M. Gérard Dériot. C’est du grand art ! (Rires sur les travées de lUMP.)

M. Jean Desessard. Autrement dit, on ne va pas demander son avis à la personne parce qu’elle ne sait pas exactement quel est son avis !

Très fort, vraiment très fort, monsieur Lorrain, par ailleurs rapporteur et pompier de service en cas de difficultés au sein de la commission !

M. François Trucy. Oh ! En voilà assez !

M. Jean Desessard. Mais je passe…

Je ne voterai pas l’amendement de M. Milon même s’il n’est pas sous-amendé par M. Lorrain. Je ne l’ai d’ailleurs pas voté en commission.

Cet amendement prévoit, je le rappelle, que la prise en charge du patient peut être réalisée sans son consentement dans « des unités alternatives à l’hospitalisation temps plein, des lieux de consultations, des lieux d’activités thérapeutiques, et dans le lieu de vie habituel du patient ».

J’ai défendu l’idée qu’il fallait supprimer cet alinéa. Je ne peux pas être d’accord sur le concept de soins psychiatriques sans le consentement du patient dans son lieu de vie habituel. Cela oblige en effet à avoir recours aux injections, aux médicaments, et je ne vois pas quelle forme active pourrait prendre de cette manière la relation entre le soignant et le soigné.

C’est donc, encore une fois, sous une forme habile, une façon de revenir à l’esprit du texte initial, même si M. Milon l’agrémente en prévoyant d’autres lieux où la prise en charge est possible. Mais on sait très bien que, principalement, la prise en charge se ferait au domicile du patient ou au domicile familial.

Nous sommes opposés à cette méthode ambulatoire de soins psychiatriques sans le consentement du patient.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Je voudrais simplement compléter ce qu’a dit Annie David.

Il y a deux points sur lesquels le Gouvernement n’apporte pas de réponse et sur lesquels nous n’en obtiendrons pas, nous le savons.

Dans peu de temps nous débattrons des équilibres budgétaires. Loi de financement après loi de financement, nous constatons une réduction des moyens qui sont donnés aux établissements de santé, notamment.

Je l’ai dit et répété : la crise que traversent les hôpitaux publics est certainement la plus grave qu’ils ont jamais traversée.

Il faut savoir que les directeurs généraux des grands hôpitaux, que ce soit l’AP-HP, à Paris, ou les Hospices civils de Lyon, font respecter les budgets à la cravache ! Il faut véritablement dénoncer cette situation.

Aujourd’hui, par exemple, les deux plus grands établissements psychiatriques de l’agglomération lyonnaise – vous les connaissez très bien, madame la secrétaire d’État – c'est-à-dire les centres hospitaliers Saint-Jean-de-Dieu et Le Vinatier, connaissent des mouvements de grève pratiquement continus, et le mécontentement croît, mobilisant tous les personnels, avec toutes les organisations syndicales.

Se pose donc le problème des moyens, mais aucune réponse n’est apportée. Nous ne nous faisons aucune illusion sur le sujet.

En outre, on voit bien que s’opère un transfert de responsabilité. On le disait tout à l’heure, d’une manière ou d’une autre, cette loi sera une façon de réduire la dépense. Mais la responsabilité, elle, sera partagée avec les familles. Or quiconque connaît les familles confrontées à la maladie mentale sait qu’un tel partage de la responsabilité revient à ajouter de la souffrance à la souffrance.

Ce ne sont là que deux des points qui font que l’on ne peut absolument pas être d’accord avec le sous-amendement.

Et même si M. Milon tente de nous faire « avaler » son amendement d’une manière plus intelligente, il ne faut pas s’y méprendre : le projet de loi reste sur le fond celui que le Président de la République voulait, c'est-à-dire un texte avant tout sécuritaire.

Nous constaterons ensuite que les moyens ne sont pas là, que les personnels ne sont pas là, qu’il y a de plus en plus de lits fermés et que les difficultés vont croissant.

On ne peut donc que voter contre !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous inquiétez à juste titre de la mise en œuvre de cette loi. Sachez que les décrets d’application seront préparés au fur et à mesure de l’évolution du texte, pour que la loi puisse être opérationnelle dès le 1er août 2011.

