Article additionnel avant l’article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques
Article 2

Article 1er

(Non modifié)

Le chapitre III du titre Ier du livre II du code du cinéma et de l’image animée est complété par une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques

« Art. L. 213-16. – I. – Sont tenus de contribuer soit directement, soit par un intermédiaire, au financement des investissements nécessaires à l’installation initiale des équipements de projection numérique des salles des établissements de spectacles cinématographiques existantes à la date de promulgation de la loi n°…du…relative à l’équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques, ainsi qu’à l’installation initiale des équipements de projection numérique des salles des établissements de spectacles cinématographiques homologuées avant le 31 décembre 2012 :

« 1° Les distributeurs qui, dans le cadre de contrats de concession des droits de représentation cinématographique mentionnés à l’article L. 213-14, mettent à disposition de l’exploitant de l’établissement concerné, sous forme de fichier numérique, des œuvres cinématographiques de longue durée inédites en salles. Cette contribution est due, au titre de chaque salle, lors des deux premières semaines suivant la date de sortie nationale de l’œuvre cinématographique pour la première mise à disposition de l’œuvre dans l’établissement. La contribution reste due, au-delà des deux premières semaines, lorsque l’œuvre est mise à disposition dans le cadre d’un élargissement du plan initial de sortie. Toutefois, la contribution n’est pas due lorsque l’œuvre est mise à disposition pour une exploitation en continuation. La date de sortie nationale, l’élargissement du plan initial de sortie et l’exploitation en continuation sont définis par les usages professionnels ;

« 2° Les personnes qui mettent à disposition de l’exploitant de l’établissement concerné, sous forme de fichier ou de données numériques, des œuvres ou documents audiovisuels ou multimédia et des œuvres à caractère publicitaire, à l’exception des bandes annonces. Cette contribution est due au titre de chaque projection ;

« 3° Les personnes qui louent à l’exploitant de l’établissement concerné une ou plusieurs salles, dès lors que cette location implique l’utilisation des équipements de projection numérique des salles concernées. Cette contribution est due au titre de chaque location. 

« I bis (nouveau). – Le financement de l’installation initiale des équipements de projection numérique des salles des établissements de spectacles cinématographiques peut être mutualisé. La mutualisation peut être effectuée entre exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques, exploitants propriétaires des fonds de commerce de plusieurs établissements cinématographiques ou par des intermédiaires assurant le financement des investissements nécessaires.

« Dans ce cas :

« 1° Les contrats relatifs au montant et aux conditions de versement de la contribution prévue au 1° du I ainsi que les contrats relatifs au financement des équipements de projection numérique conclus entre les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques et les intermédiaires mentionnés au premier alinéa du I fixent la liste des établissements relevant de la mutualisation et détaillent les modalités de cette mutualisation, notamment la répartition des contributions entre les différents bénéficiaires ;

« 2°  Les contrats relatifs au montant et aux conditions de versement de la contribution prévue au 1° du I prévoient par ailleurs les conditions dans lesquelles il est rendu compte de l’affectation de la contribution. 

« II. – La contribution prévue au I n’est plus requise une fois assurée la couverture du coût de l’installation initiale des équipements de projection numérique des salles de l’établissement de spectacles cinématographiques concernées ou des établissements de spectacles cinématographiques mutualisant leurs financements, compte tenu des autres financements. Elle n’est plus requise au-delà d’un délai de dix ans après l’installation initiale des équipements de projection numérique, sans que ce délai n’excède le 31 décembre 2021.

« Les contrats relatifs au montant et aux conditions de versement de la contribution prévue au 1° du I ainsi que les contrats relatifs au financement des équipements de projection numérique conclus entre les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques et les intermédiaires mentionnés au premier alinéa du I prévoient les conditions dans lesquelles les exploitants rendent compte, directement ou indirectement, aux distributeurs du coût de l’installation initiale des équipements de projection numérique restant à couvrir.

