M. Ronan Kerdraon. Très bien !

Mme Annie David. La stratégie de Lisbonne spécifie pourtant bien que tout doit être fait pour favoriser le travail des femmes !

En conclusion, je soulignerai, pour faire écho au récent débat sur les retraites, que si un taux de natalité élevé constitue bien sûr l’un des éléments clés pour préserver notre modèle par répartition, d’autres paramètres interviennent. Il convient également de revoir la place de la femme dans le monde du travail et de permettre qu’elle accède à un emploi stable, à temps plein si elle le souhaite, et dont la rémunération soit à la hauteur de celle qui est versée à un homme occupant le même poste. C’est ainsi que l’on combattra les inégalités en matière de pensions de retraite. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans le droit fil des initiatives récentes de l’Union européenne visant à garantir les droits des femmes et à améliorer leur situation.

En effet, en 2008, en vue de permettre une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale, la Commission européenne avait proposé de modifier la directive 92/85/CEE, afin de porter la durée minimale du congé de maternité à dix-huit semaines et de rendre obligatoire un arrêt d’au moins six semaines après l’accouchement.

Cette proposition comportait d’autres avancées importantes. Ainsi, elle prévoyait l’interdiction du licenciement des femmes enceintes, le droit pour elles à bénéficier de l’ensemble des avantages accordés à leurs collègues pendant leur absence ou la possibilité de demander une modification des horaires et rythmes de travail à leur retour. Enfin, la Commission européenne posait le principe du maintien intégral du salaire pendant le congé de maternité.

En octobre 2010, le Parlement européen est allé encore plus loin, en se prononçant en faveur d’un congé de maternité de vingt semaines au minimum rémunéré à hauteur de 100 % du salaire, conformément aux recommandations de l’Organisation internationale du travail.

Il s’agit aujourd’hui d’allonger la durée du congé de maternité en France, qui, actuellement fixée à seize semaines, se situe dans la moyenne basse de l’Union européenne. Rappelons qu’elle est par exemple de vingt-six semaines en Italie et de vingt-huit semaines au Danemark. Cette proposition de loi vise donc à adapter notre législation à l’évolution du droit européen, en faisant passer la durée du congé de maternité de seize à vingt semaines.

Une telle mesure répond à une attente des femmes, qui aimeraient rester plus longtemps auprès de leur bébé. Il s’agit également d’une question de santé publique : en période prénatale, le congé de maternité est une nécessité, en raison des incidences sur la santé non seulement du travail, mais aussi des trajets en voiture ou en transport en commun pour se rendre sur le lieu de travail ; en période postnatale, les mères sont fatiguées, surtout si elles ont subi une césarienne, et l’accouchement nécessite une période de récupération suffisamment longue.

Le rejet du principe de cette mesure, au motif qu’elle créerait de nouvelles dépenses publiques et des charges supplémentaires pour les entreprises, est, selon nous, inacceptable. La maternité ne peut pas être considérée comme un fardeau pesant sur les systèmes de sécurité sociale, alors qu’il s’agit de la santé des femmes, du renouvellement des générations, d’un investissement pour l’avenir.

L’argument entendu en commission des affaires sociales selon lequel les femmes deviendraient plus difficilement employables est tout aussi irrecevable. Une enquête de 2006 sur l’allongement du congé de maternité en France prouve que, en pratique, la majorité des femmes ont recours aux congés pour grossesse pathologique, aux congés payés ou à un congé sans solde pour prolonger le congé de maternité : seulement 12 % d’entre elles ne s’arrêtent que seize semaines. Cela confirme que les mères ont réellement besoin d’un congé plus long et que les coûts de ces arrêts de travail supplémentaires pour les entreprises, l’État et les familles existent déjà. Finissons-en avec l’hypocrisie !

En outre, la mise en œuvre des dispositions de cette proposition de loi obligera l’employeur à évoquer l’adaptation des conditions et horaires de travail avec l’intéressée à son retour de congé de maternité. Est aussi prévu le maintien intégral du salaire, qui dépend aujourd’hui du contenu des conventions collectives, aucune obligation légale n’existant en la matière.

