M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Monsieur le censeur, avec ce vote bloqué, vous nous demandez de valider le coup de force que vous avez mis en œuvre sur injonction de l’Élysée.

On va voter sur tout, sauf sur les amendements de l’opposition. Drôle d’exercice démocratique que de devoir choisir entre le oui et le oui !

Par-delà ce coup de force pour raccourcir les débats, après avoir refusé une négociation avec les syndicats et écourté le débat de l’Assemblée nationale, vous avez voulu par là même éviter que nous ne défendions nos propositions,…

M. Christian Cambon. Propositions d’impôts !

M. David Assouline. … car l’enjeu était pour vous d’importance !

Toute votre communication a été fondée sur le fait qu’il n’y avait qu’une réforme possible. Certains d’entre vous ont même concédé qu’elle était peut-être un peu injuste. Mais le monde est dur et nous n’avons pas le choix, avez-vous rétorqué ! Vous misiez sur la résignation des Français. Si un projet alternatif se découvrait, toute votre stratégie se déconstruisait.

Dès le début du débat, vous avez donc mis fin au projet alternatif que nous avons décliné au travers des amendements tendant à insérer des articles additionnels en repoussant leur examen jusqu’après l’article 33. Hier, vous nous avez dit : trop, c’est trop ! Et vous avez improvisé un prétendu scénario. Mais tout était prévu dès le début de nos débats !

Dès le début, vous aviez décidé de ne jamais discuter ces amendements,…

M. David Assouline. … et vous avez masqué votre position pour duper l’opinion, avec pour seul credo : le Sénat va prendre le temps de débattre !

Nous sommes calmes et sereins. (M. Jean-Jacques Hyest s’exclame.) Mais votre fébrilité est omniprésente ! C’est la fébrilité du Président de la République ! Vous ne pouvez pas vous empêcher ce coup de force !

À l’injustice ressentie par nos compatriotes, qui ne désarment pas à l’égard de cette réforme, se greffe, dans notre pays, une colère immense provoquée par votre façon de gouverner ! Peut-on continuer à gouverner quand on monte les Français les uns contre les autres à propos d’une réforme fondamentale pour le lien social, le pacte social ? Peut-on continuer à gouverner sans tenir compte de l’opinion publique ?

Depuis un mois et demi, sept Français sur dix, voire huit sur dix – la proportion a augmenté, ils n’étaient que six sur dix à l’annonce de la réforme ! – sont contre cette réforme et les cinq journées d’action, dont le succès ne s’est pas démenti, ont montré que celle-ci n’était pas soutenue par la nation.

Monsieur le ministre, nous avions une contre-réforme, et nous l’avons toujours ! Vous ne gagnerez pas avec votre coup de force. Quoi qu’il advienne du vote, nous continuerons à dire qu’il n’y a pas qu’une solution pour réformer durablement les retraites ! Prenez d’abord la peine de les financer et trouvez les 45 milliards d’euros d’ici à 2025 !

Il n’y a pas d’autre solution que de le faire en répartissant équitablement l’effort, de manière que les revenus du capital puissent enfin contribuer à l’équilibre financier, alors que 90 % des financements que vous trouvez sont dans les revenus du salariat.

Nous avons fait, à travers nos amendements, des propositions détaillées, notamment en ce qui concerne les jeunes. Il était important que les jeunes entendent les discussions sur nos propositions alternatives. Mais vous n’avez pas voulu que nous les défendions !

Nous avons fait des propositions pour l’égalité homme-femme ! Nous avons fait des propositions sur la pénibilité ! Nous avons fait des propositions sur l’emploi des seniors ! Vous avez refusé que tout cela puisse avoir droit de cité, que l’on puisse en délibérer !

Ainsi, comme l’a dit Christiane Demontès et pour toutes ces raisons, nous ne pourrons pas nous associer à cette mascarade qui nous empêche même de nous prononcer sur les amendements de nos collègues que vous avez retenus. Nous voterons donc contre ce paquet d’amendements, contre la censure ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote.

