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Égalité professionnelle entre les hommes et les femmes

Discussion d’une question orale avec débat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 1 de Mme Catherine Morin-Dessailly à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Cette question est ainsi libellée :

« Mme Catherine Morin-Desailly attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur la situation discriminatoire que les femmes continuent de subir au cours de leur carrière professionnelle.

« La réforme des retraites a mis en exergue la question structurelle de ces inégalités. Elles apparaissent dans le parcours professionnel (moindre progression, difficultés d'accès à des postes à responsabilité, temps partiel subi…) et dans les écarts de salaires. Cette double inégalité induit par voie de conséquence des écarts de pensions importants.

« Elle rappelle que la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes avait notamment accordé aux entreprises un délai de cinq ans pour atteindre l'objectif de suppression des écarts de rémunération. Or des bilans font déjà apparaitre l'inefficacité d'une loi qui aurait déjà dû comporter un dispositif de sanctions appropriées. Si la réforme des retraites a eu le mérite d'aborder les inégalités, elle ne saurait suffire à apporter une réponse efficace et pérenne.

« L'échéance de l'objectif de suppression arrivant à terme le 31 décembre prochain, elle interroge le Gouvernement sur les dispositions qu'il compte prendre pour remédier à une situation d'inégalité persistante, très préjudiciable aux femmes. »

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, auteur de la question.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis le début du siècle, à l’image de Jeanne Chauvin, première femme avocate française – pour n’en citer qu’une –, les femmes se sont battues pour obtenir les mêmes droits que les hommes. Si, depuis tout ce temps, plusieurs lois ont été adoptées, notamment au cours des trente dernières années, comme le soulignait – à très juste titre – Édouard Herriot, « il est plus facile de proclamer l’égalité que de la réaliser ».

Actuellement, les femmes représentent près de la moitié de la population active. Entre 15 ans et 64 ans, 65,5 % d’entre elles sont actives, contre 74,6 % des hommes. Bien sûr, il convient de relativiser ce taux au regard de la nature de l’emploi occupé puisque la part des femmes travaillant à temps partiel a quasiment doublé ces dernières années, passant de 17,3 % à 29,4 %.

Mme Catherine Morin-Desailly. Par ailleurs, elles sont plus touchées par le sous-emploi, le chômage et les bas salaires.

M. Roland Courteau. C’est vrai aussi !

Mme Catherine Morin-Desailly. Enfin, selon une enquête de l’INSEE pour le ministère du travail, publiée le 2 décembre dernier, les femmes occupent des emplois où le travail semble moins épanouissant, exercent moins souvent des responsabilités et accèdent plus difficilement à des formations.

Alors que les femmes ont massivement investi le marché du travail et que leur niveau d’éducation a rejoint, voire dépassé, celui des hommes, il semble aberrant que de telles inégalités professionnelles perdurent.

M. Ronan Kerdraon. En effet !

Mme Catherine Morin-Desailly. Il convient de noter que la recherche de l’égalité entre les genres est poursuivie dans le monde entier. Sur le plan international, les Nations unies et l’Organisation internationale du travail, l’OIT, sont les deux principales institutions qui veillent à la prise en compte de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

L’Europe, dès 1957, a affiché, avec le traité de Rome, une politique volontariste d’égalité entre les sexes. Depuis cette date, d’autres textes ont été adoptés pour assurer l’égalité des droits et des chances entre les femmes et les hommes en matière d’emploi, de formation professionnelle et de protection sociale.

Dans notre pays, le cadre juridique s’est mis en place progressivement. En 1983, la loi dite Roudy a inscrit l’égalité professionnelle dans le code du travail et le code pénal.

Mme Catherine Morin-Desailly. En 2001, ce texte a été actualisé et renforcé par la loi dite Génisson, qui définit les axes de la mise en œuvre de l’égalité professionnelle.

En 2006, c’est plus spécifiquement sur l’égalité salariale que nous nous sommes engagés. Il se trouve que le 31 décembre prochain, date fixée par la loi de 2006, nous arriverons à l’échéance du délai accordé aux entreprises pour atteindre l’objectif de suppression des écarts de rémunération.

M. Roland Courteau. C’est exact !

Mme Catherine Morin-Desailly. C’est pourquoi, à quelques jours de cette date butoir, le groupe centriste a souhaité que nous puissions dresser un bilan de l’application de cette loi et, au-delà, débattre avec vous, madame la ministre, des perspectives à envisager.

