Mme la présidente. L'amendement n° 1177, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article L. 137-26 du code de la sécurité sociale, il est inséré une section ainsi rédigée :

« Section ...

« Contribution patronale sur la part variable de rémunération des opérateurs de marchés financiers

« Art. ... - Il est institué, au profit des régimes obligatoires d'assurance maladie et d'assurance vieillesse une contribution de 40 %, à la charge de l'employeur, sur la part de rémunération variable dont le montant excède le plafond annuel défini par l'article L. 241-3 du présent code versée, sous quelque forme que ce soit, aux salariés des prestataires de services visés au livre V du code monétaire et financier. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Nous revenons avec cet amendement au cœur du problème qui nous est posé par votre projet de réforme, celui du financement de notre régime de retraite par répartition. Vous tentez de réduire cette question à une simple équation démographique. La démographie est, certes, l’une des données à prendre en compte, et nous le concevons fort bien, comme nous concevons la nécessité de réformer notre mode de financement d’un des principaux fleurons de notre système de protection sociale. Cette donnée démographique ne peut toutefois justifier à elle seule, et loin s’en faut, le problème du déséquilibre de notre régime de retraite par répartition.

À mesure que nous avançons dans nos discussions et que le mouvement social s’approprie ce débat, la ficelle paraît de plus en plus grosse et la potion difficile à avaler.

Vous avez certes quelques raisons de reconnaître que le Conseil national de la Résistance exprimait, en son temps, des revendications et des valeurs justes. Cependant, dans le même temps, vous relativisez ce projet de société progressiste dont la finalité consistait, ni plus ni moins, à garantir durablement le bien-être des travailleurs. Vous nous dites que cela sonne faux à vos oreilles et que « ce n’est plus possible » compte tenu des contraintes qui pèsent sur vous. Il faudrait donc désormais nous adapter au monde nouveau, celui de la recherche de la rentabilité, de la performance optimale, même si la potion peut se révéler « amère » pour le plus grand nombre de nos concitoyens.

Avec cet amendement, nous souhaitons confirmer et démontrer le bien-fondé de nos propositions – mes collègues Guy Fischer et Josiane Mathon-Poinat viennent à l’instant de vous en parler –, qui n’ont pour finalité que d’offrir de nouvelles ressources pour développer notre système.

La part des salaires dans la valeur ajoutée a chuté en France de 9,3 points entre 1983 et 2006 alors que, pour la même période, la part des dividendes versés aux actionnaires passait de 3,2 % à 8,5 % du PIB.

Outre qu’ils font défaut en matière de salaires et de politiques sociales, ces revenus accaparés par le capital sont utilisés pour la spéculation et les délocalisations, soit, par conséquent, contre l’emploi. Malgré tout, le capitalisme financier est encore contraint, de nos jours, de tenir compte de l’existence de notre système de protection sociale par répartition ; certains le regrettent bien, c’est sûr !

Ainsi, entre 1993 et 2009, en dépit des objectifs affichés par les gouvernements successifs au nom du poids excessif des charges sociales, le volume des cotisations sociales a continué d’augmenter – plus 19 % – malgré les efforts de rigueur que vous avez consentis. Simplement, il n’a pas suivi l’évolution du PIB, qui, lui, a augmenté de 33 %, ni celle des revenus financiers des entreprises et des banques, qui s’élève à plus 143 %.

Cela exige donc bien de désintoxiquer l’économie de la financiarisation, alors qu’explosent les revenus financiers. C’est le sens de notre amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 832, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article L. 241-3-1 du code de la sécurité social, il est inséré un article L. 241-3-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 241-3-2. - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 241-3, les salariés employés à temps partiel au sens de l'article L. 212-4-2 du code du travail ou, dans des conditions fixées par décret, peuvent demander à ce que la part patronale de cotisations mentionnée au quatrième alinéa de l'article L. 241-3 du présent code soit assise sur une assiette correspondant à une activité exercée à temps plein. »

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Le temps partiel concerne surtout les femmes. Certains secteurs, comme la grande distribution, en usent et en abusent.