M. Yannick Bodin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la présentation des amendements additionnels a montré que leur contenu n’était pas sans intérêt. J’en veux pour preuve qu’ils ont nécessité une argumentation souvent laborieuse du rapporteur et des ministres pour expliquer leur rejet.

L’opposition a été privée du droit de donner une explication de vote, mais le Gouvernement s’est réservé celui d’expliquer pourquoi il refusait la quasi-totalité d’entre eux.

L’utilisation de l’article 44-3 de la Constitution a donc bien pour objet de censurer la parole de l’opposition. Tout cela pour tenter de gagner quelques heures sur un débat qui aura duré près de trois semaines. Mais il est vrai que les ordres de M. Guéant s’imposent (Exclamations sur les travées de lUMP et sur plusieurs travées de lUnion centriste.) – de gré ou de force – au Gouvernement et à sa majorité.

M. Yannick Bodin. Les Français ne s’y sont d’ailleurs pas trompés ! Que pouvons-nous lire depuis quelques jours ? « Le Gouvernement met fin au débat au Sénat », « l’Élysée exige que le Sénat se taise » ; Le Monde d’aujourd’hui titre : « Le passage en force ». (Mêmes mouvements.) Les effets du blocage du débat à l’Assemblée nationale ont été désastreux pour le Gouvernement et expliquent pour beaucoup le fort taux de soutien de l’opinion, qui est resté constant pendant toute cette période, autour de 70 %, en faveur de ceux qui refusent cette réforme.

Quant au président Gérard Larcher, nous avons pu observer sa discrétion, alors qu’il nous avait affirmé, le cœur sur la main, que le débat irait normalement jusqu’à son terme.

Et pourtant, ces amendements additionnels étaient-ils superflus ? Quelques grandes questions y étaient abordées – je n’y reviendrai pas en détail à cette heure-ci – : les situations des femmes, des jeunes, des polyhandicapés, des mères de famille, des travailleurs précaires et à temps partiel ainsi que des seniors. Bref, messieurs les ministres, vous nous avez répété que les socialistes n’avaient rien à proposer. Si vous êtes honnêtes – ce que je ne mets pas en doute –, vous devez reconnaître que toutes nos interventions avaient pour seul objet de présenter nos propositions !

Mais pour vous, cela devenait insupportable ! Alors, il fallait cacher les amendements additionnels, sinon vos éléments de langage allaient tomber à plat.

M. Jean Desessard. Exactement !

M. Yannick Bodin. Vous avez demandé qu’un vote unique fasse taire l’opposition. Je ne doute pas que votre majorité vous suivra dans ce vote, mais croyez-vous pour autant que nous renoncerons à nos propositions ? Le débat reste ouvert. Les citoyens jeunes et moins jeunes préparent la poursuite de leur combat dans le cadre de l’exercice de la démocratie sociale.

Quant à nous, socialistes, nous ne renoncerons pas ! Nos propositions demeurent, plus que jamais ! Nous continuerons notre dialogue avec le peuple et puis viendra le moment où celui-ci pourra s’exprimer dans les urnes. Messieurs les membres du Gouvernement, nous vous donnons rendez-vous – ou à vos proches successeurs – et nous sommes prêts, en ce qui nous concerne, car nous avons le sentiment d’avoir été entendus par les Françaises et les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Christian Cambon. C’était une chute grandiose !

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Tout d’abord, je voudrais répondre à M. Longuet qui a évoqué le recours au vote bloqué, ou vote unique – formule plus présentable.

Vous nous avez dit, monsieur Longuet, que cette procédure avait été utilisée près de 250 fois depuis le début de la Ve République. Or la gauche n’y a eu recours que vingt fois,...

M. Robert del Picchia. Parce que vous n’étiez pas au Gouvernement !

M. Richard Yung. ... ce qui signifie que 230 fois elle a été portée par votre majorité. D’ailleurs, si la gauche a eu recours à cet article de la Constitution, c’est pour une raison simple : elle a toujours trouvé le Sénat en face d’elle. Votre argument est donc particulièrement faible, sinon pernicieux !