La situation des femmes qui exercent des professions non salariées – chefs d’entreprise, artisans, conjoints collaborateurs – est également prise en compte. Afin de leur permettre de mener à bien leur maternité, la proposition de loi prévoit pour elles le bénéfice d’un congé rémunéré tenant compte de leur nécessaire remplacement au sein de l’entreprise. C’est une question de justice envers ces femmes, qui doivent pouvoir vivre pleinement cette période, sans éprouver de culpabilité.

Enfin, cette proposition de loi aborde un point essentiel, la présence du père à la naissance de l’enfant. La création du congé de paternité en 2001 par Ségolène Royal, alors ministre déléguée à la famille et à l’enfance, a constitué un pas décisif en la matière. Le bénéfice de ce congé permet le développement du sentiment de paternité et l’implication du père dans le partage des tâches. En effet, nous le savons, l’absence de partage des responsabilités familiales et du travail domestique handicape les femmes et engendre des inégalités sur le marché du travail.

Malheureusement, seulement deux tiers des pères prennent un congé de paternité. On peut voir dans cet état de choses la persistance de stéréotypes dans la définition des rôles parentaux. La proposition de loi vise donc à mieux impliquer le père par l’instauration d’un congé de paternité de quatorze jours consécutifs, rebaptisé « congé d’accueil de l’enfant ». Pour en bénéficier, la personne concernée devra vivre maritalement avec la mère, quel que soit son statut juridique : mari, partenaire de PACS ou concubin.

Ce texte contribue à l’évolution de notre législation pour l’adapter aux réalités actuelles des familles. C’est un premier pas, dans l’attente d’une politique plus globale et plus volontariste en matière de congé parental d’éducation, lequel est pour l’heure très peu demandé par les hommes, en raison de la baisse de rémunération qu’il implique. Aujourd’hui, le père n’est plus seulement le symbole de l’autorité au sein de la famille, il participe désormais, au même titre que la mère, à la prise en charge de tous les aspects du quotidien. Beaucoup de ceux que l’on qualifie de « nouveaux pères » s’investissent, dès les premiers jours, dans les soins apportés aux enfants ; il faut les encourager à aller plus loin.

La France pourrait proposer à tous les couples un dispositif s’inspirant du modèle suédois, où le congé parental de seize mois est mieux rémunéré que chez nous et divisé entre les deux parents, afin d’encourager le partage de l’éducation des enfants. C’est essentiel pour favoriser l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, mais c’est surtout bénéfique pour l’épanouissement de l’enfant. Il faut aussi développer les modes de garde, car le manque de structures d’accueil pour les enfants non scolarisés est patent dans notre pays. Il reste donc encore beaucoup à faire !

Dans l’immédiat, nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter cette proposition de loi. Elle représente un progrès pour la santé des femmes et constitue un premier pas vers une politique familiale plus ambitieuse. Aujourd’hui, la France affiche un taux élevé de fécondité ; nous nous en réjouissons, car les enfants sont une richesse pour notre pays. Il faut témoigner de la considération et de l’estime aux futures mères qui parviennent à concilier vie familiale et vie professionnelle. Si l’on veut que les femmes continuent à devenir des mères, encourageons-les en améliorant leurs conditions de vie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.

Mme Annie David. Ouf, un homme ! (Sourires.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il en fallait un !

Mme Françoise Laborde. Nous l’avions gardé pour la fin !

M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il s’agit aujourd’hui d’évoquer la modernisation d’un des éléments clés de notre politique familiale, à savoir le congé de maternité.

Je suis particulièrement heureux de m’exprimer dans cet hémicycle, en tant qu’homme,…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Personne n’est parfait ! (Sourires.)

M. Ronan Kerdraon. … sur une question qui touche tant aux évolutions de notre société qu’à la place que nous souhaitons donner à la femme au sein de celle-ci.

Je veux avant tout saluer l’initiative de notre rapporteur, Claire-Lise Campion, et les avancées que permet la proposition de loi qu’elle a déposée. Son contenu, qui répond aux préoccupations de nombre de jeunes couples, est tout à la fois moderne et utile.

Toutefois, le texte dont nous débattons aujourd’hui montre aussi qu’un long chemin reste à parcourir avant de parvenir à une égalité réelle entre les hommes et les femmes.

