M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je reconnais, madame Bricq, que la mission des parlementaires n’est pas chose facile. Comment tenir un discours en faveur de l’emploi, visant à prévenir les délocalisations et à réduire les impôts de production, qui sont des activateurs de transfert d’activités et d’emplois hors du territoire national et, simultanément, répondre aux attentes des maires, des présidents de communautés de communes, des acteurs des collectivités territoriales ?

Vous nous proposez, madame Bricq, de revenir sur la cotisation économique territoriale. Nous avons eu à ce sujet un long et difficile débat. Je pense qu’il serait imprudent d’augmenter la charge des entreprises, car elle pèse directement sur la production. Nous prendrions ainsi le risque de contrarier notre ambition de prendre part à la réindustrialisation de notre pays. De grâce, cessons les propos incantatoires sur la consommation et convenons de la nécessité de produire plus, tout au moins à hauteur de ce que nous consommons.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce n’est pas le moment de débattre de ce sujet. Nous en parlerons pendant le projet de loi de finances initiale.

J’émets donc également un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 37 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Chevènement et de Montesquiou, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 1647 D du code général des impôts est complété par un III ainsi rédigé :

« III. - Le montant de la cotisation prévue au I pour 2012 est déterminé par les collectivités locales ou leurs établissements au plus tard le 31 décembre 2011. »

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Si vous le voulez bien, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 38 rectifié.

M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue.

J’appelle donc en discussion l'amendement n° 38 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Chevènement et de Montesquiou, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, et qui est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Pour 2012, l’établissement du montant de la taxe sur les surfaces commerciales, visée par l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, est déterminé par les collectivités locales ou leurs établissements au plus tard le 31 décembre 2011.

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Jacques Mézard. Ces deux amendements ont vocation à être retirés après que Mme la ministre aura pu nous donner des explications.

Il s’agit d’un problème qui touche toutes les collectivités territoriales et qui appelle une réponse avant le 1er octobre prochain.

Les services de l’État ont adressé le 6 août dernier à toutes les collectivités une circulaire ministérielle en date du 3 août 2011 qui précise – en plusieurs dizaines de pages, d’ailleurs – les différentes délibérations pouvant être prises par les communes et intercommunalités en matière de fiscalité directe locale pour une application aux budgets de 2012.

Or j’attire l’attention de la Haute assemblée sur le fait que deux au moins de ces dispositifs sont nouveaux et demandent, pour leur application, que les collectivités prennent des délibérations fiscales avant le 1er octobre 2011 pour pouvoir les mettre en œuvre en 2012.

Le premier de ces dispositifs est relatif à la fixation de la cotisation minimum de cotisation foncière des entreprises. Le second est relatif à la modulation du tarif de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM.

Or pour que les exécutifs – conseils communaux ou communautaires – puissent faire un choix éclairé, il est essentiel qu’ils aient connaissance des bases fiscales de la contribution foncière des entreprises, la CFE, et surtout de leur répartition selon le chiffre d’affaires des contribuables, puisque celle-ci a été modifiée. En outre, il est primordial que les exécutifs disposent des éléments nécessaires à la fixation de la TASCOM, puisqu’il est possible de moduler celle-ci entre 0,95 et 1,05.

Or, manifestement, l’ensemble de ces éléments ne peut pas être fourni à ce jour par les directions départementales des finances publiques.

Ma question, madame la ministre, est assez simple. Elle est d’ailleurs l’objet de la proposition formulée dans ces deux amendements : sera-t-il possible de repousser l’échéance du 1er octobre 2011 au 31 décembre 2011 afin de permettre aux collectivités de prendre ces délibérations en toute connaissance de cause ? En effet, il me semble qu’une grande partie d’entre elles n’en prendront pas, faute de disposer des éléments nécessaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement, dont les réponses permettront peut-être à M. Mézard de retirer ses amendements.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je ne peux pas, pour l’instant, vous donner une réponse qui vous satisfera, monsieur Mézard.

En effet, l’échéance du 1er octobre 2011 est nécessaire pour permettre la notification aux collectivités territoriales des informations qui leur permettront, au début de 2012, de fixer leur taux d’imposition.