Aujourd’hui, 30,2 % des femmes sont employées à temps partiel. Les salaires sont bas et les conditions de travail exténuantes.

Les femmes ont des carrières chaotiques, discontinues, elles s’arrêtent pour congé maternité, congé parental ou congé enfant malade. Ce sont elles qui, souvent, sont recrutées en contrat à durée déterminée. Elles accumulent les périodes de chômage. Ne soyons pas surpris de constater par conséquent que, avec des salaires faibles dans leur vie professionnelle – l’écart avec les salaires des hommes est de 27 % –, elles voient le montant moyen de leur retraite mensuelle atteindre seulement 825 euros en 2008, somme inférieure de 40 % au montant moyen de pension pour un homme.

D’après le COR, le Conseil d’orientation des retraites, la mise en œuvre de l’égalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes apporterait d’ici à 2030 78 milliards d’euros dans les caisses des régimes de retraite.

Ce projet de loi ne fait qu’aggraver les inégalités entre les hommes et les femmes ; c’est un projet particulièrement misogyne. Le temps partiel a des incidences évidentes sur la difficulté que les femmes peuvent avoir à rassembler quarante années de cotisation. Dès lors, qu’en sera-t-il lorsqu’il faudra qu’elles réalisent quarante-deux ans de cotisation, comme vous voulez les y contraindre ?

Depuis les réformes Balladur et Fillon, seules 43 % des femmes salariées arrivent à mener des carrières complètes, alors que, pour les hommes, ce pourcentage est de 86 %. Un tiers des femmes sont ainsi déjà obligées de travailler jusqu’à 65 ans. Ce n’est certainement pas une solution, pour toutes ces femmes qui sont à temps partiel, de reporter l’âge ouvrant droit à une retraite à taux plein de 65 ans à 67 ans ou de prolonger les durées de cotisation.

Proposer aux salariés concernés de demander à leurs employeurs de cotiser sur une assiette correspondant à un temps plein permettrait d’améliorer le montant de leur retraite. La HALDE, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, vient même de le suggérer ces derniers jours. Bien sûr, la réussite de la mise en œuvre d’une telle disposition nécessite également des salaires corrects.

La possibilité de cotiser sur une assiette plus large existe déjà depuis la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, mais elle est particulièrement difficile à appliquer. En effet, avant la précédente réforme des retraites, la « surcotisation » était réservée aux salariés à temps partiel embauchés à taux plein et dont l’emploi était ensuite transformé en temps partiel, au titre d’un seul employeur.

La loi de 2003 ouvre cette possibilité à compter de janvier 2004 à l’ensemble des salariés travaillant à temps partiel et aux salariés dont la rémunération ne peut être déterminée en fonction du nombre d’heures travaillées, mais celle-ci est soumise à un accord entre le salarié et l’employeur, écrit, daté et signé par les deux parties. Ce type d’accord se conclut très rarement et la prise en charge par l’employeur n’est nullement obligatoire.

Le Médiateur de la République considère que le problème du niveau des retraites pour les salariés et les fonctionnaires dont la carrière s’est déroulée essentiellement à temps partiel mérite d’être étudié et peut-être de déboucher sur une proposition de réforme autour de la question de la surcotisation.

En approuvant l’amendement que nous vous proposons, nous pourrions ainsi répondre, au moins partiellement, à la demande des femmes qui travaillent à temps partiel, et ce ne serait que justice pour ces dernières.

Mme la présidente. L'amendement n° 853, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Après l'article L. 1248-11 du code du travail, il est inséré un article L. 1248-12 ainsi rédigé :

« Art. L. 1248-12. - Les entreprises qui salarient plus de 10 % de leurs effectifs en contrats à durée déterminée voient la part patronale des cotisations sociales visées à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, majorée de 10 %. »

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Cet amendement prévoit que les entreprises qui salarient plus de 10 % de leurs effectifs en contrat à durée déterminée voient la part patronale des cotisations sociales visée à l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale majorée de 10 %.

