêmes qui paient !

Si l’on écarte la surprise dont j’ai fait état, nous avons amélioré le solde budgétaire d’une dizaine de milliards d’euros – vous ne pouvez plus nous reprocher de ne pas nous soucier des déficits ! –, en revenant notamment sur les dispositifs issus de la loi TEPA et sur la réforme de la fiscalité du patrimoine.

Par ailleurs, nous avons amélioré le rendement de l’impôt sur les sociétés de 3 milliards d’euros environ, ce qui constitue un premier pas.

Les votes du Sénat sur la première partie auront permis de montrer que la majorité sénatoriale n’a pas l’intention de creuser les déficits. Voilà qui devrait nous dispenser à l’avenir de polémiquer sur ce sujet, un sujet qui concerne tous les agents économiques, tous les Français, toutes les options politiques, du moins toutes celles qui se reconnaissent dans la République.

Sous le bénéfice de ces explications, la commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° I-217, qui retranscrit fidèlement les votes du Sénat lors de l’examen de la première partie.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. La commission des finances s’est efforcée, à ce stade de la discussion budgétaire, d’examiner ces amendements en sachant qu’elle devra bientôt examiner un projet de loi de finances rectificative. Nous sommes ici en quelque sorte à la charnière du projet de loi de finances pour 2012 et d’un projet de loi de finances rectificative pour 2011, qui est aussi, en fait, un projet de loi de finances rectificative pour 2012.

Certaines présentations techniques sont quelque peu complexes, mais cela ne doit pas nous rebuter. Dans la configuration actuelle, je suis dans l’opposition à une majorité qui est dans l’opposition au Gouvernement. (Sourires.) Il faut donc s’habituer aux doubles négations… qui peuvent aboutir à des affirmations. (Nouveaux sourires.)

Concernant l’évaluation de l’amendement relatif à la déductibilité des intérêts d’emprunt, le débat est intéressant, madame la ministre. Il est en effet difficile pour un parlementaire de mesurer l’impact sur les finances publiques de l’amendement qu’il dépose. Dans l’organisation qui est la nôtre depuis toujours, seul un service ministériel, en l’espèce une cellule de la direction de la législation fiscale, est apte à en évaluer le coût.

Indépendamment des opinions des uns ou des autres, cette situation est, dans l’absolu, quelque peu regrettable.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Depuis le temps qu’on le dit !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je vous aurais répondu si vous m’aviez posé la question !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Dans le cadre de mes anciennes fonctions, j’ai manifesté, à plusieurs reprises, mon insatisfaction à cet égard. J’en avais même déjà fait part au ministre de l’économie en fonction avant 2002…

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Exactement !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bref, il est clair que les parlementaires seraient plus à leur aise s’ils disposaient d’un outil de simulation leur permettant de faire varier les formules retenues dans leurs amendements en fonction du résultat qu’ils veulent obtenir.

Pour l’heure, retenons que l’impôt sur les sociétés ne se prête pas trop aux slogans politiques.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Exactement !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il s’agit d’une matière économique et fiscale extrêmement complexe. C’est aller un peu trop vite en besogne que de dire que telle catégorie d’entreprises est soumise à tel taux réel de l’impôt sur les sociétés et que telle autre est soumise à un taux beaucoup plus élevé. Il y a tant de particularités eu égard au lieu où l’on exerce son activité, aux régimes juridiques et fiscaux, que cette simplification n’est pas toujours très opportune et peut même être illusoire.

Aujourd'hui, le produit global de l’impôt sur les sociétés est de l’ordre de 40 milliards d’euros. Il est bien évident que le tissu économique ne pourrait certainement pas supporter un surcoût de 17 milliards d’euros.

Il y a un problème d’assiette,...

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il n’y a pas que cela !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. ... certes, mais aussi de bonne connaissance de cette assiette.

À cet égard, la convergence franco-allemande nous permettra peut-être d’y voir plus clair, à moins que la conversion du système allemand à nos propres normes, qui n’est pas un exercice facile, ne rende les choses encore plus opaques !