Vous avez soulevé plusieurs questions.

En ce qui concerne tout d’abord les soins ambulatoires, chaque fois qu’un programme de soins sera identifié par le psychiatre hospitalier – c’est lui qui décide de faire sortir un patient et de le faire bénéficier d’un suivi à son domicile –, il faudra déterminer un lieu et une équipe, c'est-à-dire la garantie de la présence de ce relais assuré par des professionnels au plus près du lieu de vie de la personne.

M. Milon précise, dans son amendement, qu’il peut s’agir d’un accueil de jour, d’un accueil thérapeutique, voire d’un accueil familial thérapeutique – pourquoi pas ? – ou des lieux d’activités thérapeutiques.

Il n’est pas uniquement question d’injections, monsieur Desessard. Loin de nous cantonner dans l’alternative thérapeutique médicamenteuse, nous sommes dans une approche globale de la prise en charge.

Je peux donc vous rassurer sur ce point, il y aura bien derrière chaque malade un référent qui aura la responsabilité du suivi de cette personne malade et qui sera en lien avec l’établissement dont est issu le patient.

Pour qu’il y ait un échange – vous savez d’ailleurs très bien comment cela se passe sur le terrain –, nous avons des équipes qui collaborent entre elles, qui se téléphonent, l’objectif étant que le malade soit entouré, encadré.

C’est la responsabilité de ces professionnels, et nous savons les uns et les autres, parce que nous en connaissons tous, qu’ils exercent leur métier avec beaucoup de passion, avec le souci premier du succès thérapeutique, et qu’ils déploient toutes leurs compétences au service de leurs malades.

J’ai une grande confiance dans les professionnels, qu’ils exercent en médecine de ville, au sein de centres médico-psychologiques ou dans des accueils de jour, et je suis sûre qu’ils sauront se faire le relais de cette prescription hospitalière et se coordonner avec la structure hospitalière, qui décide d’un programme de soins et qui permet à un patient de retourner chez lui.

Donc, bien entendu, le malade ne sera pas laissé pour compte. D’ailleurs, je voudrais le signaler, c’est tout l’inverse aujourd’hui avec les sorties d’essai. Dans ce cas, en effet, on décide de faire un essai, le patient sort, mais quel est le suivi ? Quelle est la prise en charge ? Une surveillance, nous dit-on, mais il s’agit d’une surveillance aléatoire ! On n’a pas la garantie d’un suivi rigoureux, proche,…

M. Jean Desessard. Je croyais qu’ils se téléphonaient !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. … ou même la garantie de la recherche de ce succès thérapeutique dont je parlais.

À partir du moment où il n’y a pas cet engagement du patient par rapport au médecin qui l’a suivi, on sait très bien que l’observance du traitement n’est pas optimale.

M. Guy Fischer. On n’aura pas plus de garantie avec ce texte !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Mais si, justement, monsieur Fischer, parce que, à partir du moment où le patient sort, il y a un engagement mutuel entre le soignant et le soigné.

M. Guy Fischer. Mais on parle ici de soins sans consentement de la personne !

M. Jean Desessard. Non, on parle de soins auxquels la personne « n'est pas à même de consentir du fait de ses troubles mentaux » !

Mme Christiane Demontès. Donc des soins sans consentement !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je vais devoir vous réexpliquer la loi, mesdames, messieurs les sénateurs !

On garde le patient en observation pendant soixante-douze heures, période pendant laquelle on essaie par tous les moyens d’obtenir cette alliance thérapeutique dont nous parlions et de faire en sorte que le patient s’engage pour respecter un programme de soins.

Soyons logiques : un patient souffrant de troubles psychiatriques n’est pas sans cesse et de façon continue sans conscience de son état. Il y a des pics et des vallées, des moments où il est conscient de son état et d’autres où il n’en est pas conscient, parce qu’il a décompensé.

Pendant cette période d’observation, on se donne une journée supplémentaire pour offrir au patient plus de chances d’adhérer à son programme de soins, sachant que le malade, dans ses périodes de lucidité, peut s’engager à respecter un programme de soins, et c’est dans ce cadre que le psychiatre décide que le respect du programme sera assuré.

