M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques de suppression de l’article 30.

En déposant l’amendement n° 54 rectifié, ses auteurs entendent manifester leur désaccord avec la création de l’interdiction de retour sur le territoire, dont nous avons déjà eu l’occasion de débattre. Il n’y a donc pas lieu de revenir sur le fond de cette question.

Les auteurs de l’amendement n° 172 avancent, quant à eux, le motif suivant : l’article 30, dans sa nouvelle rédaction, ne transpose pas correctement la directive Retour, celle-ci prévoyant que la rétention doit être décidée seulement si des mesures moins coercitives ne peuvent pas être prises.

Il convient de noter que, désormais, le préfet pourra choisir entre la rétention administrative et l’assignation à résidence, ce qui n’est pas le cas dans le droit en vigueur. Le projet de loi va donc bien dans le sens de la directive Retour.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Nous partageons l’avis défavorable de la commission.

Je précise simplement à l’attention de M. Louis Mermaz, qui a évoqué tout à l’heure la CIMADE, que je reconnais tout à fait le rôle de cet organisme. Mais je me souviens parfaitement – j’étais chargé du portefeuille de l’immigration à l’époque – avoir souhaité mettre fin à sa situation de monopole.

J’ai privilégié l’ouverture et la diversité, ce qui explique que non seulement la CIMADE, mais aussi l’Ordre de Malte, Forum réfugiés, l’Association service social familial migrants, dite ASSFAM, et France terre d’asile travaillent aujourd’hui au sein des centres de rétention.

Je pense franchement que cette réforme, qui, à l’époque où elle a été proposée, avait pu susciter des inquiétudes, donne globalement satisfaction. En tous cas, je ne regrette absolument pas le choix qui a été fait.

Par ailleurs, il y a incontestablement des alternatives à la rétention administrative. Au moins trois sont prévues : l’obligation de présentation régulière à l’autorité administrative, l’assignation à résidence et la remise du passeport aux autorités. On ne peut donc pas dire que nous empruntons la seule voie de la rétention !

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je rappelle que l’assignation à résidence existe depuis longtemps et, à mon sens, elle est moins douloureuse pour les familles et moins coûteuse pour l’État. En particulier, en cas de dépôt des documents de voyage, il existe une garantie.

Par ailleurs, j’ai récemment lu dans un rapport de la CIMADE sur les centres de rétention administrative que 30 % seulement des personnes passant par ces centres sont expulsées. Autrement dit, 70 % d’entre elles ne le seront finalement pas !

Ce taux me semble important à prendre en compte. Il montre que, parfois, voire assez souvent, la rétention administrative est inutile.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 54 rectifié, 172 et 376.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 377, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après la référence :

L. 561-2,

insérer les mots :

et s’il existe des perspectives raisonnables d’éloignement,

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 378.

Le paragraphe 4 de l’article 15 de la directive Retour énonce : « Lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement pour des considérations d’ordre juridique ou autres […], la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté. »

La Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée, le 30 novembre 2009, sur l’interprétation de ce paragraphe. Selon sa jurisprudence, il est nécessaire que, « au moment du réexamen de la légalité de la rétention par la juridiction nationale, il apparaisse qu’il existe une réelle perspective que l’éloignement puisse être mené à bien ».

Nous regrettons que le présent projet de loi ne comporte aucune disposition en vue de transposer cette obligation de remise en liberté.

C’est pourquoi nous proposons de conditionner le placement en rétention administrative à l’existence de « perspectives raisonnables d’éloignement ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement n° 377 tend effectivement à préciser que le placement en rétention administrative peut être effectué seulement s’il existe des perspectives raisonnables d’éloignement.

Il est vrai que cette circonstance ne figure pas expressément à l’article 30. Toutefois, elle résulterait aussi bien de l’application de l’article 33, qui prévoit expressément les mesures pouvant être prises par dérogation à la rétention administrative en attendant que la perspective raisonnable d’éloignement existe, que de celle de l’article L. 554-1 du CESEDA, selon lequel « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ ».

La commission des lois demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Courteau, l’amendement n° 377 est-il maintenu ?

M. Roland Courteau. Je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 377.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 498, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

pour une durée de cinq jours

par les mots :

pour une durée de quarante-huit heures

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec la suppression, votée en commission, de l’article 37 du projet de loi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Je rappelle que la réforme inscrite à l’article 37 est au cœur même du projet de loi, dans sa partie relative aux mesures d’éloignement.

La commission des lois a effectivement supprimé cet article 37 au motif – je ne pense pas trahir sa position, monsieur le président Hyest – de la constitutionnalité de la réforme et de l’atteinte aux droits des étrangers que celle-ci pourrait entraîner. Pour le Gouvernement, ces inquiétudes ne sont pas fondées, l’article 37 tendant à réformer selon des modalités appropriées et conformes aux exigences constitutionnelles.