En tout état de cause, la commission recommande l’adoption de l’amendement n° I-212 rectifié, qui n’est que la constatation de nos votes, sans qu’il y ait lieu, à ce stade, de porter de jugements de valeur sur ces votes. Ces jugements appartiennent à nos groupes politiques de part et d’autre, et ceux-ci ne manqueront pas de faire bon usage de cette faculté le moment venu !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame la rapporteure générale, je tiens d’abord à vous apporter une précision concernant l’amendement n° I-215, qui prend en compte les rectifications liées aux nouvelles recettes résultant du plan du 7 novembre 2011.

C’est le secrétariat général du Gouvernement qui a estimé que, le projet de loi de finances rectificative ayant été déposé à l’Assemblée nationale, il fallait, par souci de sincérité, d’exhaustivité et de transparence à l’égard du Sénat, intégrer le produit de ces nouvelles recettes dans l’article d’équilibre.

Cela dit, je comprends très bien que vous soyez quelque peu perplexe face à ce dispositif, dans la mesure où vous n’avez pas encore eu l’occasion de débattre de ces taxes, et que, de ce fait, la commission des finances ne souhaite pas une telle intégration.

J’en viens maintenant au chiffrage des mesures qui ont été adoptées par le Sénat.

Il faut assumer les mesures que l’on vote ! Vous me dites maintenant que l’intention n’était du tout d’interdire la défiscalisation des intérêts d’emprunts,...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ce n’est pas cela !

Mme Valérie Pécresse, ministre. ... mais que vous vouliez simplement prendre une mesure très ciblée sur la prévention des LBO. À ce moment-là, il fallait rédiger l’article autrement !

Avec l’amendement n° I-121 rectifié, vous nous demandez bien de ne pas déduire les intérêts d’emprunts pour les entreprises dont le ratio « capitaux propres/endettement » est inférieur à 50 %. Telle est bien la dernière version adoptée par le Sénat.

Dans les déclarations qui ont été faites, tant par vous, madame Bricq, que par un certain nombre de sénateurs, j’ai retrouvé ce qui figure dans le rapport Carrez, à savoir que la non-déductibilité des intérêts d’emprunts favorise les grands groupes, qui paient moins d’impôt sur les sociétés que les PME, qu’il convient donc de « refiscaliser » ces intérêts d’emprunts et, par conséquent, d’interdire leur déductibilité, de faon que les grands groupes ne soient pas moins imposés en France qu’à l’étranger.

En tout état de cause, le dispositif que vous avez voté n’est évidemment pas limité aux LBO, et ce pour la bonne et simple raison que de très nombreuses entreprises en France ont un ratio « capitaux propres/endettement » inférieur à 50 %. En effet, nombre d’entre elles ont un endettement très lourd !

Quel est le résultat d’une telle situation ? Après avoir réalisé des micro-simulations sur les liasses fiscales de 2009 et 2010 avec ce ratio « capitaux propres/endettement » de 50 %, nous avons constaté que ce montant, qui vous paraît énorme, correspondait à la réalité actuelle de nos entreprises.

C’est d’ailleurs ce qui a amené Gilles Carrez à souligner que, avec ce dispositif de déductibilité des intérêts d’emprunts, les entreprises endettées paient beaucoup moins d’impôts que les entreprises qui ne le sont pas. C’est vrai, mais en taux « facial ». Elles s’endettent pour se développer, créer de l’emploi, investir, exporter ; d’où la volonté du Gouvernement de prévoir une déductibilité des intérêts d’emprunts pour le calcul de l’impôt sur les sociétés.

Le président de la commission des finances a fort justement dit qu’il fallait travailler sur une convergence franco-allemande en intégrant dans notre réflexion sur les impôts français et allemand sur les sociétés la réflexion sur la déductibilité des intérêts d’emprunts. Mais, là encore, les Allemands ont un dispositif qui est beaucoup plus contraignant que le nôtre ; ils veulent justement le modifier parce qu’ils considèrent que le fait pour une entreprise de ne pas pouvoir s’endetter pour financer son développement est un frein !

Madame la rapporteure générale, je suis désolée de vous le dire, mais nos simulations ont été faites à partir de la version rectifiée de l’amendement. Vous prétendez que vous entendiez cibler uniquement les LBO, mais, moi, j’avais compris, avec d’autres, que vous recherchiez un rapprochement entre le taux d’impôt sur les sociétés qu’acquittent les grands groupes et celui qu’acquittent les PME. De fait, cet amendement conduit à augmenter de plus d’un tiers l’impôt sur les sociétés.