Tout ce débat est une occasion ratée. Nos 200 amendements sont passés à la trappe. Nous avions quand même beaucoup de choses à dire sur ces derniers et ils méritaient, à mon sens, un débat.

M. Jacques Gautier. Dix heures de débat !

M. Richard Yung. Ce n’est pas le problème de la durée des débats, car la démocratie ne se mesure pas au nombre d’heures ! Sinon, il suffit de dire que les lois se discutent en une demi-heure et sont ensuite votées. Non !

Les vingt amendements qu’on nous demande de voter sont le mélange de la carpe et du lapin. En effet, parmi ceux-ci, il y en a dans lesquels nous nous retrouvons – d’ailleurs nous avons nous-mêmes déposé certains d’entre eux – et que nous souhaiterions voter. À l’inverse, il y en a d’autres que nous combattrions.

Là, vous nous mettez dans une position où nous sommes obligés de voter « non » sur l’ensemble de ces amendements parce que nous n’avons pas d’autres possibilités. C’est vraiment un déni de démocratie !

Par ailleurs, il s’agit d’une bonne illustration de cette incapacité française – il faut bien le dire ! – de préparer des réformes, de les présenter et de les discuter. Une réforme comme celle des retraites implique – comme j’ai pu le voir en Allemagne – de mettre autour de la table les représentants des employeurs, ceux des employés ainsi que le Gouvernement et d’y passer le temps qu’il faut, même si cela vous déplaît. Ainsi, une, deux ou trois années sont nécessaires et doivent être consacrées à la préparation d’une réforme de ce genre.

Une telle réforme ne se fait pas au canon, en une semaine, parce que le Président de la République s’est réveillé un matin en se disant qu’aujourd’hui il fallait réformer les retraites et, une semaine plus tard, le Parlement se prononce dans les conditions que nous savons. C’est une grande difficulté française et je dois dire qu’elle est singulièrement accrue depuis l’élection de Nicolas Sarkozy !

D’ailleurs, on voit bien le résultat : cette réforme est mort-née ! Vous avez vu le titre du Monde de ce soir : « Pour le vrai débat, rendez-vous en 2013 ». En 2013 ! Voilà !

Vous l’avez dit vous-même – et je regrette que mon ami M. Leclerc ne soit pas là en cet instant –, l’ensemble des problèmes est loin d’être résolu, notamment sur la question du financement. Il y aura, bien sûr, une amélioration par la contraction des deux années que vous avez imposées. Mais une fois que le gain engendré par l’afflux des cotisations supplémentaires aura été absorbé, on sera de nouveau amenés à la situation que l’on connaît. Je ne suis d’ailleurs pas sûr que nous attendrons jusqu’en 2013. Il me semble que le débat est beaucoup plus proche que certains d’entre nous peuvent le penser !

Pour toutes ces raisons, et parce que vous n’avez pas traité les principales questions que nous avons posées, vous comprendrez que nous voterons contre cette liste de carpes et de lapins ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Robert del Picchia. Parce que sans le vote unique, vous l’auriez votée ?

M. Richard Yung. Peut-être !

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.

M. Serge Lagauche. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi de revenir sur la question des jeunes, qui faisait l’objet d’un de nos amendements portant articles additionnels.

Nous sommes tous préoccupés par la formation professionnelle et nous savons que les stages sont indispensables aussi bien dans l’enseignement secondaire que dans l’enseignement supérieur.

