allocation aux adultes handicapés

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chauveau, auteur de la question n° 492, adressée à M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique.

M. Jean-Pierre Chauveau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées fut une innovation majeure en faveur des personnes handicapées.

Ainsi, l’une des avancées principales de ce texte était de rompre avec la logique de l’assistance dans laquelle les politiques publiques à destination des personnes handicapées étaient depuis trop longtemps confinées.

En effet, l’objectif d’autonomie financière des personnes handicapées est inséparable de la question de la politique de l’emploi mise en œuvre pour ce public.

Doit-on considérer les bénéficiaires de l’AAH, l’allocation aux adultes handicapés, et des allocations complémentaires comme ayant vocation à rester inactifs ou faut-il favoriser un accès à l’emploi – même partiel – pour les personnes handicapées en mesure de travailler ?

En la matière, des améliorations pourraient encore être apportées pour résoudre les situations les plus injustes, en particulier au regard des critères d’attribution des allocations qui viennent en complément de l’AAH.

Comme vous le savez, les personnes bénéficiaires de l’AAH, lorsqu’elles disposent d’un logement autonome, peuvent obtenir, sous certaines conditions, soit un complément de ressources, soit une majoration pour la vie autonome. Or ces compléments ne sont versés qu’en l’absence d’activité professionnelle. C’est là que le bât blesse !

Pourtant, certaines personnes handicapées ont l’occasion d’exercer temporairement des activités rémunératrices sans que celles-ci soient constitutives - ni par leur objet, ni par leur durée - d’une réelle activité professionnelle.

Il s’agit, bien évidemment, non de permettre un cumul sans condition ni progressivité qui irait à l’encontre de l’objet des allocations complémentaires, mais de tolérer une certaine souplesse en atténuant l’effet « couperet ».

Les personnes concernées pourraient ainsi tester utilement leurs capacités de retour à l’emploi et bénéficier de revenus complémentaires.

Les critères relatifs à l’absence de revenus d’activité écartent injustement du bénéfice des compléments les personnes handicapées qui font l’effort de tenter une insertion professionnelle.

S’agissant de personnes lourdement handicapées, la probabilité de parvenir à occuper un emploi est faible, mais elle doit être encouragée !

De la même façon, réserver les compléments aux personnes qui perçoivent l’AAH à taux normal revient à exclure de leur bénéfice toute personne qui perçoit un revenu d’activité suffisant pour déclencher la dégressivité de l’AAH.

En conclusion, je souhaiterais qu’à l’instar des critères d’attribution de l’AAH un assouplissement des conditions applicables pour l’obtention des allocations complémentaires fasse l’objet d’une étude précise par les services du ministère.

Un barème dégressif ne pourrait-il pas être appliqué ? Une franchise ne pourrait-elle pas être mise en œuvre ?

Par avance, je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le sénateur, vous appelez l’attention du Gouvernement sur les conditions d’obtention de la majoration pour la vie autonome par les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH.

Au nom de ma collègue Valérie Létard, qui vous prie de bien vouloir l’excuser, je vous confirme que l’absence d’activité professionnelle est, en effet, l’une des conditions d’accès aux compléments de l’AAH.

Cette condition, posée par la loi du 11 février 2005, vise – c’est légitime – à concentrer le soutien financier de la solidarité nationale sur les personnes que leur handicap empêche de façon durable, et parfois définitive, d’accéder à l’emploi.

C’est bien la raison pour laquelle ces compléments d’AAH permettent de porter les ressources de la personne handicapée jusqu’à 80 % du SMIC net. C’était un engagement fort du Gouvernement en 2005 et il a, depuis, toujours été tenu.

Néanmoins, le Gouvernement entend votre préoccupation de ne pas exclure du soutien de la solidarité nationale les personnes qui, compte tenu de l’importance ou de la nature de leur handicap, ne peuvent qu’exercer une activité très réduite ou occasionnelle.

La loi permet d’ores et déjà de cumuler revenu du travail et allocation de façon que l’accès à l’emploi constitue toujours un « plus » pour la personne handicapée, même pour des activités réduites.

Ce mécanisme, nous avons voulu l’améliorer encore, dans le cadre du pacte pour l’emploi des personnes handicapées annoncé le 10 juin dernier par le Président de la République.

