Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, fixés à 1,22 milliard d’euros pour 2011, les crédits de la mission « Santé » augmentent de 2 % en crédits de paiement par rapport à 2010. Cette légère progression recouvre en réalité des évolutions contrastées, entre les programmes et à l’intérieur même de ceux-ci. Je ne les détaillerai pas ici, le rapporteur s’en est excellemment chargé.

Permettez-moi seulement de faire quelques remarques sur les éléments marquants de ce budget. L’année 2010 a vu la mise en place des agences régionales de santé, créées par la loi HPST. Il ne serait pas inutile, madame la secrétaire d’État, que soit dressé un bilan de la manière dont cela s’est passé et de dire si les problèmes de coordination nationale des ARS, de leurs relations avec la CNAM sont réglés. Je pense traduire là le sentiment général interrogatif en soulignant combien nous attendons de ces structures. Comme l’a dit le rapporteur spécial, la présentation globalisée de leurs moyens ne permet plus un contrôle ex ante par le Parlement. Nous l’avons voulu ainsi, mais nous resterons vigilants ex post.

Autre élément marquant de ce budget : le vent de rigueur qui frappe les nombreux opérateurs de la mission, et en particulier l’AFSSAPS qui ne bénéficie d’aucune subvention de l’État sur la période 2011-2013. En sa qualité de rapporteur de la mission « sécurité sanitaire » durant plusieurs années, mon excellent collègue Gilbert Barbier a souvent dénoncé le chevauchement entre les compétences des différentes agences, source d’incohérence et de dispersion des moyens. Avec lui, je ne peux donc qu’approuver les mesures prises aujourd’hui.

Cela étant, l’exemple du Benfluorex démontre amplement la nécessité de renforcer la pharmacovigilance. Pourquoi le Médiator a-t-il pu rester si longtemps sur le marché, alors que les alertes sur la dangerosité de la molécule datent de plus de dix ans ? Y a-t-il eu conflit d’intérêt ? Il appartiendra à l’IGAS saisie de répondre à ces questions et de déterminer les éventuelles responsabilités. Qu’il me soit au moins permis, à ce stade, d’appeler à plus de transparence dans les procédures et décisions des diverses agences. Les comptes rendus de réunion de l’AFSSAPS sont certes publics, mais on ne sait pas qui dit quoi et qui vote quoi. De surcroît, le financement de cette agence par les seuls laboratoires interpelle forcément ; il accrédite l’idée d’un mélange des genres, peu opportun.

Troisième sujet de préoccupation, la baisse des crédits destinés à l’éducation à la santé – ils diminuent de 11% – et de ceux qui sont consacrés à la prévention des risques infectieux et environnementaux – la réduction atteint 20 %. Madame la secrétaire d’État, le plan cancer est évidemment une priorité qui justifie un effort supplémentaire – ses crédits ont crû de 23% –, mais n’oublions pas une autre maladie qui continue de faire des ravages, je veux parler du sida. On dénombre 7 000 à 8 000 nouvelles contaminations chaque année et quelque 50 000 personnes ignorent leur séropositivité. C’est dire la nécessité d’une vraie politique de dépistage.

Gardons à l’esprit qu’un euro dépensé dans la prévention, c’est autant, sinon beaucoup plus, d’économisé dans le soin. La grande loi de santé publique, promise par votre prédécesseur pour cette année, se fait malheureusement attendre !

Au chapitre des satisfecit, je note le très net effort consenti en faveur de la formation initiale des professionnels de santé, avec une augmentation de 21,6 %. La nouvelle spécialité de médecine générale mérite une attention particulière face au problème de la démographie médicale. Ce problème, pour l’heure, n’est pas tant le nombre de médecins, qui, d’après le dernier atlas du Conseil national de l’Ordre, est stabilisé à un niveau élevé, que leur répartition sur le territoire. L’Île-de-France compte 222 spécialistes pour 100 000 habitants, soit le double de la Picardie, que je connais bien pour y avoir là des enfants médecins, et je ne parle pas d’une zone reculée rurale comme mon propre département de l’Aveyron.