Je réponds donc à Valérie Létard : bien évidemment, derrière chaque malade, il y aura une équipe.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous me parlez des moyens, vous évoquez les économies dans le domaine de la santé. Vraiment, je suis estomaquée ! N’est-ce pas vous, parlementaires, qui votez, chaque année, une progression de l’ONDAM, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie ? N’est-ce pas vous qui, chaque année, avez voté une augmentation de 2 milliards d’euros pour les hôpitaux et le fonctionnement de l’hôpital ? Vous nous parlez aujourd’hui de baisse des moyens et d’économies dans le domaine de la santé ?

M. Jacky Le Menn. Et si c’est insuffisant ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Il s’agit de 2 % de plus rien que pour la psychiatrie stricto sensu, monsieur le sénateur ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Alors, arrêtez de nous tenir des discours enflammés sur les réductions budgétaires et les économies dans le domaine de la santé puisque, chaque année, ce sont 2 milliards de plus qui sont votés ! Si je fais un bref calcul, depuis 2007, nous en sommes à 10 milliards d’euros, mesdames, messieurs les sénateurs…

M. Jacky Le Menn. On en reparlera au moment du PLFSS !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Où donc voyez-vous des économies ? En tout cas, elles ne sont pas dans la loi de financement de la sécurité sociale qui vous est soumise chaque année et que vous votez chaque année ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Christiane Demontès. Adressez-vous à l’UMP, nous ne votons pas l’ONDAM !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Donc, sur la question de l’augmentation des budgets, je n’ai plus rien à prouver puisque vous êtes aux premières loges pour savoir ce qui se passe.

M. Guy Fischer. Oui, les personnels sont très contents, c’est d’ailleurs pour cela qu’ils manifestent !

Mme Annie David. Combien de lits supprimés ?

M. Guy Fischer. On croit rêver !

Mme Christiane Demontès. Il y a eu 50 000 lits fermés !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. C’est donc pure mauvaise foi de votre part.

Dans le cadre du budget qui est voté chaque année, un plan psychiatrie et santé mentale est en cours de construction avec les acteurs de la santé – les professionnels, les usagers – pour organiser le soin à l’échelle territoriale. Il n’y a d’ailleurs pas de spécificité en la matière, et il en ira pour la psychiatrie comme pour tous les autres plans de santé publique, le plan cancer, le plan Alzheimer, le plan maladies rares, le plan de lutte contre l’obésité, sur lequel nous allons aussi travailler.

Ces plans de santé publique sont chacun assortis d’une enveloppe budgétaire pour la mise en œuvre des mesures d’application.

Si donc il me faut vous rassurer encore, mesdames, messieurs les sénateurs, sachez que, comme pour les autres plans de santé publique, le plan psychiatrie sera doté des moyens nécessaires pour la mise en œuvre des mesures qui seront identifiées avec les professionnels, les acteurs de la santé publique, les organisations et associations d’usagers.

M. Guy Fischer. Quand on voit le plan Alzheimer, quand on voit à quel point les familles sont dans la souffrance et la désolation…

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. En tant que secrétaire d'État chargée de la santé, ma préoccupation, ce sont les malades.

Mme Annie David. Justement !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Or les postures et les caricatures ne leur apportent rien !

Mme Annie David. Tout à fait ! Alors cessez de donner dans la caricature !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Pour ma part, je suis à l’écoute des propositions constructives, qui font avancer le débat. Ainsi, M. Alain Milon suggère de clarifier le régime des soins ambulatoires : j’y suis favorable ; M. Jean-Louis Lorrain propose de clarifier davantage encore le rôle des différents acteurs : soit, allons-y ! Vous avez évoqué les moyens ? Le plan de santé publique comportera une enveloppe budgétaire dédiée. Vous estimez insuffisante la progression du budget de la santé ? Mais c’est vous-mêmes qui le votez !

M. Guy Fischer. Non ! Ce n’est pas nous !

Mme Christiane Demontès. Ce sont les membres de la majorité !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Les crédits affectés à la santé augmentent d’ailleurs chaque année. Pour le seul secteur de la psychiatrie, ils ont ainsi progressé de 2 % en 2011, monsieur Fischer. Cessez donc d’être de mauvaise foi !