Ainsi, depuis le 1er janvier 2009, exercer une activité même très réduite ne conduit plus à la suppression de l’AAH des personnes présentant un taux d’incapacité compris entre 50 % et 80 %.

Par ailleurs, nous allons simplifier et rendre plus avantageux le mécanisme de cumul entre allocation et salaire, au bénéfice notamment des personnes qui travaillent à temps très partiel : ainsi, en dessous de 0,4 SMIC, on ne tiendra compte que de 20 % de la rémunération pour le calcul de l’AAH.

Pour ne pas pénaliser les personnes qui ont une activité occasionnelle, le montant de l’allocation sera recalculé tous les trimestres afin de ne pas prendre en considération des salaires devenus inexistants.

Enfin, comme l’a annoncé le Président de la République le 10 juin dernier, dans le cadre de la réforme de l’AAH, une refonte des compléments d’AAH sera engagée : les personnes dans l’incapacité de travailler seront prioritaires pour leur attribution.

Valérie Létard m’a assuré qu’elle veillerait à ce que les situations liées aux activités occasionnelles soient examinées par le groupe d’experts chargé de préfigurer l’outil d’évaluation de l’employabilité de la personne handicapée, élément clé de la réforme de l’AAH et de ses compléments.

Les premières conclusions de ce groupe sont attendues d’ici à cet été.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chauveau.

M. Jean-Pierre Chauveau. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de cette réponse qui, je l’espère, donnera satisfaction aux associations qui m’avaient contacté.

situation des buralistes

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, auteur de la question n° 400, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Mme Anne-Marie Escoffier. Comme plusieurs d’entre nous, j’ai été saisie par la confédération des buralistes de France du problème posé par la privatisation prochaine de la Française des jeux, qui aura par conséquent la possibilité de proposer des jeux de grattage aux grandes et moyennes surfaces, au détriment des buralistes, qui détiennent depuis 1776 le monopole de ce secteur.

Je dois tout d’abord souligner que, depuis l’entrée en application du décret du 15 novembre 2006, qui a définitivement mis fin à la possibilité de fumer dans les lieux publics, le chiffre d’affaires des buralistes a brutalement chuté, comme chacun de nous a pu le constater dans son département, ce décret venant s’ajouter aux multiples campagnes de prévention contre le tabac menées depuis des années – je ne saurais certes en contester le bien-fondé –, ainsi qu’aux hausses successives de ce produit.

C’est dire que l’instauration d’une concurrence dans le domaine des jeux à gratter suscite légitimement l’inquiétude des buralistes, qui, en province surtout, particulièrement dans nos villages frappés par l’exode urbain, constituent l’un des derniers lieux où se cultive la sociabilité, ce qui fait d’eux des commerces un peu particuliers, mais des commerces dont les revenus ne cessent inexorablement de baisser d’année en année…

Aujourd’hui, 24 400 buralistes, soit près de 85 % du réseau, réalisent 71 % du chiffre d’affaires de la Française des jeux, chiffre qui se concentre sur trois produits de grattage, de pronostics et de tirage. Qu’adviendra-t-il après la privatisation, lorsqu’il sera possible aux consommateurs de jouer directement sur le Net ou dans la grande et moyenne distribution ?

Pour preuve des risques que cela implique, je m’en tiendrai à la nouvelle répartition des implantations de distribution des jeux dans le seul département de l’Aveyron, qui n’augure rien de bon pour la suite des événements puisque, à l’évidence, elle favorise les grandes et moyennes surfaces au détriment des petits buralistes.

Cela m’amène, monsieur le secrétaire d'État, à poser une triple question.

Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour pérenniser la profession de buraliste lorsque la Française des jeux sera privatisée ?

Dans quelle mesure est-il encore possible de reconnaître le rôle joué par les buralistes dans le développement de la Française des jeux à travers une rémunération honnête, convenant aux membres d’un réseau qui, jusque-là, a par excellence été un réseau référant ?

Enfin, qui veillera à la pratique de la morale en matière de jeux de hasard et de lutte contre l’addiction des plus faibles dès lors que le Net, les grandes surfaces ou les sociétés privées titulaires d’une licence d’exploitation – certaines sont implantées dans des paradis fiscaux ou juridiques – vont naturellement transformer ce domaine en une sorte de jungle dans laquelle seul comptera désormais le profit ?