« En application de l’article L. 111-2 et à la demande des distributeurs ou des exploitants, le Centre national du cinéma et de l’image animée peut apporter son concours pour l’analyse des comptes rendus effectués en application de l’alinéa précédent. Le président du Centre national du cinéma et de l’image animée requiert auprès des personnes mentionnées au même alinéa communication de tout renseignement ou document qu’il estime utile.

« Art. L. 213-17. – Le montant de la contribution prévue à l’article L. 213-16 est négocié entre les parties à des conditions équitables, transparentes et objectives, afin notamment qu’il reste inférieur à la différence entre le coût de la mise à disposition d’une œuvre sur support photochimique et celui de la mise à disposition d’une œuvre sous forme de fichier numérique.

« Art. L. 213-18. – En cas de litige concernant l’application du 1° du I de l’article L. 213-16 et de l’article L. 213-17, le médiateur du cinéma peut être saisi en application de l’article L. 213-1.

« Le médiateur du cinéma requiert des parties au litige communication de tout renseignement ou document qu’il estime utile, notamment des contrats mentionnés à l’article L. 213-14 et au II de l’article L. 213-16.

« Art. L. 213-19. – Afin de préserver la diversité de l’offre cinématographique, est prohibée toute pratique et est réputée non écrite toute clause contractuelle de nature à rendre dépendants des conditions de fixation, de versement de la contribution prévue à l’article L. 213-16 ou de financement de l’installation initiale des équipements de projection numérique soit les choix de distribution ou de programmation en salles des œuvres cinématographiques, soit la détermination du taux de la participation proportionnelle aux recettes d’exploitation prévue aux articles L. 213-9 à L. 213-11.

« Art. L. 213-20. – Le président du Centre national du cinéma et de l’image animée réunit un comité de concertation professionnelle chargé d’élaborer des recommandations de bonne pratique permettant d’assurer, dans le cadre de la projection numérique, la plus large diffusion des œuvres cinématographiques conforme à l’intérêt général, le maintien de l’aménagement culturel du territoire, ainsi que la diversité des œuvres cinématographiques et des établissements de spectacles cinématographiques.

« Ce comité est composé de représentants des organisations professionnelles représentatives des exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques ainsi que de représentants des organisations professionnelles représentatives des distributeurs d’œuvres cinématographiques.

« En tant que de besoin, le président du Centre national du cinéma et de l’image animée associe les autres organisations professionnelles représentatives du secteur du cinéma et de l’image animée et les entreprises concernées.

« La composition et l’organisation du comité sont précisées par décision du président du Centre national du cinéma et de l’image animée. 

« Art. L. 213-21 (nouveau). – Les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques transmettent aux distributeurs les données extraites des journaux de fonctionnement des équipements de projection numérique relatives à l’exploitation des œuvres cinématographiques de longue durée que ces distributeurs ont mises à leur disposition.

« Les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques transmettent également au Centre national du cinéma et de l’image animée les données extraites des journaux de fonctionnement précités relatives à toutes les utilisations de leurs équipements de projection numérique.

« Les données mentionnées aux alinéas précédents, leurs modalités et leur périodicité de transmission sont fixées par décision du président du Centre national du cinéma et de l’image animée. 

« Art. L. 213-22 (nouveau). – Les équipements de projection numérique et les fichiers ou les données numériques mentionnés à l’article L. 213-16, leurs conditions d’utilisation, ainsi que les journaux de fonctionnement mentionnés à l’article L. 213-21, sont conformes aux normes internationales ISO relatives à la projection numérique en salles.

« Art. L. 213-23 (nouveau). – Lorsqu’elles ont pour objet le financement, même partiel, de l’installation initiale des équipements de projection numérique, les aides financières sélectives du Centre national du cinéma et de l’image animée sont subordonnées à des engagements de programmation contrôlés par le président du Centre national du cinéma et de l’image animée dans les mêmes conditions que ceux relevant du 4° de l’article L. 212-23.

« Ces engagements de programmation sont contrôlés pendant une durée de cinq ans suivant la date de la dernière aide financière ayant concouru à l’équipement numérique des salles de l’établissement de spectacles cinématographiques. »

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Ralite, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

des salles des établissements de spectacles cinématographiques existantes

par les mots :

de toutes les salles des établissements de spectacles cinématographiques existantes

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. L’exception culturelle française se caractérise par certaines spécificités de notre pays par rapport aux autres pays d’Europe, voire du monde, dans le domaine culturel. C’est le cas d’un certain nombre de dispositifs législatifs et réglementaires qui soutiennent le secteur de la culture et la création artistique.