M. Guy Fischer. Vous prétendez que je suis de mauvaise foi ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. J’espère vous avoir rassurés. (Non ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Je me tiens à votre disposition pour travailler avec vous sur le plan de santé mentale. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 490 rectifié.

Mme Valérie Létard. La réponse de Mme la secrétaire d’État sur la question des moyens me satisfait.

En effet, elle a indiqué que toute personne faisant l’objet d’une prise en charge ambulatoire bénéficierait d’un accompagnement.

M. Guy Fischer. Comment pouvez-vous croire cela ? On voit ce qu’il en est pour les aides à la personne !

Mme Valérie Létard. Monsieur Fischer, Mme la secrétaire d’État a répondu aux deux exigences que j’avais formulées.

Premièrement, je voulais qu’un accompagnement soit garanti pour chaque malade, ce qui n’est pas forcément évident. (M. Guy Fischer s’exclame.) Mon cher collègue, j’ai le droit de juger satisfaisante la réponse que m’a apportée Mme la secrétaire d’État ! En l’occurrence, sur le principe, j’ai obtenu l’assurance qu’aucun malade ne serait livré à lui-même.

Deuxièmement, Mme Berra vient de nous indiquer que les moyens nécessaires au financement d’une prise en charge et d’un accompagnement adaptés seraient inscrits dans les budgets à venir, pour faire suite à l’engagement du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 490 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 280, modifié.

Mme Annie David. Mme Berra a fait des promesses s’agissant des futurs budgets de la santé, mais le texte doit entrer en application au 1er août. C’est donc dès cette date que les moyens nécessaires doivent être disponibles, sans attendre d’aléatoires dispositions budgétaires à venir…

En outre, les moyens en question sont non seulement financiers, mais aussi humains. Or recruter et former du personnel prend bien plus que trois mois… Madame la secrétaire d’État, vous affirmez que les crédits augmentent chaque année, mais le gouvernement auquel vous appartenez a fermé des lits dans les hôpitaux psychiatriques et supprimé des postes d’infirmier psychiatrique.

Pour notre part, nous n’avons absolument pas été convaincus par vos propos, car vous vous êtes bornée à nous renvoyer au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui ne sera discuté qu’à l’automne prochain et dont on ne sait pas encore s’il comportera le plan pour la santé mentale annoncé.

Monsieur Milon, je suis au regret de dire que nous ne voterons pas votre amendement. Nous aurions pu le soutenir si vous aviez accepté, comme le suggérait très justement M. Desessard, de supprimer la référence au « lieu de vie habituel du patient ». Cela nous semble indispensable, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité juridique, eu égard à la responsabilité de la famille.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. D’amendement – celui d’Alain Milon – en sous-amendement – celui de Jean-Louis Lorrain, qui en intègre un autre de M. le rapporteur pour avis –, le texte progresse légèrement : une personne faisant l’objet de soins « sans son consentement » devient une personne qui « n’est pas à même de consentir du fait de ses troubles mentaux » ; le « protocole de soins » devient « programme de soins » ; le programme de soins est à peu près défini ; surtout, le patient est informé de son droit de refuser les soins et des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 3211-11 du code de la santé publique.

Encore un petit effort, et les soins ambulatoires ne pourront être prescrits qu’à un malade formellement consentant, madame la secrétaire d’État.

D’ailleurs, je suis très étonnée que, en la matière, vous n’écriviez pas dans la loi ce que vous dites. Ainsi, vous avez affirmé à l’instant que, au bout de soixante-douze heures, le psychiatre aura obtenu le consentement du malade à des soins ambulatoires.

M. Jean Desessard. Exactement !

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Pourquoi ne pas formaliser ce consentement dans le programme de soins ? Je ne parviens pas à comprendre les raisons de cette attitude, sauf à ce qu’il faille absolument afficher que des soins ambulatoires pourront être dispensés à un malade sans son consentement…

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Certes, un malade dont on aura obtenu le consentement pourra ensuite changer d’avis, mais un engagement formel aura néanmoins d’abord été pris ! Je ne comprends pas pourquoi vous ne voulez pas inscrire ce consentement dans le texte.