C’est pourquoi, exceptionnellement, nous avons là une divergence avec la commission des lois ; j’émets donc un avis défavorable sur l’amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est une question délicate ! On ne peut pas dire que le juge administratif n’est pas, lui aussi, protecteur des libertés. Il prend d’ailleurs des décisions en se fondant sur sa connaissance propre du dossier de l’étranger. Or, au titre de l’article 66 de la Constitution qui protège les libertés publiques, le juge judiciaire a été intégré depuis longtemps dans le circuit.

Nous allons bientôt débattre de la garde à vue. À cet égard, le délai de quarante-huit heures appliqué dans le cadre de cette procédure a été considéré comme une privation de liberté.

Jusqu’à présent, le juge judiciaire se prononçait sur la liberté sans connaître le sort du dossier administratif. Les motivations des décisions sont d’ailleurs variées, mais quelquefois un peu systématiques. Ensuite intervenait la décision du juge administratif.

C’était le meilleur moyen de faire en sorte que les dossiers ne soient pas réglés par le juge administratif ! En effet une fois que la décision du juge judiciaire est prise, celle du juge administratif ne peut avoir de conséquence. Ce problème est compliqué...

Nous pourrions envisager, monsieur le ministre, une unification de la procédure contentieuse et la suppression des tribunaux administratifs, comme c’est le cas dans de nombreux pays.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cette demande existe depuis longtemps !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Après tout, des esprits éminents et brillants ont proposé une telle unification. Cela paraît impossible aujourd’hui, surtout au vu des motifs qui ont présidé à la création du Conseil d’État et des tribunaux administratifs...

Il est évident que la disparité de jurisprudence à laquelle nous sommes confrontés jette un doute sur la cohérence de notre droit des étrangers. À titre personnel, j’ai toujours trouvé absurde un système dans lequel deux juridictions sont appelées à se prononcer sur un même dossier !

Certes, le Conseil constitutionnel a jugé qu’une durée de sept jours était trop longue, mais il n’a rien dit d’autre. C’est sa seule jurisprudence !

Bien que j’hésite, je ne voterai pas l’amendement du rapporteur, car j’estime que la réflexion peut encore progresser. Ne pourrait-on réduire encore cette durée et rapprocher les deux délais ?

Quoi qu’il en soit, la dualité de juridictions dans ce domaine pose un problème de fond, spécifique à cette branche du droit.

J’hésite beaucoup, car je tiens à ce que les libertés soient protégées, mais aussi à ce que la décision du juge administratif, qui connaît le dossier et doit examiner l’affaire, puisse peser. Trop souvent, en effet, celle-ci ne sert plus à rien, dès lors que l’étranger est remis en liberté et qu’il est entré sur le territoire français.

Nous savons bien que l’on prend de nombreuses mesures, mais que l’on en applique peu. C’est l’un des défauts de notre droit.

Si nous avions adopté l’ensemble des amendements proposés par nos collègues de gauche depuis le commencement de ce débat, il ne resterait plus qu’à supprimer le CESEDA, à laisser tous les étrangers entrer dans notre pays et y rester autant qu’ils le souhaitent ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Mme Raymonde Le Texier. Vous n’avez accepté aucun de nos amendements !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je dis la vérité : vous allez même au-delà de la législation votée sous la majorité de gauche ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) C’est la réalité ! Il est un peu facile, dans ces conditions, de dire que l’on veut un débat digne... Je n’ai pas l’intention, pour ma part, d’aller dans le sens de ceux qui disent que les étrangers sont la cause de tous nos maux...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourtant, certains le pensent...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela n’a jamais été mon cas ! Je suis parlementaire depuis vingt-six ans, et j’ai toujours défendu les droits des étrangers lorsque je considérais que certains gouvernements exagéraient !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne parlais pas de vous ! Pourquoi vous mettre en colère ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je ne sais pas ce qui est le plus utile pour notre pays, dans le respect du droit des étrangers et dans le souci d’assurer l’efficacité de la politique menée. Je ne voterai donc pas l’amendement de la commission. (Applaudissements sur quelques travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je suggère que nous n’anticipions pas le débat sur l’article 37, à l’occasion duquel le président Longuet présentera un amendement.

Je suis tout à fait sur la même ligne que le président Hyest : il a parfaitement raison de dire qu’une partie de cet hémicycle veut aller nettement plus loin que la loi relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile, adoptée en 1998, alors que M. Chevènement était ministre de l’intérieur sous une majorité de gauche.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !

M. Brice Hortefeux, ministre. M. Hyest vient de dire qu’il ne voterait pas l’amendement de la commission. Pour ma part, je confirme l’opposition du Gouvernement à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Pour notre part, nous voterons l’amendement du rapporteur.