Il est indispensable d’agir sur les facteurs déterminants de l’installation des médecins. Roselyne Bachelot a mis en place plusieurs outils, notamment le contrat d’engagement de service public. Il est sans doute trop tôt pour évaluer leur efficacité et leurs conséquences sociologiques. Mais nous devons aller plus loin, au risque d’une grave désorganisation de notre système de soins et d’un surcoût financier, les patients étant conduits à s’orienter vers l’hôpital.

Mon collègue Gilbert Barbier l’a déjà dit dans cette enceinte : les mesures coercitives ne sont pas la bonne méthode ; elles sont dissuasives. Les médecins associent déjà au statut libéral de fortes contraintes ; il n’est qu’à voir les chiffres : seulement 8,6 % des nouveaux inscrits à l’Ordre en 2009 ont fait le choix de l’exercice libéral. Ce faible attrait se vérifie même en radiologie, discipline souvent pointée du doigt comme la plus lucrative. Les jeunes médecins sont aussi de plus en plus nombreux à devenir « remplaçants » plutôt que de s’installer. Et ce n’est pas le recours aux praticiens étrangers, dont la formation est parfois insuffisante, qui permettra de résoudre le problème.

Le rapport d’Élisabeth Hubert, remis vendredi dernier au Président de la République, propose un ensemble de mesures intéressantes. Quelques-unes ont déjà été relevées, notamment lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale : appui à l’exercice regroupé, refonte totale des tarifs de consultation, rémunération spécifique et incitative pour l’exercice en zones sous-denses, développement de la télémédecine.

L’idée d’un recours à de nouveaux modes de rémunération, de type forfaitaire, semble progresser au sein de la communauté médicale. C’est évidemment une question lourde d’enjeux financiers. En tout état de cause, c’est la négociation conventionnelle qui devra en déterminer les contours.

L’enjeu des dix prochaines années sera très certainement le développement des systèmes d’informations et de la télémédecine. La télésanté peut être source d’économies. Sur ce point, les médecins de ville ont fait des progrès mais les liens entre l’hôpital et l’ambulatoire sont encore trop limités.

Enfin, je dirai un dernier mot sur l’aide médicale de l’État. Depuis 2002, le nombre de bénéficiaires de ce dispositif a augmenté de 40 %, entraînant une envolée des dépenses. Le sujet est complexe. D’un côté, il y a une exigence humanitaire et sanitaire ; de l’autre, il y a, je dois le reconnaître, des abus, l’AME servant parfois de médecine du travail pour les filières de travail clandestin et favorisant une certaine forme de tourisme médical.

Sans attendre le rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, et de l’Inspection générale des finances, l’IGF, l’Assemblée nationale a souhaité réformer le dispositif, en recentrant le panier de soins des bénéficiaires sur les actes à service médical suffisant, en créant un droit de timbre annuel de trente euros et en limitant le nombre d’ayants droit.

Ces dispositions sont-elles applicables sur le terrain ? Madame la secrétaire d’État, je crois que là, il nous faut travailler et réfléchir en toute sérénité. Le groupe RDSE auquel j’ai l’honneur d’appartenir sera partagé, comme à l’habitude, entre ceux qui iront dans le sens de ce budget et ceux qui, inquiets de l’évolution de l’exercice de la médecine dans notre pays, s’abstiendront ou voteront contre ce budget. (M. Jean Desessard applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, Mme Hermange ayant donné la position du groupe de l’UMP sur ce budget, je voudrais m’exprimer comme responsable du comité d’évaluation de la loi Hôpital, patients, santé et territoires. Je ferai quatre observations.

Première observation : la gouvernance hospitalière se met en place dans de bonnes conditions. Le fameux conflit entre les directeurs d’hôpitaux et les médecins est apaisé. Nous avons suffisamment interrogé à la fois les conférences de directeurs d’hôpitaux, quelle que soit leur taille, et les conférences des présidents de CME, ou commissions médicales d’établissements, pour voir que cela fonctionne bien.

