statut de l'auto-entrepreneur

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Houel, auteur de la question n° 569, adressée à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.

M. Michel Houel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a créé un régime simplifié destiné aux entrepreneurs individuels qui souhaitent exercer, à titre principal ou complémentaire, une activité artisanale, commerciale ou libérale, dit statut de l’auto-entrepreneur.

Ce nouveau dispositif vise un seul objectif : créer de l’activité économique, notamment dans le cadre de mesures allégées en matière administrative, fiscale et sociale.

Il faut reconnaître que cet objectif a été atteint, puisque le nombre de créations d’entreprises a augmenté de plus de 6 % en avril dernier par rapport au mois de mars, une hausse liée, selon l’INSEE, à la prise en compte du nouveau statut de l’auto-entrepreneur.

Depuis le 1er janvier dernier, ce statut permet, en effet, aux salariés, chômeurs, retraités ou étudiants de développer une activité à titre principal ou complémentaire pour augmenter leurs revenus, avec des démarches simplifiées.

Le nombre cumulé de créations d’entreprises au cours des mois de février, mars et avril a marqué une hausse de 62,5 % par rapport aux mêmes mois de l’année précédente.

Si ce nouveau statut d’auto-entrepreneur rencontre indéniablement un formidable succès, il a parallèlement entraîné un profond mécontentement au sein du secteur de l’artisanat du bâtiment.

Ce succès commence, en effet, à inquiéter très fortement les artisans du secteur du bâtiment qui y voient un risque de concurrence déloyale.

Dans une période économique particulièrement difficile, les artisans du bâtiment immatriculés au répertoire des métiers, qui s’acquittent, par conséquent, de la totalité des charges fiscales et sociales inhérentes à l’exercice de leurs activités, ne peuvent pas admettre que des activités identiques puissent être réalisées au prix d’un simple forfait fiscal et social calculé en fonction du chiffre d’affaires, sans commune mesure avec le niveau des contributions exigé dans le régime de droit commun.

Ils considèrent légitimement que le nouveau statut d’auto-entrepreneur engendre des situations de distorsions de concurrence, dont les conséquences peuvent se révéler dévastatrices pour la pérennité des entreprises artisanales du bâtiment.

Ils s’interrogent également sur l’efficacité du régime micro-social simplifié lié à ce statut, notamment en matière de constitution de droits à la retraite, sauf à développer, à terme, l’ouverture de nouveaux droits gratuits, incompatibles avec les nécessaires équilibres financiers des régimes d’assurance vieillesse.

Par ailleurs, les artisans du bâtiment doutent du contrôle réel qui doit être exercé en matière de qualification professionnelle minimale pour les activités réglementées dans le cadre de l’article 16 de la loi du 5 juillet 1996, dont le secteur du bâtiment fait partie.

Il faut rappeler que le législateur a souhaité soumettre les activités du bâtiment à un dispositif minimum de qualification professionnelle au titre de la sécurité des consommateurs. Il serait donc contraire à ce principe que des personnes puissent s’improviser dans les professions du bâtiment en optant pour ce nouveau statut.

De même, les artisans du bâtiment craignent que les personnes exerçant une activité du bâtiment sous le statut d’auto-entrepreneur ne respectent pas l’obligation de souscrire un contrat d’assurance décennale que le code civil impose à tout professionnel réalisant des travaux de construction d’un bâtiment. L’absence de garantie ferait alors courir de grands risques aux clients en cas de désordres survenant sur l’ouvrage réalisé.

Pour l’ensemble de ces raisons, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que de profonds aménagements devraient être apportés à ce nouveau statut de l’auto-entrepreneur ? Ne serait-il pas judicieux d’exclure de ce nouveau statut les activités artisanales réglementées en application de la loi du 5 juillet 1996 ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Monsieur Houel, vous avez souhaité appeler l’attention de mon collègue Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation, auprès de la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, sur le statut de l’auto-entrepreneur créé par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

Le succès rencontré montre bien que le régime de l’auto-entrepreneur répond à une aspiration profonde des Français et stimule puissamment le désir d’entreprendre. Ainsi, il représente pour chacun, a fortiori pour les salariés victimes de la crise et les chômeurs, l’espoir de créer sa propre activité et d’expérimenter ce qui peut, à terme, devenir une entreprise créatrice d’emplois.