Il vise par conséquent à lutter contre le travail précaire nuisible aux comptes sociaux.

En effet, le chômage de masse et le travail précaire sous-payé se cumulent actuellement. Au gré des départs à la retraite et des plans sociaux, la génération du baby-boom quitte la vie active sans être remplacée, ce qui entraîne une terrible perte de savoir-faire.

Le « marché du travail » se structure de plus en plus entre un pôle restreint d’emplois très qualifiés et un pôle d’emplois sous-qualifiés, mal payés et précaires. Marginalisation, paupérisation et déclassement sont le lot commun des couches populaires et moyennes. L’ascenseur social fonctionne à l’envers.

La course à la compétitivité, la mise en concurrence de tous contre tous au sein même des collectifs de travail détruisent les relations de coopération entre salariés en détériorant leur rapport à leur propre travail, ce qui a pour effet de multiplier l’absentéisme, les dépressions et les suicides.

On le voit, il est essentiel d’inverser la tendance. C’est l’objectif de l’amendement que nous vous proposons d’adopter.

Mme la présidente. L'amendement n° 664, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie textile du 1er février 1951.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Dire de l’industrie textile française qu’elle est en crise est une véritable évidence.

Les appétits des actionnaires, qui demandent des taux de rentabilité à deux chiffres, conduisent à une multiplication sans précédent des fermetures d’usines et autres délocalisations. Aujourd’hui, la situation est telle que les grossistes en textile s’inquiètent d’une possible flambée du prix des vêtements en raison des revendications sociales des salariés des pays producteurs.

C’est dire le niveau de la dépendance économique de la France et celui de la désindustrialisation dans notre pays.

À Rillieux-la-Pape, par exemple, près de Lyon, les ouvrières de Lejaby, que Guy Fischer est allé rencontrer, occupent le siège du fabricant de lingerie de luxe qui les emploie. En effet, leur employeur prévoit la suppression à partir du mois de novembre de 197 postes sur 653 et la fermeture de trois sites de production en Rhône-Alpes, dans l’Ain et en Ardèche.

Chez Playtex – autre exemple, cette fois dans mon département de l’Isère –, ce sont 71 postes qui vont être supprimés, et l’usine de La Tour-du-Pin risque d’être prochainement fermée. Voilà quelques jours, j’étais avec les salariés de cette usine à la sous-préfecture de La Tour-du-Pin pour négocier la convention de revitalisation mise en place à la suite de cette fermeture, et je peux vous garantir que la détresse de ces femmes était flagrante. Être témoin de leur incompréhension face à la fermeture de leur entreprise, alors qu’elles ont contribué pendant des années à la richesse de l’établissement, était assez douloureux.

Malheureusement, la liste pourrait être longue et les exemples nombreux. À chaque fois, les salariés nous font part des mêmes craintes quant à leur avenir et à l’impossibilité pour une grande partie d’entre elles – la plupart sont des femmes –, souvent proches de l’âge de la retraite, de trouver un emploi dans quelque branche que ce soit.

Je pense par exemple au témoignage de certaines femmes, notamment à celui d’un membre de la fédération CGT textile : beaucoup de ses collègues pensent qu’il n’y a plus rien pour elles après leur licenciement. Je pense aux inquiétudes des « filles de Lejaby », comme les appelle Guy Fischer, qui ont en moyenne 52 ans et plus de dix ans de maison et savent qu’elles auront du mal à trouver un nouvel emploi.