Je vous remercie par avance, monsieur le secrétaire d'État, des réponses que vous voudrez bien m’apporter, réponses que toute la profession attend avec la plus grande impatience.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Madame le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. Woerth, qui ne pouvait être présent ce matin, mais j’avoue que répondre à une question sur ce thème me plaît beaucoup… (Sourires.)

Pour aider les 29 000 débitants de tabac dans le contexte de l’interdiction de fumer dans les lieux publics, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a signé avec le président de la confédération des buralistes de France un second contrat d’avenir qui reconduit pour la période 2008-2011 l’intégralité des aides du premier contrat, auxquelles l’État consacre chaque année 160 millions d’euros.

Dans le cadre du contrat d’avenir est également prévue une amélioration de la rémunération des buralistes sur la vente des produits du tabac, estimée à 75 millions d’euros sur la durée du contrat.

Contrairement à ce qui est parfois affirmé, cette rémunération n’a d’ailleurs pas diminué ces dernières années, malgré la baisse de la consommation ; elle a même progressé de 39 % de 2002 à 2008, en passant de 29 070 euros à 40 575 euros en moyenne annuelle par buraliste.

L’avenir de la profession passe également par la diversification de ses activités.

Le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a fait accélérer le développement des points de vente agréés permettant aux automobilistes en infraction à la suite d’un contrôle de vitesse par un radar automatisé de s’acquitter de l’amende auprès d’un buraliste par un timbre-amende dématérialisé.

S’agissant de la distribution des jeux, les 24 000 buralistes qui ont la qualité de détaillants de la Française des jeux constituent par nature le réseau référant de l’entreprise publique, en complémentarité avec les diffuseurs de presse.

La Française des jeux avait souhaité expérimenter dans 131 grandes et moyennes surfaces la distribution de ses produits afin d’aller à la rencontre de nouveaux joueurs potentiels. Cette expérimentation ayant suscité des inquiétudes chez les buralistes, et n’ayant de surcroît pas donné les résultats escomptés, elle a été abandonnée par la Française des jeux.

Le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique est très attentif à la qualité de la distribution des jeux dans notre pays, qui doit reposer sur un objectif de vente responsable, protégeant les mineurs et les joueurs fragiles contre les risques d’addiction.

Les détaillants de la Française des jeux, qui reçoivent une formation adaptée à cet égard, sont porteurs de cet objectif.

Par ailleurs, l’ouverture du marché des jeux en ligne sur internet, qui fera l’objet d’un projet de loi en 2009, sera sans conséquence sur la distribution des produits de la Française des jeux dans le réseau des buralistes et diffuseurs de presse.

Les opérateurs de jeux sur internet seront quant à eux soumis à de strictes exigences de distribution responsable dans le cadre d’un cahier des charges précis.

Le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique m’a donc chargé de vous assurer, madame le sénateur, que le Gouvernement poursuivra dans la durée sa politique d’accompagnement du réseau des buralistes, premier réseau de commerces de proximité en France, en continuant à prendre des mesures concrètes et efficaces, issues d’une concertation permanente et reconnue par la profession.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. M. le secrétaire d'État connaît bien les problèmes auxquels sont confrontés les buralistes pour apprécier notamment certains cigares. (M. le secrétaire d'État sourit) Je le remercie de sa réponse : elle ne manquera pas de rassurer les buralistes qui, lorsqu’ils m’ont interpellée, ne connaissaient pas encore la décision de la Française des jeux d’abandonner le projet de distribution dans les grandes surfaces.

négociation des accords collectifs dans les entreprises et représentativité syndicale

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, auteur de la question n° 477, adressée à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

M. Guy Fischer. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur le vide juridique face auquel se trouvent les entreprises pour négocier les accords collectifs du fait de l’articulation entre les anciennes et les nouvelles règles de négociation après l’entrée en vigueur de la loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.

Sont particulièrement concernées les entreprises dans lesquelles cohabitent un comité d’entreprise composé de membres élus au second tour en raison d’une carence de candidatures au premier tour et un ou plusieurs délégués syndicaux désignés sous l’empire de l’ancienne législation.

Ces entreprises ont pu jusqu’à présent négocier avec ce ou ces délégués des accords collectifs, accords dont la validité était subordonnée à une validation par référendum.

Or, depuis le 1er janvier 2009, ce système de référendum a disparu, la validité d’un accord étant désormais subordonnée à sa validation par des syndicats représentant au moins 30 % des suffrages.