Mais les stagiaires sont pénalisés à plus d’un titre par cette réforme des retraites. Bien qu’ils travaillent et qu’ils participent pleinement à la vie de l’entreprise, ils ne cotisent pas. En effet, aucune cotisation de contribution sociale, notamment pour la retraite, n’est due ni par l’entreprise ni par le stagiaire lorsque la gratification versée par l’employeur – obligatoire si le stage dépasse deux mois – est inférieure ou égale à 417 euros par mois, en 2010, pour 35 heures hebdomadaires. C’est le plus souvent, pour ne pas dire toujours, le cas puisque, si l’entreprise verse au stagiaire une gratification supérieure à 417 euros par mois, le surplus est soumis aux cotisations sociales, à l’exception de celles pour la retraite complémentaire et pour l’assurance chômage. Ainsi, la plupart des entreprises s’efforcent d’y échapper. Or, ce sont ces cotisations qui permettent notamment d’acquérir des droits pour la retraite.

Avec l’allongement de la durée des études, ponctuées de stages obligatoires – souvent de haut niveau et inscrits dans la durée – plus de trois mois, voire six mois pour les masters – les stagiaires sont condamnés à travailler plus longtemps sans pour autant obtenir de trimestre validé pour leur retraite car, pour cela, il faut avoir perçu une rémunération trimestrielle brute de 1772 euros soumise à cotisation, quelle que soit la durée du travail effectué.

Cette situation ne peut plus durer ! Elle conduit, d’une part, à remettre en cause la très faible rémunération des stagiaires. Nous souhaitons que les stagiaires en entreprise puissent percevoir une rémunération à hauteur de 50 % du SMIC et non plus une simple gratification au sens du code du travail, insuffisante pour leur ouvrir des droits.

Nous voulons, d’autre part, qu’une action soit engagée afin d’opérer un rapprochement avec le statut de l’apprentissage. L’apprenti a un statut de salarié employé en CDD. Sa formation, théorique comme pratique, s’étale sur un an à trois ans et sa rémunération est comprise entre 25 % et 78 % du SMIC.

Les cotisations salariales et patronales attenantes au contrat d’apprentissage sont prises en charge par l’État. La retraite des apprentis est calculée sur une base forfaitaire. Il a déjà été dit ici que ce système n’est pas satisfaisant puisqu’il ne parvient pas à faire cotiser quatre semaines par an et que les apprentis seront donc particulièrement pénalisés par l’allongement de la durée de cotisation et l’élévation de l’âge légal de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans.

Néanmoins, c’est dans ce sens qu’il faut mener une réflexion – ce que vous refusez jusqu’à présent – sur l’élaboration d’un dispositif spécifique de retraite pour les stagiaires. Un mécanisme similaire devrait donc être prévu pour les apprentis.

Arrêtez de nous renvoyer d’une loi à l’autre ou de nous censurer afin de ne pas agir dans le domaine de la formation professionnelle, essentielle pour l’avenir de nos jeunes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.

Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais de nouveau attirer votre attention sur le caractère totalement pervers de l’application de l’article 44-3, autrement dit du vote bloqué.

En effet, ce système l’est tellement qu’il nous amène à voter contre nos propres amendements. Le Gouvernement n’a déjà retenu que cinq des très nombreux amendements que nous avions déposés. Ces amendements ont certes leur intérêt mais, vous en conviendrez, ils n’étaient pas parmi les plus fondamentaux car ils ne touchaient pas au cœur de la réforme ; c'est sans doute la raison pour laquelle le Gouvernement les avait retenus ! Nous ne voterons donc pas ces derniers, car, du fait du système du vote unique, voter pour nos amendements, c’est aussi voter pour les vôtres !

Or même si vous n’avez pas été très prolixes en la matière – le texte du Gouvernement vous semblait sans doute parfait –, vos amendements ne font précisément que conforter un texte de loi injuste, brutal et arbitraire qui aura pour seul objet d’accroître l’injustice caractérisant la ligne de conduite du Gouvernement et qui est ressentie par nos concitoyens.

Voilà pourquoi nous ne pourrons voter ni pour vos amendements ni, du même coup, pour les nôtres, ce qui est un paradoxe pour le moins étrange, pour ne pas dire absurde !

