M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par le groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du Parti de gauche nous donne l’occasion de revenir sur l’évolution de la fiscalité locale, à la suite de la suppression de la taxe professionnelle par la loi de finances pour 2010, et plus généralement sur l’insuffisance des mécanismes de péréquation entre les collectivités locales, compte tenu de l’écart de potentiel fiscal par habitant : celui-ci varie du simple au double pour les régions, du simple au quadruple pour les départements et de un à mille pour les communes !

La péréquation devrait permettre de corriger les inégalités les plus choquantes. Or, l’insuffisance des recettes fiscales des collectivités locales après la suppression de la taxe professionnelle ne le permet guère, monsieur le ministre. C’est le principal mérite de la proposition de loi qui nous est soumise d’abonder très significativement le montant des ressources fiscales perçues par les collectivités locales.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Évidemment !

M. Jean-Pierre Chevènement. Je vous ai bien entendu, monsieur le ministre : 18 milliards d'euros, c’est beaucoup trop… (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Gérard Le Cam. On ne sait pas quoi en faire ! (Même mouvement.)

M. Jean-Pierre Chevènement. … puisque 4,7 milliards d'euros, c’est ce que vous avez « rendu » aux entreprises, si l’on peut dire, parce que la fiscalité des entreprises n’est pas « imbécile » par principe. Le fait de taxer les entreprises n’est pas plus imbécile que de taxer les ménages.

M. Pierre-Yves Collombat. Si ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Chevènement. Toujours est-il que j’entends bien l’argument de M. Charles Guené et le vôtre, monsieur le ministre : vous nous faites observer que cet alourdissement de la fiscalité des entreprises irait à l’encontre de l’objectif poursuivi par la suppression de la taxe professionnelle.

M. Philippe Richert, ministre. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Chevènement. Certes, mais Mme Beaufils a parlé d’une flat tax de 0,3 %. Son montant pourrait être ramené à 0,2 %, voire à 0,1 %, ce qui représenterait encore 6 milliards d’euros,…

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !

M. Jean-Pierre Chevènement. … c’est toujours bon à prendre et cela permettrait une péréquation efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Jean-Pierre Chevènement. Surtout, ce n’est pas la même assiette qui est visée.

M. Jean-Pierre Chevènement. L’assiette de la taxe professionnelle est une chose, les actifs financiers, c’est autre chose.

M. Philippe Richert, ministre. On sent déjà qu’il est en train de convaincre le président de la commission des finances !

M. Jean-Pierre Chevènement. La proposition de loi présentée par Mme Marie-France Beaufils ouvre une piste intéressante en prévoyant l’imposition des actifs financiers. Elle a pour but de lutter contre la financiarisation de l’économie. J’approuve cette volonté dans la mesure où elle pourrait favoriser l’investissement industriel et décourager les placements spéculatifs. D’ailleurs, monsieur le ministre, vous vous êtes fait vous-même l’avocat de l’investissement industriel.

La proposition de loi de Mme Beaufils suppose cependant le problème résolu – je le lui fais amicalement remarquer –, en l’absence d’un rétablissement des contrôles sur les mouvements de capitaux permettant d’enrayer la fuite des capitaux et les délocalisations industrielles.

M. le ministre a évoqué les investissements étrangers en France.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est, pour l’essentiel, la souscription de bons du Trésor !

M. Jean-Pierre Chevènement. C’est bon à prendre ! Mais regardez les investissements français à l’étranger ! Cela n’a rien à voir, monsieur le ministre : 80 milliards d'euros en 1982 quand j’étais ministre de l’industrie ; 1 500 milliards d'euros aujourd'hui. L’essentiel de notre épargne se place à l’étranger, s’investit à l’étranger.