Toutefois, le Gouvernement a bien entendu les interrogations dont vous vous faites l’écho. C’est pourquoi mon collègue Hervé Novelli a décidé de mettre en place un groupe de travail, afin d’être en mesure d’évaluer l’impact du régime de l’auto-entrepreneur sur les métiers de l’artisanat.

Ce groupe a débuté ses travaux le 6 mai, avec pour mission d’évaluer l’impact du nouveau régime sur les créations d’entreprises artisanales, sur les règles d’immatriculation et sur les métiers à qualifications professionnelles et obligation d’assurance.

Au vu de ses conclusions, il est envisagé, comme vient de l’annoncer M. Hervé Novelli, que le régime de l’auto-entrepreneur soit aménagé dans le domaine des activités artisanales sur la question de la qualification professionnelle et sur celle de l’accompagnement de ces nouveaux créateurs d’entreprises par les chambres de métiers.

Ainsi, avant toute création d’entreprise dans le domaine artisanal soumise à qualification professionnelle, il pourrait être demandé au créateur d’attester de sa qualification, en indiquant préalablement, le cas échéant par voie dématérialisée, comment il remplit les critères de qualification professionnelle : par la détention d’un diplôme ou, le cas échéant, trois ans d’expérience professionnelle ou encore une validation des acquis de l’expérience.

En outre, les auto-entrepreneurs qui ont une activité artisanale à titre principal pourraient être tenus de s’inscrire au répertoire des métiers, et ce dès leur inscription comme auto-entrepreneurs. C’est en effet une des clés pour que les auto-entrepreneurs soient vraiment considérés comme participant à la communauté artisanale et le gage qu’ils seront accompagnés par les dispositifs mis en place ces dernières années par les chambres de métiers.

Afin de ne pas renchérir le coût de la création, cette immatriculation pourrait être gratuite et sans taxe pendant les trois premières années à compter de la création d’activité et ne nécessiterait pas de formalité additionnelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Houel.

M. Michel Houel. Monsieur le ministre, votre réponse me réjouit, car, l’année dernière, j’avais déposé un amendement visant à demander que les auto-entrepreneurs s’inscrivent à la chambre de métiers. C’est l’obligation minimale !

En effet, imaginez que, dans une entreprise de plomberie comptant quelques salariés, l’un des plombiers s’institue auto-entrepreneur et travaille le samedi et le dimanche chez l’un des clients de son patron. Ce dernier n’a aucun moyen de le savoir si son employé n’est pas inscrit à la chambre de métiers et s’il travaille ainsi dans la clandestinité !

Selon moi, cette inscription à la chambre de métiers est indispensable ; j’ai d’ailleurs obtenu, en tant que président du groupe d’études Artisanat et services de la commission de l'économie, des renseignements précis de l’Assemblée permanente des chambres de métier, l’APCM.

Par conséquent, je me réjouis que les auto-entrepreneurs soient tenus de s’inscrire au répertoire des métiers, car c’est une mesure qui va dans le bon sens.

Monsieur le ministre, si votre collègue M. Hervé Novelli souhaite que des sénateurs participent au groupe de travail qu’il a décidé de mettre en place, qu’il sache que je suis partie prenante !

M. Christian Estrosi, ministre. Je le lui dirai !

Mme la présidente. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

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Annonce de l'élection de deux présidents de groupe

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de vous informer que M. Gérard Longuet a été élu président du groupe Union pour un mouvement populaire. Je l’en félicite, au nom du Sénat. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Anne-Marie Escoffier et M. Adrien Giraud applaudissent également.)

J’adresse également, au nom du Sénat, mes félicitations à M. Nicolas About, qui a été élu, quant à lui, président du groupe de l’Union centriste. (Applaudissements.)

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Nomination de membres d'une éventuelle commission mixte paritaire

M. le président. Pour le cas où le Premier ministre déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.

La liste des candidats a été affichée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, Hugues Portelli, Jean-Pierre Vial, Mme Jacqueline Gourault, MM. Jean-Claude Peyronnet, Jacques Mahéas, Mme Josiane Mathon-Poinat.

