M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Peut-être me suis-je mal exprimée, si j’en crois le propos tenu à l’instant par M. Sueur.

Nous ne méconnaissons pas les fortes identités de ces différentes chaînes ou antennes, auxquelles les personnels sont évidemment très attachés.

Prenez cependant le cas de France Inter : c’est aussi une entité humaine, une entité culturelle et même – on peut le dire – une entité démocratique. Pourtant, l’existence de France Inter est inscrite non pas dans la loi mais dans un cahier des charges fixé par décret. La réforme que nous proposons reprend précisément ce modèle.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 113.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l'amendement n° 296.

M. David Assouline. À ce stade du débat, alors que nous essayons de convaincre, nous constatons que l’on nous répète de façon systématique et d’une manière peu susceptible d’emporter la conviction que la loi ne prévoit pas la reconnaissance de chacune des différentes chaînes parce qu’il en est ainsi, et qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Le seul fait que nous demandions une telle reconnaissance révèle pourtant un problème, à moins que nous ne soyons de totale mauvaise foi et ne demandions cela que pour que la loi soit un peu plus longue de quelques lignes !

Cependant, nous ne sommes pas seuls : les personnels, notamment les personnels de France 3 en régions, expriment notamment de fortes inquiétudes. Or vous pourriez les rassurer en inscrivant la reconnaissance de France 3 dans le texte de la loi ; cela ne vous coûterait rien ! Si vous ne le faites pas, cela cache quelque chose que vous ne pouvez admettre devant cette assemblée.

M. David Assouline. Je n’ai pas abordé le débat en intentant des procès d’intention, mais je dirai cependant que, lorsque vous en avez la possibilité, vous argumentez !

Au sein de la commission, j’ai entendu l’argument – cette fois, c’était bien un argument – selon lequel décliner l’existant dans la loi interdirait l’extension du périmètre du service public. Alors que nous invitions à ne pas réduire ce dernier, il nous était opposé le fait que nous étions en train d’empêcher son extension ! Je vous rassure donc : nous sommes d’accord pour préserver la possibilité d’une telle extension. Lisez donc l’amendement n° 296 : après avoir décliné l’identité des différentes chaînes, il mentionne « tout autre service de communication audiovisuelle répondant aux missions de service public ».

Voilà qui préserve la possibilité au sein de l’entreprise unique de mouvements concernant un secteur particulier et, par exemple, la création d’une chaîne d’information. Il serait formidable – du moins est-ce mon point de vue – que le service public ne laisse pas ce soin au seul secteur privé.

Comment ce débat sera-t-il interprété ? Pour ceux qui le liront, la rationalisation et la modernisation s’accompagneront inévitablement d’une réduction du périmètre.

Ce débat inspire deux craintes majeures.

Tout d’abord, nous savons que TF1 veut France 4 ; l’information est écrite, discutée, connue.

Dès lors que l’on nous affirme que France 4 peut disparaître et que nous savons que TF1 est souvent bien servie par le pouvoir, il n’est pas complètement absurde de considérer qu’il existe un lien avec ce projet de loi !

Ensuite, France 3 est elle aussi visée par certains appétits ; on a ainsi évoqué la PQR, la presse quotidienne régionale, entre autres.

Madame la ministre, vous pouvez immédiatement mettre fin à toutes ces spéculations en acceptant d’inscrire dans la loi la liste des différentes chaînes, ou même en répondant plus clairement à nos interrogations.

En effet, vous pouvez refuser de préciser dans la loi l’existence des entités qui composent France Télévisions mais vous engager, en tant que ministre, à préserver France 3 dans son périmètre actuel, parce que cette chaîne réalise un travail exceptionnel et doit être renforcée, ainsi qu’à empêcher la vente de France 4 tant que vous serez chargée de la culture !

Or vous refusez d’apporter de telles garanties, parce que – vous le savez très bien – en ne précisant pas dans la loi le périmètre de l’audiovisuel public, vous laissez la porte ouverte à sa modification !

Mes chers collègues, à ce stade de nos échanges, je me suis permis de m’exprimer franchement. Au départ, je cherchais à vous convaincre qu’il valait mieux inscrire cette disposition dans le projet de loi, même si vous ne la jugiez pas utile, afin de rassurer l’opposition, mais aussi les personnels.

Mais si le périmètre de l’audiovisuel public n’est pas fixé dans la loi, il nous restera la possibilité de le défendre dans les faits, aux côtés des personnels.

Ce débat et ce combat ne sont pas terminés !