Il y a deux difficultés. La première est que nombre de directeurs d’hôpitaux ont pris l’habitude de réunir des comités exécutifs, beaucoup plus larges que le directoire, et, par conséquent, l’administration actuelle des hôpitaux est composée de trois assemblées : un directoire élargi, un conseil de surveillance et une commission médicale d’établissement. Aussi, le problème de l’harmonisation des pouvoirs et des responsabilités entre les trois assemblées va constituer demain le problème de fond de la gestion hospitalière.

La deuxième difficulté est plus sérieuse : l’organisation des pôles à l’intérieur des établissements hospitaliers, qui a fait l’objet de l’excellent rapport Vallet, montre que la notion de délégation de pouvoirs à la fois financière et de gestion des personnels des directeurs vers les chefs de pôle ne se fait pas. Notre comité, et ce sera un de ses travaux importants, ira voir sur place comment cela fonctionne.

Deuxième observation : la coopération hospitalière démarre bien. Nous sommes allés à la fois en Lorraine et en Picardie. Nous avons vu le rapprochement de Metz et Nancy, qui est quelque chose d’extraordinaire. Nous avons également vu des opérations très intéressantes autour de Beauvais. En revanche, le groupement de coopération sanitaire, qui devrait évoluer vers un établissement de santé, ne fonctionne pas. C’est une formule creuse, qu’il faudra donc remettre en état de fonctionner.

En ce qui concerne la coopération pour les petits établissements hospitaliers et les élus locaux, il y a simplement une difficulté qui consiste à éviter que celle-ci ne se traduise par une centralisation. Et comme nous voulons développer l’offre de soins de qualité sur tout le territoire, il faut être très vigilant quant à l’organisation de ces communautés hospitalières.

Troisième observation : comme l’a dit ma collègue Mme Hermange, les ARS sont de grosses administrations. Concernant les contacts avec les directeurs d’hôpitaux, les élus ou les préfets de département – le préfet de région présidant le conseil de surveillance de l’ARS, cela se passe bien – qui se sentent un peu isolés dans cette organisation, il faudra veiller à la mise en place de rapports plus solides sur le plan local avec les ARS.

Depuis un an que les directeurs d’ARS sont mis en place, on les a très souvent réunis à Paris. Madame la ministre, ne cédez pas à la tentation de les appeler tous les matins dans votre cabinet : ils doivent être un peu sur le terrain, pour voir les directeurs d’hôpitaux, les médecins, les universitaires. (MM. Jacques Gautier et André Dulait applaudissent.)

M. Jean-Pierre Fourcade. Laissez-les un peu organiser et travailler sur place ; facilitez-leur l’opération ! C’est d’ailleurs l’objet de la proposition de loi que j’ai déposé à la commission des affaires sociales.

Enfin, quatrième et dernière observation, il y a un défi très important devant nous : la création des instituts hospitaliers universitaires, les fameux IHU. On a prévu un crédit de 850 millions d’euros pour en réaliser cinq. Évidemment, on a trente projets et la réaction instinctive du commissaire aux investissements, M. Ricol, et de ses collègues, notamment M. Tavernier, a été de dire qu’il n’était pas question de faire un IHU dans chaque CHU. Par conséquent, le problème des cinq, voire six ou sept, IHU que l’on doit réaliser est tout à fait important pour deux raisons.

La première raison est que cela va attirer un certain nombre de jeunes qui vont vouloir travailler dans ces IHU qui vont tout de suite prendre une dimension internationale. C’est sans doute par ce biais que l’on fera revenir en France de jeunes praticiens ou de jeunes universitaires qui sont partis aux États-Unis ou ailleurs.

La deuxième raison tient à ce que cela va donner à l’ensemble de notre équipement hospitalier une réputation internationale importante.