Décidément, cette réforme sera une belle occasion manquée, comme nous l’a dit Richard Yung à l’instant. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. Avant d’en venir à mon explication de vote proprement dite, je voudrais redire, comme nous l’avons fait depuis que vous avez décidé d’utiliser la procédure du vote unique, que nous déplorons ce choix.

Le seul fait que la Constitution prévoie cette possibilité ne vous donne pas pour autant le droit de l’utiliser sans retenue, surtout pour un projet de loi qui est très majoritairement refusé par nos concitoyens.

De la même manière, le fait que vous ne preniez pas en compte les propositions des organisations syndicales est plus que regrettable. En effet, notre démocratie a besoin non pas d’un affaiblissement, mais bien d’un renforcement de ces organisations. En agissant ainsi, vous prenez le risque que les mécontentements s’expriment en dehors d’elles. On voit bien ce que cela donne aujourd’hui.

Nos débats présentent tout de même un aspect positif. Outre, peut-être, la visibilité qu’ils ont donnée à notre assemblée, ils nous ont permis au moins de faire avancer l’idée que cette question était extrêmement importante dans la population et ont amené cette dernière à s’intéresser à nos propositions. C’est, j’en suis persuadée, le point de départ d’une sorte de lame de fond...

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Évelyne Didier. ... qui finira par lui faire comprendre que les enjeux sont majeurs et qu’il existe d’autres solutions. Ce combat-là, nous l’avons gagné ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

L’utilisation du troisième alinéa de l’article 44 du règlement est d’autant plus regrettable que la procédure du vote unique ne nous permet pas d’échanger véritablement sur les amendements qui nous semblent très importants. Je pense particulièrement à ceux qui concernent les transferts de dépenses vers les départements et vers l’UNEDIC.

Nombre d’entre vous, sur toutes les travées de cette assemblée, sont président de conseil général. Vous savez qu’aujourd’hui plus de vingt-cinq départements connaissent de très grandes difficultés financières et que le budget 2011 s’annonce périlleux ; mais j’y reviendrai.

Monsieur le ministre, vous avez affirmé que, dans notre système de protection sociale, les chômeurs accumulaient également des droits à la retraite. Ce n’est que partiellement vrai pour les chômeurs non indemnisés. Cela aura des conséquences importantes sur le régime d’assurance chômage, dans la mesure où les salariés privés d’emploi voient, eux aussi, l’âge légal de départ à la retraite repoussé de deux ans. Par conséquent, s’ils ne trouvent pas d’emploi, ils devront donc bénéficier, si j’ose dire, de la mesure qui leur permet de percevoir leurs indemnités jusqu’à 62 ans.

Autrement dit, les salariés privés d’emploi resteront chômeurs deux ans de plus. Or, nous le savons tous, le statut de chômeur n’a rien à voir avec celui de retraité ; il est nettement moins intéressant ! Cela entraînera mécaniquement une hausse des dépenses de l’assurance chômage. Mais, comme vous refusez d’augmenter les cotisations sociales, vous serez tenté de prendre de nouvelles mesures coercitives à l’encontre des demandeurs d’emploi.

Malheureusement, on connaît la pente naturelle de votre action ! On peut même d’ores et déjà parier que les mois à venir seront marqués par une multiplication des cas de radiation et ce sera grave !

Quand aux salariés privés d’emploi qui ne parviendraient pas à trouver un emploi ou qui se verraient radier des listes de demandeurs d’emplois, ils vont basculer vers les régimes de solidarité, c’est-à-dire – et c’est là où j’en reviens aux départements – les allocations de solidarité, mais surtout le revenu de solidarité active, dont, je le signale au passage, les montants versés ne dépassent pas 500 euros.

Qui va payer tout cela maintenant ? Ce sont les collectivités territoriales, principalement les départements, qui devront supporter ces dépenses, et cela pendant deux ans de plus, puisque vous avez reporté de deux ans l’âge légal permettant d’accéder à la retraite.

J’insiste auprès de mes collègues conseillers généraux : il s’agit là d’un transfert de charges discret, mais important, et surtout ne faisant pas l’objet d’une compensation de la part de l’État ! Cela ne va pas manquer d’accroître les difficultés que subissent déjà aujourd’hui les départements.