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

M. Hugues Portelli. Je suis désolé, mon cher collègue, mais j’estime pour ma part – et je ne crois pas être le seul dans ce cas – qu’il n’appartient pas au législateur de fixer le nombre des chaînes de télévision, qu’elles soient publiques ou privées d'ailleurs !

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Tout à fait !

M. Hugues Portelli. Ce n’est pas du domaine de la loi ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est du domaine de M. Sarkozy, car il nomme le président de France Télévisions !

M. Hugues Portelli. Ce problème doit être traité par l’entreprise.

La télévision est une entreprise publique. C’est à elle de gérer cette question, en fonction de l’offre et de la demande, des choix du public, de ses moyens. Il ne revient pas au législateur de fixer le nombre des chaînes.

M. Hugues Portelli. Nous ne sommes pas là pour ça ! Notre rôle, c’est de décider, ou non, de l’existence du service public de l’audiovisuel et de prévoir que tels principes le régiront, de préférence à tels autres. Point à la ligne ! Le reste ne nous regarde pas.

Mme Catherine Tasca. Ça, alors !

M. Hugues Portelli. Si nous voulons nous occuper de la question du nombre des chaînes, nous devons siéger au conseil d’administration de France Télévisions, qui traitera de ce problème, car celui-ci est interne à l’entreprise et ne relève pas du législateur.

Personnellement, je me félicite donc que l’on n’inscrive pas dans la loi une mention qui n’a rien à y faire, je le répète, et je me battrai contre toute tentative de ce genre.

Mes chers collègues, cette disposition ne relève pas de la loi, ni même du règlement : elle est du domaine de l’entreprise !

M. Jean-Pierre Sueur. Elle est du domaine du Président de la République ! Si nous sommes mécontents, nous pouvons toujours aller voir M. Sarkozy…

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.

M. Jack Ralite. Notre collègue se pare de vertus que la réalité dément !

Ce projet de loi entend définir les programmes et les sujets abordés par l’audiovisuel public, par exemple l’Europe. Nous n’en voulons pas ! Le Président de la République veut faire de France 2 une chaîne éducatrice, il se mêle directement de sa ligne éditoriale, et vous l’approuvez !

M. Jack Ralite. Et nous, quand nous traitons de la structure de France Télévisions, simplement pour la conserver d'ailleurs, comme l’a si finement expliqué notre collègue Jean-Pierre Sueur, nous nous mêlerions de la vie de l’entreprise ? Soyons sérieux !

Pour ma part, je constate que l’opposition, dans sa diversité, n’a posé ce soir qu’une seule question, à laquelle le conglomérat de la majorité a décidé de répondre toujours par la négative, quels que soient nos arguments. Mais où est le débat ? Où est la démocratie ? Ah, si vous faisiez preuve de la même énergie pour refuser l’application d’une loi qui n’a pas été votée, ce qui vous touche tout de même de près !

En réalité, vous cédez devant le chef, et vous n’écoutez pas le monde du travail, de la création, et, ajouterai-je, de l’entreprise ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 296.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Pierre Sueur. Le rejet des amendements, lui aussi, est mécanique ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l’amendement n° 115.

Mme Marie-Christine Blandin. Mon intervention portera sur l’atmosphère globale de ce débat et sur l’amendement n° 115, mais j’en profiterai aussi pour m’exprimer sur les amendements nos 288 et 310, qui ont pour objet d’insérer dans le projet de loi les mots « produire » ou « produire, fabriquer ».

Loin de partager le point de vue de M. Portelli, qui a suscité la colère de M. Ralite, sur le droit qu’aurait le législateur d’intervenir, ou non, dans le fonctionnement des entreprises publiques, je constate que les termes utilisés dans ces amendements, c'est-à-dire « produire » et « fabriquer », portent non pas sur l’organisation de France Télévisions mais sur les missions de l’audiovisuel public, et nous sommes donc là au cœur du travail législatif !

Tout à l'heure, David Assouline a justifié la position du groupe socialiste : nous ne votons pas la suppression de cet article dans l’espoir que vous infléchirez votre point de vue à l’occasion de l’examen de nos amendements. Plusieurs charmantes dames siégeant sur les travées de l’UMP, sourire aux lèvres, n’ont alors eu d’yeux que pour lui, paraissant se dire : « Oh, voilà un garçon raisonnable ! Voilà la bonne attitude. Enfin quelqu’un qui ne fait pas d’obstruction ! ». (Exclamations amusées sur certaines travées de lUMP.)

Non, le groupe socialiste ne fait pas d’obstruction ! En revanche, les réponses de la majorité sont toujours aussi robotisées. Au « ce n’est pas la peine » des rapporteurs fait écho le « cela reste tout à fait possible » de Mme la ministre.