Avec les nouvelles dispositions fiscales que vous imposez aux entreprises – fiscalisation des heures supplémentaires, etc. –, on en arrive, en deux jours, à une augmentation de 50 % de l’impôt sur les sociétés !

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Tout d’abord, je vous remercie, madame la ministre, des précisions que vous venez de nous apporter. Je tiens à souligner que, personnellement, je n’ai jamais mis en doute les simulations faites par vos services.

Cela étant, vous n’avez répondu qu’à une partie de la question que je vous avais posée en disant que vous aviez évalué le coût de la mesure relative à la déductibilité des intérêts d’emprunts sur la base de ce qui a été finalement voté, après rectification, à savoir un taux de 50 %.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Et sur la base des liasses fiscales de 2009 et 2010 !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Dont acte !

En revanche, dans votre explication, vous avez mélangé deux amendements. En effet, c’est l’amendement n° I-10, qui concerne le montant des intérêts d’emprunt déductibles servis par une entreprise lorsque ce montant excède simultanément les deux limites de 3 millions d’euros et de 80 % du résultat courant avant impôts.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Non, je n’ai pas parlé de cet amendement-là !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Si, vous avez mélangé les deux ! Le rendement de celui-là, nous l’avions estimé en commission des finances à 1,1 milliard.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je n’ai pas mélangé ! C’est vous qui affirmez n’avoir voulu voter que la disposition anti-LBO, alors que vous avez voté les deux !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il est évident que nous avons voulu voter ces deux amendements !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Voilà

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je vais arrêter là, car le débat va devenir confus...

Mmes Marie-Hélène Des Esgaulx et Catherine Procaccia. Il l’est déjà !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. ... et n’intéressera plus personne !

Personnellement, je ne regrette pas d’avoir fait voter ces deux amendements par le Sénat. Simplement, l’un est parfaitement calibré par rapport à la prévision que nous avions faite, l’autre ne l’est pas. En tout cas, il est intéressant de constater que notre législation fiscale comporte des dispositifs d’une puissance extraordinaire.

Mme Valérie Pécresse, ministre. On le savait, madame Bricq !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Mais non ! Le président a bien dit que le Parlement ne disposait d’aucun outil d’évaluation. C’est dommage et c’est même très regrettable ! Si nous avons des statistiques sur le nombre des entreprises, nous n’avons aucun moyen d’évaluer les effets de notre décision concernant le mécanisme de LBO !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Précisément, ce ne sont pas les opérations de LBO qui sont en cause !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Mais c’est de cela que nous parlons !

Quoi qu'il en soit, tout cela montre, s’il en était besoin, que l’assiette de la fiscalité des entreprises pose un gros problème. La démonstration en est faite...

Mme Valérie Pécresse, ministre. Non !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. ... au détour d’un amendement, même s’il aboutit, au moins optiquement, à un résultat sensiblement différent de celui que nous attendions.

Je m’en tiens à cela et je n’ai aucune raison de regretter quoi que ce soit. Il n’y a pas, d’un côté, les responsables et, de l’autre, les irresponsables ! Nous avons réussi à faire ce que nous voulions faire, mais il est vrai que nous n’avons pas disposé des outils qui nous auraient été nécessaires. Je remercie donc le Gouvernement et ses services d’avoir fait les calculs.

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote sur l'amendement n° I-212 rectifié.

M. François Marc. Nous allons voter cet amendement, mais je voudrais revenir sur la discussion qui vient d’avoir lieu, car je ne peux pas me dispenser d’apporter certaines précisions que je crois utiles sur une question qui a effectivement donné lieu à de nombreux débats et que vient de rappeler le président de la commission des finances : la comparaison de l’impôt sur les sociétés des PME et celui des grandes entreprises. Madame la ministre, vous y avez également fait allusion.

Plusieurs amendements avaient trait à l’impôt sur les sociétés. Le principal a été présenté par le groupe socialiste et était fondé sur une proposition de loi que nous avions déposée au printemps, qui a été débattue, puis rejetée, et qui s’appuyait sur un constat objectif fait, notamment, par le Conseil des prélèvements obligatoires : les taux de fiscalité sont tout à fait insupportables pour certaines entreprises, mais pas pour d’autres.