M. Yvon Collin. Eh oui !

M. Philippe Richert, ministre. Il faut leur donner l’occasion de s’investir en France !

M. Jean-Pierre Chevènement. Vous vous réjouissez de l’augmentation de l’investissement industriel, je m’en réjouis aussi ! Sauf que la base sur laquelle vous faites votre calcul est 2009, une année de crise, et nous sommes encore loin d’avoir rattrapé le niveau de 2008. Ce n’est pas M. le président de la commission des finances qui me contredira…

M. Philippe Richert, ministre. Non, il ne peut pas !

M. Jean-Pierre Chevènement. Donc, tout cela est une présentation un peu « optique »…

L’intérêt de cibler la financiarisation de l’économie, ce serait de permettre que cette épargne, qui est un des grands atouts de la France – 17 % du revenu national – soit placée davantage en France au bénéfice de l’industrie car l’industrie tire tout le reste, l’exportation à 90 %, la recherche et même l’emploi parce qu’il faut compter les services aux entreprises qui représentent 16 % de l’emploi global.

M. Jean-Pierre Chevènement. Par conséquent, l’instauration d’une flat tax sur les exportations de capitaux serait une bonne idée, un peu différente, je l’admets, de celle qui a été développée par Mme Beaufils, mais répondant à la même préoccupation. Toutefois, c’est autre chose.

À défaut d’accroître le montant des ressources fiscales consacrées à la péréquation, je crains que celle-ci ne reste très insuffisante ; nous en reparlerons lors de l’examen du projet de loi de finances.

M. Philippe Richert, ministre. Volontiers !

M. Jean-Pierre Chevènement. Mais la loi de finances pour 2011 fixe des objectifs très modestes, puisque l’objectif de ressources, s’agissant du Fonds national de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales, est fixé à 2 % seulement des recettes fiscales à l’horizon 2015, soit 1 milliard d’euros – bien loin des 18 milliards d'euros de Mme Beaufils ; ce n’est tout de même pas la même chose, un dix-huitième – …

M. Philippe Richert, ministre. C’est vrai qu’elle est plus ambitieuse !

M. Jean-Pierre Chevènement. … avec une montée en charge progressive : 215 millions d’euros l’année prochaine, ce n’est quand même pas grand-chose. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit.) Ces montants sont très faibles eu égard aux ressources fiscales perçues en 2010 par les communes, environ 30 milliards d’euros, et par les EPCI, quelque 15 milliards d’euros. Par ailleurs, la dotation au profit des fonds départementaux « structures défavorisées » correspond à une dotation de 445 millions d’euros, vous l’avez évoquée.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le problème, c’est de baisser les dépenses !

M. Jean-Pierre Chevènement. Le débat parlementaire a conduit à considérer que les 2 % s’entendaient « hors FDPTP »,…

M. Jean-Pierre Chevènement. … et je vous remercie de bien vouloir me le confirmer, monsieur le ministre.

La péréquation horizontale ne doit pas se substituer à la péréquation nationale définie par l’État et organisée de manière verticale. La péréquation horizontale entre collectivités doit avoir pour but d’affiner cette péréquation nationale et, en particulier, de mieux prendre en compte les charges particulières d’un territoire.

La disposition que je viens d’évoquer est favorable à l’intercommunalité, je m’en réjouis. Encore faudrait-il redéfinir les notions de potentiel fiscal et de potentiel financier. Quoi qu’on fasse, je vous le répète, monsieur le ministre, les efforts de péréquation resteront insuffisants tant que l’on n’agira pas sur le volume des montants financiers concernés. Vous ne pouvez pas l’ignorer !

S’agissant de la péréquation départementale et régionale portant sur le produit de la CVAE, créée par la loi de finances pour 2010, le rapport Durieux-Subremon avait pointé la faiblesse des effets péréquateurs entre les régions : 0,6 %, et même entre les départements : 2,5 %.

Un groupe de travail a été mis en place par la commission des finances du Sénat, mais l’absence d’objectif chiffré résultant de la volonté d’affiner les simulations – si j’ai bien lu les textes émanant de ladite commission – ne traduit-elle pas tout simplement l’absence d’ambition ?

M. Philippe Richert, ministre. Ah !

M. Jean-Pierre Chevènement. Cette question s’adresse aussi bien à M. le président Arthuis qu’à vous-même, monsieur le ministre.

M. Philippe Richert, ministre. Ah !

M. Jean-Pierre Chevènement. Le thème de la péréquation ne doit pas servir de feuille de vigne pour dissimuler la grande misère de beaucoup de collectivités.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le volontarisme politique de M. Chevènement !

