Compte rendu intégral

Présidence de M. Roland du Luart

vice-président

Secrétaires :

Mme Anne-Marie Payet,

M. Daniel Raoul.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Débat sur les conséquences de la sécheresse de 2003

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur les conséquences de la sécheresse de 2003, organisé à la demande de la commission des finances.

La parole est à M. Éric Doligé, au nom de la commission des finances.

M. Éric Doligé, au nom de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, face à certaines situations il est parfois difficile de maîtriser sa colère. Après le choc du moment, après le désespoir, tous ceux qui ont eu à subir des catastrophes sont souvent gagnés par une colère qui s’exprime peu à peu.

La catastrophe provoquée par la tempête Xynthia est inacceptable. Elle représente une forme d’échec de la politique actuelle de prévention des inondations, du côté tant de l’État et des collectivités que de la société civile.

Les conséquences de la sécheresse de 2003 sont tout aussi inacceptables et peuvent également provoquer la colère. Ce phénomène connu n’a pas été traité par notre société qui, face à de telles situations, reste sourde aux appels à l’aide et temporise, sans prendre les décisions de sauvegarde les plus élémentaires. Or l’art de gouverner, c’est prévoir et non pas refuser de traiter les problèmes.

Au cours de ce débat, je ne vous lirai pas les multiples courriers et appels au secours que j’ai reçus, comme vous tous, de personnes en détresse. Ces nombreux témoignages ont conduit à la constitution, au cours de l’année 2009, d’un groupe de travail au sein de la commission des finances, chargé d’étudier les conséquences de la sécheresse de 2003. Ses travaux ont fait l’objet d’un rapport d’information, intitulé Un passé qui ne passe pas, dont Fabienne Keller et Jean-Claude Frécon sont les auteurs. Ces derniers vous parleront respectivement de la réforme du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, ou régime CAT-NAT, et des leçons à tirer, pour l’avenir, de la sécheresse de 2003.

Je ne reviendrai pas en détail sur cet événement climatique. Chacun, ici, en connaît l’ampleur : 138 000 sinistres, un coût de plus de un milliard d’euros et de nombreuses familles plongées, encore aujourd’hui, dans une situation de détresse, leur logement ayant été rendu impropre à l’habitation.

J’indiquerai tout d’abord que la prise en charge des conséquences de la sécheresse de 2003 n’est pas allée sans difficultés. Les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ont dû être progressivement adaptés, faute de quoi seule une poignée de foyers sinistrés aurait été indemnisée. Au final, cette évolution n’a permis de classer que la moitié des 8 000 communes ayant sollicité cette reconnaissance. Vous ne nous ôterez pas de l’idée, monsieur le secrétaire d’État, que le recalibrage progressif des critères a reposé, au moins en partie, sur des considérations budgétaires, afin d’éviter que le coût total des indemnisations n’entraîne l’appel en garantie de l’État.

En outre, l’insuffisance des données scientifiques et techniques sur lesquelles a reposé la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle – je veux parler ici du fameux zonage de recueil de données météorologiques « Aurore » – a conduit à des situations d’iniquité patente. Ainsi, des communes aux caractéristiques géologiques similaires et ayant connu des conditions météorologiques identiques en 2003 ont pu se voir accorder des traitements opposés pour la seule raison qu’elles étaient rattachées à des stations météorologiques différentes. Il faut cesser d’utiliser des artifices administratifs pour éviter d’indemniser !

Enfin, la mise en œuvre de la procédure exceptionnelle d’indemnisation, décidée en 2005, a révélé plusieurs faiblesses, la plus importante consistant à fonder l’instruction des dossiers sur de simples devis. Si ce choix a été motivé par le souci d’indemniser rapidement les victimes, il a toutefois conduit à octroyer des indemnisations dont le montant a pu se révéler très insuffisant au regard des travaux effectivement nécessaires.

Au total, la sécheresse de 2003 aura causé un désarroi profond et durable ; le maintien de collectifs d’élus ou de sinistrés, toujours très actifs, les saisines fréquentes dont nous faisons l’objet en tant que parlementaires, ou encore les recours juridictionnels intentés par les victimes ou les communes démontrent que la situation n’est pas soldée. Tous ceux qui se battent ont en effet subi de réelles injustices.

Monsieur le secrétaire d’État, des circonstances cruelles veulent que nous débattions de cette sécheresse alors que la France déplore la perte de vies humaines et des dégâts matériels considérables à la suite de la tempête Xynthia. Établir une sorte de hiérarchie entre ces deux événements serait particulièrement malvenu : dans toutes les circonstances où un aléa naturel affecte gravement notre pays, la solidarité nationale doit se manifester avec une égale diligence.