Le septième art français participe allègrement au rayonnement de la culture française à travers le monde. Pourtant, confrontée à la forte concurrence de Hollywood à partir des années quatre-vingt, la France a su se spécialiser dans deux branches moins concurrentielles : celle de la comédie et celle du cinéma d’auteur.

La qualité des salles d’art et essai, à la fois indépendantes et singulières, fait de la France un pays particulièrement cinéphile. Défendre le pluralisme des lieux de diffusion, indispensable à la diversité des œuvres, et promouvoir un cinéma indépendant, qui relève de toutes les créations, en toute liberté, constituent deux tâches auxquelles la France se doit de répondre.

C’est pourquoi il est nécessaire de garantir la cohérence, l’unité et la solidarité du cinéma commercial envers le cinéma d’auteur. Or, cette proposition de loi relative à l’équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques remet gravement en cause la diversité culturelle et fait apparaître le risque d’une inégalité d’accès au numérique suivant le territoire.

Notre amendement vise à spécifier, à l’article 1er, alinéa 4, que toutes les salles des établissements de spectacles cinématographiques sont concernées par le financement de l’équipement numérique.

Selon la Commission européenne, un tiers des cinémas pourraient effectivement fermer en raison du coût d’un tel équipement. Le passage au numérique pourrait donc constituer une menace pour les salles indépendantes, nombre d’entre elles n’affichant pas un nombre suffisant d’entrées pour exiger des distributeurs un financement.

Par ailleurs, la proposition de loi ne permet pas d’enrayer la menace qui pèse aussi bien sur les salles indépendantes que sur les petits distributeurs. Elle ne concerne que les salles moyennes, excluant les plus petites en raison d’un critère de contribution fondé sur les premières semaines de sortie nationale. La mention de l’adjectif « toutes » permet d’élargir le bénéfice de la contribution numérique, sans exclusion, conformément au principe du CNC, à savoir diversité de la programmation et des salles sur tout le territoire.

La menace de fermeture qui pèse sur de nombreuses salles met en péril la diversité culturelle elle-même. Nous ne contestons pas l’apport de cette nouvelle technologie, mais il faut reconnaître, d’une part, que le cinéma en 3D concerne encore un nombre restreint de sorties, et, d’autre part, que cette technologie reste trop chère pour les petites exploitations. Elles constituent pourtant des lieux propices au développement du cinéma d’auteur qui, depuis des décennies, fait de l’Hexagone une véritable référence en matière de production cinématographique du fait tant de sa qualité que de sa diversité. C’est d’ailleurs pour cela que l’on ne peut réduire le modèle cinématographique français aux divers blockbusters qui remplissent nos salles aujourd’hui.

Nos salles d’art et essai qui, pourtant, défendent ce modèle, doivent subir ce passage au numérique qui ne paraît pourtant pas être une nécessité.

Enfin, que la dimension « foraine » du cinéma ait sa place, nous le concevons, mais il paraît aberrant de décider du basculement de toute la filière en fonction de ce seul aspect. Il ne dépend que de nous de défendre la qualité et la diversité du cinéma français.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Lagauche, rapporteur. À travers cette proposition de loi, je défends la qualité et l’avenir du cinéma français : vos arguments me paraissent donc malvenus.

L’objectif des auteurs de cet amendement sera satisfait par le dispositif d’aide publique mis en place par le CNC, parfois en complément de certaines aides des collectivités locales, ainsi que je l’ai exposé dans mon intervention au cours de la discussion générale.

En effet, les petits exploitants ne pourront raisonnablement pas percevoir des recettes suffisamment élevées au titre de la contribution numérique versée par les distributeurs pour financer l’équipement de projection numérique de leur salle, et il serait inéquitable de demander aux distributeurs de financer cet équipement pour des montants supérieurs aux économies qu’ils réaliseront grâce au passage des copies de films photochimiques aux copies numériques.