M. Jean-Pierre Chevènement. Il faut aller plus loin, comme l’avait affirmé notre président du groupe RDSE, M. Yvon Collin, lors d’un débat le 27 septembre 2010, pour affirmer la volonté républicaine d’une plus grande solidarité au niveau des territoires.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ah oui !

M. Jean-Pierre Chevènement. Je rappelle aussi la proposition de M. Jacques Mézard de prendre en compte deux critères qui pourraient remplacer celui de potentiel fiscal et rendre ainsi la péréquation plus efficace : d’abord, le revenu global des habitants sur le modèle allemand ; …

M. Philippe Richert, ministre. Très bien !

M. Jean-Pierre Chevènement. … ensuite, la population, tant il est vrai que l’efficacité péréquatrice s’en trouverait renforcée.

La commission des finances a désigné un groupe de travail sur la péréquation. Je rejoins les préconisations de l’Association des maires de France en faveur d’objectifs qui pourraient se résumer de la façon suivante : gommer les effets de seuil ; définir un périmètre de ressources aussi large que possible ; …

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !

M. Jean-Pierre Chevènement. … éviter une « double peine » pour les territoires accueillant des activités industrielles – je pense, par exemple, à la communauté d’agglomération de Belfort ou à la communauté d’agglomération du pays de Montbéliard avec Alstom, General Electric, Peugeot – nous sommes, à l’évidence, pénalisés ; …

M. Yvon Collin. Eh oui !

M. Jean-Pierre Chevènement. … enfin, intégrer la notion de revenu par habitant, suggestion formulée par Jacques Mézard.

Si poussée et méritoire que puisse être la réflexion du groupe de travail désigné par la commission des finances, je crains malheureusement que l’objectif de péréquation qui résulte du pacte républicain, impliquant la solidarité des territoires, ne puisse être atteint s’il n’y a pas une ressource fiscale additionnelle.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà ! Toujours plus !

M. Jean-Pierre Chevènement. Vous êtes pris dans des marges beaucoup trop étroites.

C’est le mérite de la proposition de loi de Mme Beaufils d’avoir lancé le débat. Elle permet de voir tout l’intérêt pour les collectivités et pour le pays de la création d’une taxe qui découragerait la fuite de l’épargne nationale et favoriserait à l’inverse le réinvestissement en France de cette épargne et la contribution à la relocalisation industrielle de beaucoup de nos grands groupes, qui ont largement bénéficié du soutien de la collectivité nationale et de tous les gouvernements, de droite comme de gauche. Ces grands groupes – dix-huit parmi les deux cents premiers mondiaux, nous en avons plus que l’Allemagne et autant que la Grande-Bretagne – sont un atout pour la France, mais à une condition : ils devraient se préoccuper davantage de « renvoyer l’ascenseur »,…

M. Jean-Pierre Chevènement. … bref, de maintenir et de développer en France une part plus substantielle de leur activité,…

M. Yvon Collin. Absolument !

M. Jean-Pierre Chevènement. … d’y favoriser le développement d’entreprises sous-traitantes, de contribuer, comme vous l’avez souhaité, à l’investissement industriel.

Voilà une piste que j’ouvre à mon tour : réfléchissez-y !

Ces propositions pourraient nourrir l’emploi, les cotisations sociales, les plus-values fiscales, au bénéfice des collectivités locales, comme le souhaite Mme Beaufils.

C’est vraiment l’intérêt de cette proposition de loi : elle nous fait découvrir un paysage,…

M. Philippe Richert, ministre. Ah oui !

M. Jean-Pierre Chevènement. … à vous aussi, je l’espère.

Le groupe RDSE, pour ce qui le concerne, émettra un vote d’abstention positive…

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà !

M. Jean-Pierre Chevènement. … sur la proposition de loi déposée par le groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du Parti de gauche. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – M. le président de la commission des finances et M. Pierre-Yves Collombat applaudissent également.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ça se termine mieux que ça n’avait commencé !