Je suis tout à fait sensible, d’une manière générale, aux explications du président de la commission. En l’occurrence, il n’en demeure pas moins qu’une question de coordination et de cohérence se pose. (M. le président de la commission des lois opine.)

L’amendement n° 498 est le simple constat d’une position majoritaire, celle de la commission des lois, qui a proposé la suppression de l’article 37. Or le Parlement doit délibérer – on nous le rappelle assez souvent ! – sur le texte de la commission. Nous devons faire preuve de cohérence par rapport au processus législatif !

Il est logique et normal d’adopter l’amendement présenté par le rapporteur au nom de la commission des lois. Il est également logique de considérer que le juge « normal » des libertés est bien, dans notre droit, le juge judiciaire, et non le juge administratif.

Je le dis très clairement : je suis de ceux qui sont favorables à l’unicité des juridictions. Je ne m’en suis jamais caché ! Mais nous n’y sommes pas encore... En attendant que cette unicité se réalise un jour, je constate que l’ensemble de nos textes disposent que le juge compétent pour statuer sur les questions relatives aux libertés est le juge judiciaire, et non le juge administratif. C’est une question de cohérence juridique, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je suis un peu gêné, monsieur le président. Il s’agit en effet d’un amendement de coordination par rapport à la position de la commission. Celle-ci ayant supprimé l’article 37, cet amendement doit logiquement être voté. (M. Jacques Mézard opine.)

Il y a deux solutions : ou bien on vote sur l’amendement n° 498 et, s’il est rejeté, il nous faut adopter, dans un souci de cohérence, l’amendement n° 1 rectifié ter de M. Longuet tendant à rétablir l’article 37 supprimé par la commission ; ou bien on réserve le vote sur cet amendement jusqu’à l’examen de l’article 37.

Je me suis borné à exprimer mes interrogations...

M. le président. Souhaitez-vous que le vote de l’amendement n° 498 soit réservé, monsieur le président de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Les termes du débat sont assez clairs ! La commission ayant supprimé l’article 37, il faut en revenir au délai initialement prévu.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est ce que j’ai dit !

M. Richard Yung. À défaut, nous ferions preuve de la plus grande incohérence. Le président Hyest a eu tout à fait raison de le dire ! Pour ces raisons, et dans un souci de cohérence, nous voterons l’amendement du rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est normal !

M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous sommes en première lecture ! (Sourires.)

La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

M. Yves Détraigne. Mes collègues et moi-même allons suivre la position de la commission.

Certes, je comprends les arguments du président Hyest. Il serait effectivement plus simple que le juge d’un seul ordre intervienne pour contrôler l’ensemble d’un dossier, mais l’article 66 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ».

Nous partageons l’avis du Conseil constitutionnel, selon lequel le juge des libertés et de la détention doit intervenir dans le plus court délai possible, et nous considérons que ce délai le plus court délai possible c’est quarante-huit heures.

Favorables à la position de la commission sur l’article 37, nous voterons, par voie de conséquence, l’amendement n° 498 du rapporteur.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 498.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 154 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 186
Contre 152

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Pierre Sueur. Nous applaudissons la commission !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 55 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 379 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 55 rectifié.

M. Jacques Mézard. Nous proposons la suppression de l’alinéa 9 de l’article 30 ; il s’agit donc d’un amendement de repli par rapport à l’amendement de suppression de l’article.

Ainsi que je l’ai évoqué lors de la présentation de ce dernier amendement de suppression, à aucun moment la directive Retour ne prévoit la rétention de l’étranger qui fait l’objet d’une interdiction de retour, en tous les cas pas de la manière dont elle est prévue dans l’article.

Il est par conséquent cohérent de supprimer toute référence à une telle interdiction en supprimant l’alinéa 9 de l’article 30.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 379.

M. Roland Courteau. Le présent article, qui modifie l’article L. 551–1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, détaille les situations dans lesquelles le préfet peut ordonner le placement d’un étranger en rétention administrative.

Ainsi, l’alinéa 9 dispose qu’un étranger peut être placé en rétention lorsqu’il « doit être reconduit d’office à la frontière en exécution d’une interdiction de retour ».

Le groupe socialiste ne peut accepter cette possibilité nouvelle d’assortir une obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français allant de deux à cinq ans et s’y opposera tout au long de l’examen du texte.

Une telle disposition s’apparente selon nous – nous l’avons déjà dit – à un véritable bannissement de la personne concernée.

Par cette interdiction faite à une personne de séjourner dans notre pays, le Gouvernement remet au goût du jour une peine qui était pourtant tombée en désuétude en France, une peine infamante permettant de marginaliser des populations indésirables.