En 2003, plus de 200 postes avaient déjà été supprimés. Les licenciés, à cette époque, avaient cru à un reclassement possible. Sept ans plus tard, toutes ces filles – toutes ces « copines », comme elles disent – sont pour la plupart encore au chômage ou occupent un emploi à temps partiel dans le secteur des services à la personne, car c’est ce type de postes que vous leur proposez, monsieur le ministre ! Elles ont pourtant un vrai savoir-faire, elles peuvent apporter une vraie valeur ajoutée, mais les entreprises de notre pays refusent de reconnaître ces atouts à leur juste valeur et de rémunérer ces salariées comme elles devraient l’être.

Mme la présidente. L'amendement n° 665, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des industries métallurgiques.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Notre amendement vise à permettre aux travailleurs de l’industrie métallurgique de déroger aux dispositions de l’article 4.

La métallurgie est par nature une branche d’activité où les conditions de travail sont particulièrement difficiles et usantes pour les travailleurs. C’est d’ailleurs un secteur que je connais bien, qui est très présent dans la commune et le département dont je suis l’élue.

Les ouvriers sur les chaînes de montage sont usés par leur travail, pour certains dès l’âge de 50 ans. Depuis une quinzaine d’années, les postes « aménagés » ou « allégés » – par exemple, les préparations au montage sur le côté de la chaîne – ont pratiquement disparu, car ils ont été délocalisés. Les ouvriers sont donc désormais condamnés à rester sur la chaîne.

Levés souvent dès trois heures trente pour prendre leur service à cinq heures ou cinq heures trente du matin, ils ont un travail répétitif qui occasionne des troubles musculo-squelettiques.

C’est certain, en cas d’adoption de la réforme des retraites et particulièrement de cet article 4, les employeurs n’arriveront pas à maintenir ces ouvriers en poste au-delà de 60 ans puisque, à 58 ans, beaucoup sont déjà en arrêt pour longue maladie sans possibilité de reclassement. Nous faisons face à des taux d’absentéisme jamais atteints – autour de 14 % – qui touchent surtout les anciens du fait de ces conditions de travail.

Monsieur le ministre, des accords concernant le travail des seniors ont été signés en décembre 2009, mais aucune suite ne leur a été donnée. Bien souvent, les améliorations proposées sont de toute façon impossibles à réaliser car les postes de travail ne sont pas compatibles avec une vie plus longue au travail. À moyen et long termes, si on oblige les ouvriers à travailler plus longtemps, on peut craindre des plans sociaux massifs.

Ces conditions de travail sont partagées par tous les travailleurs de la métallurgie, y compris ceux qui n’utilisent plus leur force physique. Dans le groupe ArcelorMittal, par exemple, il n’existe quasiment plus de travaux faisant appel à la « force brute ». En effet, heureusement, le modernisme a fait du chemin, mais certains de ces travaux ont malheureusement été sous-traités, ce qui ne permet plus de percevoir les conséquences de ce travail avec la même ampleur.

Cependant, partout, les agents de maîtrise liés à la chaîne subissent le stress ; pour eux, la pénibilité est non pas dans le geste mais dans la tête, à cause de la course aux objectifs. Quand une panne survient, il faut réagir vite.

Ainsi, les travailleurs de la métallurgie ne s’y trompent pas. Ni le vote à l’Assemblée nationale ni toutes les tentatives de diversions orchestrées par le pouvoir en place n’auront eu raison de leur détermination. Celle-ci s’est traduite par une participation massive de leur part dans les grèves et les 232 manifestations organisées dans toute la France. Les cortèges des salariés de la métallurgie ont d’ailleurs été marqués par la présence de plus de jeunes, de femmes et de salariés issus des PME, de plus d’ingénieurs, de cadres et de techniciens.

Nous vous demandons donc d’écouter ces travailleurs de la métallurgie, qui ne pourront pas, physiquement, travailler davantage.

Voilà le sens de notre amendement, qui vise à faire en sorte que les salariés de la métallurgie n’aient pas à subir les conséquences de la disposition de l’article 4. Vous aurez bien compris qu’il s’agit d’un amendement de repli par rapport à notre demande de suppression de l’article, mes chers collègues.

