M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de deux choses l’une : soit nous voulons que les métropoles existent, et il faut alors qu’elles aient un sens, soit nous ne le voulons pas ! Si nous voulons créer des métropoles dignes de ce nom, il faut absolument qu’elles soient des vecteurs de progrès.

Je relève, dans l’amendement présenté par Alain Anziani, le verbe « contribuer » : il est en effet prévu que « la métropole contribue au développement de l’enseignement supérieur ». Pour autant, cela ne signifie pas qu’elle a compétence en matière d’enseignement supérieur.

D’ailleurs, monsieur le ministre, notre position est très claire sur ce point : nous sommes très attachés à ce que l’État conserve une compétence en matière d’enseignement supérieur. Nous ne sommes pas d’accord avec ceux qui souhaiteraient, dans ce domaine, le remplacer par la région. Dans le cadre d’une telle évolution, le pôle universitaire Léonard de Vinci de M. Charles Pasqua, dans les Hauts-de-Seine, regorgerait de moyens financiers, alors qu’à quelques centaines de mètres l’université publique de Nanterre aurait beaucoup plus d’étudiants et beaucoup moins de moyens !

Si l’État renonce à son rôle éminent, dans l’optique de l’aménagement du territoire, en matière d’enseignement supérieur, on nous expliquera que, dans le Limousin, on n’a pas les moyens de financer une université comme celle qui est financée par le département des Hauts-de-Seine.

Nous pensons donc que, à cet égard, le rôle de l’État est de garantir, dans toutes les régions de France, Limousin, Poitou-Charentes ou Corse, des enseignements de premier, de second et de troisième cycle ainsi qu’une recherche scientifique de qualité.

Mme Blandin a parfaitement décrit la manière dont les choses se passent aujourd’hui : nous le savons bien, tous les ministres chargés de l’enseignement supérieur, à commencer par Mme Valérie Pécresse, viennent faire la quête auprès des présidents des conseils généraux et régionaux, auprès des présidents des communautés d’agglomération ou urbaines et auprès des maires. Telle est la réalité, et nous devons en prendre acte !

Il nous faut donc reconnaître que l’État a un rôle éminent et qu’il travaille en partenariat avec les collectivités locales, sans oublier toutefois, comme le font certains dans leurs discours, les universitaires eux-mêmes lorsqu’il s’agit d’orienter l’activité de l’université !

En effet, monsieur le ministre, le mouvement de la science est consubstantiel à toute université. Celle-ci a un rapport avec l’universalité du savoir. Par conséquent, les nouvelles métropoles, vecteurs de progrès, doivent forcément pouvoir contribuer – j’insiste sur ce terme –, à côté de l’État et de la région, au développement de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Serge Godard et Edmond Hervé expliquaient tout à l’heure que, dans ce domaine, se posent des questions non seulement quantitatives, liées au nombre d’habitants, mais surtout qualitatives. Notre pays a besoin de pôles universitaires et de recherche importants et puissants. Si nous voulons donner du sens au mot « métropole », il faut que celle-ci puisse investir en la matière, afin de créer des pôles universitaires et de recherche de niveau mondial.

Or vous nous répondez petitement que cette question relève de la responsabilité des communes… Mais alors, arrêtez tout, renoncez tout de suite ! Si vous n’osez pas affirmer que les métropoles doivent contribuer au mouvement de la science à l’université, j’ai envie de dire : fermez le ban !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 355.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 494 rectifié, présenté par MM. Collin, Alfonsi, Baylet, Chevènement et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 64

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« Art. L. 5217-5. - Lorsqu'elle exerce la totalité de ses compétences, la métropole...

II. - Alinéa 65

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« Dans ce cas, lorsque... 

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Après ce merveilleux passage par le Japon, la Chine, le Limousin et le Pas-de-Calais,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Retombons sur nos pieds ! (Sourires.)

