M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Avant de donner l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements, je précise d’emblée que l’État respecte bien ses obligations constitutionnelles ; vous n’avez d’ailleurs pas laissé entendre l’inverse, monsieur Miquel.

Notre appréciation de la situation des trois prestations que vous avez évoquées est différente de la vôtre.

L’amendement n° I-174 porte sur la compensation de l’allocation personnalisée d’autonomie.

Encore une fois, l’État non seulement respecte pleinement ses obligations constitutionnelles en la matière, mais il va même en réalité un peu au-delà ! En effet, il alloue chaque année aux départements, via le fonds de mobilisation départementale pour l’insertion, 500 millions d’euros pour aider les départements à supporter la charge pour la partie dite « socle ». Depuis 2005, année de sa création, le dispositif est reconduit année après année.

L’État prévoit également de compenser la charge du revenu de solidarité active dit « socle majoré », c’est-à-dire l’ancienne allocation de parent isolé, sur la base des dépenses réelles des départements.

L’État a donc déjà consenti des efforts significatifs. Comme vous l’avez vous-même rappelé, même si vous avez considéré que c’était insuffisant, le Gouvernement est très attentif aux difficultés que rencontrent les départements.

À l’occasion du collectif de fin d’année, un dispositif exceptionnel de soutien aux départements de 150 millions d’euros – vous l’avez évoqué – vous sera proposé.

L’amendement n° I-175 concerne l’allocation personnalisée d’autonomie.

Vous proposez que l’État compense 90 % des dépenses des départements liées à cette allocation, ce qui représenterait un coût de l’ordre de 3 milliards d’euros.

Nous avons déjà largement évoqué la question du financement des compétences transférées au cours des débats sur les projets de loi de finances précédents.

Je souscris aux préoccupations de M. le rapporteur général sur le sujet et, dans la droite ligne de ce qu’il vous a indiqué, j’ajoute que nous y reviendrons également à l’occasion du débat annoncé par le Président de la République sur le financement de la dépendance.

Je vous rappelle qu’il n’existe aucune obligation constitutionnelle de compensation à l’euro près par l’État, dans la mesure où l’APA constitue une extension de compétence.

D’ailleurs, lors des négociations avec les départements, le gouvernement de l’époque, celui de Lionel Jospin, a retenu un mode de répartition du coût de deux tiers à la charge des départements et d’un tiers pour l’État, sans que cela soit inscrit dans la loi. Depuis 2006, la contribution de l’État, via la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, s’est maintenue autour de cette proportion.

Je souligne également que l’APA est attribuée par décision du président du conseil général, au terme d’une procédure dans laquelle les équipes départementales sont très impliquées, aussi bien pour évaluer le degré d’autonomie que pour déterminer le plan d’aide attribué à la personne ou fixer le forfait dépendance attribué aux établissements accueillant les personnes âgées.

On ne saurait faire dépendre une compensation financière par l’État de décisions qui appartiennent à des collectivités territoriales, en l’occurrence les conseils généraux.

Comme l’a rappelé à juste titre M. le rapporteur général au cours du débat sur la loi de programmation des finances publiques, une compensation à l’euro près pour des compétences gérées par les départements serait « déresponsabilisante » pour les conseils généraux. On entrerait ainsi dans un cycle d’augmentation des dépenses qui serait totalement disproportionné.

C’est donc dans le cadre de la grande réforme sur la dépendance, qui sera engagée et aboutira en 2011, que nous aborderons l’ensemble de ces sujets.

Enfin, l’amendement n° I-176 porte sur la prestation de compensation du handicap.

Le concours versé aux départements par la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie a été très nettement supérieur aux dépenses réelles des départements en 2006 et 2007, de l’ordre de 375 millions d’euros cumulés sur l’ensemble de la période.

Le financement de la PCH a ainsi été acquis avant même la montée en charge de la prestation.

Pour l’avenir, rien ne permet de prévoir une augmentation du nombre de bénéficiaires aussi forte que pour l’allocation personnalisée d’autonomie. Les personnes dont le handicap nécessite une compensation représentent une population stable déjà identifiée.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments que je souhaitais vous apporter sur ces trois prestations. Comme l’a souligné M. le rapporteur général, nous aurons maintes occasions de nous faire une opinion. Je pense notamment au rapport qui vous sera remis prochainement.