Je tiens en préalable à rappeler qu’au cours de ce dernier trimestre nous avons eu plusieurs fois l’occasion de débattre de la place faite aux femmes dans la sphère professionnelle. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les choses n’avancent pas vite et que, lorsqu’elles avancent, c’est toujours à l’initiative du Parlement.

M. Ronan Kerdraon. Exactement !

Mme Catherine Morin-Desailly. Le 27 octobre dernier, nous avons adopté la proposition de loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle.

Le 15 novembre dernier, dans le cadre du projet de loi de finances 2011, c’est grâce à un amendement de Chantal Brunel…

M. Ronan Kerdraon. Tout à fait !

Mme Catherine Morin-Desailly.  … que 2,5 millions d’euros de crédits supplémentaires ont été affectés pour renforcer le service des droits des femmes et de l’égalité entre les hommes et les femmes. La présidente de notre délégation aux droits des femmes, Michèle André – dont je salue l’implication –, s’était elle-même mobilisée.

Par ailleurs, la loi sur les retraites dont nous avons longuement débattu, a été l’occasion de mettre en lumière la situation très inégale des femmes, dont le montant des retraites ne peut qu’être inférieur à celui des hommes puisqu’elles ont le plus souvent des carrières inégales et morcelées.

Nous avons pu apporter quelques aménagements à la loi,…

M. Roland Courteau. Très peu !

Mme Catherine Morin-Desailly.  … mais bien insuffisants au regard du problème. Il est vrai que ce texte ne pouvait résoudre à lui seul toutes les inégalités structurelles, et qu’il convenait, dès lors, de revenir à la loi de 2006, ce que nous faisons aujourd’hui. Nous attendons ainsi du nouveau Gouvernement qu’il nous dise clairement ses intentions sur le sujet.

En effet, je regrette que, contrairement aux annonces faites par Xavier Darcos, alors ministre du travail, fin 2009, rien n’ait abouti. Pourtant, les chiffres étaient déjà alarmants, puisque la France se situait au 116e rang mondial de la parité. Brigitte Grésy avait rendu au mois de juillet son rapport préparatoire à la concertation avec les partenaires sociaux proposant quarante mesures pour favoriser l’égalité professionnelle. Le Gouvernement affirmait alors vouloir « une véritable révolution culturelle sur un sujet de société où la France est en panne », reprenant ainsi le projet présidentiel de Nicolas Sarkozy, qui indiquait en 2007 : « Dès le mois de juin, je réunirai une conférence avec les partenaires sociaux afin que l’égalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes soit totale d’ici 2010. »

Maintenant, si nous dressons un bilan détaillé des quatre grands objectifs que nous avions fixés dans la loi du 23 mars 2006, qu’en est-il ?

Il y avait tout d’abord la suppression des écarts de rémunération en cinq ans. Ainsi, nous avons imposé aux partenaires sociaux l’obligation de négocier chaque année pour définir et programmer les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération, avant le 31 décembre 2010, dans le cadre des négociations annuelles sur les salaires. Il s’avère que, selon le dernier rapport publié par le Forum mondial économique, en matière de perception des inégalités salariales, la France atterrit au 127e rang mondial.

M. Roland Courteau. C’est regrettable !

Mme Odette Terrade. Effectivement !

Mme Catherine Morin-Desailly. Si l’on détaille, on voit que, dans les entreprises de dix salariés et plus, la rémunération brute totale moyenne des femmes est inférieure de 27 % à celle des hommes, cet écart étant plus élevé pour les plus diplômés et les salariés les plus âgés.

La nouveauté de ce texte résidait dans le dispositif d’incitation des entreprises soumises, non plus à une obligation de moyens, mais à une obligation de résultats pour atteindre les objectifs fixés. J’ai regretté, à l’époque, avec mon groupe, que ce dispositif ne soit pas contraignant. J’avais proposé un amendement visant à sanctionner les entreprises au terme des cinq ans si rien n’était fait. Le Gouvernement m’avait répondu alors qu’un premier bilan serait fait en 2008 et qu’il pourrait être assorti de sanctions. Or, à ma connaissance, ce bilan n’a jamais été fait à mi-parcours.

Mme Catherine Morin-Desailly. La thématique de l’égalité professionnelle et salariale est restée insuffisamment traitée au niveau de la branche. Il s’agit seulement du huitième thème abordé en termes de fréquence dans les accords interprofessionnels. Les accords salariaux n’abordent cette thématique que dans moins de 10 % des cas. Certaines préconisations s’apparentent à des mesures mais ne font, en réalité, que reprendre les dispositions législatives et sont finalement des coquilles vides. La leçon à tirer est simple : sans menace de sanctions, les mesures ne sont pas appliquées.