M. Jacques Mézard. … je resterai dans le cadre d’un amendement de précision et de précaution, qui vise à restreindre strictement la possibilité de substitution de la métropole aux EPCI au cas où celle-ci exercerait la totalité de leurs compétences.

En effet, les communes doivent conserver le pouvoir de décider du transfert de leurs compétences et non subir une absorption qui s'apparente à une tutelle.

Je pense donc, monsieur le ministre, que vous ne pourrez que souscrire à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement est satisfait par le texte de la commission. En effet, la métropole est l’EPCI le plus intégré, aux compétences les plus larges. Il exerce donc, logiquement, les compétences obligatoires des autres EPCI de son périmètre.

La commission vous demande donc, monsieur Mézard, de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Mézard, votre amendement, qui ne s’apparente en aucun cas, vous le savez parfaitement, à un amendement de précision, est extrêmement subtil.

Par le biais de l’expression « dans ce cas », laquelle suppose l’existence d’un autre cas, il a pour objet d’organiser la coexistence de deux EPCI sur le même territoire, avec une métropole qui n’exercerait pas toutes les compétences dévolues aux métropoles, mais seulement une partie, et des EPCI qui resteraient tels qu’ils sont.

Cet amendement envisage donc deux hypothèses et n’est pas du tout conforme à notre vision des choses. Monsieur Mézard, le Gouvernement ne peut malheureusement pas vous suivre sur ce terrain. Je ne peux que vous demander de retirer votre amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

M. le président. L’amendement n° 494 rectifié est-il maintenu, monsieur Mézard ?

M. Jacques Mézard. M. le rapporteur considère cet amendement comme satisfait, mais cela ne semble pas être tout à fait l’avis du Gouvernement. Me fiant à l’analyse du Gouvernement, je maintiens cet amendement. (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 494 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 356 est présenté par MM. Collombat, Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 497 rectifié est présenté par MM. Collin, Alfonsi, Chevènement et Detcheverry, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 72 à 87

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l’amendement n° 356.

M. Pierre-Yves Collombat. Il s’agit d’un amendement de coordination avec les modifications proposées pour les alinéas précédents.

Il est en effet nécessaire d’éviter que la métropole n’assume des compétences départementales et régionales. Nous demandons donc la suppression de l’ensemble des alinéas organisant cette transmission des régions et des départements vers les métropoles.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour présenter l'amendement n° 497 rectifié.

M. Jean-Pierre Chevènement. La métropole ne peut pas exercer les compétences du département. Sinon, celui-ci se trouvera inévitablement transformé en département moignon, marginalisé, privé d’une large partie de ses ressources, incapable d’assurer la péréquation en faveur des communes et des groupements les plus modestes.

Les compétences du département constituent un bloc cohérent. Leur exercice ne peut être restreint à une portion congrue du territoire départemental.

Je le rappelle, s’attaquer aux départements, c’est vraiment s’attaquer à la République elle-même. À quoi ressemblera le Rhône, monsieur le ministre ? En effet, jusqu’où s’étendra la métropole lyonnaise, avec ses enclaves et ses discontinuités territoriales ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Jusqu’à la Suisse et à l’Italie !

M. Jean-Pierre Chevènement. Que deviendra le Bas-Rhin, réduit à quelques cantons entre Sélestat et Wissembourg, après la création de la métropole de Strasbourg ?

Je pourrais évidemment multiplier les exemples de ce démantèlement des départements auquel le Gouvernement se livre. Que deviendront les chefs-lieux de ces départements ? En Alsace, Colmar restera-t-il le chef-lieu du Haut-Rhin ? Et Strasbourg pourra-t-il être à la fois le chef-lieu du Bas-Rhin, celui de la région et le siège de la métropole ? Tout cela est totalement incohérent ! On ne comprend pas où vous voulez en venir ! Le savez-vous vous-même, monsieur le ministre ?

Je demande tout de même au Sénat de prendre conscience du chemin extrêmement glissant sur lequel on nous invite à nous aventurer.