Quoi qu’il en soit, et pour l’ensemble des raisons que je viens d’indiquer, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les trois amendements présentés par M. Miquel.

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. Tout le monde en convient, la situation actuelle des départements est effectivement inquiétante. Des solutions sont à rechercher. D’ailleurs, M. le rapporteur général nous a clairement indiqué qu’il était nécessaire de trouver des ressources nouvelles.

Pour ce faire, il nous invite à attendre les résultats d’une réflexion à venir dans le cadre des travaux engagés par la commission et à retirer nos amendements. Je pense au contraire qu’il y a urgence, et les départements le ressentent depuis de nombreux mois, voire plusieurs années.

Voilà trois ans, nous avions déposé une proposition de loi de réforme des finances locales visant en particulier à améliorer les dotations et le financement des départements. Nous y faisions deux suggestions.

Premièrement, nous proposions d’instituer une part supplémentaire de CSG pour obtenir un financement pérennisé et en relation avec les compétences des départements sur le terrain social.

Deuxièmement – et je réponds là à votre observation de tout à l’heure, mon cher collègue Dallier –, nous prônions une péréquation améliorée entre les départements, afin, justement, de compenser les déséquilibres majeurs qui existent entre eux. Les ressources des départements n’étant pas équivalentes, ces derniers ne sont pas en mesure d’apporter le même service aux personnes âgées ou aux personnes en insertion, comme le voudrait le principe d’égalité républicaine.

On nous avait alors répondu qu’il était un peu trop tôt pour agir et qu’il convenait donc de surseoir à l’adoption d’un tel texte en attendant des réflexions prochaines sur le sujet et des propositions concrètes auxquelles ne manquerait pas d’aboutir le processus engagé.

Malheureusement, depuis trois ans, nous n’avons rien obtenu, si ce n’est la réforme de la taxe professionnelle, adoptée l’année dernière, qui a fait régresser très fortement l’autonomie financière des collectivités territoriales, en particulier des conseils généraux.

Aujourd’hui, l’autonomie fiscale des départements ne représente plus que 12 % de leurs ressources.

Dès lors, le refus de toute proposition de réforme visant à apporter un peu de sécurité aux départements dans ce contexte de réduction de leur autonomie fiscale témoigne d’une volonté de maintenir le statu quo, ce qui ne peut guère nous rassurer.

Souffrez que nous ne partagions pas le point de vue selon lequel il conviendrait de surseoir à toute décision et de poursuivre la réflexion ultérieurement ! Nous estimons au contraire urgent que des éléments de sécurisation soient apportés, au moins sur le principe, dans le projet de loi de finances, afin d’améliorer la capacité de nos départements à répondre aux besoins criants qui sont les leurs.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mes chers collègues, je vous demande une extrême bienveillance. Je dois en effet remplir un rôle ingrat ; il me faut vous rappeler les contraintes horaires, notamment de nature constitutionnelle, qui s’imposent à nous.

Je trouve que le sujet dont nous débattons est absolument passionnant. D’ailleurs, nous l’avions déjà abordé à l’occasion de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

Or, mes chers collègues socialistes, vous nous en resservez aujourd’hui le contenu intégral de votre discours d’alors. Et comme si cela ne suffisait pas, vous avez demandé l’inscription à l’ordre du jour du 9 décembre prochain d’une proposition de loi relative à la compensation des allocations individuelles de solidarité versées par les départements.

Certes, je vous remercie de nous faire partager, par répétition, vos convictions.

Toutefois, je vous rappelle que nous progressons actuellement à un rythme de trois ou quatre amendements par heure, alors qu’il nous en reste plus de quatre-vingts à examiner. Et la Constitution nous impose de voter le projet de loi de finances en vingt jours !

Nous pouvons évidemment continuer de travailler à cette cadence. Mais, dans ce cas, il faudra prévenir les rapporteurs spéciaux que nous devrons siéger samedi et dimanche, car je n’imagine pas que nous puissions adopter l’article d’équilibre ce soir.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président de la commission des finances, si nous insistons sur le sujet, c’est parce qu’il est important. Il y va en effet de la situation financière des départements.

Lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, le 3 novembre dernier, nous avions présenté trois amendements similaires et il nous avait été répondu que l’on reviendrait plus tard sur la question. C’est le sens de notre démarche d’aujourd’hui !

Notre objectif n’est absolument pas de ralentir la discussion, comme vous nous en faites le reproche, monsieur le président de la commission des finances. Je rappelle tout de même que, hier, nous avons consacré une heure à l’examen d’un amendement portant sur le problème des prélèvements sur le commerce électronique.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il ne fallait pas le faire ?

Mme Nicole Bricq. Nous n’avons pas prétendu alors que nous perdions du temps ! Au contraire, nous avons participé au débat, qui était important. Celui que nous vous proposons aujourd’hui l’est tout autant. J’observe d’ailleurs que vous n’avez pas formulé la même remarque hier, monsieur le président de la commission des finances…

M. Jean Arthuis. Parce que nous n’avions pas déjà débattu de la question !

Mme Nicole Bricq. Je voudrais à présent répondre à M. le secrétaire d’État sur le fond.

Selon lui, il suffit d’attendre la grande réforme de la dépendance promise à la télévision par le Président de la République et, d’ici là, tout ira bien… Mais non ! Il affirme également que c’est le problème des départements. Comme si ces derniers étaient responsables de l’évolution démographique et du vieillissement de la population ! Ces arguments ne tiennent pas.

Au demeurant, nous n’approuvons absolument pas les propositions formulées par le Président de la République ! Et si le Gouvernement cherche des idées en la matière, nous l’invitons à considérer les dispositions que nous suggérons dans le projet de loi de finances !

Vous le savez, l’une des mesures adoptées dans le cadre de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, la loi TEPA, visait à réduire encore, voire à supprimer les droits de succession pour 4 % des foyers les plus aisés. Cela coûte chaque année 2,3 milliards d’euros à l’État. Si vous voulez trouver des fonds pour aider les départements à affronter le défi démographique, en particulier le vieillissement, vous n’avez qu’à adopter notre amendement ! Nous souhaitons revenir à la situation de 2007, quand l’exonération concernait déjà 90 % des successions les plus élevées !

Ne prétendez donc pas que cette discussion n’a pas sa place dans l’examen d’un projet de loi de finances ! C’est entièrement faux ! Nos propositions, qu’elles concernent la fiscalité nationale ou locale, sont cohérentes. Nous le voyons bien, nous arrivons à la fin d’un système qui ne marche plus. Il n’est pas non plus acceptable de nous renvoyer, comme l’a fait le Président de la République, à l’assurance privée ou au recours sur succession.

Vous avez également fait allusion à la proposition de loi que nous défendrons le 9 décembre prochain, monsieur le président de la commission des finances. Il est tout de même de la responsabilité de chaque groupe de décider des propositions de loi dont il sollicite l’inscription à l’ordre du jour du Sénat. Ce n’est pas aux autres groupes d’en juger. Chaque groupe est encore libre des initiatives qu’il veut prendre en matière législative.

Par ailleurs, notre proposition de loi ne prendra tout son sens que si vous acceptez d’en débattre dans le cadre d’un projet de loi de finances. Pour que ses dispositions puissent s’appliquer en 2011, nous avons deux textes : le projet de loi de finances pour 2011 et le collectif budgétaire pour 2010.

Et ne nous répondez pas que des annonces seront faites à l’extérieur de l’hémicycle ! Nous ne voulons plus être « baladés » de la sorte, en attendant la réforme annoncée par le Président de la République.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Mon propos, et cela n’étonnera personne, s’inscrit dans la même perspective que celui de notre collègue Nicole Bricq.

Cessez de nous renvoyer à des rapports ou à des propositions de loi ! La question des collectivités territoriales est bien évidemment au cœur de la discussion budgétaire ! On ne peut pas se contenter de s’intéresser aux collectivités seulement pour réduire leurs budgets respectifs tout en se dérobant à ses propres responsabilités dans leurs difficultés !

