M. le président. Je suis tout d’abord saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 48 est présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller.

L'amendement n° 129 est présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le troisième alinéa du rapport annexé, supprimer les mots :

à la dissuasion,

L’amendement n° 48 n'est pas soutenu.

La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n° 129.

Mme Michelle Demessine. Dans le rapport annexé, l’arme nucléaire figure parmi les priorités qui seraient nécessaires à l’adaptation et à la modernisation de nos forces.

De là découle la part très importante affectée chaque année à l’armement nucléaire dans le budget.

Nous admettons tout à fait qu’il faille assurer le niveau de crédibilité de notre système de dissuasion avec les techniques de simulation.

Cependant votre politique dans ce domaine va au-delà et ne respecte pas le principe de stricte suffisance, qui est l’un des fondements de notre doctrine.

Monsieur le secrétaire d'État, vous ne vous contentez pas de moderniser nos armements nucléaires. Mais, comme vos prédécesseurs, vous continuez à les développer.

C’est ainsi que, pour 2009, les crédits destinés à la dissuasion représentent 23 % des crédits d’équipement de nos forces et progressent fortement en raison de la conclusion de plusieurs contrats qui résultent de décisions prises dans les années antérieures.

C’est pourquoi nous restons opposés à la construction d’un quatrième sous-marin nucléaire lance-engins et aux missiles M51 qui l’équiperont en 2010.

Sur le fond, nous pensons que la dissuasion nucléaire n’est plus, dans les conditions de 2009, la clef de voûte de notre sécurité et que les armes nucléaires ne sont plus adaptées aux menaces du monde d’aujourd’hui.

Notre politique de dissuasion nucléaire, outre notre volonté d’autonomie de décision, qui, elle, reste valable, reposait essentiellement sur l’existence d’un ennemi potentiel clairement identifié. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, et les menaces sont diffuses et multiformes.

Les armes nucléaires sont, par exemple, inefficaces pour lutter contre le terrorisme et contre les États qui le suscitent.

Pour cet ensemble de raisons, notre amendement tend à ne pas compter l’armement nucléaire parmi les priorités à retenir dans ce projet de loi de programmation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapporteur. La commission est, bien entendu, défavorable à cet amendement.

Elle considère à une large majorité que la dissuasion demeure une garantie fondamentale de notre sécurité dans un monde où subsistent des arsenaux considérables et où certains pays cherchent à se doter de capacités balistiques et d’armes de destruction massive.

Cela n’a pas empêché la France de faire des pas très importants en matière de désarmement nucléaire.

Je pense à l’abandon de la composante sol-sol et à la réduction très significative du nombre d’armes, avec tout dernièrement encore la diminution d’un tiers du format des forces aériennes stratégiques.

Je pense également à l’arrêt irréversible des essais et de la production de matière fissile militaire, comme ont pu le constater de nombreux observateurs étrangers, puisque nous sommes le seul pays à avoir réalisé la transparence sur le démantèlement de nos installations.

Le maintien de la dissuasion à un niveau de stricte suffisance n’exclut pas une politique active sur la scène internationale pour renforcer les régimes de désarmement et de non-prolifération. Les propositions émises par l’Union européenne sous présidence française en sont l’illustration.

La commission considère donc que la dissuasion a toujours sa place dans notre politique de défense.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. La dissuasion est un élément essentiel de notre politique de défense.

Cet amendement est contraire à toute notre politique et le Gouvernement ne peut qu’en demander le rejet.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 129.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 49, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Compléter le quatrième alinéa du rapport annexé, par les mots :

, et des moyens permettant de leur prodiguer un entraînement adapté aux enjeux actuels 

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 50, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, MM. Desessard, Muller, Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Compléter le cinquième alinéa du rapport annexé par les mots :

, ainsi qu’à la remise en état des sites militaires anciennement utilisés

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 13 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Supprimer le sixième alinéa du rapport annexé.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit l'intitulé du 1.1 du rapport annexé :

La nouvelle géographie de la puissance et des crises 

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 15 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Après les mots :

s'adapter à

rédiger comme suit la fin de la première phrase du premier alinéa du 1.1 du rapport annexé :

la nouvelle géographie de la puissance, à la montée des grands pays émergents et à la multipolarité du monde. 