Donc, madame la ministre, puisque vous codirigez cette opération avec la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, prenez toute votre part dans le choix des cinq IHU. C’est un défi essentiel pour la qualité de notre médecine et pour la réputation de nos établissements.

Tels sont les propos que je voulais tenir dans les cinq minutes qui m’étaient imparties. Ils constituent le début d’un rapport d’étape. Vous aurez un rapport définitif beaucoup plus approfondi dans quelques mois. Je crois avoir cerné les problèmes, y compris celui de la démographie médicale, qui est évoqué par tous les intervenants et auquel nous devons nous attaquer. Un problème d’une telle importance ne peut être réglé par une ou deux formules. C’est l’ensemble de la formation des futurs médecins, de leur installation dans le paysage local, de leur implantation dans les quartiers que nous mettons en place dans les collectivités qui est en cause. C’est un grand sujet, qui fera évidemment aussi l’objet de notre rapport. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Anne-Marie Payet et M. Jean Desessard applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny. (M. Jean Desessard applaudit.)

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, une politique de santé publique est une politique qui parvient à réduire les inégalités face à la santé.

Or, de ce point de vue, et c’est le seul qui vaille, les indicateurs les plus récents – le rapport statistique annuel du Secours catholique (Mme Marie-Thérèse Hermange s’exclame.), le rapport de Médecins du Monde, le rapport d’étude de l’INSEE, le rapport de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DREES, le rapport de l’Observatoire de l’accès aux soins ou les mesures de l’Observatoire des inégalités territoriales – établissent le retour de la pauvreté en France et le creusement des inégalités. Ils correspondent à celui de l’apparition dans notre pays des travailleurs pauvres, et encore faut-il aussi tenir compte des conséquences de la crise à venir.

Ces indicateurs nous montrent, d’une part, le cumul des difficultés qui font que les mêmes additionnent les revenus les plus bas, le moindre niveau de diplôme et les conditions de travail les plus dures et, d’autre part, la corrélation de ces difficultés cumulées avec le taux de retard ou de renoncement aux soins.

Ces déterminants socioéconomiques se retrouvent dans tous les domaines de morbidité, qu’il s’agisse de maladies cardiovasculaires, de cancers, d’accidents, de problèmes dentaires ou de santé mentale.

Selon l’Enquête sur la santé et la protection sociale 2008 de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé, l’IRDES, publiée en juin 2010, sur une période de dix ans, le taux de renoncement à des soins pour des raisons financières augmente de 1998 à 2000, chute fortement de 2000 à 2002 et augmente constamment depuis. Il est inversement proportionnel au niveau de vie, lui-même corrélé au niveau d’études.

La mesure individuelle de fragilité sociale, au moyen du score d’évaluation de la précarité et des inégalités de santé dans les centres d’examens de santé, dit « score Épices », établit l’augmentation des comportements à risques et des renoncements aux soins, y compris préventifs, la dégradation de l’état de santé physique et mentale selon le degré de précarité qui génère un plus grand nombre de personnes en affection de longue durée, ou ALD.

Je m’en réfère, en tout premier lieu, à ces indicateurs parce qu’ils synthétisent, à l’échelon national, les dégradations que nous constatons auprès de nos concitoyens et dans les services locaux, parce qu’il s’agit incontestablement de questions de santé publique et parce que ces indicateurs, sauf erreur de ma part, sont singulièrement absents du bleu budgétaire pourtant consacré à la mission « Santé ».

Nous connaissons pourtant toujours en France ce paradoxe qui oppose niveau de soins et niveau de prévention : notre système de santé est l’un des meilleurs au monde, notre espérance de vie ne cesse de croître, notre fécondité reste parmi les plus élevées en Europe, mais la mortalité des ouvriers et employés reste trois fois plus importante que celle des cadres supérieurs, la différence d’espérance de vie à la naissance est de plus de dix ans entre les zones nord et sud, et le taux de prématurité varie du simple au triple selon le niveau scolaire de la mère...