Ainsi, depuis cette date, et tant que n’auront pas eu lieu les nouvelles élections professionnelles, ces entreprises ne peuvent pas valablement conclure d’accords.

En effet, du fait de la carence de candidatures au premier tour des élections, il est impossible de mesurer l’audience électorale du ou des syndicats signataires.

Quant à la négociation avec les élus ou les salariés mandatés, elle est interdite, puisque ces entreprises sont par hypothèse dotées d’un délégué syndical.

Quelle peut donc être la valeur juridique des éventuels accords signés dans de telles conditions ?

Je souhaiterais connaître, monsieur le secrétaire d'État, les propositions du Gouvernement pour mettre un terme à cette difficulté technique – on pourrait même parler d’impasse – issue de l’application de la loi du 20 août 2008, qui empêche aujourd'hui les partenaires sociaux des entreprises concernées de faire vivre des négociations dans le cadre de leurs obligations annuelles, sur l’égalité entre hommes et femmes ou sur d’autres thèmes tout aussi importants.

Je n’ignore cependant pas, monsieur le secrétaire d'État, que, depuis le dépôt de ma question, une solution a été proposée par voie d’amendement dans le cadre de la discussion de la proposition de loi de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures, ce qui m’amène à compléter ma question initiale, au cas où vous confirmeriez dans un instant la prolongation du système de la validation par référendum : j’attends avec intérêt de savoir si cette disposition de la future loi de simplification et de clarification du droit serait alors d’effet rétroactif afin d’assurer la validité des accords conclus depuis le 1er janvier 2009.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le sénateur, je vous prie d’abord de bien vouloir excuser Brice Hortefeux, mais je vous apporte de sa part la bonne nouvelle que vous attendiez. (Sourires.)

Vous soulevez une réelle difficulté.

La loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a mis en place de nouvelles règles de validité des accords collectifs d’entreprise.

Ces accords collectifs doivent être négociés par des délégués syndicaux. Pour être valides, ils doivent être approuvés par des syndicats ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles dans l’entreprise et ne doivent pas avoir fait l’objet d’une opposition de syndicats ayant recueilli au moins 50 % des suffrages à ces mêmes élections.

Cependant, dans certaines entreprises, il y a eu carence de candidatures syndicales au premier tour ou absence de quorum et donc de dépouillement. Il est donc impossible de mesurer les seuils de 30 % et de 50 %, ce qui peut bloquer la validité d’un accord.

L’article 12 de la loi du 20 août 2008 précitée avait permis, jusqu’au 31 décembre 2008, l’organisation d’un référendum de validation en pareil cas, mais la situation de blocage juridique peut subsister jusqu’aux prochaines élections dans chaque entreprise.

Pour cette raison, le 24 mars dernier, lors de l’examen de la proposition de loi de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures, le Gouvernement a émis un avis favorable sur deux amendements identiques présentés respectivement par Mme Catherine Procaccia et M. Jean-Pierre Godefroy, qui ont été adoptés.

Ce texte, pour lequel la commission des lois de cette assemblée a recommandé une adoption conforme, sera examiné en seconde lecture par l’Assemblée nationale ce soir même. La disposition prévue par ces amendements prolonge dans chaque entreprise, jusqu’aux prochaines élections, la possibilité prévue à l’article 12 de la loi du 20 août 2008 de procéder à un référendum de validation en cas de carence de candidatures syndicales au premier tour ou d’absence de quorum, donc de dépouillement.

Monsieur le sénateur, j’espère avoir répondu à votre attente.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le secrétaire d'État, pourquoi avoir élaboré une loi prévoyant expressément la suppression du référendum de validation des accords collectifs d’entreprise, en faisant le pari risqué, voire antidémocratique, d’une démission quasi forcée du comité d’entreprise, afin de provoquer de nouvelles élections et de sortir de l’impasse juridique créée par la loi elle-même ?

Compter sur le sabordage des institutions élues par les salariés pour réparer les « boulettes » sciemment commises par le Gouvernement – je le dis gentiment, mais sérieusement – n’est pas de bonne méthode quand on prétend rénover le dialogue social ! Vraiment, on peut faire mieux !

En fait, c’est sur la pression des acteurs de terrain que le Gouvernement a dû faire marche arrière. Merci de nous l’avoir confirmé aujourd'hui, monsieur le secrétaire d’État ! (Sourires.)