Le calendrier est en réalité extrêmement contraint, non seulement du côté des collectivités, mais aussi pour les administrations fiscales.

D’ici au dépôt du projet de loi de finances initial, dans quelques semaines, j’examinerai ce qui peut être fait en la matière et vérifierai si des collectivités locales pâtissent effectivement d’un défaut d’information les empêchant de prendre ces délibérations avant le 1er octobre prochain. Et si tel est le cas, nous corrigerons ce point dans le projet de loi de finances pour 2012, dès qu’il sera déposé.

Je vous demande donc, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer vos amendements.

M. le président. Quel est, à présent, l’avis de la commission ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Même avis.

M. le président. Monsieur Mézard, les amendements nos 37 rectifié et 38 rectifié sont-ils maintenus ?

M. Jacques Mézard. Madame la ministre, nous sommes au début du mois de septembre ! Il y a un problème réel. Tout abord, que cette excellente circulaire de plusieurs dizaines de pages n’a pas été tout à fait assimilée, me semble-t-il, par les 36 000 communes et intercommunalités… Ensuite, ces dernières ne disposent pas des éléments techniques nécessaires pour prendre ces délibérations.

Vous me direz qu’elles pourront bien repousser d’un an la prise de ces délibérations. Mais ce serait tout à fait dommageable pour le fonctionnement de ces collectivités.

Je le répète, le problème est réel ! J’ai interrogé une direction départementale des finances publiques, et celle-ci était dans l’impossibilité de fournir les éléments demandés.

Si l’on veut que les délibérations puissent être prises de manière à être applicables pour les budgets primitifs pour 2012, il faut vraiment repousser l’échéance au 31 décembre.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur le sénateur, vous pouvez compter sur moi : en sortant de cet hémicycle, je m’enquerrai de la situation.

M. Jean Desessard. Moi aussi je vais m’enquérir de la situation en sortant de l’hémicycle ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Valérie Pécresse, ministre. Toutefois, en l’état actuel des choses, le Gouvernement ne peut que demander le retrait de ces amendements.

M. le président. Monsieur Mézard, maintenez-vous donc vos amendements ?

M. Jacques Mézard. Non, je les retire, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 37 rectifié et 38 rectifié sont retirés.

Articles additionnels après l'article 2
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2011
Article 4

Article 3

I. – L’article 1001 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa du 2° bis est supprimé ;

2° Au second alinéa du 2° bis, le taux : « 3,5 % » est remplacé par le taux : « 7 % » ;

3° Au dernier alinéa, les mots : « À compter des impositions établies au titre de l’année 2011, » et les mots : « second alinéa du » sont supprimés et les mots : « à la Caisse nationale des allocations familiales » sont remplacés par les mots : «, par parts égales, à la Caisse nationale des allocations familiales et à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés ».

bis (nouveau). – Au 5° de l’article L. 241-6 du code de la sécurité sociale, les mots : « second alinéa du » sont supprimés. 

II. – Le I s’applique aux primes ou cotisations échues à compter du 1er octobre 2011.

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, je traiterai plus loin du contenu de l’article 3, qui tend à porter de 3,5 à 7 % la taxe spéciale sur les contrats de complémentaires santé « solidaires et responsables », à l’appui de l’amendement de suppression que je défendrai au nom du groupe socialiste.

Toutefois, permettez-moi de vous rappeler dès maintenant, mes chers collègues, qu’en novembre dernier – il y a donc peu de temps – nous avons déjà joué l’acte I de cette pièce en votant la suppression de l’exonération de la taxe spéciale sur les conventions d’assurances, ou TSCA, sur ces mêmes contrats, pour la porter à 3,5 %.

Je vous rappelle surtout que quatre amendements identiques de suppression avaient alors présentés, qui émanaient de toutes les travées de cet hémicycle. Un amendement, notamment, avait été signé par seize membres de l’UMP. Ces dispositions avaient d’ailleurs été rejetées d’extrême justesse. Vous conviendrez que cela méritait d’être rappelé ! J’imagine que les élus qui avaient signé ces amendements en novembre dernier approuveront aujourd’hui l’amendement de suppression que nous défendrons, ou bien expliqueront pourquoi leurs positions ont évolué en si peu de temps.