Comme la plupart des orateurs qui m’ont précédé l’ont indiqué, notre débat s’inscrit dans le cadre d’un processus européen visant à harmoniser les législations nationales par le haut. Il s’agit d’une situation suffisamment rare pour n’être pas soulignée : en effet, les directives européennes sont souvent considérées, à tort ou à raison, comme marquant un recul par rapport à notre modèle français.

C’est pourquoi je me réjouis pleinement de l’adoption par le Parlement européen, le 23 février 2010, d’un rapport invitant les pays membres à instituer un congé de maternité d’une durée de vingt semaines au minimum.

De la même façon, je me félicite de l’adoption, le 8 mars 2010, de la directive relative au congé parental, qui porte de trois à quatre mois la durée de ce dernier, pose le principe d’un mois non transférable entre parents et prévoit une négociation obligatoire avec l’employeur portant sur l’aménagement des horaires de travail au retour du congé parental.

La présente proposition de loi s’inscrit dans la lignée de ces initiatives européennes.

Pour écarter d’emblée l’un des arguments avancés contre elle, j’aborderai la question du coût et du financement de son dispositif.

Les projections du ministère du travail, de l’emploi et de la santé évaluent entre 250 millions et 350 millions d’euros le coût de l’allongement à dix-huit semaines du congé de maternité. Quant à l’allongement conjoint du congé de maternité et du congé de paternité, il coûterait environ 550 millions d’euros.

Je rappelle, pour comparaison, que la baisse du taux de la taxe sur la valeur ajoutée dans le secteur de la restauration représente pour sa part une dépense fiscale de 3 milliards d’euros, pour le résultat que l’on sait…

La question du financement de l’allongement du congé de maternité relève donc d’un choix politique fort et assumé, car il est des dépenses qui représentent des investissements pour l’avenir : c’est le cas de celles qu’entraînera la mise en œuvre de notre proposition de loi.

Certes, notre politique familiale est volontariste, puisque, comme Mme la ministre l’a rappelé tout à l’heure, notre pays lui consacre une part non négligeable de son PIB et se situe sur ce plan au troisième rang des pays de l’OCDE. Nous bénéficions en outre de l’un des meilleurs taux de fécondité européens, avec 2,02 enfants par femme.

Depuis plusieurs années, cependant, les modes de vie et les attentes de nos concitoyens évoluent : la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle est au cœur de leurs préoccupations. Toutes les enquêtes, en particulier celle de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, montrent que le congé de maternité est jugé insuffisant par les mères : 84 % d’entre elles souhaiteraient s’arrêter de travailler plus longtemps à la naissance d’un enfant.

À juste titre, les femmes souhaitent avoir des enfants sans pour autant renoncer à leur carrière professionnelle. Un chiffre, à cet égard, doit nous interpeller : entre 25 et 49 ans, c’est-à-dire dans la tranche d’âge où l’activité professionnelle est le plus fréquente, une femme sur cinq est inactive. En outre, ce sont les femmes les moins qualifiées et disposant des ressources les plus faibles qui sont le plus souvent écartées du marché du travail. Remarquons également que, pour de multiples raisons, l’âge de la maternité ne cesse de reculer : désormais, les femmes deviennent mères pour la première fois après 30 ans.

Aussi l’article 1er de notre proposition de loi prévoit-il un allongement de seize à vingt semaines de la durée du congé de maternité. J’observe d’ailleurs – cela a déjà été rappelé – que la très grande majorité des femmes s’arrêtent de travailler plus longtemps que la durée légale de seize semaines, soit qu’elles se soient vu reconnaître un état pathologique lié à leur grossesse, soit qu’elles prennent un congé supplémentaire après la naissance de leur enfant.

M. Ronan Kerdraon. Il me paraît donc tout à fait judicieux de mettre notre législation en adéquation avec les aspirations des couples et les besoins des enfants.

Allonger la durée du congé de maternité présente aussi l’avantage, en facilitant l’installation de l’allaitement maternel, d’encourager la prolongation de celui-ci. En effet, six semaines au moins après la naissance sont nécessaires pour bien installer l’allaitement maternel. Or c’est précisément à cette période que la mère commence à penser à la reprise de son activité professionnelle et envisage dans cette perspective un sevrage la dixième semaine. C’est pourquoi l’Association française de pédiatrie ambulatoire est favorable à l’allongement de la durée du congé de maternité.