Nous avions également fixé un objectif de neutralisation des effets de l’absence pour cause de maternité afin de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. Or, le taux d’activité des femmes continue de décrocher avec l’arrivée des enfants puisqu’il passe de 73 % pour un enfant de moins de 12 ans à 64 % pour deux enfants et à 40 % pour trois enfants et plus.

Il perdure également une asymétrie des transitions professionnelles après les naissances puisque seulement 6 % des hommes mais 40 % des femmes vivent un changement dans leur situation professionnelle à la naissance d’un enfant.

Alors que l’on vante souvent les mérites du modèle suédois en matière de conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale, nous oublions trop souvent qu’il existe également une exception française. Notre pays présente deux caractéristiques : un taux de fécondité relativement haut et un taux d’activité féminine important, phénomène qui s’explique par la poursuite depuis plus de trente ans d’une articulation des politiques familiales et des politiques d’emploi, mais également par une forte évolution des mœurs.

Désormais, les femmes ne veulent pas choisir entre maternité et travail mais les conjuguer. Tandis qu’au siècle dernier, les femmes sont sorties de la famille pour entrer sur le marché du travail, les hommes sont désormais plus enclins à investir la famille. Il s’agit d’une aspiration profonde qui affleure et qui pourra largement contribuer, à terme, à l’égalité entre les hommes et les femmes.

La loi de 2006 devait être aussi un soutien à la lutte contre les discriminations au travail, plus particulièrement en favorisant la formation professionnelle tout au long de la vie. On constate que, dans le secteur privé, son taux d’accès est de 32 % pour les femmes contre 45 % pour les hommes. De plus, les femmes doivent réorganiser deux fois plus souvent que les hommes leur vie personnelle pour pouvoir suivre une formation. Dans l’ensemble, les formations suivies par les femmes et les hommes ont des objectifs proches mais des formes différentes puisque 15 % seulement des formations suivies par les femmes sont diplômantes, contre 25 % de celles suivies par les hommes.

Le dernier objectif de la loi visait l’amélioration de la représentation des femmes dans le monde du travail, notamment dans les conseils d’administration des entreprises publiques et les conseils des prud’hommes. Faute d’avoir atteint le but fixé, nous avons, le 27 octobre dernier, légiféré afin d’imposer une représentation équilibrée au sein des conseils d’administration, comme l’avait recommandé le rapport de Mme Gresy. En s’inspirant du modèle norvégien, nous avons ouvert une voie qui pourra – je l’espère – avoir un effet d’entrainement du haut vers le bas.

Néanmoins, je regrette – et je ne suis pas la seule dans cet hémicycle – que la loi ne s’applique pas aux établissements publics, qui devraient pourtant être exemplaires sur le sujet. Lieu d’incarnation des valeurs de la République, le service public garantit, en théorie, l’absence de distinction entre les hommes et les femmes.

Toutefois, des inégalités existent aujourd’hui, en matière de déroulement de carrière, d’accès aux emplois de responsabilité et de conditions de travail. Ces inégalités sont de plus en plus visibles au fur et à mesure que l’on progresse dans la hiérarchie. En effet, dans la fonction publique d’État, les femmes sont majoritaires en nombre mais elles représentent une part plus faible des emplois supérieurs de l’État que dans les fonctions publiques hospitalières et territoriales.

S’agissant des emplois à la décision du Gouvernement, que ce soit dans la magistrature ou dans l’enseignement supérieur, par exemple, alors qu’il y a un grand nombre de femmes « promouvables », elles sont très largement sous-représentées par rapport à leurs homologues masculins.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, malgré les efforts répétés, la situation des femmes stagne, voire se dégrade.

Mme Catherine Morin-Desailly. Il est temps de prendre des mesures à la hauteur des besoins.

En tout premier lieu, nous devons améliorer la législation. Et, dans les textes à venir, nous devrons concilier les outils de la conviction et ceux de la contrainte pour rendre possible le contrôle des avancées sur le terrain.

Par ailleurs, favoriser l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle est essentiel. La majorité des couples étant biactifs, il est certain qu’il nous faut faciliter la vie des parents sans pour autant les délivrer de leur rôle éducatif. Ainsi, la garde d’enfant est un vrai sujet.