Ainsi, aujourd’hui, le taux de l’impôt sur les sociétés est de 8 % pour les sociétés du CAC 40,...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est une présentation très tendancieuse !

M. François Marc. ... mais de 22 % pour la moyenne des autres entreprises !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est très tendancieux !

M. François Marc. Je sais que certains n’aiment pas que l’on mette en avant ces chiffres. Pourtant, quand, dans nos départements, nous rencontrons, les uns et les autres, des chefs d’entreprise, il n’est pas rare que nous les entendions nous rappeler cette réalité !

Selon eux, leurs entreprises sont maltraitées sur le plan fiscal comparativement à d’autres sociétés,...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Quand on les rencontre, ils se plaignent toujours ! Tout le monde se plaint, d’ailleurs !

M. François Marc. Je constate que le fait que nous mettions le doigt sur cette réalité gêne M. le président de la commission des finances… Il reste que c’est une réalité très douloureuse pour beaucoup de nos PME, car celles-ci paient beaucoup plus d’impôt sur les sociétés que les autres, et ce n’est pas normal !

Avec l’amendement n° I-119 rectifié, nous avons souhaité apporter un peu plus de justice fiscale en proposant un taux plancher, car, selon nous, il n’est pas normal que des sociétés bénéficient exagérément de niches fiscales et parviennent ainsi à diviser par trois, voire par quatre le taux normal d’imposition. Je vous rappelle que celui-ci est à 33,33 %, mais que certaines entreprises ne paient rien au titre de l’impôt sur les sociétés et que celles du CAC 40 ne paient en moyenne que 8 % !

C’est ce qui nous a amenés à proposer d’instaurer un taux plancher. Après tout, il faut que tout le monde soit appelé à la citoyenneté fiscale, et cela vaut aussi pour les entreprises. Nous avons considéré que ce taux plancher permettrait de limiter l’influence de ces niches fiscales tout à fait préjudiciables à notre fiscalité nationale.

Madame la ministre, nous avons le chiffrage d’une telle mesure : 1,317 milliard d’euros. Voilà ce que rapporte cet amendement. Non seulement c’est loin d’être négligeable dans le contexte actuel, mais c’est un facteur de plus grande justice fiscale et d’équité entre les entreprises.

Ce chiffrage, qui est tout à fait pertinent, apporte la preuve que la mesure en cause n’entraîne aucune surcharge exceptionnelle pour les entreprises, tout en dégageant des ressources que nous pourrions utiliser pour aider les PME à poursuivre un certain nombre de programmes. Les entreprises qui continuent, malgré les difficultés, à prendre des initiatives contribuent au développement de nos territoires : il est donc de notre devoir de les soutenir.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Marc, les entreprises du CAC 40 ne paient certes que 8 %, en moyenne, d’impôt sur les sociétés, mais ce sont des entreprises fortement implantées à l’étranger. Or la règle fiscale veut qu’on se soit imposé en France que sur les bénéfices réalisés en France. Il se trouve qu’un grand nombre de ces sociétés ne font aucun bénéfice en France ou en font peu. C’est à l’étranger qu’elles réalisent l’essentiel de leurs bénéfices, et je m’en félicite, car je suis heureuse que des entreprises françaises parviennent à conquérir des parts de marchés à l’étranger et à offrir en France...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Où elles ont leur centre de décision.

Mme Valérie Pécresse, ministre. ... des emplois financés par des bénéfices faits à l’étranger. Je ne peux pas leur demander de payer un impôt sur des bénéfices qu’elles ne font pas en France !

Prendre le cas de quarante entreprises et dire que l’on peut en tirer une généralité sur la fiscalité des entreprises en France, ce n’est pas raisonner de manière juste ! (M. François Marc proteste.)

Certes, monsieur Marc, il n’y a pas que du faux dans ce que vous dites. (M. François Marc s’exclame.) En matière d’impôt sur les sociétés, les grands groupes sont moins « fiscalisés » que les PME, mais ils sont plus endettés et bénéficient de cette possibilité de déductibilité des intérêts d’emprunts que vous avez voulu leur retirer. Toutefois, il s’agit d’une loi fiscale qui existe depuis très longtemps, et l’État assume d’avoir voulu aider les entreprises à se développer et à financer ce développement, y compris par l’emprunt.

