fonds de solidarité pour le logement et identité des bénéficiaires

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la question n° 1118, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

M. Rémy Pointereau. Monsieur le secrétaire d'État, la loi d’orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions pose le principe du droit, pour les ménages en situation de précarité et confrontés à des difficultés pécuniaires, une aide financière pour accéder ou préserver leur accès à une fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques.

Depuis juillet 2006, les présidents de conseils généraux ont le pouvoir de signer les décisions relatives au Fond social pour le logement, le FSL, et doivent rendre compte a posteriori de leurs décisions à leur assemblée délibérante.

Or, avant cette saisine, le Conseil général du Cher oppose un refus de communiquer la liste des bénéficiaires du FSL aux maires des communes de résidence de ces bénéficiaires.

Même dans les communes rurales, où ils connaissent à peu près tout le monde et ont donc une information parfaite sur les populations démunies en situation de précarité, les maires ne peuvent pas exprimer un avis ni intervenir éventuellement en complément, par l’intermédiaire de leur centre communal d’action sociale, le CCAS. Ils en éprouvent, bien sûr, un sentiment de frustration et ils s’interrogent sur le bien-fondé et la légalité d’un tel refus.

Voilà quelques mois, j’avais interrogé sur ce sujet, dans le cadre de la commission de l’économie, notre collègue Alex Türk, en sa qualité de président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL. Il m’avait répondu que c’était la loi, et non la CNIL, qui empêchait la communication des listings.

S’agissant de l’aspect légal, une loi du 31 mai 1990 prévoit l’obligation pour les conseils généraux de conclure des conventions avec les fournisseurs.

Ces conventions doivent définir les modalités d’information réciproque entre fournisseurs et services sociaux du conseil général et, le cas échéant, communaux. Les communes ou les centres intercommunaux d’action sociale, les CIAS, peuvent même être parties prenantes à ces conventions afin de contribuer à la politique de prévention aux côtés des services sociaux départementaux, la signature de ces conventions étant aussi l’occasion de définir précisément les modalités d’échange d’informations.

Il semble donc bien que les maires doivent être tenus informés.

Pouvez-vous préciser, monsieur le secrétaire d’État, quel est le cadre légal applicable et, surtout, dans quelle mesure et dans quelles conditions le conseil général est tenu de communiquer des informations sur les bénéficiaires du FSL ?

Enfin, de quels recours les maires disposeraient-ils pour faire valoir le droit à l’information à ce sujet, en cas de refus persistant du conseil général ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Monsieur le sénateur, vous demandez si les communes et intercommunalités, avec leurs CCAS et CIAS, doivent travailler avec les conseils généraux pour aider les ménages éprouvant des difficultés financières. La réponse est évidemment positive : oui, ils doivent travailler ensemble.

L’article 3 du décret n°2008-780 du 13 août 2008 relatif à la procédure applicable en cas d’impayés des factures d’électricité, de gaz, de chaleur et d’eau précise bien que le FSL saisi d’une demande doit informer tous les services sociaux concernés : ceux du département, de la commune et du fournisseur.

En outre, il est possible pour les maires de signer les conventions conclues entre les conseils généraux et les fournisseurs, ce que j’encourage vivement. Ces conventions définissent les modalités d’information réciproque entre fournisseurs et services sociaux concernés des différents signataires, notamment des communes. Ainsi, au-delà de la simple information relative aux saisines d’aide du FSL, ces conventions doivent permettre une réelle mise en commun des efforts des services sociaux départementaux et communaux.

Enfin, la gestion du FSL doit faire l’objet d’un compte rendu transmis au comité responsable du plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées, le PDALPD, au sein duquel siège au moins un représentant de commune. Dans le cas du département du Cher, ce comité est composé de représentants des CCAS de Bourges et de Vierzon, ainsi que d’un représentant de l’Association des maires du Cher. C’est à l’intérieur de cette instance, par le biais du règlement intérieur du FSL et dans le cadre du décret que je viens de citer, qu’il importe de faire valoir cette nécessité d’information mutuelle des services sociaux. Ce règlement, adopté après avis du comité responsable du plan, doit prendre en compte toutes les dispositions du décret de 2008.