Alors que la crise économique frappe les Français de toutes catégories, il est difficile d’admettre que de jeunes mères de famille puissent, aujourd’hui encore, être pénalisées financièrement en prenant un congé de maternité, quand leurs employeurs ne sont pas tenus contractuellement de maintenir intégralement leur salaire. L’article 4 de notre proposition de loi vise donc à garantir le maintien de l’intégralité du salaire pendant le congé de maternité.

Il est temps de remédier aux trop nombreuses inégalités qui subsistent : toutes les mères, qu’elles soient ou non salariées, doivent être traitées de la même façon. En effet, en France, le congé de maternité ne va pas forcément de soi. Je tiens, à la suite de ma collègue Annie David, à relayer dans cet hémicycle l’appel du collectif « Les Matermittentes », qui dénonce l’inégalité de traitement dont sont victimes les femmes relevant du régime des intermittents : pour l’ouverture du bénéfice des indemnités de congé de maternité, la caisse primaire d’assurance maladie exige qu’elles réunissent les mêmes conditions que les femmes titulaires d’un CDI.

L’article 5 de notre proposition de loi vise à lutter contre les injustices statutaires qui demeurent entre les différentes catégories de salariées, entre salariées et non-salariées.

L’article 6 prévoit la création d’un congé d’accueil de l’enfant d’une durée de deux semaines, afin de permettre au père, au conjoint ou à la personne vivant maritalement ou ayant conclu un PACS avec la mère d’être présent auprès de celle-ci et de l’enfant : la législation doit en effet évoluer et faire référence non plus à un congé de paternité, mais à un congé d’accueil de l’enfant ouvert à l’ensemble des familles, dans toute leur diversité.

J’ajoute enfin que notre débat d’aujourd’hui ne peut pas ignorer la question de l’offre en matière d’accueil de la petite enfance. À quoi servirait-il, en effet, de favoriser la reprise du travail et de s’attacher à permettre une meilleure conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle si aucune politique ambitieuse n’était menée dans le domaine de l’accueil de la petite enfance ? Je rappelle que la création d’un service public de la petite enfance était une promesse du candidat Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle de 2007… (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Mme Gisèle Printz. Il en a promis des choses !

M. Ronan Kerdraon. Or nous sommes aujourd’hui très loin des 400 000 places de crèche qui furent alors promises, et même des 200 000 places annoncées pour 2012, c’est-à-dire pour l’année prochaine… Le débat sur la petite enfance que nous avons eu la semaine dernière a permis de mettre clairement en évidence cette pénurie.

Cette proposition de loi, mes chers collègues, nous permet de faire progresser les droits des femmes, d’améliorer la protection de leur santé, de promouvoir l’égalité et d’instaurer un meilleur équilibre entre les parents au sein de la famille.

Chacun se déclare favorable à l’égalité entre les hommes et les femmes dans tous les domaines : professionnel, salarial et familial. Ce texte est par conséquent bienvenu : pourquoi remettre à demain ce que nous pouvons faire aujourd’hui ?

Aussi est-ce avec enthousiasme, conviction et détermination que je voterai cette proposition de loi et que je vous invite à faire de même, mes chers collègues : car, comme l’a si bien chanté Jean Ferrat, la femme est l’avenir de l’homme !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La formule est plutôt d’Aragon !

M. Ronan Kerdraon. Aragon l’a écrit, et Ferrat l’a chanté…

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je souhaite remercier tous les participants à cet important débat de la qualité de leurs interventions. Ils ont su, autant qu’il était possible, refuser la polémique.

J’observe que certains pays européens ont été cités en exemple en matière de congé de maternité, notamment par Mmes David et Printz. Il me semble nécessaire d’apporter certaines précisions, pour montrer la difficulté d’établir des comparaisons.