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. En vous écoutant, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, j’ai commencé à rédiger une déclaration dans laquelle on peut lire : les parlementaires du groupe CRC-SPG regrettent que l’aveuglement idéologique de la droite sénatoriale (M. le président de la commission des finances rit.) n’ait pas permis d’avancer sur la justice fiscale ni sur la mise en question de choix de défiscalisation qui n’ont empêché ni le chômage de masse, ni la précarité du travail. (M. Gérard Le Cam opine.)

M. Thierry Foucaud. M. le rapporteur nous parle d’idéologie.

Vous le savez, notre démarche est fondée sur les besoins de notre pays et de ses habitants et, bien évidemment, sur la lutte contre les pratiques spéculatives : 18 milliards d'euros, cela vous fait bondir, mais 360 milliards d'euros pour les banques, c’est normal ! Les 15 milliards d'euros de la loi TEPA, la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, vous vous rappelez le « gagner plus en travaillant plus » ! Eh bien, la plupart de ceux qui croyaient gagner plus sont au chômage aujourd'hui. Cela coûte 15 milliards d'euros, monsieur le ministre, à comparer aux 18 milliards d'euros pour les collectivités qui s’en serviront pour créer des emplois, satisfaire les besoins dans les quartiers…

Mme Marie-France Beaufils. Faire vivre les entreprises !

M. Thierry Foucaud. … et pour que l’on ne voit plus à la télévision ces reportages sur les quartiers en difficulté, par exemple.

Je voudrais tout de même dire – car il y a un peu de public dans les tribunes – que ces 18 milliards d'euros ne visent pas à faire mal aux entreprises, ces 18 milliards d'euros visent à taxer la spéculation de certaines entreprises. Il ne s’agit pas de taxer celles qui vont investir dans la production ou créer des emplois. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le Gouvernement est à fond pour la spéculation !

M. Thierry Foucaud. Je me permets donc de rappeler ici que, effectivement, nous sommes partisans, avec cette proposition de loi déposée par notre collègue Marie-France Beaufils, de prélever plus à partir de l’entreprise afin de financer l’action des collectivités locales plutôt que de laisser ces sommes être mobilisées pour financer la spéculation financière, de longue haleine ou non !

Oui, nous trouvons plus moral, plus juste et plus logique de faire en sorte que la richesse créée par le travail revienne vers celles et ceux qui l’ont créée, c’est-à-dire les travailleurs, les salariés eux-mêmes, plutôt que de persévérer dans la voie tracée jusqu’alors, celle de l’exemption continue et surtout grandissante de la participation des entreprises au financement de l’action publique.

Oui, nous estimons que les différentes réformes de la fiscalité locale menées de longue date n’ont toujours répondu qu’au seul credo de l’allégement de la responsabilité des entreprises au regard de la collectivité des citoyens et qu’elles ont échoué à garantir à notre pays un avenir industriel, le plein-emploi, la sécurité de l’emploi et que sais-je encore !

Depuis vingt-cinq années, nous sommes confrontés aux zones urbaines sensibles, à la cristallisation de la crise économique et sociale, aux discriminations territoriales. Or que nous dit-on aujourd’hui ? Que ce serait un mauvais signe pour les entreprises que de leur demander de mettre la main au porte-monnaie et d’apporteur leur écot à l’action des élus locaux en cette période de reprise économique. Quelle reprise économique ? L’INSEE annonce une baisse de 6,5 points des commandes dans l’industrie en janvier dernier !

Dites-moi, mes chers collègues, que faut-il préférer ? Que les sommes que nous entendons prélever servent au financement de l’action publique locale ou qu’elles soient stérilisées dans des trésors de guerre ou mobilisées dans la guerre boursière que les grands groupes, les banques et les autres féodalités financières et économiques se mènent sur les marchés ?

Je suis l’humble représentant d’un département de forte tradition industrielle, où les centres de décision se situent souvent plutôt du côté de la Défense ou des Champs-Élysées que des quais des ports du Havre ou de Rouen !

Nous ne sommes pas le département le moins peuplé ni le plus pauvre de France, mais la jeunesse haute-normande subit de plein fouet les choix stratégiques des grands groupes.

Vous parliez de la finance, mais je pourrais reprendre l’exemple de Renault : 1 % de ce qui a été redistribué aux actionnaires aurait permis de payer le travail des salariés que l’entreprise a mis au chômage partiel ! (Mmes Marie-France Beaufils et Nicole Borvo Cohen-Seat opinent.)