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Elle ne me satisfait cependant que partiellement. Ainsi, dans le Cher, alors même que nous avons passé une convention, le président du conseil général du Cher oppose une fin de non-recevoir aux maires qui souhaitent obtenir des listes de bénéficiaires du FSL et demande aux parlementaires – dont je suis le seul représentant au sein du conseil général – de changer la loi sur ce point.

Je souhaite que l’on clarifie la législation en précisant qu’il est obligatoire pour tous les conseils généraux de communiquer ces listes. Le maire peut bien obtenir la liste des demandeurs d’emploi de sa commune inscrits à Pôle emploi, pourquoi ne pourrait-il pas demander celles des bénéficiaires du FSL ?

Dans un souci de transparence, il serait utile de disposer de ces listes, notamment dans nos communes rurales comptant 400 ou 500 habitants, où l’on connaît les difficultés des uns et des autres. Sur le plan de l’équité et pour que les choses soient claires, il est indispensable que votre secrétariat d’État donne des instructions sur ce point aux conseils généraux.

M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

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Débat sur l’indemnisation des communes au titre des périmètres de protection de l’eau

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur l’indemnisation des communes au titre des périmètres de protection de l’eau, organisé à la demande du groupe UMP.

La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, orateur du groupe qui a demandé ce débat.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, au nom du groupe UMP, auteur de la demande. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le président et l’ensemble des membres du groupe UMP ont souhaité l’inscription de ce débat, en cette première journée de séance de l’année 2011, pour attirer l’attention du Gouvernement sur la situation de nombreuses petites communes qui se trouvent injustement pénalisées financièrement.

En effet, nous connaissons tous les contraintes pesant sur les communes dans lesquelles a été déclarée d’intérêt public la création de périmètres de protection autour de captages d’eau destinée à la consommation humaine.

La présence de périmètres de captage peut représenter des contraintes importantes pour les communes, notamment en rendant impossibles les implantations industrielles, commerciales, de loisirs ou de tout autre type, sans du reste que leurs habitants bénéficient nécessairement des eaux captées.

C’est notamment le cas lorsque les ressources en eau sont exploitées pour alimenter une agglomération à laquelle n’appartient pas la commune concernée.

Je citerai comme exemple celui du territoire de la commune de Budos, dans mon département de la Gironde, qui accueille une zone de captage d’eau pour le compte de la communauté urbaine de Bordeaux.

La création de périmètres de protection autour des captages d’eau prévue à l’article L. 1321–2 du code de la santé publique permet de s’assurer que cette eau est propre à la consommation humaine et de prévenir les causes de pollution susceptibles d’en altérer la qualité.

En effet, l’article L. 1321–2 du code de la santé publique dispose que l’acte portant déclaration d’utilité publique des travaux de prélèvement d’eau destinée à l’alimentation des collectivités humaines, acte mentionné à l’article L. 215–13 du code de l’environnement, détermine autour du point de prélèvement plusieurs périmètres : un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété ; un périmètre de protection rapprochée « à l’intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d’installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux » ; le cas échéant, un périmètre de protection éloignée « à l’intérieur duquel peuvent être réglementés les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols et dépôts ci-dessus mentionnés ».

Compte tenu des restrictions qu’ils imposent aux possibilités de construire ou de développer certaines activités, ces différents périmètres ont un impact direct sur le dynamisme économique de ces territoires, notamment en y interdisant, de fait, les implantations industrielles, commerciales ou de loisirs.

Or les articles L. 1321–2 et L. 1321–3 du code de la santé publique ne prévoient aucune indemnisation pour les collectivités publiques concernées alors que les propriétaires privés des terrains inclus dans les périmètres en cause peuvent, eux, bénéficier d’indemnités fixées selon les règles applicables en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique.

Cette situation, mes chers collègues, apparaît particulièrement inéquitable lorsque les habitants d’une commune ne bénéficient même pas des eaux captées, lesquelles sont le plus souvent exploitées pour approvisionner ceux de grandes agglomérations voisines.