Comme M. Miquel l’a rappelé tout à l’heure, l’APA occupe une place prépondérante au sein des différentes allocations individuelles de solidarité. J’évoquais tout à l’heure le « manque à gagner » de 400 millions d’euros dont pâtit le département de Haute-Garonne ; sur cette somme, 300 millions d’euros sont liés à la prise en charge de l’APA. Comme les projections évoquées par Gérard Miquel font état d’une nouvelle diminution de la participation de l’État, nous pouvons être singulièrement inquiets. Cela ne manquera pas d’aboutir à une remise en cause de la libre administration des collectivités territoriales, qui n’auront plus les moyens financiers d’afficher leur autonomie politique.

Monsieur le secrétaire d’État, tout à l’heure, vous avez affirmé – cela m’a quelque peu choqué – que les présidents de conseil général déterminaient par leur signature l’éligibilité ou non des allocataires au versement de l’APA. Voilà ce qui s’appelle se défausser de ses responsabilités ! Car les critères d’éligibilité de l’allocation sont parfaitement définis et objectivables !

Si j’étais impertinent, je serais tenté de dire que vous conseillez aux présidents de conseil général d’apposer leur signature en adoptant une vision minimaliste du handicap. En tant que conseiller général et sénateur, je ne peux pas l’accepter, même si je m’interdis de préjuger de vos arrière-pensées…

Par conséquent, quels que soient les conclusions du rapport ou le sort réservé à la proposition de loi, le Gouvernement devra à un moment donné répondre à la demande des conseils généraux non pas sur les dettes à venir, mais sur celles qu’ils ont accumulées par le passé. À ce propos, je rappelle que bon nombre de départements ont engagé des actions importantes au niveau réglementaire – je n’ose pas dire judiciaire – pour rentrer dans leurs frais.

Honnêtement, je voudrais bien connaître la réponse du Gouvernement sur ce problème, qui pénalise les départements depuis maintenant deux ou trois années.

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. D’abord, il présente l’amendement, puis il nous explique qu’il va le voter !

M. Gérard Miquel. Permettez-moi tout de même d’expliquer mon vote, monsieur le président de la commission des finances !

J’aurais été tenté de vous suivre pour gagner du temps si la réponse de M. le secrétaire d’État avait été quelque peu différente.

Confrontés au problème de la dépendance et du coût de l’allocation personnalisée d’autonomie, nous constatons aujourd’hui que le taux de compensation de l’État a chuté, pour n’atteindre que 28,7 % des dépenses engagées. Parallèlement, alors que nous gérons depuis un peu plus de quatre ans la PCH, le versement de celle-ci n’est déjà plus compensé par l’État qu’à hauteur de 47, 8 %.

Ainsi, après l’adoption des textes généreux qui prévoient des tarifs nationaux, il est demandé aux conseils généraux de payer en lieu et place de l’État. Que celui-ci assume correctement ses responsabilités !

Monsieur le secrétaire d’État, vous affirmez que l’État répond à ses obligations constitutionnelles en la matière. Sans doute. Mais vous nous proposez aujourd’hui une compensation de 150 millions d’euros alors que le déficit est de 6 milliards d’euros ! Vous vous moquez de nous !

Sur le plan médical, la situation dans laquelle se trouvent aujourd’hui les conseils généraux serait qualifiée de « comateuse ». Ils risquent de disparaître, car ils ne seront plus capables d’assumer leurs responsabilités. Il est donc urgent de prendre des dispositions non seulement sur l’APA, mais également sur les autres prestations, qui doivent bénéficier de financements nationaux, puisque leur tarif est – fort heureusement ! – établi au niveau national.

Les conseils généraux, qui sont des institutions de proximité, gèrent beaucoup mieux les prestations concernées que ne le faisait l’État. Ils doivent donc continuer à assumer leurs actions de solidarité au plan local. Mais, s’ils sont prêts à le faire, ils ont à présent besoin de réponses précises.

C’est pourquoi nous maintenons ces trois amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Haut, pour explication de vote.

M. Claude Haut. Je comprends les contraintes horaires, mais le sujet est extrêmement important.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous le savons !