Je voudrais pour ma part, pour l’instant, vous rendre attentifs à la portée de cet article parce que, d’une part, il n’a pas à l’évidence sa place dans ce collectif budgétaire, et, d’autre part, il pose de manière de plus en plus pressante, à coups de transferts de charges vers les organismes complémentaires, la question du financement de notre système de protection sociale. Comment ne pas dire un mot – je l’ai déjà fait tout à l’heure – de l’abandon par le Gouvernement de tout projet de réforme de la perte d’autonomie, celui-ci rejoignant ainsi aux oubliettes le projet de santé publique, entre autres ?

Si le Parlement siège aujourd’hui en session extraordinaire pour avaliser l’accord de Bruxelles du 21 juillet dernier, c’est parce que le Président de la République a voulu aller plus vite que tous nos partenaires européens et faire en sorte que la France soit la première à se prononcer. Soit !

Toutefois, décider brusquement d’ajouter à ce collectif, sous couvert de la même précipitation – vous parlez pudiquement, madame la ministre, « d’hyperréactivité » –, l’examen d’une partie des mesures d’un nouveau plan de rigueur arrêté dans l’urgence, presque au pied levé et il y a seulement quelques jours, constitue certainement une faute.

L’examen anticipé des mesures de ce plan parasite évidemment le message rassurant que veut porter l’accord de Bruxelles aux marchés et que le Gouvernement adressait également à nos concitoyens. Cet article 3, qu’on le veuille ou non, ouvre donc un débat sur la santé des Françaises et des Français dans le cadre du plan européen de sauvetage de la Grèce. Ajoutez qu’à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale, le Gouvernement a fait savoir qu’il souhaitait un vote conforme du Sénat. On comprend donc aisément que cet article 3 est totalement hors sujet dans ce collectif.

Madame la ministre, votre message initial est d’autant plus brouillé que les mesures proposées pour réduire nos déficits présentent tous les symptômes de la fébrilité : l’impréparation, l’improvisation, l’imprévision. Au concours Lépine de l’impôt nouveau, comme on pourrait appeler cette démarche si la question n’était pas aussi sérieuse, le Gouvernement ne manque pas d’idées : taxation des parcs à thème – celle-ci a disparu –, taxation des jardins botaniques, taxation des plus-values immobilières – celle-ci a évolué –, taxation des nuitées d’hôtels quatre étoiles – devenue taxation des nuitées à 200 euros et plus – et taxation des complémentaires santé – celle-ci n’a pas été modifiée depuis le début de l’examen de cette loi. Et pourquoi pas une taxe sur les ratons laveurs ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Nous sommes frappés par l’absence de cohérence économique de ce plan, qui a pris le pas dans les médias sur la question grecque et européenne.

Vous vantiez, madame la ministre, cette hyperréactivité que j’évoquais tout à l’heure. Permettez-moi de constater, pour ma part, une absence de vision de ce qui est souhaitable pour la société française, et pas seulement pour une minorité de privilégiés, et de soupçonner une incapacité d’appréhender et de concevoir dans le long terme.

Je n’oublie pas, en effet, que le Sénat a clos sa dernière session extraordinaire en juillet sur deux textes « sociaux » – et cet article en constitue un autre – : la proposition de loi de notre collègue Paul Blanc sur les maisons départementales des personnes handicapées et celle qui a été obligeamment portée par notre autre collègue Jean-Pierre Fourcade et qui visait diverses modifications de la loi HPST.

Le premier de ces textes a institué une dérogation à l’exigence d’accessibilité des bâtiments neufs, pourtant ardemment soutenue par Mme Bachelot-Narquin. Le second contenait nombre de dispositions dont nous avons défendu en séance – en vain ! – la suppression. Or le Conseil constitutionnel, sur ces deux textes, est venu confirmer en tout point la justesse de nos arguments en invalidant au total plus de trente articles.

C’est du jamais vu ! Jamais en effet la santé des Françaises et des Français n’a été à ce point l’objet d’une politique aussi parcellaire, menée par des technocrates et des comptables. Car n’est-ce pas pour des raisons comptables que le Gouvernement abandonne brusquement toute ambition de réformer la perte d’autonomie ?