La seule solution pour la commune est actuellement de mettre en jeu la responsabilité sans faute de l’État sur le fondement de la rupture de l’égalité devant les charges publiques – voir l’arrêt du Conseil d’État du 15 novembre 2000, chambre de commerce de Colmar –, car l’acte portant déclaration d’utilité publique des travaux de prélèvement d’eau est un acte administratif préfectoral.

Aucun recours direct en responsabilité n’est possible, par exemple à l’encontre de l’établissement public de coopération intercommunale bénéficiaire des eaux captées, comme l’a confirmé encore récemment la jurisprudence administrative. Dans l’arrêt Tribunal administratif de Bordeaux, 12 mars 2009, commune de Budos, le juge a ainsi rappelé que, « conformément aux principes qui régissent la responsabilité sans faute de la puissance publique, quand bien même les servitudes à l’origine du litige sont constituées au bénéfice de la communauté urbaine de Bordeaux, seule la responsabilité de l’État peut être engagée en raison de la rupture d’égalité devant les charges publiques résultant ou à résulter d’un acte émanant du préfet, autorité de l’État ».

Or la reconnaissance de la responsabilité sans faute de l’État est difficilement admise par la jurisprudence pour ce type d’opérations, qui répondent à des préoccupations d’intérêt général.

Les communes sont, à cet égard, moins bien traitées que les sociétés privées, lesquelles peuvent être indemnisées si leurs activités sont perturbées par le captage d’eau. Selon moi, nous sommes là face à un vide juridique.

Ainsi, dans un arrêt rendu le 12 janvier 2009, une société d’exploitation s’est vu reconnaître par le Conseil d’État le droit à une indemnisation pour la raison qu’un captage sur le torrent alimentant sa centrale avait réduit le débit de celui-ci. Le juge a considéré qu’il existait un lien direct de causalité entre le captage opéré et le préjudice dont la société demandait réparation et que ce préjudice présentait un caractère anormal de nature à ouvrir droit à indemnité.

J’ai donc pris l’initiative, en juillet dernier, de déposer une proposition de loi visant à donner une base légale à un dispositif rendant possible l’indemnisation des communes sur les territoires desquelles un captage d’eau potable est opéré sans contrepartie, c’est-à-dire lorsqu’une source d’eau potable est située sur le territoire de la commune, mais exploitée au profit des habitants d’une autre collectivité.

À cet effet, ma proposition de loi tend à insérer un article L. 1321–3–1 nouveau dans le code de la santé publique prévoyant un dispositif d’indemnisation de ladite commune. Cet article s’insère après l’article L. 1321–3 dudit code, lequel article fixe le régime des indemnités dues aux personnes privées.

Il prévoit que les indemnités qui peuvent être dues aux propriétaires ou aux occupants de terrains compris dans un périmètre de protection de prélèvement d’eau destinée à l’alimentation des collectivités humaines, à la suite de mesures prises pour assurer la protection de cette eau, sont fixées selon les règles applicables en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique ; lorsque les indemnités visées au premier alinéa sont dues à raison de l’instauration d’un périmètre de protection rapprochée visé à l’article L. 1321–2–1, celles-ci sont à la charge du propriétaire du captage.

Le dispositif nouveau que nous proposons s’appuie sur l’exemple des servitudes d’urbanisme qui, pareillement, font l’objet d’arrêtés préfectoraux ayant des incidences sur les règles de construction.

Il existe un principe de non-indemnisation des servitudes d’urbanisme, qui figure à l’article L. 160–5 du code de l’urbanisme. Il signifie que, à moins de démontrer une faute de l’administration dans l’établissement de la servitude, les administrés ne peuvent demander réparation des préjudices que son institution leur cause.