M. Claude Haut. Si vous le savez, faites comme nous : essayez d’agir ! Vous avez tout de même plus de possibilités que nous !

Si nous répétons un certain nombre d’éléments, c’est tout simplement parce que les départements ne peuvent plus attendre. Vous ne résoudrez pas le problème en nous renvoyant à chaque fois à un texte différent !

Je prendrai l’exemple d’un département que je connais bien, le Vaucluse. Actuellement, pour financer les prestations dont il a la charge, le conseil général doit mobiliser chaque année 17 millions d’euros de plus que les versements de l’État. C’est intenable !

Comme M. Miquel le soulignait à l’instant, cela dure depuis maintenant plus de six ans. Les 17 millions d’euros par an s’ajoutent en effet aux déficits des années précédentes. Aujourd’hui, nous ne disposons plus d’aucune marge de manœuvre.

À ce propos, je précise que nous n’avons pas de leçons à recevoir en matière de gestion. Peut-être ne le savez-vous pas, monsieur le secrétaire d’État, mais l’ensemble des départements ont fourni de gros efforts pour ne pas se trouver en difficulté à cause de l’évolution des allocations. Et les marges de manœuvre n’existent plus aujourd’hui.

Vous avez affirmé que l’État et les conseils généraux contribuaient au financement de l’APA respectivement pour un tiers et deux tiers. Je veux tout de même rappeler qu’un membre du gouvernement vous ayant précédé avait évoqué dans cet hémicycle la possibilité d’un financement à égalité entre l’État et les départements.

Certes, une telle répartition n’est pas inscrite dans la loi ! Mais la parole d’un membre de gouvernement ne vaut-elle pas engagement ?

M. Marc Daunis. Ce temps-là est passé ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Claude Haut. M. le rapporteur général évoquait tout à l’heure la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque, faisant remarquer que nous réfléchissions sur cette question depuis plusieurs années. Mais nous ne pouvons plus attendre indéfiniment.

Le Président de la République a annoncé que le Gouvernement soumettrait au Parlement un projet de loi sur la dépendance dans quelques mois. Cette promesse sera-t-elle honorée ? Nous ne le savons pas.

Pour ma part, je pense que la réflexion a suffisamment duré. À présent, il nous faut des engagements précis et des actes concrets.

Nous avons donc déposé ces amendements pour que les conseils généraux aient la garantie d’obtenir une compensation intégrale des dépenses réellement effectuées au titre des prestations sociales dont ils ont la charge.

C’est la raison pour laquelle j’invite le maximum de nos collègues à adopter ces trois amendements.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Je souscris aux propos de nos collègues membres du groupe socialiste.

Au demeurant, puisqu’il nous est demandé de ne pas nous attarder plus longuement sur le sujet, je souhaite rappeler un élément : chaque fois que nous avons voulu aborder une question en lien avec les finances publiques, il nous a toujours été répondu que cela relevait de la loi de finances.

Nous sommes donc parfaitement fondés, me semble-t-il, à aborder le problème du financement des allocations individuelles de solidarité versées par les départements dans le cadre du présent projet de loi de finances.

Par ailleurs, la plupart des points abordés par les auteurs de ces trois amendements portent sur des compétences que la loi a attribuées aux collectivités territoriales. Les critères d’éligibilité aux prestations dont nous débattons sont donc déterminés par le législateur ; ce ne sont pas les conseils généraux qui choisissent des ayants droit !

Or tout se passe comme si les collectivités locales, en l’occurrence les conseils généraux, étaient des prestataires de services pour le compte de l’État – d’une certaine manière, c’est un peu cela qui leur est demandé – ou bien des agences chargées de mettre en œuvre une politique que lui, État, aurait définie mais qu’il ne voudrait pas assumer…

Il est tout de même ubuesque d’accuser les conseils généraux de trop dépenser tout en réduisant leurs ressources – les seules marges de manœuvres dont ils disposent proviennent des recettes liées aux droits de succession – et en leur demandant de prendre en charge des missions fixées par la loi !

Trop, c’est trop ! Il me semble logique que les conseils généraux demandent aujourd’hui à bénéficier d’une véritable compensation au titre des dépenses engagées pour le compte de l’État.