M. Jean Desessard. Oui, nous l’avions bien compris !

Mme la présidente. L'amendement n° 666, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des industries de jeux, jouets, articles de fêtes et ornement de Noël, articles de puériculture et voitures d'enfants, modélisme et industries connexes du 25 janvier 1991.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement s’inscrit dans la continuité des amendements précédents, qui visent à faire entrer dans notre hémicycle ce que le Gouvernement et sa majorité refusent, c’est-à-dire des éléments de vie de nos concitoyennes et de nos concitoyens, car ce sont bien d’eux qu’il s’agit.

Lors de son intervention dans la discussion générale, notre collègue Jean-Paul Virapoullé, dans un grand élan, n’a pas hésité à affirmer ceci : « pousser les Français dans la rue […], c’est […] favoriser la délocalisation ». Voilà une conception particulière de notre démocratie, qui consiste à croire que ce sont des « salariés poussés » qui manifestent massivement contre votre projet de loi. Ou alors, mes chers collègues, vous nous créditez d’un sacré pouvoir de persuasion envers ces millions de salariés qui sont dans la rue, ce qui est finalement plutôt flatteur pour nous ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Philippe Dominati. Ne rêvez pas !

M. Jean-Pierre Fourcade. Nous admirons votre confiance !

Mme Annie David. Croire que nous avons poussé ces salariés est une grave erreur, car, s’ils le sont, c’est par un élément : leur désir de conserver le droit à la retraite à 60 ans et sans décote.

C’est également une conception bien particulière de l’économie que celle qui consiste à rejeter la responsabilité des délocalisations sur des salariés qui, à un moment donné, se mobilisent pour la préservation de leurs droits.

M. Philippe Dominati. Nous n’avons jamais dit cela ! C’est votre interprétation !

Mme Annie David. À vous écouter, les actionnaires, qui exigent toujours des rentabilités plus grandes, ne seraient en définitive responsables de rien. Les salariés apprécieront. Ils apprécieront également d’apprendre qu’en 1995 le PDG de Mattel – cet amendement porte en effet sur les assurés dont l’activité professionnelle relève de la convention des industries de jeux, jouets, etc. – a gagné plus en salaire et en stock-options que l’ensemble des personnes travaillant pour Mattel en Chine.

Face à cette délocalisation permanente il nous semble important de prendre des mesures concrètes pour protéger des salariés qui, dans cette situation, ne pourront pas de toute évidence atteindre les 41,5 annuités.

La réforme que vous menez, parce qu’elle aura des incidences sur le montant des pensions, ne doit pas être aveugle. Elle doit naturellement tenir compte du contexte industriel de notre pays afin que les salariés qui subissent des périodes de chômage ne soient pas pénalisés une fois de plus parce qu’ils auraient été obligés d’attendre le nombre d’annuités légalement exigé pour prétendre à une pension de retraite digne, alors que, pendant ce temps, les actionnaires continuent de s’en mettre plein les poches. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. L'amendement n° 667, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des activités industrielles de boulangerie et pâtisserie du 13 juillet 1993.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement vise à une exemption pour les assurés relevant de la convention collective des activités industrielles de boulangerie et pâtisserie.

De nombreux membres de la majorité glosent sur le fait qu’il est difficile de légiférer sur la « pénibilité » car il s’agirait d’une notion « complexe » qui ne permettrait pas d’être généralisée à des branches professionnelles dans leur ensemble.

La présente réforme reflète d’ailleurs ce discours puisque la pénibilité n’est considérée que sous l’angle du handicap constaté, donc individualisé. En somme, seuls les salariés malades et amoindris se verront reconnaître ce droit particulier. En revanche, ceux qui auront eu la malchance de voir une maladie professionnelle se déclarer avant un certain âge ne seront pas considérés comme des salariés comme les autres.