Ainsi, on a vanté le modèle slovaque. Certes, le congé de maternité est de vingt-huit semaines en Slovaquie, mais on oublie d’ajouter qu’il est rémunéré à hauteur de 55 % d’un salaire plafonné à un niveau extrêmement bas…

Mme Annie David. C’est 79 % !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Par conséquent, comparaison n’est pas raison. Il est important de prendre en compte, outre la durée du congé de maternité, le niveau de son indemnisation. Les comparaisons doivent également intégrer la notion de rang de naissance, qui n’a jamais été abordée par aucun orateur au cours de cette discussion. Or, en France, le congé de maternité est porté à vingt-six semaines à partir de la troisième naissance…

Qu’en est-il, par ailleurs, du congé pour grossesse pathologique, d’une durée de deux semaines, qui concerne 70 % des femmes dans notre pays, même si l’on peut penser que les grossesses pathologiques ne sont pas à ce point répandues ? Quoi qu’il en soit, dans les faits, le congé de maternité est d’ores et déjà de dix-huit semaines pour 70 % des Françaises ; ce point n’a été évoqué à aucun moment.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Reconnaissez-donc que la durée du congé de maternité n’est pas suffisante !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J’ajoute que, dans certains pays, l’octroi d’un congé de maternité particulièrement long peut être considéré comme un moyen d’éloigner délibérément les femmes du marché du travail. Un tel objectif est même parfois publiquement revendiqué par des pays tels que la Bulgarie, où le congé de maternité peut atteindre cinquante-huit semaines, ou par des partis politiques qui militent en faveur du retour des femmes à la maison. À cet égard, je vous renvoie aux débats du Parlement européen sur l’allongement du congé de maternité.

Pour établir des comparaisons, il faut enfin tenir compte de l’existence ou non d’un congé de paternité.

L’ensemble de ces éléments doivent être versés au débat, ce qui n’a nullement été le cas jusqu’à présent.

Cela étant dit, je souscris pleinement aux remarques de Mme Bruguière, qui a souligné la nécessité de procéder à une large concertation, ainsi qu’aux observations formulées par Mmes Cros et Laborde, qui, tout en approuvant la philosophie du texte, ont estimé que la réflexion devait être beaucoup approfondie…

Je le redis, la politique familiale ne se résume pas au congé de maternité. La France est le pays européen qui y consacre le plus de moyens. Soutenir les couples dans leur démarche parentale relève d’une politique globale. Avec 600 milliards d’euros de dépenses sociales, nous battons tous les records des pays développés – et c’est une chance. Nous avons la politique sociale la plus ambitieuse, et notre politique familiale représente un effort deux fois supérieur à la moyenne des pays les plus riches. Par exemple, depuis le début du quinquennat de Nicolas Sarkozy, nous avons créé 200 000 nouvelles places pour l’accueil des jeunes enfants : c’est là un effort considérable, consenti en dépit de la crise particulièrement sévère qui affecte les finances publiques. Ces chiffres doivent aussi être versés à notre débat.

Mme Gisèle Printz. Cela n’est pas suffisant !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En conclusion, l’examen de ce dossier mérite d’être approfondi et la problématique soulevée doit être articulée avec l’ensemble de nos politiques sociales, qu’elles soient nationales ou territorialisées. Je remercie Mme Campion de son initiative, mais je ne peux approuver le texte en l’état.

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la modernisation du congé maternité en faveur de la protection de la santé des femmes et de l'égalité salariale et sur les conditions d'exercice de la parentalité
Article 2

Article 1er

Le premier alinéa de l’article L. 1225-17 du code du travail est ainsi rédigé :

« La salariée a le droit de bénéficier d’un congé de maternité de vingt semaines qui commence sept semaines avant la date présumée de l’accouchement. »

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par Mme Cros et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Alinéa 2 

Remplacer le mot :

vingt

par le mot :

dix-huit

La parole est à Mme Roselle Cros.

Mme Roselle Cros. Cet amendement a pour objet de fixer la durée du congé de maternité à dix-huit semaines, au lieu de vingt comme le prévoit la proposition de loi.

Cela permettrait d’aider les familles, en particulier les mères, et de mettre par anticipation notre législation en conformité avec les prescriptions européennes, sans aller jusqu’à porter le congé de maternité à vingt semaines, durée qui nous paraît excessive, comme je l’ai indiqué au cours de la discussion générale. Il s’agirait, en quelque sorte, d’une première étape.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Claire-Lise Campion, rapporteur. La commission des affaires sociales ayant souhaité que le débat sur l’allongement de la durée du congé de maternité se tienne en séance plénière, elle a émis, ce matin, un avis de sagesse sur l’amendement de notre collègue.