M. le président. L'amendement n° 357, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 77, deuxième phrase

Remplacer les mots :

d'un mois

par les mots :

de trois mois

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Il s’agit d’un amendement de repli, au cas où l’amendement n° 356 serait rejeté. Il vise à donner au président du conseil général le temps nécessaire pour préparer les conventions et réagir aux propositions qui lui sont faites. Rien de bien révolutionnaire !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Les amendements identiques nos 356 et 497 rectifié visent à supprimer les alinéas 72 à 87, par coordination avec les amendements dont l’objet était d’exclure la possibilité des transferts de plein droit à la métropole des compétences départementales et régionales. Par coordination également, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

À l’inverse, elle est favorable à l’amendement n° 357, qui vise à porter de un à trois mois le délai dont dispose le président du conseil général pour étudier la convention.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur le président, par souci de cohérence et d’efficacité, la position du Gouvernement rejoint celle de la commission sur ces trois amendements.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 356 et 497 rectifié.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien entendu, nous partageons entièrement l’analyse de nos collègues concernant les départements.

Néanmoins, il convient de ne pas oublier les personnels. À cet égard, je rappelle que nous avions obtenu en première lecture que les transferts de personnels se feraient après consultation du comité technique paritaire et que les agents conserveraient le bénéfice des avantages acquis. Or la suppression des alinéas 72 à 87 entraînerait celle de cette garantie.

Dans la mesure où j’ignore si mon point de vue l’emportera dans cette discussion (Sourires.), je considère qu’il vaut mieux préserver les intérêts des personnels, qui me tiennent à cœur, car leur situation ne sera guère facile.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Au vibrant plaidoyer pour la sauvegarde du département auquel M. Chevènement s’est livré j’ajoute que, parmi les alinéas que visent à supprimer ces deux amendements identiques, certains traitent également des compétences de la région. Autrement dit, le département n’est pas seul concerné.

Comme l’a fort pertinemment fait remarquer Mme Borvo Cohen-Seat, la suppression des alinéas 72 à 87 entraînerait celle de l’obligation de consulter les comités d’entreprise et des comités techniques des collectivités. Mais, dès lors que le transfert disparaîtrait, ces organes n’auraient évidemment plus à être consultés à son sujet.

Par ailleurs, monsieur le ministre, je me permets d’appeler votre attention, comme j’ai appelé cet après-midi celle de votre collègue M. Marleix, sur le fait qu’il est impossible de transférer des parties de service exerçant des missions transversales. Ainsi, vous ne pourrez pas transférer dans les services d’une métropole abritant dix lycées et vingt collèges la personne qui s’occupe des achats ou la personne qui s’occupe de la sécurité des établissements scolaires, à charge pour celles-ci de superviser leur construction, leur entretien et de gérer les TOS.

Par conséquent, en transférant ainsi des parties de services, on va transférer en fait des personnels qui seront incapables de remplir les missions nouvelles qui leur seront dévolues et l’on va bouleverser le fonctionnement des équipes régionales ou départementales.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 356 et 497 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 357.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 358, présenté par MM. Collomb, Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 88

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. L’alinéa 88 de l’article 5, que cet amendement vise à supprimer, est un pur chef-d’œuvre, car il est un condensé de contradictions, à l’image de l’ensemble de ce projet de loi.

La première contradiction porte sur le fond. Cette réforme, telle qu’elle nous est présentée, est censée, en accroissant la taille des structures, nous permettre de réaliser des économies. Toutefois, comme un rapport de la Cour des comptes a montré que plus les structures étaient grosses plus elles coûtaient cher, il faut quand même prendre quelques précautions… Alors, on a prévu que, dans les trois ans suivant les transferts de services ou de parties de services, on ne pourrait pas embaucher du personnel supplémentaire.

Ainsi, on fait voter une disposition au motif qu’elle permettra de réaliser des économies, mais, dans le même temps, on estime nécessaire de poser des bornes pour éviter toute dépense supplémentaire.