Vous parliez de délocalisations, monsieur le ministre. Mais où sont fabriquées nos voitures Renault ?

M. Roland Courteau. Bonne question !

M. Thierry Foucaud. Cela va donc à l’encontre de ce que vous indiquiez tout à l’heure !

Monsieur le ministre, il faut que nous donnions aux collectivités territoriales les moyens de leur action pour qu’elles répondent aux défis sans cesse révélés et mis en évidence par la vie quotidienne. Cette nécessité a été mise en lumière à l’occasion des élections cantonales, aussi bien par le vote de gauche que par l’abstention, car des populations entières n’en peuvent plus mais !

Alors que de jeunes habitants de mon département, des familles entières, sont victimes de discriminations, d’exclusions, nous devrions, parce que cela fait bien dans le décor, tenter de répondre à leur appel avec les moyens du bord, au motif qu’il n’y aurait pas lieu de le faire en sollicitant un peu plus les entreprises à partager la charge publique ?

Notre proposition de loi reviendrait sur la réforme de la taxe professionnelle et créerait une insécurité juridique, nous dit-on. Je serais tenté de répondre : la belle affaire !

J’ai examiné la situation des communes et des collectivités de mon département. Monsieur le ministre, voici quelques éléments pour résumer tous les bienfaits de la réforme de la taxe professionnelle !

Il est acquis que les entreprises de la Seine-Maritime ont tiré parti de la réforme.

La région, pour près de 90 millions d’euros, sollicite en effet la dotation de compensation nouvelle formule et le fonds national de garantie individuelle des ressources afin de pouvoir disposer des mêmes ressources fiscales qu’auparavant !

M. Thierry Foucaud. Le département en est pour 31 millions d’euros de compensation et 34 millions d’euros de fonds de garantie !

Les quatre plus importants établissements publics de coopération intercommunale, dont l’agglomération de Rouen et celle du Havre, vont récupérer pour près de 70 millions d’euros de compensation et près de 120 millions d’euros au titre du Fonds de garantie !

Quand on fait les comptes, ce sont donc près de 250 millions d’euros qui auront été rendus aux entreprises de la Seine-Maritime... Et pour quel résultat ?

Soit dit en passant, monsieur Charles Guené, dans le département en 2010 l’évolution du chômage ne semble pas valoriser le choix qui a été fait de supprimer la taxe professionnelle.

M. Thierry Foucaud. L’année 2010 a en effet été marquée par une consolidation du nombre des demandeurs d’emploi, lequel ne progresse plus que grâce aux radiations administratives et aux départs en retraite d’une population ouvrière et salariée quelque peu vieillissante !

Malgré la réforme de la taxe professionnelle immédiatement applicable, plus de 125 000 habitants de mon département sont totalement privés d’emploi ou victimes du temps partiel imposé, et nous avons battu les records de progression du chômage en début d’année 2010.

Mes chers collègues, il est donc temps que nous changions notre fusil d’épaule.

Les sommes considérables qu’au travers de multiples dispositions fiscales et sociales l’État a pu engloutir pour alléger les impôts des entreprises ou leurs cotisations sociales ont, pour une large part, été utilisées au bénéfice de la sphère financière, des guerres de conquête, des raids boursiers, des opérations spéculatives et du financement des plans sociaux et des restructurations juridiques et industrielles.

Monsieur le président, mon temps de parole est terminé, mais permettez-moi de poursuivre encore un peu, comme l’a fait le collègue qui m’a précédé. (Sourires.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame Marie-France Beaufils n’avait pas tout dit, c’est ça !

M. Thierry Foucaud. Eh oui, on compte tous pour un, monsieur le président !

Les sommes que nous entendons consacrer au développement de l’action publique locale ne serviront pas à la spéculation pure, à la rémunération sans cesse plus exigeante du capital, aux gaspillages financiers qui précèdent et accompagnent la spéculation...

J’en ai fini, monsieur le président.

Redonnons donc aux acteurs du développement local que sont les élus locaux les moyens financiers de leur intervention, pour leur action pugnace et quotidienne, dans leurs choix de service public, dans le respect de l’intérêt général !