Ce principe fait cependant l’objet de quelques dérogations législatives. Le même article L. 160–5 prévoit ainsi une réparation en cas d’atteinte à des droits acquis : « Toutefois, une indemnité est due s’il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification de l’état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain ; cette indemnité, à défaut d’accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui doit tenir compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan d’occupation des sols rendu public ou du plan local d’urbanisme approuvé ou du document qui en tient lieu. »

Le code de l’urbanisme admet également l’indemnisation pour la servitude de passage le long du littoral. Son article L. 160–7 dispose ceci : « La servitude instituée par l’article L. 160–6 n’ouvre un droit à indemnité que s’il en résulte pour le propriétaire un dommage direct, matériel et certain. La demande d’indemnité doit, à peine de forclusion, parvenir à l’autorité compétente dans le délai de six mois à compter de la date où le dommage a été causé. L’indemnité est fixée soit à l’amiable, soit, en cas de désaccord, dans les conditions définies au deuxième alinéa de l’article L. 160–5. Le montant de l’indemnité de privation de jouissance est calculé compte tenu de l’utilisation habituelle antérieure du terrain […]. »

Autre exemple, la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d’énergie, modifiée par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », a prévu l’indemnisation des servitudes – pouvant comporter des limitations ou interdictions de construire – instituées au voisinage d’une ligne électrique aérienne de tension supérieure ou égale à 130 kilovolts.

L’article 12 bis de cette loi, créé par loi SRU, dispose précisément ce qui suit :

« Après déclaration d’utilité publique précédée d’une enquête publique, des servitudes d’utilité publique concernant l’utilisation du sol, ainsi que l’exécution de travaux soumis au permis de construire, peuvent être instituées au voisinage d’une ligne électrique aérienne de tension supérieure ou égale à 130 kilovolts. Ces servitudes sont instituées par arrêté du préfet du département concerné.

« Ces servitudes comportent, en tant que de besoin, la limitation ou l’interdiction du droit d’implanter des bâtiments à usage d’habitation et des établissements recevant du public. Elles ne peuvent faire obstacle aux travaux d’adaptation, de réfection ou d’extension de constructions existantes édifiées en conformité avec les dispositions législatives et réglementaires en vigueur avant l’institution desdites servitudes, à condition que ces travaux n’entraînent pas d’augmentation significative de la capacité d’accueil d’habitants dans les périmètres où les servitudes ont été instituées.

« Lorsque l’institution des servitudes prévues au présent article entraîne un préjudice direct, matériel et certain, elle ouvre droit à une indemnité au profit des propriétaires, des titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit. Le paiement des indemnités est à la charge de l’exploitant de la ligne électrique. À défaut d’accord amiable, l’indemnité est fixée par le juge de l’expropriation et est évaluée dans les conditions prévues par l’article L. 13–15 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

« Un décret en Conseil d’État, pris après avis du comité technique de l’électricité, fixe la liste des catégories d’ouvrages concernés, les conditions de délimitation des périmètres dans lesquelles les servitudes peuvent être instituées ainsi que les conditions d’établissement de ces servitudes. »

Ma proposition de loi s’inspire directement de ce dernier exemple.

Elle comporte un article 1er qui ouvre la possibilité d’une indemnisation en cas de « préjudice direct, matériel et certain » résultant de la création de l’un des périmètres de protection visés au premier alinéa de l’article L. 1321–2 du code de la santé publique. Cette indemnisation est distincte de celle qui existe pour les propriétaires des terrains compris dans les périmètres. Mes chers collègues, il est clair que ceux qui prétendent qu’il n’existe pas de préjudice direct, matériel et certain dans ce genre de situation ne sont jamais venus sur le terrain !

Elle prévoit que les indemnités visées sont à la charge de la collectivité publique bénéficiaire du captage.

L’article 2 vise à instaurer une compensation des éventuelles conséquences financières pouvant en résulter pour la collectivité débitrice.

Ma proposition de loi, vous l’avez compris, madame le ministre, n’occasionne aucune charge pour l’État. L’indemnisation doit être faite par la collectivité bénéficiaire. Ainsi, de fait, la responsabilité sans faute de l’État sur le fondement de la rupture de l’égalité devant les charges publiques ne pourra plus être invoquée. C’est également un point important.

Je souhaite donc très vivement que le Gouvernement puisse se pencher avec attention et bienveillance sur cette proposition législative qui ne vise qu’à remédier à une situation inéquitable pour de nombreuses petites communes.