La deuxième contradiction est dans la rédaction même de l’alinéa 88, qui, s’il interdit l’embauche de personnel supplémentaire dans les trois ans suivant les transferts, autorise néanmoins les créations d’emplois nouveaux à la condition que celles-ci soient « justifiées exclusivement par l’augmentation des besoins des services existants ou par la création de nouveaux services ». Cela signifie tout simplement que chacun sera libre de faire exactement ce qu’il veut !

Je rêve d’écrire un jour un essai sur la stylistique des textes administratifs… Ce texte me fournirait un excellent matériau : on y trouve tout et le contraire de tout ! Nous pouvons donc en faire une certaine interprétation et le ministre en faire une interprétation exactement inverse ! Comment tout cela sera-t-il débrouillé sur le terrain ? Eh bien, nos électeurs nous le diront !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet alinéa a été introduit en première lecture par le Sénat à la suite de l’adoption, à une large majorité, d’un amendement qu’avait déposé notre ancien collègue Michel Charasse.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Puisqu’il siège désormais au Conseil constitutionnel, nous n’avons plus de souci à nous faire ! (Sourires.)

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’examen de cet amendement avait donné lieu à un ample débat. L’Assemblée nationale a confirmé le vote de notre assemblée.

Je considère que cet amendement a introduit un principe vertueux, qui mérite d’être conservé. Aussi la commission émet-elle un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Le Gouvernement souscrit entièrement à l’analyse de M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, je ne saurais trop vous inciter à voter cet amendement ; en effet, l’alinéa 88 de l’article 5 présente un très grand risque d’inconstitutionnalité.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il est tout de même issu d’un amendement présenté par M. Charasse !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh bien, M. Charasse aura bientôt l’occasion de se prononcer sur sa constitutionnalité !

M. Jean-Pierre Sueur. M. Charasse s’est exprimé en tant que sénateur et nous avons le droit de ne pas être d’accord avec lui !

Monsieur le ministre, il faut quand même faire très attention à ce qu’on écrit et à ce qu’on vote. En effet, à ma connaissance, aucune loi de décentralisation n’a jamais interdit la création, dans les trois ans suivant les transferts de services ou de parties de services, d’un emploi territorial permanent, de titulaire ou de non-titulaire, à temps complet ou à temps partiel. Une telle interdiction serait de toute façon totalement contraire au principe d’autonomie des collectivités locales, contraire aux libertés locales.

Si le président de la future métropole estime nécessaire d’embaucher des personnels, c’est son droit, c’est sa liberté. Il doit aussi gérer un budget et il doit rendre des comptes devant la population.

Si cet article était adopté, ce serait bien la première fois qu’une loi de la République interdirait à un exécutif local d’embaucher du personnel ! Si vous connaissez un seul précédent, indiquez-le moi !

À l’évidence, les responsables des métropoles comme des communautés d’agglomération, des communautés de communes et des communes raisonnent en fonction des budgets dont ils disposent, hélas !... parce que ceux-ci sont parfois en diminution et les privent de la possibilité d’embaucher du personnel quand bien même ils l’estiment nécessaire.

Je le répète, cet article est totalement contraire au principe de l’autonomie des collectivités locales et aux libertés locales.

En outre, sa dernière phrase est très ambiguë : « Les créations d’emplois nouveaux doivent être justifiées exclusivement par l’augmentation des besoins des services existants ou par la création de nouveaux services. » Quel mépris pour les élus locaux ! Vous pensez donc que certains élus locaux embauchent du personnel pour des raisons qui ne seraient pas exclusivement liées aux services qu’il est nécessaire de rendre à la population ! Dites donc tout de suite que vous n’avez pas confiance dans les élus locaux, ce sera plus clair !

Enfin, monsieur le ministre, je formulerai une dernière remarque. Il manque, dans cette phrase à la forme passive, un complément d’agent.