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du 1.1 du rapport annexé, remplacer les mots :

l'arc de crise s'étendant de l'Atlantique à l'ouest de l'Afrique jusqu'à l'océan Indien, le continent européen, l'Afrique sub-saharienne

par les mots :

le continent européen, l'Afrique, l'arc de crise s'étendant de l'Atlantique à l'ouest de l'Afrique jusqu'à l'océan Indien,

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Charasse, est ainsi libellé :

I. - Dans le quatrième alinéa du 1.1 du rapport annexé, après le mot :

exposés 

insérer les mots :

aux conséquences des crises dans les zones d'intérêt stratégique et

II. - En conséquence, dans le même alinéa, après le mot :

djihadiste

remplacer le signe de ponctuation :

,

par le mot :

et

et supprimer les mots :

les conséquences des crises dans les zones d'intérêt stratégique 

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 52, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, MM. Desessard, Muller, Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

I. - Dans le quatrième alinéa du 1.1 du rapport annexé, supprimer les mots :

d’inspiration djihadiste.

II. - Compléter le même alinéa par les mots :

, la mise en cause de la sécurité d’approvisionnement en eau, en énergie, en alimentation et en matières premières

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 18 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Dans le septième alinéa du 1.1 du rapport annexé, après le mot :

stabilisation 

insérer les mots :

sous l'égide de l'Organisation des Nations unies 

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 128, présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après le premier membre de phrase du septième alinéa du 1.1 du rapport annexé, insérer un membre de phrase ainsi rédigé :

elles se feront prioritairement dans un cadre multinational et autorisé par les Nations unies ;

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Le rapport annexé, dans sa partie traitant de la mondialisation et de la nouvelle stratégie de sécurité nationale, manque de précision sur le cadre dans lequel doivent s’effectuer nos interventions militaires à l’étranger.

Certes, il fait référence à certains grands principes directeurs énoncés dans le Livre blanc, dont celui d’une « définition de l’engagement dans l’espace et le temps, avec une évaluation précise du coût ».

Cependant, ces principes sont surtout de nature technique et n’invitent pas à se poser la question de la légitimité des interventions.

Pour éviter la dérive qui consisterait à transformer nos troupes en corps expéditionnaire engagé dans des combats illégitimes et incertains, le cadre de l’intervention doit être précis et clair.

Notre conception du règlement de conflits par l’envoi de troupes à l’étranger est strictement celle du maintien ou du rétablissement de la paix, de l’interposition entre belligérants et, bien entendu, en cas d’urgence, de la protection de nos ressortissants.

Ces interventions militaires ne peuvent donc être légitimes à nos yeux que quand elles procèdent d’un mandat donné par la seule institution internationale qui privilégie le multilatéralisme ainsi que la recherche de solutions politiques et pacifiques, je veux parler de l’ONU.

Nous sommes évidemment conscients des insuffisances et parfois de l’inefficacité de cette grande institution. C’est une raison de plus pour poursuivre nos efforts de modification du fonctionnement et de la composition du Conseil de sécurité afin qu’il reflète le monde tel qu’il est aujourd’hui.

Cette conception explique que nous soyons, en revanche, totalement opposés à une participation des troupes françaises à des opérations menées dans le cadre de l’OTAN qui découlent, comme en Afghanistan, d’un alignement pur et simple sur les intérêts de l’administration américaine.

D’une manière générale, nous ne sommes pas favorables à des opérations militaires que la France mènerait de son propre chef, sans mandat international. Pour nous, le mandat de l’ONU doit être la règle et toute autre opération ou présence doit être l’exception.

Cet amendement vise à ce que le rapport annexé fasse clairement référence à un mandat du Conseil de sécurité de l’ONU pour l’envoi de troupes françaises à l’étranger.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Josselin de Rohan, rapporteur. Sur le fond, on ne peut qu’être d’accord avec l’idée que les Nations unies doivent être le principe directeur en ce qui concerne nos interventions.

Pour autant, la rédaction proposée n’est pas satisfaisante.