Madame la ministre, le Gouvernement s’est déjà fortement engagé, en fixant un objectif de 200 000 nouvelles offres de garde à l’horizon de 2012, dont 14 000 places en crèche. L’effort doit être également poursuivi dans la mise en œuvre de systèmes existants ; je pense, par exemple, aux maisons maternelles expérimentées en Mayenne par notre collègue Jean Arthuis.

Des mesures simples et peu coûteuses existent aussi. Comme le montre le Baromètre 2010 de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, publié en octobre dernier, les petites et moyennes entreprises sont plus actives que les grandes entreprises en matière d’organisation du travail. L’exemple le plus frappant concerne le télétravail, mis en œuvre par 72 % des très petites entreprises, les TPE, comptant moins de dix salariés, mais seulement par 25 % des entreprises de plus de mille salariés. Les PME facilitent également davantage l’accès aux temps partiel, sans conséquences négatives sur l’évolution professionnelle ; elles développent des règles simples de vie quotidienne, comme d’éviter d’organiser des réunions tôt le matin ou tard le soir ; elles participent à la prise en compte des frais de garde d’enfant en cas de formation en dehors des horaires de travail. Voilà des dispositifs simples dont toutes les entreprises pourraient s’inspirer.

Évidemment, une meilleure gestion de la vie professionnelle et de la vie personnelle passe aussi par une plus grande implication des hommes dans la famille.

Désormais, le congé parental peut être pris par les hommes. Je note qu’en juin 2009 les partenaires européens ont signé un accord, inspiré du modèle nordique, qui institue un congé parental de trois ou quatre mois au minimum, dont l’un est obligatoirement réservé au conjoint et qui « tombe » si celui-ci ne le prend pas. Madame la ministre, est-il envisageable de transposer ce dispositif dans le droit français ?

M. Ronan Kerdraon. On peut essayer !

Mme Catherine Morin-Desailly. Pour favoriser l’égalité professionnelle, il faut aussi agir en faveur d’une meilleure insertion des femmes au sein des entreprises.

Pour réduire la précarité des emplois féminins, nous pourrions, par exemple, favoriser l’amélioration des conditions de rémunération, notamment en faisant passer le taux de majoration des heures complémentaires à 25 % dès la première heure complémentaire pour les contrats de moins de 16 heures par semaine, ou encore aménager la pluriactivité.

Il convient aussi d’encourager la création de « vivier de compétences » de femmes et d’accompagner ces dernières, par la formation, à prendre des responsabilités. Par exemple, au sein de l’Agence de participations de l’État, Mme Lagarde a fait constituer une liste de femmes répondant aux critères les plus exigeants pour devenir administrateur. Pourquoi ne pas s’en inspirer ?

Nous devons également aider les femmes à briser le fameux « plafond de verre » en favorisant l’égalité hommes-femmes au sein de toutes les instances de direction – comité de direction, comités exécutifs – ainsi que dans les organes de représentation du personnel, puisque c’est là aussi que se trouve le pouvoir.

Enfin, il faut absolument valoriser « l’atout féminin » pour les entreprises. Comme le démontre une étude menée par Michel Ferrary, égalité peut rimer avec performance. Cette recherche a consisté à croiser le taux de féminisation global et celui de l’encadrement en 2007, avec l’évolution de cinq indicateurs. Les résultats montrent que les sociétés où les femmes sont présentes dans les postes d’encadrement ont connu une plus forte croissance de leur chiffre d’affaires, une rentabilité deux fois plus importante, une productivité en hausse et une création d’emplois supérieure de 150 %.

Cela dit, il faut intervenir largement en amont, notamment au niveau de l’éducation, pour que s’établissent les bons réflexes. En effet, la polarisation professionnelle sur le marché du travail résulte avant tout d’une polarisation sexuelle des étudiants dans le système éducatif. Dès l’école, les jeunes filles devraient être encouragées à investir tous les secteurs, même ceux qui peuvent sembler plus masculins, et à poursuivre leurs aspirations. C’est vrai aussi pour les garçons, car les filles ne sont pas les seules à être victimes des stéréotypes.

Enfin, nous devons impérativement rendre plus effectives nos lois.

Nous pourrions ainsi simplifier les négociations sur l’égalité professionnelle en proposant la mise en place d’un bilan social unique qui traiterait tous les domaines de manière sexuée. En effet, pour de nombreuses sociétés, réaliser, d’une part, un bilan social et, d’autre part, un rapport de situation comparée est une démarche lourde.