Cette question inquiète les élus départementaux. L’Assemblée des départements de France a récemment fait un important travail d’évaluation de ces transferts et de rédaction d’un texte qui pourrait fort bien inspirer prochainement une proposition de loi relative à la compensation des dépenses sociales. On peut notamment lire le constat suivant, que nous partageons : « le financement inapproprié d’une partie du système de solidarité nationale menace l’équilibre financier des départements ».

Compte tenu du chômage de masse et du faible taux d’emploi des seniors, la participation de l’État au titre de ce qu’il est convenu d’appeler le « RSA chapeau » risque d’être plus que limitée. J’en parle avec d’autant plus de conviction que, dans mon département, la Meurthe-et-Moselle, nous avons beaucoup travaillé sur ces questions sous la direction du président du conseil général, Michel Dinet.

Nous considérons, pour notre part, que vous n’ignoriez rien des conséquences de ce projet de loi sur les départements. C’est sciemment que vous avez pris la décision de basculer les salariés privés d’emplois des mécanismes de la solidarité nationale vers la solidarité assumée par les départements, au risque de déstabiliser ceux-ci encore un peu plus et d’aggraver les inégalités territoriales !

Notre assemblée, qui devrait avoir à cœur de représenter les collectivités territoriales, ne peut accepter cela. C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous appelons à voter contre ces amendements dans l’immédiat et contre l’ensemble de ce projet de loi tout à l’heure. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.

Mme Odette Terrade. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes collègues vous l’ont dit, nous sommes amers d’avoir été muselés, censurés, sans possibilité de nous exprimer et de voter sur chacun des articles additionnels, alors que ce droit d’expression constitue l’essence même de notre mandat.

L’article 24 de la Constitution dispose en effet explicitement : « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques. ». Or, monsieur le ministre, c’est l’inverse qui se passe. Nous sommes en effet au regret de constater que c’est le Gouvernement qui contrôle l’action du Parlement !

Ce fait est particulièrement grave pour notre démocratie. C’est une insulte faite à nos concitoyens qui s’opposent fermement à votre réforme et dont nous nous faisons l’écho depuis trois semaines dans ce débat.

L’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen précise aussi que : « La Loi est l’expression de la volonté générale. » Nulle part il n’est mentionné que la loi est l’expression de la volonté du MEDEF et de l’UMP !

Or 70 % de nos concitoyens sont opposés à votre réforme des retraites. La volonté générale, c’est eux et personne d’autre ! Votre acharnement est méprisant. Il ne tiendra qu’à vous de répondre à la colère de nos concitoyens qui se sont engagés à poursuivre leur mobilisation.

Les prétendues concessions que vous avez faites ne sont que poudre aux yeux, notamment celles que vous croyez avoir faites en faveur des femmes. En effet, les femmes perçoivent en moyenne 825 euros par mois de retraite et, à la fin de 2007, 70 % des retraités du régime général qui percevaient le minimum contributif étaient des femmes ! Malheureusement, cette tendance ne fait que se confirmer et va encore s’aggraver avec votre réforme.

Moins de la moitié des femmes valident une carrière complète. En effet, elles sont plus nombreuses que les hommes à interrompre leur carrière. Aujourd’hui, seulement 1,5 % des pères cessent leur emploi ou réduisent leur activité professionnelle après la naissance d’un enfant, contre 35 % des mères.

À cela s’ajoute le fait que, lorsqu’elles travaillent, les femmes perçoivent des salaires inférieurs de 27 % à ceux des hommes. En outre, leurs conditions de travail sont parmi les plus précaires. Elles sont les premières titulaires de CDD, de contrats aidés et de temps partiel subi. Huit travailleurs précaires sur dix sont des femmes. Ce sont encore les femmes qui, arrivées à l’âge de 65 ans, âge actuel de la retraite sans décote, ont une durée moyenne sans emploi de vingt ans.