Les décisions du Conseil de sécurité de l’ONU ne sont pas les seules sources de la légalité internationale. Nous pouvons être amenés à intervenir dans le cadre du droit de légitime défense, consacré par l’article 51 de la Charte des Nations unies, ou dans le cadre des engagements souscrits au titre de nos accords de défense ou de nos alliances, qu’il s’agisse de l’OTAN ou de l’Union européenne.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Madame Demessine, cet amendement est inutile. Dans tous les cas de figure, la France ne peut intervenir aux fins de mise en œuvre d’opérations de stabilisation sans l’aval du Conseil de sécurité des Nations unies, seule instance habilitée à décider de telles opérations.

C’est la raison pour laquelle je demande le rejet de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Chevènement. Je soutiens l’amendement de Mme Michelle Demessine, qui rejoint l’amendement n° 18 rectifié, dont je suis l’un des signataires.

L’expérience montre, monsieur le secrétaire d'État, contrairement à ce que vous venez d’affirmer, que la France a pu intervenir dans un cadre non autorisé par les Nations unies.

Je citerai l’exemple des bombardements de la Yougoslavie en 1999, qui n’étaient pas autorisés par les Nations unies. Notre intervention s’était clairement située en dehors de la légalité internationale même si, ensuite, les Nations unies ont été amenées à prendre des résolutions.

On peut toujours dire, comme M. le rapporteur, qu’il y a plusieurs sources du droit international, mais elles ne sont pas toutes de même niveau. Le fait que nous soyons entraînés dans une alliance pour des opérations qui ne sont pas autorisées par les Nations unies pose un problème.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 128.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 53, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans l’avant-dernier alinéa du 1.1 du rapport annexé, supprimer les mots :

et recevoir le soutien de la nation.

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Cet amendement a pour objet d’attirer votre attention, mes chers collègues, sur le caractère ambigu du segment de phrase « et recevoir le soutien de la nation ».

Malgré la révision constitutionnelle de 2008, la nation est peu consultée sur les opérations extérieures, qui restent le domaine réservé du Président de la République, en vertu d’un véritable tabou résultant de la pratique institutionnelle de la Ve République. Depuis la dernière révision constitutionnelle, l’article 35 de la Constitution limite le rôle du Parlement, dans les domaines de la défense et des affaires étrangères, à une information « au plus tard trois jours après le début de l’intervention » et, éventuellement, à « un débat qui n’est suivi d’aucun vote ». Lorsque l’intervention dure plus de quatre mois, le Parlement autorise par un vote le maintien des forces.

Ces dernières années, les opérations extérieures se sont multipliées : elles sont plus complexes, plus longues, plus coûteuses que par le passé ; elles résultent de décisions d’une grande importance et sont menées au nom de la France ; elles engagent la vie des hommes et des femmes qui servent dans nos forces armées. C’est donc au nom de la France, avec l’adhésion des représentants du peuple que la décision d’engager nos troupes doit être prise.

Je tiens à souligner le caractère ambigu de ce segment de phrase puisqu’il n’évoque pas explicitement la validation par le Parlement, mais se limite à une formulation plus vague, qui pourrait laisser à penser qu’une simple adhésion de l’opinion pourrait être recherchée, sans plus de précision.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Josselin de Rohan, rapporteur. La représentation nationale est la voix de la nation ! Elle est amenée à se prononcer sur les opérations extérieures. Par conséquent, la rédaction de cet amendement n’est pas adaptée à la situation et la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hubert Falco, secrétaire d’État. Dans tous les discours de l’opposition que nous avons entendus hier soir, l’action du Président de la République a été stigmatisée, sous prétexte qu’il s’occuperait de tout. Je rappelle que le Président de la République, en vertu de la Constitution, est le chef des armées : il est donc tout à fait naturel qu’il s’implique pleinement dans les missions des armées !

Madame le sénateur, permettez-moi d’exprimer l’étonnement que m’inspire votre amendement. La suppression que vous proposez sous-entend que la politique de défense n’aurait pas besoin du soutien de la nation ! L’adhésion de la nation est pourtant une condition de l’efficacité de la stratégie de sécurité nationale, comme le rappelle le paragraphe 5 du rapport annexé au présent projet de loi de programmation militaire.

En ce qui concerne les opérations extérieures, le rôle du Parlement a été renforcé, puisqu’il est désormais informé des interventions de nos forces armées à l’étranger, comme l’a si bien dit M. le rapporteur, et qu’il se prononce par un vote sur leur prolongation. Il n’est donc pas vain, vous l’aurez tous compris, de faire mention du soutien de la nation. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 53.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 93, présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le septième alinéa du 1.1 du rapport annexé par une phrase ainsi rédigée :

Ces engagements devront respecter la Charte de l’Organisation des Nations unies.