C'est pourquoi nous voterons les amendements du groupe socialiste.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Nous traitons là d’un sujet important, qui a toute sa place dans un débat budgétaire.

Je ne reviendrai pas sur les discussions qui nous ont occupés tardivement hier soir à propos de l’article 18. En revanche, je tiens à indiquer que les collectivités locales doivent avoir les moyens d’investir, parce qu’elles sont les moteurs de la croissance !

Alors que cette dernière est en panne et que notre pays est fortement endetté, les collectivités territoriales, contrairement à l’État, disposent de finances saines et présentent des comptes équilibrés. Surtout, elles investissent dans les territoires, afin de créer de l’emploi. C’est ce que l’on pourrait appeler le « cercle vertueux de l’économie ».

Cependant, la question n’est pas là. Le problème est tout simplement que les départements versent aujourd’hui des allocations universelles pour le compte de l’État. C’est le cas de l’APA depuis 2002 et, plus récemment, de la PCH, qui sont des droits nouveaux, ou du RMI, dont la compétence a été transférée aux conseils généraux en 2004, avant de devenir le RSA.

Force est de le reconnaître, la gestion du RSA, de la PCH et de l’APA permet aux départements de se tenir au plus près de nos concitoyens qui souffrent ou éprouvent des difficultés, des personnes handicapées et des personnes âgées.

Les conseils généraux gèrent aussi finement que possible l’attribution de ces trois allocations. Comme nous sommes proches de nos concitoyens, nous contribuons à rendre la PCH, à travers les plans de compensation du handicap, ou l’APA plus efficaces qu’elles ne le seraient si elles étaient versées directement par l’État.

Certes, dans la mesure où ces allocations ont été créées, pour certaines, par des gouvernements de gauche et, pour d’autres, par des gouvernements de droite, chacun a sa part de responsabilité. Mais les départements sont confrontés à situation qu’ils n’ont jamais connue dans le passé : la compensation versée par l’État n’a jamais été aussi faible !

Soyons honnêtes – je parle pour les élus de gauche –, la loi instituant l’APA en 2002 ne prévoyait pas que l’État financerait le dispositif à hauteur de 50 %, même si cela avait été évoqué au Parlement.

Mais la part de l’État est passée de 50 % à 2002 et 2003 à moins de 30 % aujourd’hui, contre 77 % ou 78 % pour celles des départements. Voilà la réalité !

En 2004, lorsque le RMI a été transféré aux départements, le Gouvernement nous avait assuré que ce transfert serait compensé à l’euro près, conformément à la Constitution. Or ce n’est pas le cas.

Ainsi que la commission des finances du Sénat, l’Assemblée des départements de France et le Gouvernement en ont pris acte, l’État est redevable aux départements de 5 milliards à 5,5 milliards d’euros. Cette somme correspond à la différence entre le montant des prestations servies par ces derniers et la compensation que l’État leur a versée.

Le montant des prestations versées au titre de la troisième allocation, la PCH, créée en 2007, connaît une croissance exponentielle Et je n’aborde même pas les questions de la petite enfance et de la gestion des tutelles ! Les départements n’en peuvent tout simplement plus. Il faut que l’État prenne ses responsabilités et rembourse ses dettes. À défaut, tous les départements iront dans le mur ! Désormais, la question n’est plus de savoir s’ils iront dans le mur, mais quand et à quel rythme !

Des mesures s’imposent. Lors du dernier congrès de l’Assemblée des départements de France, les 102 présidents de conseil général ont, suite à leur rencontre avec le Premier ministre, unanimement proposé au Gouvernement d’effacer les dettes que l’État a accumulées vis-à-vis des départements entre 2004 et 2009 et de ne plus aborder le sujet lors des débats budgétaires et des réunions publiques, à la seule condition que les compteurs soient remis à zéro et que l’État compense désormais les prestations sociales qu’il leur a transférées, comme la Constitution l’y oblige.

Si les départements devaient devenir de simples organismes de distribution d’allocations sociales, notre pays prendrait le risque d’une décroissance terrible, car il n’y aurait plus d’investissements, et d’une disparition de la solidarité territoriale avec les communes.