Suppléants : MM. Christian Cointat, Pierre-Yves Collombat, Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Patrice Gélard, Bernard Saugey, Jean-Pierre Sueur.

Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que j’en aurai été informé.

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Nouvelle-Calédonie et Mayotte

Adoption d'un projet de loi organique et d’un projet de loi

(Textes de la commission)

 
 
 

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique relatif à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte (nos 467, 490 et 491) et du projet de loi relatif à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et portant ratification d’ordonnances (nos 468, 490 et 492).

Il sera procédé à la discussion générale commune de ce projet de loi organique et de ce projet de loi.

Madame la secrétaire d'État, avant de vous donner la parole dans cette discussion générale commune, je vous souhaite la bienvenue dans cet hémicycle, où vous aller vous exprimer pour la première fois, ainsi qu’un plein succès, non seulement dans la défense de ces textes devant le Parlement, mais aussi, d’une manière générale, et dans l’accomplissement de la mission qui vous a été confiée par M. le Président de la République. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Adrien Giraud applaudit également.)

Vous avez la parole, madame la secrétaire d'État.

Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État chargée de l'outre-mer. Monsieur le président, je tiens d’abord à vous remercier de ces paroles d’encouragement.

Monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les textes examinés aujourd'hui par la Haute Assemblée selon la procédure accélérée constituent une étape importante pour la Nouvelle-Calédonie et pour Mayotte.

Certains d’entre vous, je le sais, s’interrogent sur l’intitulé d’un texte qui porte à la fois sur l’évolution institutionnelle de Mayotte et sur celle de la Nouvelle-Calédonie. Je voudrais les rassurer : il ne faut y voir aucun message particulier du Gouvernement ; ce sont les contraintes du calendrier parlementaire qui ont, seules, conduit à cette présentation commune.

Bien entendu, chaque collectivité suit son propre cheminement, comme le prévoit la Constitution ; il s'agit de deux trajectoires différentes, que nous respectons et accompagnons.

Ce projet de loi organique constitue une étape importante pour Mayotte car il consacre, ainsi que le prévoit la Constitution, le changement de statut décidé par nos compatriotes, à 95 %, le 29 mars dernier.

La collectivité unique prendra, en 2011, la place des institutions existantes. Naturellement, les dispositions de la loi organique concernant Mayotte ne constituent qu’un premier pas. Il faudra d’autres textes, qui seront soumis ultérieurement au Parlement, pour organiser la transition entre le régime actuel et la collectivité unique.

À cet égard, je veux signaler que le Gouvernement souscrit tout à fait à la rédaction nouvelle adoptée par la commission des lois pour l’article concernant Mayotte, qui prévoit clairement la mise en place de la collectivité unique à compter de mars 2011.

Ce projet de loi organique marque surtout une étape importante pour la Nouvelle-Calédonie. Les textes qui vous sont soumis, mesdames, messieurs les sénateurs, s’inscrivent dans la continuité et dans l’esprit de l’accord de Nouméa de 1998, car le consensus a toujours été le fil directeur de nos travaux.

Toutes ces dispositions, avant d’être soumises au Parlement, ont été nourries des travaux menés depuis 2006 en Nouvelle-Calédonie pour modifier le statut de cette collectivité.

Ainsi, le comité des signataires du 2 février 2006 a confié à un groupe de travail réunissant l’ensemble des partenaires le soin de formuler des propositions sur une révision du statut. Ce groupe de travail a remis ses conclusions ; celles qui faisaient l’objet d’un consensus local ont été reprises, dans leur grande majorité, au sein des actuels projets de lois.

Une part importante de ces textes porte sur la modernisation du statut de la Nouvelle-Calédonie. En effet, le statut actuel, qui est issu des lois organique et ordinaire du 19 mars 1999 et n’a pratiquement pas été révisé depuis lors, est antérieur à ceux de la plupart des autres collectivités d’outre-mer, exception faite de Wallis-et-Futuna, qui ont tous été élaborés ou mis à jour en 2007. Il était donc nécessaire d’harmoniser les règles qui ont vocation à être communes à l’ensemble des collectivités.