M. André Santini, secrétaire d'État. Je transmettrai votre remarque à Brice Hortefeux ! (Nouveaux sourires.)

couverture numérique des zones rurales

M. le président. La parole est à M. François Marc, auteur de la question n° 481, adressée à Mme la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique.

M. François Marc. Ma question concerne la faiblesse de l’accessibilité numérique en France, en particulier dans les zones rurales.

Dans un récent rapport, le Conseil économique, social et environnemental a rappelé l’importance de l’enjeu du haut et du très haut débit. Il fait notamment mention de la persistance de la fracture numérique en France. À cet égard, il faut rappeler que 50 % de la population réside aujourd'hui dans des zones à faible densité, en particulier en milieu rural. En outre, si 98,3 % de la population est théoriquement couverte par l’ADSL, de vastes secteurs du territoire restent mal desservis – ce sont les fameuses « zones blanches » –, comme demeurent des secteurs où les débits réels sont souvent éloignés des attentes. Dans mon département, on estime aujourd'hui que, si 98 % à 99 % de la population peut a priori se connecter à l’ADSL, à peu près 12 % des lignes ne reçoivent pas un débit suffisant.

Alors que l’initiative privée est défaillante dans ces territoires, on peut regretter que l’État ait insuffisamment pris en compte les impératifs du haut débit dans le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. De la même manière, le plan de relance du Gouvernement ne semble comporter aucune disposition concernant l'accès au numérique ; vous nous apporterez certainement des précisions sur ce point, madame la secrétaire d'État. Cela nous paraît d'autant plus dommageable que M. Patrick Devedjian, lors d'une rencontre avec les acteurs du secteur le 21 janvier dernier, a reconnu le retard de la France en termes d'accès à internet, notre pays, selon le ministre, se situant seulement à la quatorzième position au sein de l’Union européenne.

Dans ces conditions, le plan France numérique 2012, dont les objectifs sont pourtant ambitieux, risque d’avoir des effets limités, notamment au regard de l’enjeu que constitue le déploiement de la fibre optique. En effet, ce plan se contente d’assouplir le cadre règlementaire de l’intervention des collectivités, sans que soient octroyés à ces dernières les moyens financiers nécessaires. Dès lors, les collectivités auront à assumer la lourde charge financière de la couverture numérique, là où les opérateurs privés estimeront les infrastructures non rentables, notamment dans les zones rurales.

Parmi les propositions pour lutter contre la crise qu’elle a formulées, la Commission européenne a suggéré un investissement massif dans l’internet à haut débit. Elle a souhaité accroître la dotation du Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, de 1,250 milliard d’euros, afin qu’aucune zone blanche n’existe au-delà de 2010. Elle a proposé en conséquence que chaque État adapte ses programmes de développement rural, afin que le déploiement des réseaux fasse l’objet de mesures prioritaires. Cette question devait être abordée lors du Conseil européen des 19 et 20 mars.

Aussi, madame la secrétaire d'État, je souhaite savoir à quel stade se situe aujourd’hui la réflexion européenne et, surtout, quelle est la position de la France sur ce sujet majeur. La révision à mi-parcours des contrats de projets sera-t-elle pour vous l’occasion d’abonder les dotations financières prévues pour les technologies de l’information et de la communication ? Si le Gouvernement devait se contenter d’émettre des consignes visant à mieux intégrer les TIC à enveloppe constante, on imagine que cela aurait des effets assez limités…

Le Gouvernement doit mettre en œuvre un programme ambitieux de couverture en haut débit et en très haut débit sur l’ensemble du territoire national. Il y va de la compétitivité de notre économie, mais aussi de la satisfaction des besoins quotidiens des usagers.

Aussi, madame la secrétaire d'État, je vous remercie de nous préciser les ambitions du Gouvernement en la matière.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, comme vous, je suis convaincue que le déploiement des réseaux à très haut débit est un enjeu économique et industriel majeur pour l’ensemble de notre pays, en particulier pour les zones les moins denses. Nous parlons d’investissements dont le montant devrait atteindre plusieurs dizaines de milliards d'euros dans les dix prochaines années.