Certes, la sécheresse n’est pas la tempête, nul n’ayant perdu la vie. Mais combien de familles éprouvent encore de graves difficultés, leur maison, fruit de l’investissement de toute une vie, étant désormais invendable ou nécessitant des travaux de confortement qu’elles n’ont pas les moyens de payer ? La tempête est soudaine, brutale et spectaculaire, alors que la sécheresse est dispersée, sourde, progressive et, en cela, moins sujette à la médiatisation qui suscite les grands élans de compassion nationale. Mais est-ce une raison pour oublier que, sept ans après, elle fait encore des victimes ?

Le 16 mars dernier, à La-Roche-sur-Yon, le Président de la République a prononcé un discours duquel je n’ai pas un seul mot à retrancher et qui augure d’une mobilisation importante des ressources publiques pour indemniser les sinistrés ou pour favoriser la prévention. Il a évoqué la mobilisation du Fonds d’aide au relogement d’urgence, une nouvelle extension du champ d’intervention du Fonds « Barnier », l’indemnisation des pertes non assurables des agriculteurs et ostréiculteurs, un soutien exceptionnel aux collectivités territoriales, ou encore le financement de la rénovation des digues.

Nous souscrivons à cette mobilisation, parce qu’elle est nécessaire, et surtout parce qu’elle prouve que des moyens exceptionnels peuvent être dégagés lorsque la situation l’exige.

J’ignore quels seront les montants consolidés qui seront consacrés par l’État à la gestion des suites de la tempête Xynthia. Peut-être nous l’indiquerez-vous tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État. J’ignore également quelle enveloppe serait nécessaire pour solder définitivement le dossier de la sécheresse de 2003, mais je doute fort que les ordres de grandeur soient sensiblement supérieurs.

Comme le disait le Président de la République à propos de Xynthia, « l’enjeu n’est pas seulement financier. Ce qui est en question, c’est la possibilité pour des personnes qui ont perdu leur maison [...] de pouvoir retrouver un toit pour recommencer à vivre ! » Les sinistrés de la sécheresse de 2003 ne demandent pas davantage : ils désirent recommencer à vivre normalement.

Dans son rapport, la commission des finances a souhaité que la totalité du reliquat de fonds constaté au titre de la procédure exceptionnelle d’indemnisation soit exclusivement consacrée au versement des aides aux victimes de la sécheresse. Qu’en est-il, aujourd’hui, monsieur le secrétaire d'État ?

Nous souhaitons également que le Gouvernement mette en œuvre une vague complémentaire d’indemnisations. Nous sommes soucieux de l’équilibre des finances publiques et conscients des effets d’aubaine et des demandes reconventionnelles qui ne manqueraient pas de se manifester. C’est la raison pour laquelle nous avons suggéré que ces indemnisations soient réservées aux personnes sinistrées ayant déjà déposé un dossier dans le cadre de la procédure exceptionnelle et soient conditionnées à la réalisation d’une expertise préalable. Quelle réponse le Gouvernement apporte-t-il à cette préconisation ?

Monsieur le secrétaire d’État, ne me dites surtout pas que cela serait trop compliqué et que l’équité, comme me l’a répondu Mme Jouanno, ne le permet pas. Je n’accepterai pas cette réponse.

Le Président de la République, qui peut servir de référence, a démontré dans son discours du 16 mars que lorsque l’on veut, on peut.

Je demande que ce dossier reçoive le même traitement que celui qui fait l’objet de sollicitations du Président de la République. Les vingt-huit observations que nous avons faites sont réalistes ; elles peuvent gommer le passé et prévenir le futur. Le Président de la République l’a dit, l’État ne laissera pas tomber les sinistrés de la tempête ; nous souhaitons qu’il ne laisse pas tomber les sinistrés de la sécheresse. Pour ma part, je ne le ferai pas et chercherai tous les moyens, si vous ne nous les proposez pas, pour répondre à leur légitime attente. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon, au nom de la commission des finances.

M. Jean-Claude Frécon, au nom de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le président de notre groupe de travail, Éric Doligé, vient d’interroger le Gouvernement sur les moyens de solder le passé. Il a évoqué les multiples appels que nous avons reçus. Par exemple, voilà deux jours, des documents concernant les départements de la Drôme et de l’Ardèche, dans la vallée du Rhône, me sont parvenus. Dans ce dernier département, seul le dossier de dix-huit des soixante maisons touchées par la sécheresse a été accepté.