Comme mes collègues du groupe UMP cosignataires de cette proposition de loi, j’aurais bien sûr préféré que l’on débatte aujourd’hui de celle-ci. Je souhaite en tout cas qu’à l’issue de ce débat, auquel chacun apportera sa contribution et ses témoignages, le Gouvernement, dans sa grande sagesse, donne un avis favorable à cette proposition législative et que celle-ci puisse être inscrite rapidement à l’ordre du jour des travaux du Sénat. Il faut remédier à une situation inéquitable : il y va, je le répète, de l’intérêt des petites collectivités locales. (Mme Catherine Troendle et M. Bernard Saugey applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’enjeu sanitaire lié à la qualité et à la sécurité de l’eau potable est fondamental. Les eaux puisées doivent répondre à des normes de potabilité pour protéger la santé des populations et éviter des crises sanitaires. C’est pourquoi la mise en place de périmètres de protection autour des points de captage est essentielle.

Il est indispensable de protéger physiquement les ouvrages et d’empêcher toute introduction directe de substances dans les captages. Malheureusement, les objectifs fixés par le premier puis par le second plan national santé-environnement ne sont pas encore atteints et ne sont pas à la hauteur des enjeux.

L’ambition était l’instauration de périmètres de protection pour 80 % des captages en 2008 et pour 100 % en 2010. Or il semblerait qu’à peine un peu plus de la moitié des points de captage bénéficient en 2010 de périmètres de protection. Je souhaiterais, madame la ministre, que vous puissiez préciser ces chiffres.

Nous savons que les raisons de ce retard sont diverses. Les procédures sont longues et complexes. Elles sont le fruit d’une réglementation multiple liée à la fois au domaine de la santé et à celui de l’environnement, qui n’ont pas les mêmes enjeux ni les mêmes exigences et encore moins les mêmes acteurs.

De plus, sur le terrain, chaque situation est unique. Par exemple, le captage peut être la propriété d’une entreprise privée qui revend l’eau à une collectivité territoriale ou bien appartenir à une collectivité mais être situé sur le terrain d’un agriculteur. Ainsi, la protection des captages fait référence à la notion de territoire et entre en conflit avec d’autres usagers et d’autres usages.

La loi prévoit que les propriétaires privés de terrains inclus dans les périmètres de protection peuvent bénéficier d’indemnités fixées selon les règles applicables en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique. Cependant, la loi ne prévoit aucun dispositif de compensation pour les communes dans lesquelles la création de périmètres de protection autour de captages d’eau destinée à la consommation humaine a été déclarée d’intérêt public. Pourtant, elles doivent supporter de nombreuses et lourdes contraintes, notamment sur les périmètres de protection rapprochée.

La préservation de l’eau est une obligation légale, un devoir pour les collectivités territoriales. Néanmoins, il y a un impact direct bien réel sur le dynamisme économique de ces territoires lors de l’installation des différents périmètres de protection autour des captages. Par exemple, l’implantation ou le développement de certaines activités industrielles, commerciales, voire touristiques deviennent impossibles. Dès lors, ces communes subissent des préjudices extrêmement importants.

Cette situation est d’autant plus inéquitable que les habitants de la commune concernée, comme l’a souligné Mme Des Esgaulx, ne bénéficient souvent même pas des eaux captées. La plupart du temps, elles sont exploitées pour approvisionner de grandes agglomérations voisines. À ce niveau, incontestablement, la solidarité territoriale ne joue pas ; elle serait pourtant fort utile.

La seule solution pour les communes est actuellement de mettre en jeu la responsabilité sans faute de l’État sur le fondement de la rupture d’égalité devant les charges publiques,…

M. Jean-Louis Carrère. Il n’y a pas de péréquation !

M. François Fortassin. … mais la jurisprudence n’admet que très rarement la responsabilité de l’État pour ces opérations qui répondent à des préoccupations d’intérêt général. Effectivement, comme le souffle mon excellent collègue Jean-Louis Carrère, la notion de péréquation est dans ces cas-là totalement absente, alors qu’elle serait pourtant indispensable.