Les pays qui sortiront renforcés de la crise seront ceux qui auront su, dès aujourd'hui, préparer l’avenir. À ce titre, les investissements dans le très haut débit sont porteurs de croissance, pour le secteur du numérique mais aussi pour l’ensemble des secteurs économiques, tant les gains de compétitivité produits diffusent dans l’ensemble de l’économie.

En France, c’est la loi de modernisation de l’économie qui fixe le cadre juridique du déploiement des réseaux de fibre optique. Ce texte instaure un droit à la fibre optique pour chaque Français, impose le pré-équipement obligatoire de tous les immeubles neufs à partir de 2010. Le plan de relance a retenu cette disposition en rendant obligatoire, dès aujourd'hui, l’équipement des logements bénéficiant d’un financement dans le cadre de ce plan.

Pour stimuler et libérer les investissements dans la fibre optique, j’ai organisé, le 7 avril dernier, avec l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, une réunion sur le développement des réseaux à très haut débit. Il a été pris acte que les investissements réalisés jusqu’à la mise en place d’un cadre réglementaire définitivement stabilisé seraient conservés en l’état.

Par ailleurs, comme m’y a invitée le Conseil économique, social et environnemental dans un rapport publié voilà deux mois, j’étudie les conditions permettant d’accélérer le déploiement de ces nouveaux réseaux au profit de tous les Français, notamment dans les zones que vous avez mentionnées, monsieur le sénateur, où le seul investissement privé ne sera pas suffisant, chacun s’accorde à le reconnaître.

Ainsi, des instances régionales de concertation, regroupant les collectivités locales et l’État, seront mises en place et travailleront à la définition de schémas directeurs pour le déploiement du très haut débit. Une circulaire à destination des services de l’État en régions sera signée prochainement, afin de créer sans délai ces instances de concertation et d’élaborer ces schémas directeurs.

Par ailleurs, nous avons besoin d’un nouvel outil réglementaire, afin de permettre aux collectivités territoriales de devenir des investisseurs minoritaires et d’être en quelque sorte en impulsion dans ce mouvement. Actuellement, c’est le « tout ou rien » qui prévaut : si quelques collectivités territoriales ont choisi d’assumer l’ensemble de leurs responsabilités, beaucoup ont renoncé, considérant que l’aménagement numérique des territoires ne constituait pas le cœur de leur activité.

J’ai lancé une étude avec la Caisse des dépôts et consignations sur ce sujet ainsi que sur le développement des réseaux neutres et de l’investissement public pour le très haut débit. Je communiquerai les conclusions de ce travail d’ici au mois de juin prochain.

Il ne faut pas oublier que le redéploiement des fréquences hertziennes du dividende numérique est l’un des principaux leviers de déploiement du très haut débit dans les zones les plus rurales. Nous travaillons activement, avec l’échelonnement des opérations pilotes d’extinction de la télévision analogique et du basculement vers le « tout numérique ». Ces opérations se feront à grande échelle dès le début de l’année 2010, en vue d’un achèvement au mois de novembre 2011, pour que, à cette date, toutes les émissions analogiques puissent être éteintes et que, sur les fréquences ainsi libérées, nous puissions développer de nouveaux services, notamment dans les zones les moins denses.

Enfin, monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur les programmes européens et nationaux.

Si nous sommes favorables à un programme européen sur le développement du numérique, nous pensons que celui-ci ne doit pas être orienté uniquement sur la question des infrastructures, mais qu’il doit prendre également en compte la compétitivité des acteurs, notamment ceux de l’industrie du logiciel. Il faut reconnaître que la préparation des prochaines élections européennes ne rend pas la période faste à cet égard, ne serait-ce que parce que la commissaire chargée du dossier, elle-même candidate, n’est pas très favorable à la stabilisation de ce projet.

En revanche, à l’échelon national, je travaille sans attendre avec Patrick Devedjian à l’élaboration d’un volet numérique du plan de relance, qui est actuellement en cours d’arbitrage. Il devrait notamment intégrer des mesures sur les réseaux, mais pas uniquement. Il convient en effet de rappeler que l’économie numérique repose sur trois piliers : des réseaux de qualité, avec une bande passante la plus large possible, des acteurs dynamiques, mais aussi des services, des usages et des contenus développés en France, au bénéfice de notre économie. En effet, il importe que les réseaux ne soient pas seulement des autoroutes sur lesquelles circulent des voitures produites ailleurs, mais deviennent des vecteurs majeurs de développement pour l’emploi et la croissance en France.