Ma collègue Fabienne Keller et moi-même allons maintenant vous demander comment vous penser préparer l’avenir, monsieur le secrétaire d'État.

Les auditions que notre groupe de travail a consacrées à la prévention du risque de subsidence nous ont donné l’impression que l’État avait tardé à agir.

La subsidence est un phénomène de gonflement et de retrait des terres, en particulier des terres argileuses, qui provoque les dégâts que nous avons constatés. Comme le disait à l’instant Éric Doligé, le caractère lent et diffus de ce phénomène n’a pas joué un rôle d’aiguillon suffisant. Contrairement à une inondation ou à une tempête, qui suscite une prise de conscience très rapide parmi la population, une sécheresse ne fait apparaître ses conséquences qu’au bout de plusieurs mois, voire de plusieurs années.

De fait, nous avons constaté qu’une large gamme d’outils et de procédures favorise, en théorie, l’information préventive du public sur le risque de subsidence. Mais quelle est la portée réelle de ces outils et de ces procédures quand certaines communes de l’Essonne où nous nous sommes rendus – mais nous aurions pu aller en de nombreux autres endroits –, département particulièrement exposé à l’aléa retrait-gonflement, prescrivent dans leur plan local d’urbanisme la plantation d’arbres à haute tige à proximité des habitations, ce type de plantation favorisant justement la survenance du phénomène de subsidence ? Il faut donc mettre en rapport tous les risques.

Au fond, le problème n’est pas tant l’absence de procédures que l’acclimatation insuffisante des services de l’État, des élus locaux et des populations à ce phénomène. Dans ces conditions, nous avions appelé à une sensibilisation accrue au risque, et en particulier à la mise en œuvre, avant la fin de 2010, d’une procédure d’alerte spécifique des élus locaux, assortie de recommandations permettant à ces derniers de mieux prendre en compte ce risque dans l’exercice de leurs compétences d’urbanisme, d’instruction et de délivrance des permis de construire. Où en est-on, monsieur le secrétaire d'État ? Êtes-vous en mesure de nous confirmer que cette recommandation sera suivie d’effet dans les mois qui viennent ?

S’agissant de nos concitoyens, si soucieux soient-ils de s’informer des risques naturels auxquels ils s’exposent, il est permis de douter qu’ils aient systématiquement le réflexe de consulter les documents publics mis à leur disposition. Il faut être réaliste et pragmatique : le message préventif ne sera jamais mieux reçu qu’au moment où les particuliers choisissent leur logement, c'est-à-dire au moment où ils préparent leur demande de permis de construire.

Le groupe de travail, dans ses conclusions, a salué la création du dispositif d’information acquéreur-locataire, qui permet d’informer les populations sur les risques naturels et technologiques majeurs au moment de l’achat du terrain ou de la prise à bail. Pour que ce dispositif s’applique, il est nécessaire qu’un plan de prévention des risques ait été prescrit ou approuvé dans la commune de résidence. N’est-il pas possible de faire sauter ce verrou et de généraliser ce dispositif, même en l’absence de plan de prévention des risques ?

Après l’information nécessaire, j’en viens aux règles de construction, sur lesquelles il y a beaucoup à dire. Il nous semble qu’aucune adaptation significative au phénomène de subsidence n’est intervenue depuis 2003. Comment expliquer cette inertie alors même que les conséquences de ce phénomène peuvent être circonscrites par des techniques relativement simples à mettre en œuvre ?

Aujourd’hui, un obstacle majeur à la prévention réside dans les conditions de montage des contrats de construction de maisons individuelles. Ces contrats ne favorisent pas la réalisation d’une étude de sol, pourtant nécessaire, puisque, au moment de leur signature, le propriétaire de la maison n’est souvent pas encore propriétaire du terrain. De même, le contrat de construction, dès lors qu’il a été signé, comporte un engagement sur le coût global de l’opération mais sans étude de sol, ce qui rend impossible, dans les faits, un redimensionnement des fondations.

Quelles solutions s’offrent-elles à nous ? Faut-il imposer une première évaluation de la présence d’argile dans le sol lors de la vente d’un terrain, évaluation à la charge du vendeur ? Cette solution offrirait l’avantage d’adapter le prix du terrain au risque et de permettre au constructeur de dimensionner son offre en connaissance de cause.

Faut-il aller plus loin et rendre obligatoire dans les zones à risques une étude de sol plus complète, attachée au projet définitif de construction ? Faut-il, enfin, pour les constructions neuves dans ces zones, instituer une obligation réglementaire de profondeur minimale de fondations ? Sur l’ensemble de ces points, des réponses sont attendues, monsieur le secrétaire d'État, et je ne doute pas que vous pourrez nous les fournir.