Le présent texte prévoit des modifications qui portent, notamment, sur l’harmonisation des règles relatives à la consultation de la Nouvelle-Calédonie sur les projets de loi et d’ordonnance ; sur la création d’un véritable statut des élus – je pense que ceux-ci s’en féliciteront –, garantissant une protection efficace, notamment sur le plan juridique ; sur l’institution de procédures d’expédition des affaires courantes et de modernisation des recours devant la juridiction administrative.

Par la modification de la loi organique de 1999, il s’agit aussi de clarifier la répartition des compétences, par exemple en permettant l’extension au sénat coutumier du régime des inéligibilités et incompatibilités ou en autorisant le congrès à édicter, à travers une loi du pays, un véritable statut de la fonction publique néo-calédonienne.

Ce texte fixe aussi des conditions d’intervention économique plus souples, qui s’accompagnent d’une transparence renforcée, et j’en félicite l’ensemble des signataires des accords, car ils ont beaucoup travaillé sur ce point. Ainsi, la collectivité de Nouvelle-Calédonie pourra créer des groupements d’intérêt public locaux avec les provinces et des personnes publiques ou privées, en vue de faciliter la coopération entre les institutions locales.

La modification de la loi organique permettra la participation des établissements publics des provinces au capital de sociétés privées gérant un service public ou d’intérêt général. Les provinces pourront accorder des subventions aux entreprises. Enfin, il sera possible, dans le respect des principes de la loi Sapin du 29 janvier 1993, de déléguer un service public.

Parallèlement, et dans le souci d’une plus grande transparence de la vie économique, ce texte permettra d’organiser une meilleure information du congrès sur les interventions locales en matière économique. Il assurera l’extension du contrôle de légalité du haut-commissaire aux actes des établissements publics. Enfin, il procède à une réelle modernisation du contrôle budgétaire des établissements publics locaux.

S'agissant des transferts de compétences, qui représentent une part importante de ce texte, le Gouvernement a loyalement transcrit les conclusions du comité des signataires de l’accord de Nouméa du 8 décembre dernier.

Au préalable, un long travail de préparation et de réflexion avait été conduit entre les signataires de l’accord, afin que ces transferts de compétences soient effectivement conduits dans les conditions prévues. Le comité des signataires a validé l’ensemble des propositions relatives à la révision de la loi organique.

Cet esprit d’équilibre général et de consensus, validé dans des termes très précis le 8 décembre dernier, se retrouve dans les projets de textes dont le Parlement est saisi.

Par ailleurs, la réussite du transfert de compétences suppose une adaptation des structures administratives. Les signataires ont souhaité que de réelles garanties soient apportées afin de maintenir la qualité du service rendu à nos compatriotes néo-calédoniens.

Des solutions concrètes et innovantes, associant l’État et les institutions locales, ont ainsi pu être proposées dans ce texte.

Il s'agit, notamment, de la création de « services mixtes », permettant la coexistence d’attributions de l’État et de la Nouvelle-Calédonie au sein d’une même administration, et de dispositions spécifiques concernant les personnels de l’éducation nationale, qui visent à assurer la transition la mieux adaptée. À ce titre, il est prévu dans un premier temps une mise à disposition globale de services.

Par ailleurs, le projet de loi vise la compensation financière intégrale des compétences transférées. Le mode de calcul de cette dernière sera même plus favorable qu’en métropole puisque la dotation de compensation sera indexée sur la dotation globale de fonctionnement, la DGF, alors que, en France métropolitaine, la dotation globale de décentralisation est désindexée.

En matière de sécurité civile, le présent projet prévoit que la Nouvelle-Calédonie et les provinces apporteront leurs concours à l’établissement public d’incendie et de secours.

Cette mutualisation des moyens ira de pair avec le concours de l’État, dans le cadre du fonds d’aide à l’investissement qu’un projet d’ordonnance en cours d’examen devant le Conseil d’État prévoit d’étendre à la Nouvelle-Calédonie.

Enfin, le projet de loi prévoit un accompagnement technique du transfert de compétences, dans le cadre de conventions qui pourront être conclues par la Nouvelle-Calédonie avec les administrations centrales et les autorités administratives indépendantes.