Mme Nathalie Goulet. C’est le cas de le dire ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. L’alinéa dispose que « les créations d’emplois nouveaux doivent être justifiées ». Auprès de qui devront-elles l’être ?

M. Jean-Pierre Sueur. Cette formulation nous renvoie aux propos du Président de la République, qui déclarait que les dotations aux collectivités locales seraient prioritairement attribuées à celles d’entre elles qui sont le mieux gérées. Y aura-t-il une autorité X ou un monsieur X – peut-être le connaissez-vous, monsieur le ministre – qui décrétera que, dans telle collectivité, l’embauche de personnels est justifiée cependant qu’elle ne l’est pas dans telle autre ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sera un commissaire politique !

M. Jean-Pierre Sueur. Il y a de cela !

Vraiment, chers collègues de la majorité, j’espère vous avoir convaincus. Si ce n’est pas le cas, donnez-moi vos arguments ! Je le répète, aucun texte législatif, depuis l’adoption des lois de 1982, n’a jamais autorisé une telle interdiction. Qu’on m’explique ce qui justifierait qu’on interdît aux maires, aux présidents de communautés d’agglomération d’embaucher, pendant trois ans, qui que ce soit ! Qu’on m’explique comment et pourquoi un agent X ou Y décidera souverainement si telle embauche est justifiée et si telle autre ne l’est pas !

À défaut de pouvoir m’opposer le moindre argument, chers collègues de la majorité, votez notre amendement, je vous en supplie !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. La rédaction de cet alinéa est tout de même extraordinaire ! Pour ma part, j’aurais préféré qu’il soit ainsi libellé : « Aucun emploi territorial permanent, de titulaire ou de non-titulaire, à temps complet ou à temps partiel, ne peut être supprimé dans les trois ans suivant les transferts de services ou parties de services. » Au moins, nous aurions été certains de garder nos agents territoriaux.

J’aurais préféré qu’on empêche les licenciements plutôt que les embauches.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 358.

M. Jean-Pierre Sueur. Il n’y a pas de réponse ?...

M. le président. La parole est libre, ici !

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Pierre Sueur. Je tiens à ce qu’il soit noté au procès-verbal qu’aucune argumentation ne nous a été opposée !

M. le président. Je me permets de vous rappeler que nous avons encore 414 amendements à examiner !

M. Jean-Pierre Sueur. Certes, mais nous aimerions comprendre, monsieur le président ! Et puis, nous ne sommes pas là pour faire de l’abattage !

M. le président. L'amendement n° 216 rectifié, présenté par Mlle Joissains et MM. del Picchia, Milon, Portelli, de Montgolfier, Vestri, Alduy, Bernard-Reymond, Beaumont, Bécot et Cléach, est ainsi libellé :

Alinéa 93

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette extension ne peut comprendre les communes membres d’une communauté d’agglomération dont la population totale est supérieure ou égale à 300 000 habitants et dont la création est intervenue au moins cinq ans avant la promulgation de la présente loi, sans l’accord de chaque conseil municipal des communes concernées.

La parole est à Mlle Sophie Joissains.

Mlle Sophie Joissains. Depuis 2000, des communautés d’agglomération ont appris à coopérer, leurs bassins de vie se sont organisés. De fait, certaines communes membres d’une communauté d’agglomération pourraient se sentir menacées par la possible extension du périmètre d’une métropole.

Dès lors qu’une communauté d’agglomération compte plus de 300 000 habitants, seuil qui me paraît acceptable, il me semble que nous devons respecter le désir de vivre ensemble qui anime ses communes membres. C’est pourquoi, à travers cet amendement, je demande que l’extension du périmètre d’une métropole ne puisse comprendre les communes membres d’une communauté d’agglomération dont la population totale est supérieure à 300 000 habitants et dont la création est intervenue au moins cinq ans avant la promulgation du présent projet de loi sans l’accord de chaque conseil municipal des communes concernées.