Pour lutter contre le risque, il faut le connaître. Par conséquent, l’efficacité des nouvelles normes de construction implique l’achèvement impératif de la cartographie de l’aléa argileux par le bureau de recherches géologiques et minières, ou BRGM. Le groupe de travail vous le demande avec insistance, monsieur le secrétaire d'État.

Afin de renforcer le caractère opérationnel de cette cartographie, nous avons suggéré que les collectivités territoriales particulièrement exposées à cet aléa soient aidées, via le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, à affiner la cartographie, de manière à disposer d’une information fiable à l’échelle des parcelles. Tant que cette cartographie n’est pas disponible, les élus locaux doivent gérer des risques qu’ils sont dans l’incapacité de mesurer.

Le moment semble opportun pour agir puisque, comme le rappelait mon collègue Éric Doligé dans son intervention, l’extension du champ des interventions du Fonds « Barnier » semble à nouveau à l’ordre du jour.

Monsieur le secrétaire d'État, les recommandations du groupe de travail n’ont, en définitive, rien de révolutionnaire. Elles pourraient même passer pour timorées lorsqu’on les compare au véritable réquisitoire prononcé par le Président de la République dans son discours du 16 mars dernier. De fait, le chef de l’État déplore un retard généralisé sur les plans de prévention des risques, retard imputable à des « approches bureaucratiques », à des « manœuvres dilatoires » qui l’ont conduit à prendre l’engagement de « remettre de l’ordre dans notre politique de prévention et de gestion des risques ».

La commission des finances nourrit, à ce stade, une ambition plus limitée, mais elle souhaite que ces préconisations soient rapidement suivies d’effet.

Au lendemain de la tempête Xynthia, le président du conseil général de Vendée a rappelé que « là où la mer est venue, la mer reviendra ». Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je le dis, là où la sécheresse est survenue, la sécheresse surviendra à nouveau. L’amélioration de la connaissance des risques, de l’information préventive et de l’adaptation des règles d’urbanisme et de construction au risque de subsidence ne doit pas être différée.

Nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d'État, pour nous apporter des réponses encourageantes. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, au nom de la commission des finances.

Mme Fabienne Keller, au nom de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je conclurai donc cette présentation à trois voix du rapport de notre groupe de travail. Je dois d’ailleurs indiquer que j’ai pris beaucoup de plaisir à travailler avec mes collègues Éric Doligé et Jean-Claude Frécon, ainsi qu’avec l’ensemble des membres de ce groupe.

Je concentrerai mon propos sur les propositions relatives au régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Dans un premier temps, je formulerai des remarques d’ordre général sur la sécheresse ; dans un second temps, j’évoquerai la catastrophe Xynthia, qui doit nous encourager à poursuivre notre réflexion sur le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles.

S’agissant d’abord de la sécheresse, nous avons observé qu’aucune des parties prenantes ne sollicitait l’exclusion totale du risque de subsidence du régime CAT-NAT. De fait, une telle exclusion impliquerait que les assureurs et réassureurs prennent en charge ce risque, cette couverture s’accompagnant de prix et de franchises élevés. Par ailleurs, cette exclusion totale pénaliserait gravement l’ensemble des assurés occupant des bâtiments existants, ce qui ne nous est pas apparu équitable.

Pour autant, sont aujourd’hui évoquées certaines exclusions partielles, en particulier pour les bâtiments couverts par la garantie décennale, les constructions neuves, au motif qu’elles doivent être couvertes par une garantie dommages-ouvrage, ou encore l’exclusion des dégâts superficiels occasionnés par la subsidence, le régime ne couvrant désormais que les dommages mettant en cause la solidité de la structure.

Nous avons étudié avec soin l’ensemble de ces pistes dans notre rapport.

Nous nous sommes également posé la question d’une exclusion pure et simple de la garantie CAT-NAT pour les ouvrages construits en violation des règles. Si l’adaptation des règles de prévention et de construction aboutissait à de nouvelles prescriptions en matière d’études de sol ou de profondeur minimale des fondations, nous serions plutôt favorables à une telle exclusion, sous réserve d’informer en amont, et de façon circonstanciée, les maîtres d’ouvrage.

J’en viens maintenant aux critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle liée à la sécheresse. Comme l’a indiqué Éric Doligé, nos travaux ont démontré que leur adaptation progressive n’avait pas permis de les « objectiver » totalement et d’aboutir à un dispositif stabilisé, fiable et transparent. Nous sommes conscients que l’amélioration de ces critères est tributaire de l’avancée de travaux scientifiques complexes ayant pour objet de modéliser ce mécanisme de gonflement-dégonflement.