La parole est à M. André Vantomme.

M. André Vantomme. Cet amendement précise que les opérations militaires conduites par l’armée française, seule ou en coalition, sur des théâtres extérieurs doivent se dérouler dans un cadre autorisé par les Nations unies, c’est-à-dire respecter les principes de la Charte de l’Organisation des Nations unies. Il confirme une politique, répare un oubli et conforte le rôle et la place des Nations unies dans l’organisation de la sécurité internationale.

Concrètement, ce rappel peut aussi tenir lieu de message adressé à toutes les nations du monde, qui seraient tentées, un jour ou l’autre, de faire cavalier seul : il ne faut pas se laisser entraîner dans des aventures militaires. En la matière, le respect de la charte de l’Organisation des Nations unies est un point cardinal qui mérite de figurer dans le rapport annexé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je me suis déjà expliqué sur ce sujet. L’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hubert Falco, secrétaire d’État. Nous avons déjà évoqué ce sujet lors de la discussion de l’amendement n° 128. Le Gouvernement n’a pas changé de position et émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 93.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)

M. le président. L’amendement n° 51, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, MM. Desessard, Muller, Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Compléter le 1.1 du rapport annexé par un alinéa ainsi rédigé :

Les institutions d’une gouvernance mondiale peinant à se mettre en place pour répondre aux défis relatifs à ce nouveau contexte, la France doit prendre en conséquence les initiatives permettant d’encourager le développement des fonctions de médiation et de prévention au sein de l’Union européenne.

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Le texte du rapport annexé au projet de loi, par ailleurs largement discuté, élargit le concept de sécurité nationale, dans la mesure où celle-ci ne se résume plus au seul effort de défense. Cette extension est difficile à admettre si elle conduit à renforcer de manière unilatérale les pouvoirs du Président de la République en la matière ; elle est juste si l’on considère que, parallèlement à l’effort de défense, des efforts dans les domaines de l’intelligence économique, de la mise en sécurité des approvisionnements énergétiques ou en matières premières doivent être déployés pour assurer la sécurité nationale. Il en va de même pour les efforts tendant à la prévention des conflits.

Comme le note le texte du rapport annexé au projet de loi, au début du paragraphe 1.1, le monde est aujourd’hui « plus instable, plus imprévisible, et les évolutions de notre environnement peuvent être brutales ». Les pays sont désormais interconnectés, les destins de leurs peuples sont intimement liés. Dans ce monde où les distances sont réduites à peu de chose par les technologies de l’information et de la communication et par le développement des moyens de transport, l’interpénétration des économies et des cultures à la surface du globe et la propagation systémique des crises sont devenues des réalités. Ainsi, l’émergence d’une crise financière aux États-Unis provoque un raz de marée mondial, qui plonge les États dans la situation économique et sociale que nous connaissons aujourd’hui. L’apparition d’un virus informatique dans un pays fait craindre à l’ensemble de la planète une contamination inévitable. Ces craintes sont encore plus justifiées dans le cas de la propagation des virus réels, comme celui de la grippe A. Les tensions ou les conflits dans une région donnée ont des conséquences mondiales, jusqu’au sein de nos collectivités.

Il apparaît donc essentiel qu’une gouvernance mondiale soit mise en place afin d’anticiper ces crises ou, le cas échéant, de les circonscrire lorsqu’elles surviennent. C’est pourquoi cet amendement tend à compléter un paragraphe du rapport annexé consacré aux différentes dimensions de la sécurité, en précisant que, « les institutions d’une gouvernance mondiale peinant à se mettre en place pour répondre aux défis relatifs à ce nouveau contexte », notre pays devra prendre les initiatives qui conviennent, dans un cadre européen, pour encourager le développement des fonctions de médiation et de prévention.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Josselin de Rohan, rapporteur. Le rôle majeur de l’Union européenne est souligné dans une autre partie du rapport annexé. La commission a du mal à identifier en quoi consisteraient les « fonctions de médiation et de prévention des conflits » qui, d’après l’amendement, seraient développées au sein de l’Union européenne. Elle a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hubert Falco, secrétaire d’État. La loi de programmation militaire n’a pas vocation à définir les instances de la gouvernance mondiale. Cet amendement est totalement extérieur à notre débat ; il recueille donc un avis défavorable du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 51.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi, est ainsi libellé :