C’est le sens profond de cette proposition de loi bien défendue par notre collègue Marie-France Beaufils. Étant au plus près des attentes et des besoins de la population, je ne peux que voter ce texte des deux mains, et même plutôt deux fois qu’une !

En conclusion, permettez-moi une brève remarque : puisqu’on a parlé d’idéologie, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je ne comprends pas que, sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, on ne réponde pas à l’intervention de notre collègue Marie-France Beaufils. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Roland Courteau applaudit également.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Question d’idéologie !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous comprenons parfaitement la motivation du groupe CRC-SPG pour défendre sa proposition de loi.

Ce texte vise non seulement à faire contribuer les entreprises, au travers de leurs actifs financiers, au financement de l’action publique locale, donc au service public local qui, on le sait, profite à ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire nos concitoyens les plus pauvres, mais également à renforcer la péréquation fiscale.

Lors de l’examen de la loi de finances, monsieur le ministre, nous avons relevé que la suppression de la taxe professionnelle pourrait coûter au budget de l’État entre 7 milliards et 8 milliards d’euros,...

Mme Nicole Bricq. ... et non le chiffre annoncé de 5 milliards d’euros !

M. Philippe Richert, ministre. 4,7 milliards d’euros !

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le rapporteur général de la commission des finances à l’Assemblée nationale ! Et encore, cela ne tient pas compte des dégrèvements dus au titre de la contribution économique territoriale !

Monsieur le ministre, j’ai bien noté que vous en restiez aux chiffres initiaux.

Mme Marie-France Beaufils. Regardez les chiffres !

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président de la commission des finances, il faudra bien, à un moment ou à un autre, connaître le coût réel de cette réforme pour l’État !

M. Roland Courteau. Ça s’impose !

Mme Nicole Bricq. Je veux aussi souligner que la perte d’autonomie fiscale pour les collectivités territoriales se chiffre à hauteur de 2,5 milliards d’euros et non de 800 millions d’euros comme on nous l’avait dit !

Quoi qu’il en soit, les collectivités sont privées de prévisibilité, car la volatilité de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, qui la remplace pour partie, n’est plus à démontrer.

Qui plus est, dans les travaux sur la péréquation que nous menons au sein de la commission des finances – je vais en dire un mot –, nous avons appris par la directrice de la législation fiscale que certaines entreprises contestaient les calculs de l’administration fiscale.

Le plus important, c’est la perte très significative de l’effet taux de la fiscalité économique, car elle condamne les communes à actionner le seul levier qui leur reste, celui de la fiscalité des ménages. Mais c’était peut-être le but de la manœuvre...

Les collectivités sont donc mises au régime maigre, ce qui n’est tout de même pas très bon pour le cycle économique dans lequel nous nous trouvons.

Quant à la péréquation, que nous prenons très au sérieux au groupe socialiste, c’est un sujet qui, lors de la dernière loi de finances, est tout de même resté sans réponses vraiment opératoires, faute de disposer de bonnes simulations. Or, d’après ce que nous avons appris en commission des finances, celles-ci ne seront disponibles qu’au mois de septembre, et dans le meilleur des cas ! C’est tout de même court pour l’examen de la loi de finances pour 2012 ! Mais il est vrai que ce sera une année très particulière...

Une chose est claire : la dotation globale de fonctionnement, dont les composants sont gelés par ailleurs, génère en son sein un effet contre-péréquateur au travers de sa part forfaitaire. Cela explique sans doute que, faute de vouloir envisager une péréquation d’importance à caractère national, la majorité et le Gouvernement se sont limités aux seuls fonds des droits de mutation à titre onéreux, dont vous avez rappelé le chiffrage pour 2011.

Monsieur le ministre, vous avez insisté sur le fait qu’au cours de la dernière période, le dernier trimestre 2010, la manne des droits de mutation à titre onéreux est remontée. Permettez-moi de vous répondre ceci : d’abord, ce n’est pas vrai partout, j’y insiste,...

M. Philippe Richert, ministre. Si, partout !

Mme Nicole Bricq. ... ni de la même ampleur...

M. Philippe Richert, ministre. Ça, c’est vrai !