Ces raisons tenant au manque de cohérence politique suffiraient en elles-mêmes à justifier la suppression de cet article 3. Chers collègues de la majorité, je sais que nombre d’entre vous sont, comme nous, d’ores et déjà convaincus des conséquences néfastes de cette disposition sur le pouvoir d’achat des ménages, mais aussi, et surtout, sur la santé de nos concitoyens. Nous avons ici le pouvoir, ensemble, d’empêcher cela. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, sur l'article.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet article est emblématique – hélas ! – de l’ensemble des dispositions qui ont été adoptées, sous la pression du Gouvernement.

Une telle mesure est terriblement représentative de la démarche choisie par le Gouvernement, faite de cynisme implacable et de détermination sans faille.

J’essayerai de montrer que cette mesure est absurde en matière d’économie de la santé, et je partirai pour cela d’un constat relativement simple : en quatre ans, les taxes sur les assurances complémentaires santé sont passées de treize euros à soixante-seize euros !

Certes, Mme la ministre nous expliquera sans doute que les complémentaires pourraient relever d’un autre domaine d’activité et que le Gouvernement fait en sorte de répondre aux besoins particuliers des assurés sociaux dont les ressources se situent au-delà du seuil de la CMU, mais en deçà du niveau nécessaire pour pouvoir souscrire à ce type d’assurances.

Toutefois, aujourd'hui, et tous ceux qui tiennent des permanences dans leur terre d’élection peuvent le constater, nombre d’assurés sociaux ne disposent pas d’une assurance complémentaire pour des raisons économiques.

M. Jean-Jacques Mirassou. En clair, au cours des dernières années, ce sont environ 30 % de nos concitoyens qui n’ont pas pu avoir accès au système de santé !

Et cela pose de véritables problèmes en termes d’économie de la santé. Ayant prodigué des soins pendant plus de vingt ans dans le quartier toulousain du Mirail, je suis bien placé pour le savoir : une pathologie primaire qui n’a pas pu être soignée faute de moyens risque fort de déboucher sur une pathologie secondaire qu’il faudra obligatoirement traiter, mais avec un coût nettement plus élevé pour la sécurité sociale ! Même sur le plan économique, le Gouvernement fait fausse route.

Et la comparaison entre le produit attendu d’une telle mesure – 1 milliard d’euros – et celui, bien dérisoire, de votre taxe sur les hauts revenus – 200 millions d’euros – montre clairement que vous avez choisi votre camp, madame la ministre. Vous privilégiez les plus riches, qui ont d’ailleurs les moyens de souscrire à une assurance complémentaire, au détriment des foyers les plus modestes, qui, souvent, ne peuvent pas se faire soigner !

Par conséquent, nous vous demandons la suppression de cet article. Et si vous n’y consentez pas, comptez sur nous pour dénoncer avec force votre politique auprès de nos concitoyens !

Je rappelle pour finir qu’une telle disposition s’ajoute à des déremboursements de médicaments et à des augmentations successives du forfait hospitalier, autant de mesures qui interdisent à un certain nombre de foyers, souvent les plus modestes, d’accéder aux soins dans la cinquième puissance économique mondiale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l’article.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, avec l’article 3, nous abordons la mesure la plus injuste et la plus irresponsable du présent projet de loi de finances rectificative.

Certes, le Gouvernement s’apprête à réaliser par ce biais un gain de plus d’un milliard d’euros en année pleine, ce qui représente une somme non négligeable.

Néanmoins, faut-il rappeler que les mutuelles couvrent environ 50 % des remboursements des soins de ville ? Pour les Franciliens, qui sont soumis à de nombreux dépassements d’honoraires et à des dépenses plus élevées, elles constituent un appoint essentiel qui contribue à la bonne marche du système de santé.

Les mutuelles ne sont pas un simple acteur de notre santé ; pour le Gouvernement, elles doivent être un partenaire avec lequel on négocie, on discute et que l’on écoute. Depuis ces dernières années, vous avez davantage tendance à en faire les bouche-trous de vos inconséquences. Vous les appelez à la rescousse quand il faut compenser les déremboursements de la sécurité sociale, et vous les taxez quand il faut combler les déficits ! Faut-il que ce soient toujours les mêmes, c'est-à-dire les souscripteurs, qui assument les conséquences de vos erreurs de gestion ?