Pourquoi la commune devrait-elle supporter la totalité des dépenses au bénéfice exclusif d’autres communes ou collectivités ? La protection de la ressource est l’affaire de la collectivité dans son ensemble, et non d’une commune en particulier. La question de la répartition des financements doit être résolue. Les périmètres de protection sont décidés à l’initiative de la collectivité pour les captages qu’elle exploite situés sur son territoire, que celui-ci soit administratif ou pas.

Il y a donc un décalage entre, d’une part, une opération de protection de la ressource au bénéfice de tous et, d’autre part, les contraintes et les servitudes qui ne vont peser que sur la seule commune sur le territoire de laquelle se trouve le point de captage à protéger. Les agences de l’eau ont, semble-t-il, un rôle à jouer sur ce plan. Or, pour l’instant, elles sont souvent étrangement muettes.

Mais, surtout, pourquoi ne pas mettre en place une compensation financière en contrepartie des servitudes créées par l’instauration de périmètres de protection ?

Ce vide juridique doit être comblé au plus vite. Il est avant tout essentiel de connaître aujourd’hui avec précision le nombre de communes concernées. Il permettra d’estimer le coût que représenteraient les indemnisations supplémentaires, car avant d’objecter un coût trop élevé, encore faudrait-il que nous disposions d’estimations à peu près fiables.

Il est paradoxal de prôner une protection maximale des ressources en eau sans mettre en place les moyens nécessaires pour atteindre cet objectif. Le retard accumulé représente autant de pollutions de moins en moins contrôlables. Certains périmètres ne pourront plus – ou ne peuvent déjà plus – être installés du fait de l’urbanisation. Les communes sont encore une fois trop seules aujourd’hui pour assumer la mise en place et le financement d’une procédure coûteuse et complexe.

La loi qui sera vraisemblablement votée dans les mois à venir réglera peut-être le problème. En attendant, nous souhaiterions que l’État n’abandonne pas en rase campagne des collectivités souvent de petite taille et extrêmement démunies. Nous attendons surtout, madame la ministre, que l’État joue le rôle d’arbitre qui lui est imparti. (MM. Jean-Claude Frécon et Michel Teston applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous devons débattre aujourd’hui de la question des périmètres de protection autour des captages d’eau, à la demande du groupe UMP et plus précisément de notre collègue Mme Des Esgaulx, auteur d’une proposition de loi sur ce thème. Il s’agit en effet d’une question importante : la protection de la ressource aquatique contre les pollutions est une nécessité absolue, nécessité réaffirmée lors du Grenelle de l’environnement et notamment dans la loi dite « Grenelle 2 ».

Il me semble utile avant toute chose de revenir quelques instants sur la définition et l’intérêt même de ces périmètres. Il s’agit non pas d’imposer des contraintes déraisonnables aux collectivités, mais bien de garantir la qualité de la ressource en eau.

Ainsi, les périmètres de protection constituent le moyen privilégié pour prévenir et diminuer toute cause de pollution locale, ponctuelle et accidentelle qui peut altérer la qualité des eaux prélevées. Ce dispositif a été codifié, à la suite de la loi du 3 janvier 1992 sur l’eau qui rend désormais sa mise en œuvre obligatoire.

Ces périmètres sont essentiels pour atteindre l’objectif d’un accès à l’eau potable et non pollué pour l’ensemble de nos concitoyens, comme l’a rappelé Mme Rama Yade dans la réponse à une question orale posée par vous-même, madame Des Esgaulx.

À ce titre, le taux de réalisation des objectifs formulés par les plans nationaux santé-environnement, dont le premier date de 2004, n’est pas à la hauteur de nos attentes. Si l’objectif désigné est la couverture de l’ensemble des captages à l’horizon 2010, les chiffres sont alarmants : seuls 57 % des captages bénéficient d’une protection, et nous sommes déjà en 2011 !

Ainsi, il me semble que l’urgence est bien de réaffirmer la volonté politique partagée par l’ensemble des acteurs d’aller vers une couverture intégrale des captages d’eau par des périmètres de protection et d’identifier les freins à l’application de cette obligation légale.