Ce suivi technique permettra d’éviter toute rupture dans la mise en œuvre des compétences, ce qui garantira une continuité administrative, sans porter préjudice au libre exercice par les institutions locales de leurs nouvelles compétences. Il s’agit d’aider le gouvernement néo-calédonien à élaborer sa propre réglementation dans des domaines complexes, comme le droit des affaires ou celui de la concurrence.

Le congrès de Nouvelle-Calédonie a proposé une série d’amendements destinés à améliorer, du point de vue de cette collectivité, l’équilibre budgétaire des transferts.

Je le rappelle avec force, le projet de loi présenté par le Gouvernement est conforme aux engagements inscrits en décembre dernier : non seulement la Nouvelle-Calédonie ne se trouve pas en retrait par rapport au droit commun en matière de transferts, mais elle bénéficie d’une dotation indexée sur la DGF, ce qui n’est plus le cas depuis cette année pour les dotations d’équipement.

À cet égard, la commission des lois a figé la période de référence pour la dotation de compensation des investissements de manière à inclure la construction du lycée du Grand Nouméa. Le Gouvernement adhère à cette proposition.

En revanche, la formulation retenue pour la participation de l’État au financement des opérations engagées n’est pas conforme aux conclusions du comité des signataires et risque d’avoir des effets sur l’échéancier du transfert de la compétence. Le Gouvernement a déposé un amendement visant à éviter ce risque.

S’agissant des compétences relatives au droit civil, aux règles concernant l’état civil, au droit commercial et à la sécurité civile, le comité des signataires avait décidé qu’elles seraient transférées selon les modalités prévues à l’article 27 de la loi organique. Ce changement a suscité des objections lors de l’examen du texte par le Conseil d’État, sa conformité à la Constitution ayant été débattue.

M. le rapporteur propose une rédaction qui revient à l’équilibre actuel de la loi organique tout en tenant compte des difficultés propres aux deux blocs de compétences pour lesquels les signataires de l’accord ont jugé nécessaire de poser des préalables. Cette position, sur laquelle nous avons consulté nos partenaires, nous semble conforme au consensus qui se dégage actuellement et elle est de nature à garantir que les transferts interviendront effectivement dans le délai prescrit par l’accord de Nouméa.

L’assouplissement, toutefois, doit être strictement circonscrit aux seules compétences qui devaient être introduites à l’article 27.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement vous soumet deux textes qui sont en grande partie le produit d’un consensus et traduisent un équilibre politique entre les signataires de l’accord, dont l’État est à la fois le garant et l’un des acteurs.

Pour le Gouvernement, le consensus de tous les partenaires s’est manifesté le 8 décembre. Le congrès a donné, à l’unanimité, un avis favorable sur les projets du texte sous réserve de plusieurs modifications.

Si le Gouvernement ne méconnaît pas le poids politique de l’accord trouvé, il a également sa vision et ses responsabilités dans le processus. C’est pourquoi certaines évolutions lui paraissent peu opportunes.

Plus fondamentalement, ces textes marquent la volonté très claire du Gouvernement, signataire de l’accord de Nouméa, d’assurer que les transferts de compétences qui doivent impérativement intervenir avant l’échéance fixée dans l’accord, c’est-à-dire 2014, soient effectifs dans les conditions les plus opérationnelles et dans le souci de maintenir la qualité des services rendus.

Les transferts sont la clé de la réussite de l’accord de Nouméa. Le Gouvernement vous confirme par ma voix qu’il entend bien que ce processus soit poursuivi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Adrien Giraud applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Cointat, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’essentiel du débat qui s’ouvre devant nous porte sur deux points particulièrement importants, à savoir le transfert de compétences vers la Nouvelle-Calédonie et la départementalisation de Mayotte.

Ces deux sujets n’ont aucun lien entre eux. Ils ne se trouvent dans le même « véhicule législatif » que pour de pures raisons de convenances pratiques, ainsi que vous nous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État.

Nous pouvons, certes, comprendre ce souci de rationalisation, mais permettez-moi quand même de regretter cette présentation commune. La politique, surtout quand elle porte sur un sujet sensible, est parfois plus simple quand elle n’est pas trop simplifiée.