À titre personnel, j’estime que cette proposition de nos collègues du groupe de l’Union centriste représente une première avancée dans la bonne direction, même si elle est moins ambitieuse que celle que nous avons formulée au travers de la proposition de loi. De ce fait, elle constitue une solution de compromis, sachant que notre volonté commune est de mieux protéger la santé et la sécurité de la mère et de l’enfant et de permettre à celle-ci de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale.

J’ajoute que la proposition de nos collègues est cohérente avec la position affirmée dès 2009 par la commission des affaires sociales et avec celle de la France, qui, dans le cadre des négociations européennes sur la proposition de directive, s’est déclarée ouverte à un allongement de deux semaines de la durée légale du congé de maternité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame Cros, pour les raisons que j’ai exposées tout à l'heure, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Lors du dernier Conseil EPSCO, j’ai indiqué que la France accepterait un allongement de la durée du congé de maternité à dix-huit semaines dès lors qu’une telle mesure serait préconisée par les instances européennes, en ajoutant que, d’ici là, nous examinerions un certain nombre de questions qui demeurent pendantes, s’agissant en particulier du congé pour grossesse pathologique : ce congé de deux semaines, qui ne peut être pris qu’avant l'accouchement, s'ajoutera-t-il ou non au congé de maternité ? Des difficultés techniques doivent encore être levées, ce que ne permet pas la discussion de cette proposition de loi.

M. le président. Madame Cros, l'amendement n° 6 est-il maintenu ?

Mme Roselle Cros. J'entends bien votre argumentation, madame le ministre, mais, comme je l'ai indiqué lors de la discussion générale, cet article 1er ne fait pas à lui seul une loi.

Je maintiens mon amendement, ne serait-ce que pour vérifier qu’il n’y a pas d’opposition de principe, dans cette assemblée, à un allongement de la durée du congé de maternité.

M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.

M. Ronan Kerdraon. La proposition de nos collègues représente certes une avancée par rapport à la législation actuelle, mais aussi un recul par rapport aux recommandations de l’Organisation internationale du travail et à la position adoptée par le Parlement européen, sur lesquelles se fonde notre proposition de loi.

La question fondamentale, on le voit bien, est celle du maintien ou non de la rémunération du congé de maternité. En effet, lors du débat au Conseil européen sur la durée de celui-ci, des pays comme la Hongrie, où ce congé est très long, mais n’est pas rémunéré, ne se sont pas opposés à une durée de vingt semaines, au contraire de l’Allemagne, de la Suède, du Danemark, du Royaume-Uni et d’autres pays encore, qui ont estimé que le maintien intégral du salaire deviendrait alors trop coûteux.

Toutefois, la plupart des délégations se sont déclarées disposées à accepter que le congé de maternité soit fixé à dix-huit semaines. Cette durée est déjà inscrite dans de très nombreuses législations nationales. De plus, les prescriptions médicales avant ou après l’accouchement conduisent à la retenir : dans la mesure où 70 % des femmes de notre pays bénéficient de deux semaines de congé pour grossesse pathologique, cet allongement ne ferait qu’entériner la pratique la plus courante. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’une telle mesure n’aboutirait pas, comme certains le craignent, à éloigner plus longtemps qu’aujourd’hui les femmes du monde du travail.

En adoptant cet amendement, le Sénat signifiera donc sa volonté que la loi rejoigne, en quelque sorte, la réalité. La commission des affaires sociales s’était déjà prononcée en faveur d’un congé de maternité de dix-huit semaines en 2009, lors du débat sur la proposition de résolution européenne. Cela correspond aussi à la position de la France dans le débat européen actuel.

A contrario, si cet amendement n’est pas voté, nous resterons clairement en deçà de la réalité, ce qui serait regrettable de la part du législateur.

En l’état actuel du débat, porter la durée du congé de maternité constitue donc un compromis acceptable par beaucoup. À nos yeux, il ne s’agit cependant que d’une solution d’attente.

En tout état de cause, soucieux de faire progresser les droits des femmes, le groupe socialiste votera cet amendement.