Par ailleurs, dans le rapport de la Cour des comptes de février 2002, les lacunes de ces périmètres de protection ont été soulevées. Notamment, il a été déploré que ceux-ci ne constituent pas une bonne protection contre les pollutions diffuses d’origine agricole. Pour finir, les procédures de création de ces périmètres sont jugées longues et complexes, ce qui expliquerait pour partie le retard pris.

Nous le voyons, les questions liées à ces périmètres sont multiples et nous devons nous interroger sur la constitution de meilleurs outils afin de préserver la qualité de la ressource aquatique, et ce dans le cadre d’une meilleure imprégnation des impératifs écologiques au sein des politiques publiques.

Dans ce sens, il me semble que la proposition de loi du groupe UMP peut laisser penser que la protection des captages est une contrainte assimilée à une nuisance, ce qui, à nos yeux, n’est pas une bonne approche.

Pour ce qui est plus précisément de l’objet du présent débat, vous avez raison de rappeler que le principe reste celui de la non-indemnisation des servitudes d’urbanisme. Certes, des exceptions existent, notamment celle que vous mentionnez concernant l’indemnisation des communes accueillant sur leur sol des lignes à haute tension ; mais il nous semble que la situation est différente puisqu’il s’agit dans un cas de la création par l’homme d’une infrastructure par définition nouvelle et qui aurait pu se situer ailleurs, et dans l’autre d’un point de captage naturel qui a toujours été présent.

En effet, si ces périmètres entraînent pour les communes qui les subissent des contraintes – et personne ne le nie –, ils sont par ailleurs le gage de la qualité de l’eau, objectif qui ne doit souffrir aucune restriction, et ne peuvent ainsi être simplement considérés comme une nuisance entachant le potentiel de développement d’une commune.

Au fond, toute la difficulté consiste ainsi à faire coïncider l’intérêt général avec l’intérêt particulier, en l’occurrence celui d’une collectivité qui elle aussi, d’une certaine manière, représente l’intérêt général. Mais comment indemniser pour un dommage qui n’existe pas ? Comment expertiser les projets hypothétiques qui auraient pu naître à cet endroit ?

Sur le fond, seul l’État peut, par des mesures compensatoires, prendre acte du préjudice subi. À cet égard, je partage le point de vue de mon collègue Fortassin sur la question de la péréquation. Il est bien évident que les collectivités qui portent seules des territoires à enjeu d’intérêt général doivent être aidées et bénéficier de mesures de péréquation.

Nous regrettons que la jurisprudence soit si restrictive en ce domaine et que la responsabilité de l’État – responsabilité sans faute – comme outil de solidarité territoriale et de péréquation ne soit jamais reconnue. Il y a là matière à un véritable débat. Il nous faudra d’ailleurs nous interroger sur les motivations des juges en ce domaine.

Ainsi, faute de pouvoir engager la responsabilité de l’État, vous êtes tentés, mes chers collègues, avec cette proposition de loi, de renvoyer les collectivités dos à dos en opposant celles qui seraient propriétaires et celles qui seraient bénéficiaires d’un captage d’eau – d’autres domaines pourraient ensuite être concernés. En outre, le dispositif d’indemnisation prévu aurait nécessairement des répercussions sur les factures d’eau des particuliers, ce que nous ne souhaitons pas.

Je crains que, au fond, ce genre de débat ne nous amène à éluder d’autres questions.

L’assèchement des ressources des collectivités locales par l’État doit nous conduire non pas à opposer les collectivités les unes aux autres, mais à désigner les véritables responsables de cette situation.

Vous l’aurez compris, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, même si le groupe CRC-SPG comprend les difficultés rencontrées par les collectivités et le problème posé par Marie-Hélène Des Esgaulx, même s’il ne nie pas les problématiques purement locales que posent les périmètres de protection, il ne peut souscrire aux solutions préconisées dans la proposition de loi. Cette dernière témoigne tout de même d’une logique de marchandisation des ressources premières et occulte les défis et les responsabilités partagées en termes de développement durable par l’ensemble des collectivités publiques. Nous pensons que la solution réside dans la péréquation et que l’État a un rôle à jouer.