Plusieurs des élus et dirigeants locaux des deux territoires concernés m’ont fait part, à juste titre, lors de leur audition, de leurs regrets et interrogations face à un « amalgame » pour le moins curieux.

Cependant, nous savons désormais, puisque vous nous l’avez affirmé, madame la secrétaire d’État, qu’ils peuvent être rassurés, car aucune malice ne se cache derrière ce rapprochement de simple circonstance.

Comme vous le savez, mes chers collègues, le statut de la Nouvelle-Calédonie est le fruit des accords de Matignon, puis de Nouméa, concrétisés par la loi organique du 19 mars 1999 et consacrés par un titre spécial de notre Constitution.

Les règles et principes édictés sont ainsi gravés dans le marbre de la République. On peut d’ailleurs s’en féliciter, car ce dispositif institutionnel, quelles que puissent être les critiques qu’il a fait naître, accompagné par une volonté déterminée des responsables néo-calédoniens, toutes sensibilités confondues, qu’ils appartiennent à la majorité ou à l’opposition, de travailler ensemble, a permis à ce territoire de retrouver depuis plus de vingt ans la paix, la prospérité et un important développement économique qui le place dans le peloton de tête de la zone Océanie-Pacifique.

Alors, pourquoi une nouvelle loi organique pour la Nouvelle-Calédonie ? Tout simplement parce que l’expérience commande quelques adaptations et autres réglages dont la nécessité s’impose naturellement. Les signataires de l’accord de Nouméa en sont d’ailleurs convenus.

J’évoquerai brièvement la teneur des projets de loi organique et ordinaire déposés par le Gouvernement puisque Mme la secrétaire d’État en a brossé les grandes lignes et développé les points saillants.

En fait, pour ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, l’objectif principal est de faciliter la mise en œuvre des transferts de compétences qui restent à accomplir avant 2014, autrement dit, avant la fin du mandat du congrès qui vient d’être élu, et de définir les moyens techniques, humains et financiers que l’État pourra mettre à la disposition de la Nouvelle-Calédonie pour accompagner ces transferts.

D’autres dispositions assurent un renforcement du rôle des élus et davantage de transparence financière.

Enfin, plusieurs articles apportent précisions et clarifications.

Le projet de loi organique porte également sur la départementalisation de Mayotte.

Quant au projet de loi ordinaire, il traite essentiellement d’ajustements techniques et propose la ratification d’une série d’ordonnances.

L’accord de Nouméa fait l’objet d’un suivi régulier lors de réunions rassemblant les acteurs calédoniens et les représentants de l’État.

La plupart des propositions retenues dans le projet de loi organique reprennent les conclusions de ces comités du suivi et, bien entendu, le congrès de Nouvelle-Calédonie a été consulté par le Gouvernement.

De son côté, la commission des lois m’a mandaté afin d’entendre les différents acteurs de la vie politique calédonienne, soit directement, à l’occasion de leur passage à Paris, soit par le biais de vacations téléphoniques.

Ainsi, presque tous les responsables ont été auditionnés, mais tous, en tout cas, avaient été invités à s’exprimer.

Les aménagements proposés à la loi organique de 1999 portant statut de la Nouvelle-Calédonie concernent les Calédoniens tant pour leur avenir que pour la maîtrise de leur destin, quel que soit celui pour lequel ils opteront le moment venu.

Il a donc paru essentiel à la commission, et notamment au rapporteur, de suivre au plus près, chaque fois que possible, l’avis des élus du territoire : en effet, ce n’est pas à Paris que l’on connaît le mieux la réalité du quotidien en Nouvelle-Calédonie ; ce n’est pas à Paris que l’on vivra les dispositions votées.

Dans le rapport que nous vous présentons, dans le texte que nous vous soumettons, mes chers collègues, nous avons tout simplement placé au centre de notre approche celles et ceux, de la majorité comme de l’opposition, qui auront sur place la charge d’appliquer et de gérer les conséquences des lois que nous sommes en train d’adopter.