Nous l’avons dit à plusieurs reprises, cette définition de la pénibilité est pour le moins restrictive. Prenons le cas des boulangers, par exemple : de l’avis de l’ensemble de la médecine du travail, ceux-ci, du fait de leur métier, sont soumis à des risques allergiques respiratoires et cutanés. Ces pathologies sont évidemment liées non pas au hasard mais à leurs conditions de travail : empoussièrement des fournils, utilisation massive et répétée de farine. Les boulangers ont aussi la particularité d’avoir, pour la très grande majorité d’entre eux, des horaires atypiques – travail de nuit –, donc des rythmes contraires aux rythmes chronobiologiques, ce qui entraîne des maladies du sommeil, une fatigue excessive, une fatigue physique, des troubles de l’humeur.

Enfin, les boulangers exercent un métier physiquement dur : ils portent des charges lourdes, ils adoptent des gestes répétitifs,…

Mme Josiane Mathon-Poinat. … tendineux, ils manipulent des instruments tranchants et ils travaillent debout en atmosphère humide et chaude. Bref, le métier de boulanger est, par essence même, un métier pénible.

Il nous paraît tout à fait inadmissible de ne pas considérer le droit à la retraite anticipé pour ceux qui, par malchance, auront souffert de cette situation. Cela écarte tous ceux qui, usés par une vie de labeur difficile, n’auront pas non plus la chance de connaître une retraite aussi longue que celle d’un cadre.

Mme la présidente. L'amendement n° 668, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne concernent pas les salariés relevant de la convention collective des artistes musiciens de la production cinématographique du 1er juillet 1964.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons vraiment le souci de montrer combien de salariés sont dans une situation précaire, ce qui semble avoir échappé à nos collègues de la majorité… J’imagine pourtant que vous avez bien étudié la situation de tous les métiers…

Cet amendement n° 668 porte sur les artistes musiciens : on sait très bien que le problème majeur pour un musicien est de pouvoir vivre de son art, et que la précarité est le lot commun des artistes musiciens, comme d’autres artistes d’ailleurs.

À partir des années 1920, on a commencé à composer de la musique pour le cinéma, et la musique a pris une large part dans les œuvres cinématographiques. Toutefois, le statut particulier des artistes musiciens de la production cinématographique était inexistant en droit. En effet, ces artistes particuliers, à mi-chemin entre l’édition phonographique et la production cinématographique, ont dû attendre les années 1960 pour que leur statut soit réglementé par des protocoles d’accord et une convention collective, en 1964. Ainsi, les artistes musiciens, bien que jouissant du privilège d’exercer un métier en adéquation avec leur passion, contrairement à ceux qui ne le peuvent pas, souffrent toujours d’une très grande précarité et de la fragilité de leur statut dans la société.

La convention collective règle le régime spécifique des artistes musiciens en énonçant tout d’abord les conditions générales de travail de ces salariés particuliers, puis le barème de leur rémunération. Elle réglemente le temps de travail des artistes sur la base de la notion de service : on distingue le service « normal » et le service « exceptionnel ». Sans s’attarder là-dessus, notons que, sous l’appellation « service normal », on retrouve l’idée de cachet qui se distingue du salaire. Cette rémunération rend difficile la cotisation et renforce de fait la précarité à laquelle ces professionnels doivent faire face. C’est pourquoi l’article 4 de ce projet de loi, et à plus grande échelle le projet de loi lui-même, met en péril ce type de situation et ce type de rémunération.

Nous proposons donc que l’article 4 ne s’applique pas à ceux qui bénéficient de cette convention collective, car ce serait encore un coup porté à une certaine continuité dans les rémunérations des artistes.

Mme la présidente. L'amendement n° 671, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de la blanchisserie, laverie, location de linge, nettoyage à sec, pressing et teinturerie du 17 novembre 1997.

La parole est à Mme Annie David.