Ce que je veux souligner ici avec insistance, c’est à la fois le caractère évitable de ces pathologies sociales liées à la précarité, la source considérable d’économies que constituerait un investissement massif en politique de prévention, mais aussi le caractère impérativement transversal qui en conditionne l’efficacité.

Mais nos récents débats sur le projet de réforme des retraites ont suffisamment montré, avec la vassalisation de la médecine du travail et une conception de la pénibilité réduite à une invalidité avérée d’au moins 10 %, que ce gouvernement n’a pas intégré cette nécessaire notion de transversalité.

Les données financières de cette mission « Santé » confirment que la prévention n’est pas un impératif de ce gouvernement. Inscrit dans la rigueur générale, l’ensemble des crédits du programme 204, Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, régresse de près de 5 %. S’il faut se féliciter de l’augmentation des crédits de formation initiale, le reste est saupoudrage, cela a été dit. L’examen détaillé des actions est même inquiétant.

L’objectif annoncé de l’action 12, Accès à la santé et éducation à la santé, en faveur de la prévention des grossesses indésirables, est démenti par la diminution des budgets alloués au Planning familial, les fermetures de centres d’interruption volontaire de grossesse et la grande discrétion des campagnes de sensibilisation sur la contraception.

L’objectif de l’action 13, Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins, que constituent toujours sida, hépatite et tuberculose, est mis à mal par la baisse des crédits de 15 %. Le dernier rapport public annuel de la Cour des comptes, du 9 février 2010, et l’Avis conjoint du Conseil national du sida et de la Conférence nationale de santé relatif au projet de plan national VIH/sida du 17 juin 2010 font état d’une politique inefficace face aux défis actuels, d’absence de moyens, de plan timoré en matière de dépistage et de traitement, et surtout d’un manque de cohérence entre les politiques publiques s’agissant des personnes migrantes – j’y reviendrai –, des détenus, des usagers de drogues, des prostituées... De plus, le budget lié à la prévention de la santé au travail chute de 15 % et celui de l’éducation à la santé baisse d’un tiers depuis trois ans...

Au-delà se pose même un réel problème d’évaluation des politiques de santé publique. En termes de lisibilité, la nouvelle maquette budgétaire ne favorise pas les comparaisons et la globalisation des crédits du programme Prévention et sécurité sanitaire ne permettra plus d’avoir connaissance en amont des politiques menées, puisqu’elles ne sont plus détaillées par type d’action.

En termes d’efficacité, les opérateurs de l’État sont non seulement frappés par la baisse de leurs effectifs et de leurs financements – c’est le cas de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS, qui est la plus touchée, de l’Institut de veille sanitaire, l’INVS, de l’Agence de biomédecine et de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES –, mais aussi par le maintien d’une confusion d’intérêts qui nécessite un réexamen détaillé de la cartographie de ces agences, comme cela est d’ailleurs recommandé dans un récent rapport parlementaire.

Nous sommes apparemment unanimes à regretter que la lisibilité du budget ne soit pas meilleure que les politiques qu’il porte.

La loi de santé publique annoncée nous permettra peut-être enfin d’appréhender les choses de manière complète, d’avoir une vision générale de la santé en France et de ses financements, tous budgets compris, de l’État et de la sécurité sociale, afin de proposer une politique plus volontaire de réduction des inégalités, ce qui n’est malheureusement toujours pas le cas aujourd’hui.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, sur le temps qui m’est imparti, je voudrais maintenant me faire le porte-parole de notre collègue René Teulade, ancien ministre, qui souhaitait s’exprimer ainsi.

Ce budget peut être considéré comme un budget annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont nous venons de terminer récemment l’examen.

Cette année, l’architecture budgétaire de cette mission est une nouvelle fois remaniée, ce qui ne favorise pas les comparaisons. De plus, l’entrée en application de la loi HPST, votée en 2009, a des conséquences fortes sur la loi de finances.