Que nous disent les mutuelles ? Elles font remarquer qu’elles sont appelées à rembourser de plus en plus fortement un nombre croissant de produits et d’actes médicaux. En d’autres termes, une mutuelle est nécessaire.

Par ailleurs, les mutuelles constatent que le Gouvernement rend leur coût de plus en plus élevé depuis maintenant trois ans. En clair, nos concitoyens ont besoin de mutuelles, mais celles-ci sont de plus en plus chères ! Il faut bien répercuter les coûts supplémentaires sur les souscripteurs…

Par conséquent, comme l’a très justement souligné mon collègue Jean-Jacques Mirassou, il s’agit bien d’une politique dangereuse, qui renchérit le coût de la santé et risque d’amener un certain nombre de personnes à renoncer à prendre une mutuelle, donc à se soigner correctement. On va fragiliser les couches populaires qui ne peuvent prétendre à la CMU mais qui ne sont plus assez riches pour s’offrir une mutuelle.

À la lecture de cet article 3, c’est un profond sentiment d’injustice qui domine. Vous avez cherché à frapper les personnes les plus démunies tout en les culpabilisant au nom de la lutte contre la dette. Ce n’est pas acceptable !

Nous avons bien évidemment une autre conception de la gestion saine : tout d’abord, nous supprimerons toutes les niches que vous avez créées depuis votre arrivée au pouvoir et qui grèvent aujourd’hui sans résultat les finances publiques. Elles ont pour nom « bouclier fiscal », « réforme de l’ISF », « TVA sur la restauration », et j’en passe.

Nous refusons cette fuite en avant, cette austérité injuste qui ne dit pas son nom. Nous voterons donc contre cet article. En effet, après le report du plan sur la dépendance, c’est encore un mauvais coup qui est porté à l’égal accès aux soins de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l’article.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, que penser d’un tel doublement de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance pour les contrats santé solidaires et responsables ?

Le Premier ministre a évoqué une taxe sur les entreprises. Quelle hypocrisie ! Nous savons parfaitement que ce sont les ménages qui la supporteront.

Un an après avoir assujetti ces contrats à une taxe de 3,5 %, vous voulez la doubler ! Par rapport à 2008, le montant des taxes sur les complémentaires de santé sera multiplié par vingt, passant de 277 millions d’euros à 3,5 milliards d’euros en 2012, ce qui fera donc peser sur les adhérents à une complémentaire santé un coût supplémentaire de 1,1 milliard d’euros.

Comme cela a été dit, les conséquences en termes de santé publique seront lourdes. En effet, cette mesure va restreindre l’accès aux soins : à force de déremboursements des médicaments par la sécurité sociale et d’augmentations du prix des consultations, les complémentaires financent aujourd’hui 50 % des soins de premier recours.

Comble du cynisme et de l’injustice sociale, nos concitoyens seront tous logés à la même enseigne, car cette augmentation n’aura rien de progressif et touchera autant les moins favorisés que les franges les plus aisées de la population ! Pour ces dernières, ce sera une incitation de plus à se tourner vers le secteur privé lucratif, qui gagnera encore en compétitivité face au secteur solidaire et responsable. Un an après la réforme des retraites, c’est encore Malakoff Médéric qui va se réjouir !

M. Jean Desessard. Madame la ministre, pourquoi taxer les mutuelles sociales et solidaires à hauteur de 1,1 milliard d’euro quand la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune du printemps dernier en a coûté autant ? Votre approche de la solidarité est bien étonnante ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet article 3 a pour objet de doubler la taxe spéciale sur les activités d’assurance qui pèse sur les contrats solidaires et responsables, et de la porter de 3,5 % à 7 %.

Une telle décision, qui a été prise sans aucune concertation avec le monde mutualiste, nous inquiète à plus d’un titre, tout comme elle soucie gravement les responsables de la Mutualité française d’Île-de-France, que j’ai rencontrés ce matin et qui assistent ce soir, dans les tribunes, à nos travaux.

Madame la ministre, votre décision témoigne tout d’abord d’une conception de la protection sociale et de la santé que nous rejetons, dans laquelle les interlocuteurs que sont les mutuelles, mais également les partenaires sociaux, sont totalement exclus ou réduits au rang d’expédients.