On trouve des analyses intéressantes des peines de bannissement et de l’exil qui existaient en Europe aux XVIe et XVIIe siècles. L’objectif recherché était alors non pas de faire œuvre de justice, mais plutôt de manifester sa force de façon violente, d’exclure l’autre.

Si l’on entre dans le détail de cette procédure d’interdiction de retour sur le territoire français, nos craintes sont alors confirmées : tout étranger qui fait l’objet d’une mesure d’éloignement est susceptible d’être frappé par une interdiction de retour. Cette double peine va vraisemblablement devenir automatique.

L’interdiction ne se limite pas au territoire français mais englobe l’ensemble du territoire européen. Aucun dispositif n’est prévu afin de protéger d’un tel bannissement des catégories d’étrangers qui ont pourtant vocation à séjourner en France.

La directive Retour excluait explicitement les personnes victimes de traite des êtres humains ou ayant fait l’objet d’une aide à l’immigration clandestine et coopérant avec les autorités.

Le projet de loi ne prévoit pas de mécanisme permettant à l’étranger frappé d’une interdiction de retour sur le territoire français ou IRTF d’annuler son inscription au système d’information Schengen lorsque l’IRTF aura été abrogée ou annulée, alors qu’une telle inscription se traduira pour l’individu concerné par l’impossibilité d’obtenir un visa ou un titre de séjour dans un pays européen.

Enfin, et je terminerai sur ce point, monsieur le président, le dispositif de reconduite d’office à la frontière en exécution d’une interdiction de retour ne prend pas en compte l’évolution de la situation des personnes concernées ; je pense non seulement à la situation personnelle des individus, mais aussi à celle du pays d’origine, qui ont pu basculer dans l’intervalle et qui pourraient justifier l’obtention d’un droit d’asile.

Mes chers collègues, j’espère que vous conviendrez avec nous qu’une telle notion d’interdiction de retour sur le territoire français est trop risquée et n’a pas de place dans notre corpus juridique, et qu’il faut par conséquent supprimer l’alinéa 9 de l’article 30.

M. Richard Yung. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission s’est déjà exprimée dans le cadre de la discussion de l’article 23. Elle a émis un avis défavorable sur les amendements nos 55 rectifié et 379.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 55 rectifié et 379.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 56 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Les mineurs non accompagnés et les familles comportant des mineurs ne peuvent être placés en rétention qu'en dernier ressort et pour la période appropriée la plus brève possible. »

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Par cet amendement, nous proposons de compléter l’article 30 par un alinéa ainsi rédigé : « Les mineurs non accompagnés et les familles comportant des mineurs ne peuvent être placés en rétention qu’en dernier ressort et pour la période appropriée la plus brève possible. »

Le présent projet de loi a pour objet de transposer la directive Retour ; c’est du moins ce qui est déclaré. Par conséquent, autant aller au bout du processus en inscrivant dans le texte les dispositions relatives aux mineurs non accompagnés et aux familles comportant des mineurs.

L’article 17 de la directive prévoit que les mineurs non accompagnés et les familles comportant des mineurs ne peuvent être placés en rétention qu’en dernier ressort et pour la période appropriée la plus brève possible. Étant donné que la clause du droit national plus favorable ne joue pas au regard des dispositions du projet de loi, nous demandons la transposition pure et simple de l’alinéa 1 de l’article 17 de la directive.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 56 rectifié tend à préciser que les mineurs non accompagnés et les familles comportant des mineurs ne peuvent être placés en rétention qu’en dernier ressort et pour la période appropriée la plus brève possible.

Ce faisant, il tend à transposer expressément une disposition de l’article 17 de la directive Retour.

Du point de vue de la commission, cet amendement est satisfait pour ce qui est des mineurs non accompagnés.

En ce qui concerne les familles, il est vrai que des mineurs accompagnant leurs parents sont placés en rétention. Toutefois, le CESEDA prévoit certaines modalités spécifiques d’accueil pour ces familles. La situation de celles-ci est d’ailleurs déjà attentivement examinée par l’administration.

En outre, le dispositif du bracelet électronique prévu aux dispositions de l’article 33, que nous examinerons dans quelques instants, est précisément destiné à tenir compte de telles situations.

La commission a par conséquent émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 378, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au présent article ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne est immédiatement remise en liberté. »

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 378 tend à prévoir que la rétention ne peut perdurer s’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement ou que les conditions autorisant la mesure de rétention ne sont plus réunies.

Je rappelle simplement que ces dispositions résultent aussi bien de l’article L. 554–1 du CESEDA, aux termes duquel l’étranger peut être retenu seulement le temps strictement nécessaire à son départ, que de l’article 41 du présent texte, qui fixe le nombre limité de cas dans lesquels la rétention peut être prolongée.

La commission a donc émis un avis défavorable.