La mise en place des agences régionales de santé provoque le regroupement des crédits dans le programme 204, Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins. Ce regroupement, peu lisible, masque une nette diminution des crédits.

Les opérateurs, notamment l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, subissent les objectifs de réduction de dépenses du Gouvernement.

Lors de la discussion des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale avait été soulevé le problème du Mediator, interdit l’an dernier par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

Nous pouvons nous interroger sur l’opportunité de réduire aujourd’hui les crédits de cette agence quand celle-ci doit bénéficier de moyens nécessaires pour garantir la santé des Français en contrôlant la sécurité et la qualité des produits de santé distribués dans le pays.

Un désaccord, le même jour, avait été également exprimé sur les amendements adoptés lors de la première lecture à l’Assemblée nationale concernant l’aide médicale de l’État. Le Gouvernement avait répondu qu’ils étaient « hors sujet », ces dispositions étant contenues dans le projet de loi de finances. Nous y voilà !

On ne peut, bien sûr, qu’approuver l’augmentation des crédits destinés à l’aide médicale de l’État depuis 2008. Relevant de la solidarité nationale, cette aide est entièrement financée par l’État. Elle représente 588 millions d’euros pour 2011. Environ 215 000 personnes en ont bénéficié en 2009. Cette aide, qui existe depuis 1893, était, à l’époque, destinée à tous les démunis.

Depuis 2007, l’aide médicale de l’État a subi de nombreux aménagements. Madame la secrétaire d'État, votre politique, qui n’est pas seulement marquée par la réduction des dépenses publiques, tente, depuis une dizaine d’années, de remettre en cause cette aide, marqueur de la solidarité républicaine offerte à des personnes en grande difficulté.

Après une tentative de remise en cause de l’aide médicale de l’État lors de l’examen du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, l’Assemblée nationale a adopté le 2 novembre, avec l’avis favorable du Gouvernement, le démantèlement de l’aide médicale de l’État : restriction du panier de soins aux seuls actes dont le service médical est important ou modéré,…

M. Yves Daudigny. ... contrôle systématique de la condition de résidence,...

M. Yves Daudigny. … récupération des sommes indûment versées aux bénéficiaires et, pour finir, création d’un droit d’entrée annuel par adulte bénéficiaire.

Sans attendre les conclusions de la mission conjointe de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances, les amendements adoptés par l’Assemblée nationale remettent en cause l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière, au mépris des considérations de santé publique, des valeurs éthiques et déontologiques qui devraient fonder nos actions de solidarité et de soins, bref, au mépris de la solidarité promue par notre République dans ses principes et, au premier chef, celui de la fraternité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Mme Anne-Marie Escoffier et M. Jean Desessard applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Madame la secrétaire d'État, l’année dernière, s’est tenu au palais de l’Élysée, sous la présidence du chef de l’État, un comité interministériel qui a validé la création d’une filière hospitalo-universitaire à la Réunion et à Mayotte, soit une communauté de 1 million d’habitants.

Nous devons remercier – je parle également au nom de ma collègue Anne-Marie Payet, ici présente – les divers gouvernements qui se sont succédé, tout particulièrement celui-ci, des efforts qu’ils ont accompli pour combler le retard qui est le nôtre en matière de santé et d’égalité devant la santé – c’est quand même l’un des premiers devoirs de l’État ! –, efforts qui ont porté leurs fruits. Progressivement, nous rattrapons donc notre retard et l’espérance de vie rejoint celle de la métropole.

Toutefois, d’autres retards persistent ; ce sera le sens de mon intervention qui sera brève. En effet, je serai suffisamment concis et précis pour ne pas utiliser mon temps de parole de cinq minutes.

Madame la secrétaire d'État, nous aimerions que vous nous indiquiez si, grâce au plan Hôpital 2012, le département de la Réunion et le nouveau département français de Mayotte bénéficieront des crédits qui vous ont été demandés par les autorités locales, celles du monde hospitalier comme les représentants de l’État sur place.