Si vous êtes attentifs aux préconisations du MEDEF, qui ne cesse de vous demander de réduire le champ de la protection sociale et vous incite à imposer la TVA sociale contre le financement solidaire de la sécurité sociale, vous ignorez totalement les autres acteurs de notre système social.

Résultat – ce projet de loi de finances rectificative en est la preuve –, vous ne gouvernez que par à-coups, empilant des mesures qui ne seront pas sources de solutions durables et ne seront pas justes socialement.

Pourtant, madame la ministre, parce que les mutuelles participent activement à la qualité de notre système de santé, parce qu’elles jouent un rôle particulier dans le parcours de soins, avec leurs services et leurs centres de santé, parce qu’elles sont investies dans la prévention et devront jouer demain un rôle important dans la prise en charge de la perte d’autonomie, vous ne pouvez pas les considérer comme de simples auxiliaires.

Et ce d’autant plus que, dans le même temps, alors que les restes à charge supportés par nos concitoyens explosent – il faut bien le dire –, la part des remboursements effectués par les mutuelles augmente, notamment du fait d’un transfert de financement des missions jusqu’alors assumées par le régime obligatoire en direction de notre système de santé.

Madame la ministre, je ne l’oublie pas, c’est dans les mêmes conditions que vous aviez décidé de taxer ces contrats responsables en 2010. C’était une décision injustifiée sachant que le régime fiscal de ces contrats mutualistes reposait sur un accord clair : une fiscalité dérogatoire en échange de contrats permettant à l’assurance maladie, c'est-à-dire à la sécurité sociale, de réaliser d’importantes économies.

Voilà deux ans, votre majorité a décidé, sans concertation déjà, de taxer les mutuelles complémentaires, afin de financer le fonds destiné à la CMU complémentaire, ou CMU-C. Cette décision aurait été louable si elle n’avait pas entrainé un désengagement financier de la part de l’État, dans la mesure où ce fonds n’est désormais quasiment plus abondé que par cette taxe.

Or ces deux mesures, la taxation à destination du Fonds de financement de la CMU-C et la taxation des contrats responsables à 3,5 %, s’étaient en quelque sorte télescopées, au point que la seconde a considérablement nui à la première. Car en décidant de taxer à 3,5 % les contrats responsables, vous avez mécaniquement réduit de 5,9 % l’assiette de taxe destinée à financer la CMU-C.

Comme l’a clairement résumé Jean-François Chadelat, inspecteur général des affaires sociales et directeur du Fonds de financement de la CMU-C : « C’est une perte d’assiette de 1,1 milliard d’euros, et donc une perte de ressources pour le fonds de plus de 60 millions d’euros. »

Madame la ministre, les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous voudrions savoir comment vous entendez compenser les conséquences pour la CMU-C résultant de l’adoption, malheureusement probable, de cet article 3.

Mes chers collègues, tout cela n’est pas anecdotique. Voilà qui témoigne d’une conception politique d’ensemble de notre système de santé et de protection sociale, dans laquelle le Gouvernement décide seul et les partenaires subissent, une conception contraire à l’esprit de notre pacte social, qui est fondé sur la concertation ! Et si vous vous obstinez à refuser cette dernière, c’est parce que, au fond, vous avez peur de la confrontation.

Vous ne le savez que trop, le mouvement mutualiste, qui représente ses adhérents, c’est-à-dire nos concitoyens, ne peut que rejeter une disposition dont la double spécificité est d’être insuffisante et injuste. Lors de l’examen du texte relatif à la gestion de la dette sociale, nous avions souligné que la création d’une taxe de 3,5 % sur les contrats responsables ne serait pas de nature à résorber cette dette. Les faits nous donnent malheureusement raison.

Avec cet article 3, l’austérité prend encore plus forme. Une telle mesure incarne l’idée même que vous vous faites de la justice : ponctionner les ménages de 2,2 milliards d’euros et les plus riches de 200 millions seulement !

Je le dis solennellement, c’est une décision lourde de conséquences, qui fait courir le risque d’une démutualisation et d’un nouvel accroissement des inégalités sociales.

C'est la raison pour laquelle mon groupe votera contre cet article.