À l’article 21, paragraphe III, de la loi organique de 1999, est visée toute une série de compétences à transférer au cours des mandats commençant en 2004 et en 2009. L’article 26, quant à lui, dispose : « Les compétences transférées et l’échéancier des transferts font l’objet d’une loi du pays adoptée à la majorité des trois cinquièmes des membres du congrès, au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant le début de chaque mandat. »

L’énumération de ces compétences suffit à démontrer leur importance et leur complexité : police et sécurité en matière de circulation aérienne intérieure et de circulation maritime dans les eaux territoriales, enseignement du second degré public et privé, enseignement primaire privé, droit civil, état civil, droit commercial, sécurité civile.

Comme ces compétences n’ont pas été transférées ni même commencé de l’être en 2004, il ne nous reste plus, selon cet article 26, qu’à peine six mois – cinq mois, en fait – pour nous exécuter. Or le comité des signataires de l’accord de Nouméa est convenu, à juste titre, que ce délai était trop court pour les quatre compétences suivantes : droit civil, état civil, droit commercial et sécurité civile, compte tenu, notamment, de la nécessité de délimiter clairement le périmètre de chacune d’entre elles et de mettre en place un dispositif normatif pour l’évolution du droit. Et cela n’est pas facile. La commission des lois, soucieuse de clarifier les choses en ce domaine, a tenté d’esquisser un périmètre, mais, dans le temps qui lui était imparti, la tâche s’est avérée impossible.

Mais il faut trouver une solution. Il avait été suggéré de faire glisser ces quatre compétences de l’article 21, qui prévoit une loi du pays, à l’article 27 de la loi organique de 1999, qui offre, pour d’autres domaines de compétences, un dispositif plus souple, avec une simple résolution du congrès demandant à l’État de procéder lui-même au transfert par le biais d’une loi organique. Autrement dit, si le congrès ne parvenait pas, dans les six mois, à régler la question, on pouvait « passer la main » au Gouvernement.

Cette approche est, certes, astucieuse, je le reconnais bien volontiers, mais la commission ne l’a pas retenue parce qu’elle présente un fort risque d’inconstitutionnalité – pas une certitude, à la lecture attentive des textes, mais une probabilité élevée – et elle a estimé qu’il ne fallait pas le prendre. En effet, toutes les parties seraient mises dans l’embarras si l’article était invalidé par le Conseil constitutionnel.

D’ailleurs, le Conseil d’État a, semble-t-il, fait la même analyse. Je dis « semble-t-il », parce que tout le monde parle de cette analyse, mais personne, du moins aucun membre du Parlement, n’en a eu la version écrite entre les mains !

En effet, un tel dispositif ouvrirait la possibilité de retirer ces quatre compétences à la Nouvelle-Calédonie puisque le Parlement pourrait, de fait, s’opposer aux transferts en ne votant pas la loi organique. Nous sommes en démocratie : le Parlement est libre de voter ce qu’il souhaite et ne peut recevoir d’ordres dans quelque sens que ce soit.

La commission a donc, par sagesse, préféré allonger pour ces quatre compétences, et uniquement pour elles, de six mois à deux ans le délai fixé à l’article 26 sans le moindre glissement possible de l’article 21 vers l’article 27. Elle espère que le Conseil constitutionnel, ainsi rassuré, reconnaîtra comme constitutionnellement valable cet allongement du délai, l’équilibre des compétences et des pouvoirs n’étant pas modifié.

Comme je l’ai déjà annoncé, la commission s’est efforcée de retenir le plus grand nombre possible des suggestions présentées par le congrès de Nouvelle-Calédonie et a ainsi adopté un grand nombre d’amendements présentés dans ce sens tant par moi-même que par notre excellent collègue Simon Loueckhote, sénateur de Nouvelle-Calédonie.

Ainsi que vous pouvez vous en douter, mes chers collègues, le chapitre des compensations financières, humaines et techniques est un élément central et particulièrement sensible des transferts.

Or, vous ne l’ignorez pas, l’article 40 de la Constitution ne nous laisse qu’une marge de manœuvre réduite à sa plus simple expression. Nous nous sommes donc nécessairement limités aux seules propositions émises par le congrès qui pouvaient franchir ce filtre inexorable.