Pour le centre hospitalier Félix-Guyon de Saint-Denis de la Réunion, nous avons demandé la création indispensable du bâtiment dédié aux soins critiques dont nous avons besoin. Nous souhaitons que la moitié de son coût, à savoir 40 millions d’euros, soit financée par le plan Hôpital 2012.

Le Groupe hospitalier Sud-Réunion, GHSR, a besoin d’un investissement de 80 millions d’euros. L’hôpital en financera la moitié, mais nous souhaitons obtenir l’autre moitié.

Dans l’ouest de l’île, qui n’a pas de structure hospitalière publique digne de ce nom, l’hôpital Gabriel-Martin est insuffisant pour la communauté de vie d’environ 200 000 habitants. Nous souhaitons obtenir avec Mayotte la moitié de l’investissement de 140 millions d’euros nécessaire pour le pôle sanitaire.

Je souhaite que vous puissiez me répondre favorablement. À un moment où l’industrie du bâtiment traverse une crise, comme en métropole, nous pourrions faire d’une pierre deux coups : soigner les malades et l’économie !

Je vous remercie par avance, madame la secrétaire d'État. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord souligner l’excellence des travaux qui ont été conduits par la commission des finances et la commission des affaires sociales, et qui trouvent leur traduction dans les rapports de MM. Jean-Jacques Jégou et Alain Milon.

Nous sommes réunis aujourd’hui pour l’examen des crédits de la mission « Santé ». Le montant en crédits de cette mission budgétaire est certes modeste, comparé à ceux qui sont retracés dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui a été examiné le mois dernier, mais ils n’en sont pas pour autant moins importants.

Vous l’avez noté, monsieur le rapporteur, l’architecture budgétaire a profondément évolué. Cette mission ne recouvre désormais plus que deux programmes.

Le premier, le programme 204, Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, a fusionné avec l’ancien programme 171. Ainsi sont regroupés sur un même programme l’ensemble des crédits de la mission « Santé » destinés au financement des politiques de santé mises en œuvre sur le terrain par les agences régionales de santé.

La lisibilité et la souplesse de gestion sont renforcées. Les agences régionales de santé recevront donc désormais les contributions de deux programmes du budget de l’État : le programme 124, pour le fonctionnement, et le programme 204, pour les interventions.

Le second programme, le 183, Protection maladie, qui, lui est inchangé en termes de structure, recouvre les crédits ouverts au titre de l’aide médicale de l’État et du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA.

J’évoquerai tout d’abord l’évolution globale des moyens consacrés à cette mission. Elle va, comme la plupart des missions du budget de l’État, participer à la maîtrise de nos comptes publics, mais avec un peu moins de rigueur que d’autres.

Ces moyens affichent ainsi une progression limitée à 2 % sur la période 2011-2013.

Pour 2011, les crédits s’établissent à 1,221 milliard d’euros, soit 23,4 millions d’euros supplémentaires par rapport à 2010. Contrairement à ce qui se passe pour d’autres missions, nous n’intégrons pas dans celle-ci les crédits afférents aux personnels concourant à la mise en œuvre de la protection maladie, puisqu’ils sont portés par la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Si nous voulions faire des comparaisons utiles et apprécier véritablement le périmètre d’action de la mission « Santé », monsieur Jégou, il conviendrait d’y ajouter environ 550 millions d’euros. Si l’on tient compte des contributions des régimes d’assurance maladie, les ARS disposeront au total d’un budget supérieur à 1 milliard d’euros en 2011.

Pour autant, comme vous l’avez fait remarquer, madame Hermange, les ARS, comme les autres opérateurs de l’État, verront leurs effectifs diminuer. Ils s’établiront en 2011 à 9 447 emplois. C’est un gain de productivité de 1,5 %, conforme aux lignes directrices élaborées par le Premier ministre pour la construction du budget.

M. Jean Desessard. C’est quoi, des « lignes directrices » ?