Les représentants de Météo-France nous ont indiqué que, dès la fin de l’année, un dispositif scientifique fiable permettant de cartographier plus clairement ce risque et de le signaler sera disponible. Monsieur le secrétaire d'État, êtes-vous en mesure de nous confirmer que cette échéance sera respectée ?

Au-delà de la seule sécheresse, il semble qu’une refonte globale de notre régime d’indemnisation des catastrophes naturelles s’impose.

Le Président de la République, que je citerai à mon tour, a récemment jugé ce régime « incompréhensible », « parfaitement inefficace, puisqu’il n’incite nullement à la prévention », et « injuste ».

Le groupe de travail a un jugement un peu plus nuancé dans la mesure où le caractère solidaire de ce financement a donné globalement satisfaction. Néanmoins, la sévérité du constat établi par le chef de l’État pourra peut-être nous permettre de remettre enfin à plat ce régime des catastrophes naturelles, réforme tant de fois annoncée.

En quoi cette réforme doit-elle consister ? Tout d’abord, la procédure de reconnaissance doit être plus transparente : les critères et seuils élaborés par la commission interministérielle doivent faire l’objet d’une traduction normative et d’une information accessible aux assurés.

En revanche, nous ne jugeons pas opportune la suppression de l’arrêté interministériel. Nous l’avons constaté lors de la tempête Xynthia, ces arrêtés constituent aussi une manifestation de solidarité nationale et ont une portée « symbolique » qui ne doit pas être sous-évaluée. Par ailleurs, l’absence d’intermédiation des pouvoirs publics serait susceptible de fragiliser la position des assurés face aux assureurs.

La modulation de la surprime en fonction de l’exposition aux risques nous semble également à exclure, s’agissant des particuliers, parce qu’elle est incompatible avec le principe de solidarité qui fonde le régime des catastrophes naturelles. En revanche, sa mise en œuvre est possible pour les professionnels, plus à même de recourir à l’expertise pour réduire leur exposition au risque.

Enfin, il semblerait que la sinistralité des catastrophes naturelles, quel que soit leur type, soit appelée à augmenter. C’est pourquoi nous avons invité le Gouvernement à évaluer rapidement la capacité de la Caisse centrale de réassurance à faire face à des événements climatiques plus fréquents, plus intenses et donc plus coûteux, liés notamment au réchauffement climatique.

Permettez-moi enfin quelques réflexions en lien avec la catastrophe qu’ont vécue les départements de la Vendée et de la Charente-Maritime voilà quelques semaines.

Hier, nous avons créé une mission sur la tempête Xynthia au sein de notre assemblée, qui sera présidée par notre collègue vendéen Bruno Retailleau. Bien sûr, cette mission traitera de la question des indemnisations et des mesures à prendre à court terme, notamment pour interdire les constructions et en déplacer certaines. Mais je forme le vœu qu’elle nous permette aussi d’approfondir le sujet du traitement des catastrophes naturelles et de lui donner une suite opérationnelle.

En effet, nous connaissons bien, mes chers collègues, le sujet des catastrophes naturelles : les inondations de la Somme voilà quelques années, la catastrophe industrielle qu’a été l’explosion de l’usine AZF, la sécheresse de 2003, Xynthia aujourd’hui. Tous ces événements ont donné lieu à de grands moments d’émotion populaire. Cependant, de sept à dix ans plus tard, notre réglementation et nos pratiques ne sont que marginalement modifiées.

Mme Nicole Bricq. Tout à fait !

Mme Fabienne Keller. Ce grand écart entre, d’une part, le formalisme très abouti des plans de prévention, qu’ils concernent la technologie ou les inondations, et, d’autre part, la réalité de la prise en compte de ces risques doit nous interpeller et nous obliger à l’action.

Hier, ce sont près de cinquante morts que nous déplorions sur les côtes françaises à cause de Xynthia. Nous constatons une fois de plus que nos outils sont inadaptés et méritent d’être réformés. Comme l’ont proposé mes collègues Éric Doligé et Jean-Claude Frécon, je voudrais, monsieur le secrétaire d’État, que vous vous engagiez à travailler sur la réforme globale de ces dispositifs de prévention. Plus précisément, je souhaiterais que le Gouvernement s’attache à réformer l’ensemble de ce régime d’indemnisation des catastrophes naturelles et l’ensemble des dispositifs de prévention qui lui sont attachés. (Applaudissements.)

M. le président. Dans la suite du débat, la parole est à M. Claude Biwer.