Par ailleurs, on voit mal, concrètement, comment ce dispositif pourrait fonctionner.

En outre, nous insistons sur le fait que les exploitants, les plus petits d’entre eux en particulier, pourront mutualiser le financement de leur équipement, comme le texte les y autorise.

Aussi, ma chère collègue, je vous saurais gré de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Madame la sénatrice, je partage évidemment votre souhait que toutes les salles des établissements de spectacles cinématographiques puissent bénéficier du mécanisme de financement. Mais j’attire votre attention sur le fait que, dans sa rédaction actuelle, l’alinéa 4 de l’article 1er de la proposition de loi prévoit que toutes les salles de spectacle existantes au jour de la promulgation de la loi auront accès à ce mode de financement.

Votre amendement paraissant donc quelque peu superfétatoire, je vous demande de bien vouloir le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

M. Ivan Renar. Monsieur le rapporteur, il ne faut pas vous sentir visé à titre personnel par ce débat, qui est tout à fait normal.

M. Serge Lagauche, rapporteur. C’est la vie ! (Sourires.)

M. Ivan Renar. La contradiction, vous le savez bien, est le moteur du débat. Et puis, vous connaissez le côté « syndical » d’un groupe comme le nôtre… (Sourires.)

Je ne me vexe pas que M. le ministre, pour qui j’ai une grande estime par ailleurs, ait considéré que notre amendement était superfétatoire. Il faut relativiser, sinon la vie ne sera plus possible.

M. Robert del Picchia. La vie, ce n’est pas du cinéma !

M. Ivan Renar. Moi, je suis un enfant de Marx et de Coca-Cola. (Sourires.)

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Dans quelle proportion ? (Nouveaux sourires.)

M. Robert del Picchia. Coca-Cola Zéro ? (Mêmes mouvements.)

M. Ivan Renar. Mon enfance et ma jeunesse ont été bercées par les éclats de rire, parfois aussi par les pleurs, de centaines de spectateurs réunis dans une même salle de cinéma. Il s’agissait, je le mesure aujourd’hui, de l’expression d’une forme de civilisation. Je souhaite que l’on retrouve cet élan des débuts.

Nous avons à cœur, comme le suggérait tout à l’heure Jack Ralite en évoquant les acteurs spectateurs, de pouvoir retrouver ces moments, non par un retour au passé – nous ne regrettons pas les progrès de la technologie –, mais en veillant à ce que l’argent n’impose pas sa logique. Comme se plaît à le rappeler Jack Ralite, ne confondons pas les affaires de l’esprit et l’esprit des affaires. Il semble pourtant que telle soit la contradiction du moment.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Ralite, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 5, deuxième et troisième phrases

Remplacer le mot :

deux

par le mot :

quatre

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Cet amendement, tout comme le précédent, vise à défendre et à assurer la « survie » des salles de petite taille, qui garantissent la diversité culturelle française. Il est véritablement question de survie quand on prend conscience de la différence de pouvoir économique et de traitement qui existe entre les « grands » du marché et les cinémas indépendants.

Nous devons aujourd’hui faire face à une technologie conçue sur un modèle plus industriel que culturel, dimensionnée pour la grande exploitation. C’est pourquoi nous défendons cet amendement visant à encadrer le dispositif de contribution numérique au-delà de ce qui est prévu par ce modèle. Cela permettra de mieux l’adapter au fossé existant entre les différents types de salles, fossé que, à défaut de pouvoir combler, nous souhaitons du moins atténuer.

La proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui vise, nous l’avons vu, à transférer une partie des économies réalisées par les distributeurs de films aux exploitants de salles par le biais du versement d’une « contribution numérique », dite VPF. Mais ce financement partiel de l’équipement numérique des salles de cinéma s’effectue pendant les deux premières semaines qui précèdent la sortie d’un film.