À défaut de cette précaution, je crains que, dans l’esprit des maires et des habitants des communes concernées, les communautés d’agglomération ne perdent en légitimité et en crédibilité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Selon l’article L. 5215-40 du code général de collectivités territoriales, toute modification du périmètre de l’agglomération dans laquelle la communauté urbaine exerce ses compétences est subordonnée, selon les cas, à l’accord du conseil de communauté ou à celui du ou des conseils municipaux intéressés.

Cette protection des collectivités territoriales répond aux préoccupations des auteurs de cet amendement.

Néanmoins, la commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. En fixant des conditions plus restrictives pour l’extension des métropoles que pour l’extension des autres EPCI, le dispositif proposé par les auteurs de cet amendement déroge tout à fait au droit commun de l’intercommunalité. Or la métropole est elle-même un EPCI.

Le droit commun prévoit en effet l’accord de l’organe délibérant de l’EPCI et celui des communes membres, à la majorité qualifiée. Il n’est jamais exigé de vote unanime. Une telle exigence empêcherait en pratique une commune de se retirer d’une communauté d’agglomération pour rejoindre une métropole puisqu’il suffirait qu’une seule des autres communes membres s’y oppose, quelle que soit l’importance de sa population et même si le nouveau périmètre de la métropole devait gagner en rationalité.

La législation actuelle présente suffisamment de garanties pour que les retraits de communes d’une communauté d’agglomération s’effectuent de façon concertée, avec l’accord de l’organe délibérant de l’EPCI et à la majorité qualifiée des communes membres, donc sans porter préjudice au devenir de ladite communauté d’agglomération.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 216 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 111, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et Beaufils, M. Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 94 à 104

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement est cohérent avec notre rejet de la création de métropoles, qui conduira inévitablement à mettre en cause l’exercice de la démocratie locale, et singulièrement communale.

Cette mise en cause va de pair avec la déstabilisation du cadre départemental, qui a pourtant fait de longue date la démonstration de sa pertinence en bien des domaines. Elle fragilisera les solidarités propres à chaque territoire, solidarités qui constituent pourtant le ciment de l’unité de la République.

Ce que nous reprochons avant tout aux métropoles, c’est de se situer dans une logique de concurrence entre territoires, à l’échelon tant régional que national ou international.

Certains croient, par exemple, qu’en donnant aux villes de Bordeaux, de Toulouse ou de Montpellier la faculté de devenir villes-centres d’une métropole, on créera les conditions qui leur permettront, par exemple, de s’opposer à l’attraction puissante qu’exerce une ville comme Barcelone sur une bonne partie de la Méditerranée occidentale. La même observation vaut sans doute pour Strasbourg, Metz ou Nancy face aux grandes agglomérations de la Westphalie...

Mais faut-il vraiment promouvoir une logique de concurrence ? Et, dans l’affirmative, a-t-on réellement besoin d’un nouveau cadre juridique, institutionnel et financier ?

La vérité est que le développement équilibré du territoire français passe plus par une valorisation des atouts endogènes de chaque bassin de vie et d’emploi que par l’affirmation d’une spécificité au regard de l’activité économique. Une telle spécificité rendra chaque métropole tributaire de la conjoncture qui prévaudra dans le champ d’activité dans lequel elle se sera prioritairement engagée, le plus souvent au détriment d’autres secteurs. Ainsi, Toulouse peut être un pôle de l’aéronautique en Europe, mais rien ne doit l’empêcher d’être aussi un pôle de la recherche médicale, des techniques agronomiques ou dans tel ou tel autre domaine d’activité…

Avec cet amendement, par lequel nous rejetons les règles budgétaires propres aux métropoles, nous entendons affirmer clairement notre opposition à un mode d’aménagement du territoire qui sacrifiera la vocation généraliste de nos grandes capitales régionales sur l’autel d’une concurrence, certes libre et non faussée, mais parfaitement exténuante.