À la fin de la seconde phrase du premier alinéa du 1.2 du rapport annexé, remplacer les mots :

l’Union européenne, les Nations unies et l’Alliance atlantique

par les mots :

les Nations unies ainsi que les obligations qui découlent de notre appartenance à l’Union européenne et à l’Alliance atlantique 

La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

M. Jean-Pierre Chevènement. Cet amendement n’est pas de caractère purement rédactionnel, car il tend à distinguer les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies des obligations qui découlent, pour notre pays, de son appartenance à l’Union européenne et à l’Alliance atlantique.

Comme je l’ai rappelé tout à l’heure, ces deux ordres de préoccupations peuvent entrer en conflit. J’observe d’ailleurs que M. le secrétaire d’État ne m’a pas répondu lorsque j’ai évoqué les bombardements de la Yougoslavie en 1999, qui n’avaient fait l’objet d’aucune autorisation du Conseil de sécurité des Nations unies. Chacun sait que nous avons été entraînés dans cette affaire par la pression de Mme Madeleine Albright, qui voulait justifier l’existence de l’organisation militaire intégrée de l’OTAN, près de dix ans après la chute du Mur de Berlin.

Cet amendement vise donc à distinguer les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, bases du droit international, des obligations découlant de nos alliances, qui s’imposent à nous dès lors qu’elles sont conformes au droit international.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Josselin de Rohan, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hubert Falco, secrétaire d’État. La rédaction de cet alinéa du rapport annexé que M. Jean-Pierre Chevènement propose de modifier résulte des travaux de l’Assemblée nationale. Le Gouvernement souhaiterait s’y tenir. C’est pourquoi il émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 95, présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa du 1.2.1 du rapport annexé par les mots :

destinée à protéger et défendre les populations et les territoires de l’Union européenne.

La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Cet amendement porte sur la définition d’une politique de défense commune de l’Union européenne et mérite un rappel historique.

On se souvient de l’échec de la Communauté européenne de défense, la CED, en 1954, puis des tentatives d’affirmation de l’Union de l’Europe occidentale, l’UEO, au début des années 1980. Au sortir de l’affrontement Est-Ouest, la signature du traité de Maastricht a remis le dossier sur la table. Entre le sommet franco-britannique de Saint-Malo, en décembre 1998, et le Conseil européen de Laeken, trois ans plus tard, l’« Europe de la défense » progresse.

La défense et la sécurité extérieure relèvent toujours de la compétence des États. Or, les crises des années 1990 ont montré que les États membres de l’Union européenne ne peuvent plus mener individuellement une politique crédible en la matière.

À la suite du sommet franco britannique de Saint-Malo, en décembre 1998, l’Union européenne s’est dotée, en juin 1999, d’une « politique européenne de sécurité et de défense ». Le paragraphe 2 de l’article 42 du traité sur l’Union européenne, dans sa rédaction résultant du traité de Lisbonne, stipule que « la politique de sécurité et de défense commune inclut la définition progressive d’une politique de défense commune de l’Union européenne ». Il n’est donc pas choquant que la représentation nationale précise et définisse la portée et l’objet géostratégique de ses ambitions en termes de politique de défense commune.

Nous savons que M. le ministre de la défense a rappelé, devant l’Assemblée nationale, que la France ne pouvait pas concevoir seule l’Europe de la défense. Le groupe socialiste en prend acte, mais rien n’empêche le Parlement d’avoir l’ambition d’exprimer ce qu’il entend par « défense commune » en précisant, notamment, ses contours, car certaines évidences s’imposent mieux si on les explicite.

Nous souhaitons ainsi réparer un oubli et définir le principal objet de la défense européenne commune : apporter protection et sécurité aux États membres et à leurs populations. L’objectif n’est donc pas l’expansion.

Certes, l’Union européenne doit s’affirmer comme un acteur majeur de la gestion des crises et de la sécurité internationale, mais elle doit commencer par apporter protection et sécurité aux Européens. Tel est le sens de cet amendement.