Nous prenons le risque de voir apparaître une scission entre deux genres de salles de cinéma : d’un côté, les salles à fort potentiel commercial – soit les salles « de marché » – ayant accès aux films en exclusivité dès les premières semaines, pouvant financer leur équipement de projection numérique grâce aux contributions des distributeurs alors qu’elles en ont le moins besoin ; d’un autre côté, les salles dites « hors marché », ayant des difficultés d’accès aux films en sortie nationale, mais rencontrant aussi les plus grandes difficultés pour financer leur équipement numérique de projection.

Selon le CNC, ce risque tend à s’amoindrir à compter de la troisième semaine d’exploitation. En effet, les distributeurs ne peuvent plus alors restreindre considérablement leurs plans de sortie, les films souffrant d’un épuisement des campagnes de promotion.

C’est pourquoi nous proposons de porter la contribution numérique de deux à quatre semaines. Cet allongement permettrait à la plupart des salles de bénéficier du versement de la contribution.

Notre amendement n’a d’autre préoccupation que de nous permettre d’échapper à l’émergence d’un cinéma à deux vitesses, d’un cinéma purement commercial, et d’éviter l’uniformisation des œuvres produites.

M. le président. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme Laborde et M. Collin, est ainsi libellé :

Alinea 5, deuxième et troisième phrases

Remplacer le mot :

deux

par le mot :

trois

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. La proposition de loi vise à créer une contribution numérique versée par les distributeurs. Cette contribution viendra financer en partie l’équipement numérique des salles de cinéma. Il est prévu qu’elle soit due lors des deux premières semaines d’exploitation d’un film inédit pour chaque mise à disposition initiale dans une salle.

La limitation à deux semaines du versement de la contribution numérique n’est pas satisfaisante. Il est en effet à craindre que ce dispositif ne favorise les grandes salles ayant accès aux sorties cinématographiques dans les toutes premières semaines, au détriment des plus petites salles.

Les distributeurs chercheront en priorité à placer leurs films dans les cinémas les plus rentables afin d’amortir le paiement de la contribution.

De plus, les salles qui bénéficient actuellement de copies en deuxième semaine pourraient ne plus avoir accès aux films qu’à partir de la troisième semaine, qui ne sera plus source de contribution.

Par ailleurs, le CNC a constaté que c’est au-delà de la deuxième semaine d’exploitation que les films à plus forte potentialité de marché attirent le plus de spectateurs.

Il serait donc inacceptable que les distributeurs de ce type de films soient rapidement exonérés de leur obligation de financement de l’équipement des salles.

Afin que cette contribution numérique soit la plus équitable possible et qu’elle ne soit pas l’exclusivité des grandes salles, nous proposons d’étendre sa durée à trois semaines.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Lagauche, rapporteur. La très grande majorité des professionnels est convaincue par la disposition consistant à asseoir la contribution numérique sur le pic de diffusion des films au-delà des deux premières semaines suivant la sortie nationale. La contribution numérique sera donc due sur le pic maximal du nombre de copies en circulation, et non exclusivement sur une période de référence.

Le fait de fonder le calcul sur la semaine au cours de laquelle le nombre maximum d’écrans est occupé par un film permet de rester au plus près de la logique économique actuelle de diffusion en 35 millimètres.

Cette période de deux semaines a été choisie, car elle correspond à la grande majorité des cas, c’est-à-dire à la durée générale des plans de sortie des films. Cette disposition permettra donc de préserver l’exposition des films en salle.

Par ailleurs, la logique du raisonnement se fonde aussi sur les économies réalisées par les distributeurs sur le coût des copies numériques.

Cette disposition a fait l’objet de nombreuses discussions et la solution équilibrée qui a été retenue satisfait les exploitants de salle et leurs représentants.

Je rappelle que le CNC aidera les salles dont les recettes au titre de la contribution numérique ne seraient pas suffisantes.

Pour toutes ces raisons, la commission souhaite le retrait de ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. La période de deux semaines retenue dans la proposition de loi correspond au plan de sortie le plus large des films en salle.

Par ailleurs, je vous rappelle que si, au-delà de cette période, le plan de sortie était augmenté, la contribution resterait due.

En revanche, dans les cas d’exploitation en continuation, qui sont équivalents à des déplacements de copie sur support photochimique, le distributeur ne réalise aucune économie liée au format numérique du support. Il n’y a donc alors pas lieu de lui demander de verser une contribution.