Face à ces injustices, et pour répondre à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, vous avez cru trouver la parade grâce à un beau tour de passe-passe de l’Élysée. Mais, à l’image de la grande majorité des Français, dont 70% sont opposés à cette réforme, nous ne sommes pas dupes. Le Gouvernement ne fait pas un geste en faveur des femmes. Il n’en fait un qu’en faveur des mères de famille, mais seulement certaines d’entre elles, et des femmes handicapées, mais, là encore, certaines d’entre elles uniquement. En d’autres termes, le Gouvernement fait l’aumône, car – et fort heureusement ! – toutes les femmes ne sont pas handicapées et ne sont pas non plus toutes mères de familles.

Si ces dispositions étaient nécessaires, elles sont donc bien loin d’être suffisantes. Elles n’ont été proposées que par pur souci d’affichage, pour permettre de diffuser dans les quotidiens gratuits la propagande gouvernementale sur le bien-fondé d’une réforme qui serait juste pour les femmes. Mais seules les mères de famille qui ont trois enfants et qui sont nées entre 1951 et 1955 seront peut-être rassurées. Que proposez-vous aux autres, c’est-à-dire à la grande majorité d’entre elles, celles qui n’ont pas eu d’enfant et celles qui n’en ont pas eu trois ? Rien d’autre qu’une retraite minable. C’est tout simplement scandaleux !

C’est l’une des très nombreuses raisons pour lesquelles nous ne voterons pas les amendements portant articles additionnels qui ont été retenus – sélectionnés, devrais-je dire – par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Serge Larcher, pour explication de vote.

M. Serge Larcher. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la messe est dite ! La plupart de nos amendements sont passés à la trappe, puisque telle a été votre volonté.

Cette réforme des retraites, comme l’ont indiqué mes collègues, n’est ni juste, ni équitable. Elle remet en question le principe même de la solidarité. Elle aura des conséquences très graves et très lourdes sur les plus faibles et les plus fragiles.

En reculant l’âge de départ à la retraite de 65 à 67 ans, monsieur le ministre, vous pénalisez les travailleurs les plus modestes, ceux qui ont commencé à travailler très tôt, dès l’âge de seize, dix-sept ou dix-huit ans, les travailleurs du secteur agricole, les travailleurs précaires, ceux qui n’ont pas de spécialisation. Vous pénalisez aussi les chômeurs qui auraient pu espérer ne plus l’être dans un avenir proche. Vous touchez également les femmes en général et les mères de famille en particulier. Vous touchez enfin les jeunes en ne libérant pas les emplois que leurs parents garderont plus longtemps.

Si au moins, par ce biais, vous préserviez notre système de retraite par répartition ! Mais les mesures que vous proposez non seulement ne règlent pas le problème du financement des retraites, mais vont creuser un peu plus le déficit de l’assurance chômage.

Ce sont des sacrifices pour rien, des sacrifices demandés aux plus modestes ! Cette réforme ne fera qu’accroître le nombre déjà important de Martiniquais, de Guadeloupéens, de Guyanais et de Réunionnais qui ne perçoivent qu’un minimum vieillesse inférieur au seuil de pauvreté.

À aucun moment, vous n’avez mesuré les effets de ce projet de loi sur les régions d’outre-mer, dont les caractéristiques démographiques, économiques et sociales sont très différentes de celles de l’Hexagone. À aucun moment, vous n’avez mesuré son caractère catastrophique pour les populations, en particulier pour nos jeunes.

Savez-vous qu’une famille martiniquaise sur trois est monoparentale ? C’est le plus souvent la femme qui est chef de famille. Savez-vous aussi que le taux de chômage est beaucoup plus élevé outre-mer que dans l’Hexagone ? Je ne crois pas. Sinon, vous n’auriez pas répondu à Mme Gélita Hoarau comme vous l’avez fait en commission des affaires sociales. Vous n’auriez pas répondu par la négative à une approche différente pour les retraites outre-mer.