J’ajoute qu’il n’est pas juste de peser la fiscalité des entreprises à la seule aune de l’impôt sur les sociétés. Nous avons eu ce débat avec Mme Bricq les jours précédents : selon Mme la rapporteure générale, le taux d’imposition sur les bénéfices en Allemagne serait de 29 % ; moi, je dis qu’il n’est en réalité que de 15 % parce que l’assiette de cette imposition diffère en ce qu’elle regroupe la fiscalité locale et ce qui correspond à notre impôt sur les sociétés.

En France, c’est l’ex-taxe professionnelle qui constituait l’impôt le plus lourd pesant sur les entreprises. Mais celui-là, vous n’en parlez pas !

M. Martial Bourquin. On va en parler !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Pourtant, il frappait au premier chef les PME, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous l’avons supprimé. Nous avons également abrogé l’imposition forfaitaire annuelle, l’IFA, pour les très petites entreprises et les PME, en ne la conservant que pour les grands groupes.

Depuis cinq ans, nous avons donc engagé un travail de rééquilibrage de la fiscalité entre TPE, PME et grands groupes. Jamais aucun gouvernement n’aura fait autant de réformes pour rééquilibrer cette fiscalité. Je vous rappelle à cet égard que François Mitterrand traitait la taxe professionnelle d’« impôt imbécile ». Eh bien, ceux qui l’ont réformée sont devant vous, monsieur Marc ! (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote sur l’amendement n° I-212 rectifié.

M. Éric Bocquet. Cet article, qui récapitule les recettes fiscales de l’État, présente cette année une caractéristique particulière.

Le Gouvernement propose d’intégrer dans les prévisions de recettes fiscales les effets d’une révision à la baisse des perspectives de croissance, qui passent de 1,75 % dans le texte initial à 1 %, notamment dans la perspective du projet de loi de finances rectificative. Faute de collectif budgétaire dès le mois de janvier, il est procédé, grâce à cet amendement, à une minoration des recettes pour environ 5 milliards d’euros, ce qui conduit naturellement à la dégradation du solde global.

Mais le Gouvernement commet là deux erreurs.

La moindre est de ne pas intégrer les recettes fiscales nouvelles que les votes du Sénat, au fil de la discussion que nous menons depuis vendredi après-midi sur les articles de la première partie du projet de loi de finances, ont permis d’inscrire et qui doivent, tout de même, avoir quelque pertinence et quelque portée sur le niveau des recettes de l’État, notamment pour ce qui concerne l’impôt sur le revenu, l’impôt de solidarité sur la fortune ou l’efficacité renforcée de l’impôt sur les sociétés.

Devons-nous croire que la volonté du Gouvernement est de masquer, aux yeux de l’opinion, pour peu qu’elle s’intéresse aux débats budgétaires – mais c’est le cas –, la réalité des initiatives de la majorité sénatoriale actuelle, et notamment le fait que nous ayons montré, ou tout au moins esquissé l’idée que l’on pouvait faire d’autres choix, y compris dans le contexte difficile où nous sommes.

L’autre aspect révélé finalement par cet amendement du Gouvernement, c’est que les politiques menées depuis 2007 n’ont pas inscrit durablement la trajectoire de nos finances publiques sur la pente de leur amélioration.

Plus le temps passe et plus la situation s’aggrave en France et en Europe. En tout cas, après la surchauffe financière de 2008, l’embellie n’aura pas duré longtemps et rien, dans les logiques politiques mises en œuvre depuis lors, n’a inscrit la France dans le processus de croissance qui aurait conduit à l’amélioration de la situation des comptes publics.

De notre point de vue, telle n’était d’ailleurs pas l’intention ni la feuille de route du Gouvernement. La mission assignée était de réduire encore et toujours la fiscalité des ménages les plus aisés et des grands groupes, en faisant porter l’effort sur les autres, c’est-à-dire les familles populaires et les petites et moyennes entreprises. Pour l’intérêt même de notre pays, il est temps qu’il en soit autrement ! À l'évidence, nous ne pouvons voter pour cet amendement.