En outre, l’extension de la durée obligatoire de la contribution de deux à quatre semaines risquerait de pénaliser en fait la circulation des films vers les plus petites salles au fil des semaines.

La formulation retenue dans la proposition de loi est équilibrée. Elle fixe une période, mais de façon souple et conforme à l’objectif recherché et aux usages de la profession en matière de plan de sortie d’un film.

Cet équilibre ne peut se comprendre que si l’on garde à l’esprit le fait que les pouvoirs publics soutiendront également le financement des « salles de continuation », essentiel à la diversité de l’offre en matière cinématographique.

Le Centre national du cinéma et de l’image animée a d’ailleurs commencé à mettre en œuvre les aides prévues à cet effet sur la base du décret du 1er septembre 2010.

Le Gouvernement souhaite donc le retrait de ces deux amendements. À défaut, il y sera défavorable.

M. le président. Monsieur Renar, l’amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?

M. Ivan Renar. Je le maintiens, monsieur le président, avec la même tranquillité que celle dont M. le rapporteur et M. le ministre ont fait preuve dans leur réponse. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Quel calme !

M. Jean-Pierre Fourcade. Nous sommes tous calmes !

M. le président. Madame Laborde, l’amendement n° 6 rectifié est-il maintenu ?

Mme Françoise Laborde. Non, je le retire, en espérant que le Médiateur du cinéma jouera son rôle. Nous serons vigilants lors de la présentation du premier bilan de la loi.

M. le président. L’amendement no 6 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Ralite, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Toutefois cette contribution est maintenue en cas de remplacement nécessaire du matériel.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Nous avons assisté, ces dernières années, à un profond mouvement de modernisation des établissements de spectacles cinématographiques dont le passage à l’ère numérique représente aujourd’hui le dernier pendant.

Cette « évolution-révolution » ne se fait pas sans mal et rencontre un nombre important d’aléas, au nombre desquels figure le renouvellement de l’équipement numérique des salles de cinéma, objet du présent amendement.

Cette technologie suppose un rythme de renouvellement de matériel bien plus important que pour le format 35 millimètres, puisque l’équipement numérique possède une durée de vie limitée, actuellement évaluée à sept années.

La proposition de loi qui nous est soumise montre ses limites dans ce domaine, puisque les solutions de financement ne prennent en compte que le premier équipement numérique alors que, comme le souligne la Commission européenne, « l’investissement unique proposé ne constituera pas une solution durable ».

Dès lors, on peut s’interroger sur le danger auquel seront exposées les salles qui n’auront pas plus demain qu’elles ne les ont aujourd’hui les moyens de financer le renouvellement nécessaire de leur équipement, d’autant que certaines d’entre elles n’auront sans doute pas achevé leur première transition numérique !

Par ailleurs, au-delà de l’inévitable renouvellement de l’équipement, chaque salle de cinéma se lançant dans ce projet sera soumise aux aléas technologiques et aux autres évolutions que les avancées de la science permettront.

Dans ces conditions, nous pouvons soulever la question de la maintenance de l’équipement : s’équiper pour la diffusion numérique engage une salle pour de nombreuses années. À terme, c’est la profession même de projectionniste qui sera menacée. Le numérique amplifiera en effet l’externalisation de la maintenance des équipements tout en simplifiant leur mise en œuvre alors qu’avec le format 35 millimètres, les projectionnistes pouvaient, grâce à une formation adaptée, acquérir les compétences nécessaires à la maîtrise du matériel utilisé.

Ainsi, quelles qu’elles soient, les solutions qui seront retenues pour assurer la préservation de la diversité culturelle devront être durables et permettre le passage au numérique sur un plus long terme.

Cette problématique montre bien les insuffisances de cette proposition de loi qui, loin de construire un modèle pérenne adapté à l’évolution numérique et à ses caractéristiques de renouvellement constant, apporte une solution ponctuelle et imparfaite.

L’amendement no 4 est un amendement de repli qui permet au moins de pérenniser la contribution numérique.