Nous pourrions aussi donner du contenu aux accords, comme le préconise le rapport Grésy, en déterminant des leviers de changements assortis d’indicateurs et d’objectifs chiffrés de progression. Je rappelle à cet égard que j’avais proposé une réécriture de l’article 31 de la loi sur les retraites, votée ici au Sénat, pour rendre ce système plus effectif.

Il conviendrait également d’instaurer une logique de transparence et de rendre publics les efforts faits par les entreprises, en suivant le principe name and shame, et de sanctionner les entreprises récalcitrantes en soumettant à condition les allégements de charges ou bien en augmentant la taxe, adoptée lors de la réforme des retraites, à plus de 1 % de la masse salariale.

Nous pourrions enfin permettre aux entreprises d’utiliser directement, en interne, une partie de la taxe de 1 % de leur masse salariale auxquelles elles seront bientôt soumises. Par exemple, elles pourraient déduire de leur taxe certaines dépenses engagées pour favoriser l’égalité salariale.

Telles sont, madame la ministre, mes chers collègues, quelques pistes tendant à favoriser l’amélioration de la situation des femmes, car cet objectif répond tout à la fois à un impératif démocratique qui doit conduire à une plus grande justice sociale pour les femmes, à une nécessité économique dans une conjoncture démographique défavorable – compte tenu du vieillissement de la population et des tensions qui vont en résulter sur le marché du travail, les femmes représentent un vivier de compétences dont les entreprises ont besoin –, et à une exigence sociétale qui doit permettre aux femmes et aux hommes de concilier dans les mêmes conditions leur vie professionnelle et leur vie personnelle.

Madame la ministre, vous l’avez compris, nous attendons que vous indiquiez à notre assemblée, lors de ce débat, les mesures que vous comptez prendre, que ce soit dans un projet de loi global ou par des mesures réglementaires ?

Une nouvelle mission a été confiée à notre collègue députée Françoise Guégot sur l’égalité professionnelle dans la fonction publique, dont les propositions doivent être remises au cours du mois de décembre. Madame la ministre, pourriez-vous nous apporter des précisions sur le contenu de cette mission et le prolongement que vous comptez y apporter.

Je vous ai posé de nombreuses questions auxquelles nous attendons autant de réponses ; par avance, nous vous remercions. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste, de lUMP et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier notre collègue Catherine Morin-Dessailly d’avoir pris l’initiative de poser cette question, dont le libellé souligne à quel point ce débat reste, toujours et encore, indispensable.

Malgré l’adoption de plusieurs textes comme la loi Roudy de juillet 1983, imposant l’égalité salariale entre hommes et femmes, la loi Génisson de mai 2001, censée renforcer la précédente, ou bien encore celle de mars 2006, la question de la réduction des inégalités professionnelles entre hommes et femmes est loin d’être réglée, bien au contraire ! J’en veux pour preuve le fait que l’obligation imposée par la loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, à laquelle il est fait référence, n’existe malheureusement plus aujourd’hui dans notre droit positif !

En effet, cette loi prévoyait des négociations de branches relatives aux salaires et aux classifications professionnelles, avec pour objectif de définir et de programmer les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunérations entre les femmes et les hommes ; ces négociations étaient censées aboutir avant le 31 décembre 2010, c’est-à-dire dans onze jours !

Or l’article 31 du texte de loi portant réforme des retraites a supprimé la date butoir du 31 décembre 2010, sous prétexte que la loi portant réforme des retraites crée une nouvelle obligation à la charge des entreprises en matière d’égalité professionnelle et qu’elle serait plus efficace ! Mais cette nouvelle obligation n’entrera en vigueur qu’à partir du 1er janvier 2012. Une obligation certaine a donc été supprimée au profit d’une autre, future et hypothétique…

Mme Odette Terrade. Avec mes collègues du groupe CRC-SPG, j’avais dénoncé cette manœuvre lors de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites.

Encore une fois, madame la ministre, je suis désolée de constater que ce que votre Gouvernement qualifie d’avancée est en fait synonyme de recul et, comme toujours, les femmes en sont les premières victimes… Telle la vérité de vos actions en faveur de l’égalité homme-femme !

Depuis la promulgation de la loi portant réforme des retraites et jusqu’au 1er janvier 2012, date d’entrée en vigueur d’une nouvelle obligation à la charge des entreprises contenue dans ce texte, toute obligation en matière de réduction des inégalités salariales a donc disparu. Ce vide juridique illustre cruellement la politique du Gouvernement, qui se plaît à communiquer sur l’avancée des droits des femmes, mais qui, dans les faits, et dans les lois, les fait régresser.

M. Roland Courteau. C’est vrai !