Ces tâtonnements, ces timides améliorations montrent bien à quel point ce texte n’est pas abouti et combien un approfondissement de la réflexion serait nécessaire. C’est ce que j’ai essayé de vous faire comprendre au travers du texte que j’ai soumis la semaine dernière à la commission des affaires sociales, madame la secrétaire d’État. Mon amendement visait à préserver les sorties d’essai, afin de nous laisser le temps de travailler à la grande loi sur la santé mentale dont tout le monde reconnaît la nécessité.

Vous l’aurez compris, je considère que l’amendement de M. Milon, modifié par le sous-amendement de M. Lorrain, ne va pas suffisamment loin. Malgré tout, il me permet de penser que les propositions de modifications que j’avais proposées ont mis en lumière les insuffisances et les approximations de ce projet de loi. Je me réjouis que celui-ci ait été amélioré, tout en regrettant que l’on n’aille pas plus loin. N’étant pas entièrement satisfaite par la rédaction actuelle du texte, je m’abstiendrai aussi sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je remercie Mme la présidente de la commission de son intervention, car j’ai cru rêver, tout à l’heure, en entendant Mme la secrétaire d’État évoquer l’existence de « pics » et de « vallées » dans le discernement de la personne soignée, un consentement aux soins étant apparemment possible à certains moments favorables !

Or, dans la version adoptée par l’Assemblée nationale, l’article 1er du projet de loi fait référence à une « personne faisant l’objet de soins psychiatriques sans son consentement ». M. Milon emploie la même formulation dans son amendement, et M. Lorrain propose, par son sous-amendement, de remplacer les mots : « sans son consentement » par les mots : « auxquels elle n’est pas à même de consentir du fait de ses troubles mentaux ». Il n’est donc nulle part fait mention d’un éventuel consentement aux soins du malade !

On nous indique que les soins ne consistent pas en la prise de médicaments. Mais alors, de quoi s’agit-il ? Comment la personne enfermée à domicile sera-t-elle traitée ? D’ailleurs, dans son sous-amendement, M. Jean-Louis Lorrain précise ceci : « Le détail du traitement, notamment la spécialité, le dosage, la forme galénique, la posologie, la modalité d’administration et la durée, est prescrit sur une ordonnance […]. » Il s’agit donc bien de médicaments : comment faire autrement, sans le consentement de la personne ?

Vous prétendez que, actuellement, les sorties à l’essai sont mal encadrées, mais que le nouveau dispositif améliorera nettement la situation. Pourquoi serait-ce le cas ? Quelles sont les garanties ? Qui sera le référent, et quel sera son rôle ? Qui appellera-t-il le week-end ? Qui sera disponible pour se déplacer, sachant que les professionnels sont déjà surchargés de travail ? Tout cela n’est pas sérieux !

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Je souhaite répondre à Mme la secrétaire d’État, qui vient d’accuser les membres de mon groupe d’être de mauvaise foi.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je n’ai pas parlé de votre groupe ; j’ai parlé de votre discours !

M. Guy Fischer. De tels propos, tenus en réponse à nos légitimes interrogations sur les moyens que le Gouvernement entend mobiliser pour permettre l’application de sa réforme de la psychiatrie, ne sont pas acceptables et nous choquent profondément ! Notre groupe ne vote jamais vos lois de financement de la sécurité sociale, marquées par des augmentations en trompe-l’œil de l’ONDAM ; nous y reviendrons. Vous savez pertinemment que celles-ci couvrent à peine l’inflation et l’augmentation prévisible de certaines charges et des salaires.

Vous nous demandez où sont réalisées les économies ; la réponse est simple : partout ! On ferme des établissements de santé de proximité, on supprime massivement des emplois dans la fonction publique hospitalière. M. Leonetti, qui appartient à votre famille politique, le dit lui-même : « En dehors du secteur médico-social, plus de 9 800 emplois ont été supprimés dans les hôpitaux publics en 2009, dont près de 5 000 personnels soignants, un chiffre qui devrait encore croître en 2010 “au vu de la contraction constatée de la progression des dépenses de personnel dans les comptes des hôpitaux publics”. »

Lors de la réunion sur la dépendance organisée cette semaine par Mme Roselyne Bachelot-Narquin, en présence de Mme Valérie Rosso-Debord et de M. Denis Jacquat, le délégué général de la Fédération hospitalière de France m’a expliqué que la situation deviendrait bientôt catastrophique, notamment en raison des suppressions d’emplois. En effet, quelque 10 000 emplois ont été supprimés cette année, et 15 000 le seront l’an prochain, les hôpitaux psychiatriques étant bien sûr concernés. L’emploi devient ainsi une véritable variable d’ajustement. Telle est la réalité que vous cherchez à taire !