Depuis plusieurs années, différentes lois organiques et ordinaires ont eu pour objet d’adapter le statut et l’encadrement normatif de l’outre-mer. La commission des lois tient beaucoup à ce que ces aménagements restent cohérents entre eux et dénotent une volonté politique parfaitement lisible, d’autant que, comme elle l’a démontré régulièrement, elle est très attachée à l’outre-mer.

Ainsi, elle estime que des situations absolument comparables appellent des réponses législatives analogues.

Des adaptations du texte du projet de loi organique ont donc été introduites dans ce sens, pour que la cohérence, notamment par rapport à la Polynésie, soit parfaitement visible.

La commission a également insisté sur le renforcement du rôle des élus en complétant le projet du Gouvernement, qui mérite d’être salué à cet égard.

Elle a aussi étudié la transparence financière et budgétaire et le contrôle qui doit en découler.

Divers aménagements ont été apportés en matière d’inéligibilité et d’incompatibilités électorales.

Enfin, la commission, après un entretien approfondi avec les membres du cabinet du président du sénat coutumier, a estimé qu’il était nécessaire de mieux souligner le rôle de cette institution, qui représente un élément important de l’accord de Nouméa, comme l’autorité de son président.

En ce qui concerne Mayotte, le projet de loi organique ne comporte qu’un seul article. Mais quel article ! En effet, il vise à transformer la collectivité de Mayotte en département à partir du renouvellement de son conseil général en 2011.

Comme je l’ai dit à titre liminaire, il est dommage que cet article ait été rattaché au dispositif relatif à la Nouvelle-Calédonie, et ce tant pour les uns, les Calédoniens, que pour les autres, les Mahorais. Il fallait un projet de loi organique pour la Nouvelle-Calédonie et un autre projet de loi organique pour Mayotte.

Puisque tel n’est pas le cas, la commission, à la suite de ses auditions avec les élus de Mayotte, a estimé qu’il n’était pas souhaitable, en définitive, d’aboutir à un article relatif à Mayotte « flottant » quelque part dans l’immensité des lois organiques de la République, mais qu’il convenait au moins de le rattacher, pour qu’il soit clairement identifié, au code général des collectivités territoriales.

S’agissant de la loi ordinaire, qui est essentiellement de nature technique, la commission des lois suggère de requalifier une partie de ses dispositions en les transposant à l’échelon organique.

Je me limiterai à aborder un point qui me paraît important, concernant les pouvoirs du Parlement.

Mes chers collègues, la commission des lois vous propose de ne pas ratifier l’ordonnance du 14 mai 2009. Il s’agit non d’une quelconque opposition aux choix opérés dans ce texte par le Gouvernement, mais d’une réaction forte, je le dis clairement, face à l’attitude de la commission des finances.

En effet, après avoir entendu les diverses parties prenantes, j’avais suggéré à la commission des lois de ratifier l’ordonnance à l’exception de l’un de ses articles, qui supprimait une aide de l’État, minime et pratiquement jamais utilisée, suppression contre laquelle les bénéficiaires, qui n’avaient été ni consultés ni informés, protestaient à juste titre. Il s’agissait donc d’inviter l’État à prendre contact avec les personnes intéressées et, ensuite, à procéder aux ajustements nécessaires, ce qui pouvait, d’ailleurs, aboutir au même résultat.

J’avais donc déposé, au nom de la commission des lois, un amendement en ce sens, auquel la commission des finances a opposé l’article 40 de la Constitution, au motif que l’entrée en vigueur de l’ordonnance en cause avait supprimé une charge, que l’amendement, en refusant la ratification de cette disposition-là de l’ordonnance, tendait de fait à recréer.

Je tiens à souligner que le pouvoir de ratifier ou non une ordonnance relève constitutionnellement du Parlement. Il serait très grave que, par le biais de l'article 40, ce pouvoir de ratification lui soit retiré.

Pour que ce droit ne soit ni supprimé ni altéré, la commission des lois n’a eu d’autre choix que de refuser la ratification de l’ordonnance dans sa totalité, ce qui revient d’ailleurs à réintroduire la charge incriminée. Cette situation devient quelque peu ubuesque !