Mme Annie David. Nous ne sommes pas de mauvaise foi, madame la secrétaire d'État !

M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote.

M. Jacky Le Menn. Je suis d’accord avec mon collègue Guy Fischer. Soit vous êtes abusée, madame la secrétaire d'État, soit vous nous abusez !

La Fédération hospitalière de France, dont le président est de votre sensibilité politique, souligne que près de 10 000 postes ont été supprimés, dont la moitié parmi les soignants. Or, en psychiatrie, la présence humaine aux côtés du malade revêt une importance particulière.

À l’heure actuelle, les effectifs sont déjà insuffisants, le personnel soignant se répartissant entre les établissements et les secteurs. La mise en œuvre du nouveau dispositif de soins ambulatoires sans consentement des malades accroîtra encore considérablement les besoins en moyens humains, puisqu’il faudra désigner des référents, des accompagnants, sans parler des greffiers ou des magistrats, et ce dès le 1er août, alors que la situation est déjà extrêmement difficile, voire catastrophique dans certains établissements ou secteurs, quoi que vous en disiez, madame la secrétaire d'État ! Je ne mets pas en doute votre bonne foi, mais vous êtes certainement mal informée…

Il faut savoir raison garder. Mme la présidente de la commission des affaires sociales l’a dit : ne confondons pas vitesse et précipitation. Il est peut-être nécessaire qu’une grande loi permette d’améliorer le dispositif de la loi de 1990, notamment en termes d’hospitalisation sous contrainte et de sorties d’essai, mais il conviendrait avant tout d’accroître les moyens alloués chaque année par le biais du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Or ce n’est pas le cas. À cet égard, je souligne que nous ne votons pas les projets de budget de la sécurité sociale que présente le Gouvernement : chaque année, nous expliquons au contraire en quoi l’ONDAM proposé n’est pas satisfaisant au regard de l’intérêt des malades et des objectifs thérapeutiques.

Madame la secrétaire d'État, je ne fais donc pas confiance au Gouvernement pour allouer les moyens nécessaires à la mise en œuvre des dispositions de ce texte, notamment en matière d’accompagnement des malades, d’autant que nos hôpitaux psychiatriques manquent déjà de personnel soignant et de lits. Il faudrait d’ailleurs revoir la formation des infirmiers, comme le soulignent avec constance les psychiatres.

Cette situation compromet les chances de certains malades de se tirer d’affaire. L’élaboration de ce projet de loi est précipitée, comme je l’ai déjà indiqué lors de la discussion générale. Avec ce texte émotionnel, voulu par le Président de la République, on pousse les feux, au risque d’aller à la catastrophe. Vous ne pourrez pas dire pas que l’on ne vous a pas avertis ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour explication de vote.

M. Raymond Vall. Madame la secrétaire d'État, étant directement concerné par ce sujet, j’interviens sans aucun esprit polémique.

Je voudrais simplement souligner que, à l’heure actuelle, en zone rurale, il faut attendre au moins trois mois avant de pouvoir consulter un psychiatre hospitalier, et que l’on ne peut espérer la visite d’une infirmière psychiatrique qu’une fois tous les quinze jours…

Madame la secrétaire d'État, vous avez dit vous-même que les sorties d’essai n’étaient pas aujourd'hui entourées de suffisamment de garanties. Pour autant, la situation ne va pas s’améliorer avec la mise en œuvre du nouveau dispositif : l’hôpital psychiatrique aura la responsabilité des soins, mais, faute d’effectifs suffisants, les médecins généralistes seront appelés en cas de problème. Or ils refuseront de se déplacer. Dans mon département, un piège a été tendu à une jeune femme médecin, ce qui a conduit ses confrères à ne plus répondre aux urgences le week-end…

Je tenais simplement à vous faire part de la distorsion existant entre la réalité du terrain et les engagements que vous avez pris.