Mais justement, madame la ministre, s’il « reste possible » de « produire » et de « fabriquer », si tous les salariés de l’audiovisuel public, en cette période de crise, ont le moral en berne parce qu’ils ne voient pas ces missions figurer dans la loi, ne pouvez-vous pas, vous qui donnez des millions d’euros aux banques pour relever le moral de la nation, ajouter un mot dans ce projet de loi pour améliorer celui des salariés dont vous avez la charge ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 115.

(L'amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 288 et 310 n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 306 rectifié, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'ils diffusent des journaux télévisés, les services de la société France Télévisions disposent d'une rédaction propre, dirigée par un journaliste.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. À travers cet amendement, nous voulons de nouveau aborder le fond du débat.

Même si nous restons absolument opposés à l’équilibre de ce projet de loi, nous nous efforçons, à chaque fois, d’atténuer les dispositions qui, si elles étaient adoptées, pourraient remettre en cause le service public ou gêner l’action de ses personnels. C’est cette attitude constructive, que nous n’abandonnerons pas, qui nous a conduits à rectifier notre amendement, comme le souhaitait la commission.

Certes, cette nouvelle version ne nous satisfait pas totalement, puisque nous voulions mentionner dans le projet de loi les différentes entités qui composent France Télévisions, c'est-à-dire France 2, France 3 et RFO. Toutefois, comme nous avions déjà formulé cette demande à travers de précédents amendements, nous avons accepté de ne pas la réitérer.

Nous voulons que soit acté ici le principe selon lequel les services de la société France Télévisions, lorsqu’ils diffusent des journaux télévisés, disposent d’une rédaction propre, dirigée par un journaliste.

Ce dernier point, qui apparemment pose problème à certains, nous semble une évidence. Il serait tout de même surprenant qu’une rédaction composée de journalistes soit dirigée par quelqu'un qui n’appartienne pas à cette profession !

Nous avons donc fait une concession. En effet, si la Haute Assemblée, dans sa majorité, décide que tout journal télévisé doit être adossé à une rédaction spécifique, tous ceux qui craignent que, demain, les rédactions de France 2 et de France 3 ne soient fusionnées, malgré l’existence de deux journaux télévisés distincts, et que l’on n’en profite pour raboter leurs moyens, voire pour licencier certains personnels, auront au moins une satisfaction.

Nous voulons non pas seulement nous opposer à ce texte, mais préserver tout ce qui peut l’être et nous montrer constructifs. J’espère que la commission et, surtout, le Gouvernement partageront cet esprit et que nous parviendrons à un consensus !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. Tous les membres de la commission, me semble-t-il, souscrivent aux principes que vient d’évoquer notre collègue.

En effet, il est important que les rédactions des différentes chaînes du service public restent indépendantes, bénéficient d’une autonomie de fonctionnement et soient dirigées par des journalistes ; nous pouvons d'ailleurs imaginer que tel sera le cas.

C'est pourquoi, après discussion et après avoir proposé une rectification de l’amendement initialement déposé par nos collègues, la commission a émis un avis favorable.

Je tiens d'ailleurs à saluer le travail qui a été réalisé en commission et à remercier nos collègues du groupe socialiste d’avoir accepté d’améliorer la rédaction de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. À vrai dire, je ne suis pas certaine que ces dispositions aient leur place dans la loi. Je ne crois pas nécessaire de préciser que les rédactions des différentes chaînes composant la télévision publique devront avoir à leur tête des journalistes.

M. Jean-Jacques Mirassou. Qu’est-ce qui a sa place dans la loi, alors ?

Mme Christine Albanel, ministre. Si je n’en suis pas certaine, à vrai dire, c’est parce qu’il est évident que cette disposition n’est pas de niveau législatif !

Cela étant, le Gouvernement partage naturellement les sentiments des auteurs de cet amendement. Mais alors, il ne faudrait pas écrire « rédaction » au singulier, car la société France Télévisions compte autant de rédactions que de chaînes ! Cette précision est importante, faute de quoi le texte de cet amendement sous-tendrait une fusion des rédactions existantes…

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Mme Catherine Tasca. Madame la ministre, nous touchons là à un point de désaccord fondamental, sur les perspectives, le développement et l’organisation de l’audiovisuel public, mais surtout sur la place que vous semblez accorder au travail du législateur, et qui suscite un malaise de plus en plus pesant, au moins dans nos rangs, ainsi qu’une véritable inquiétude.

M. Portelli a lancé tout à l'heure une petite bombe dans le débat. Quand on veut nous convaincre qu’une multitude de sujets ne peuvent faire l’objet d’un débat parlementaire parce qu’ils n’ont pas leur place dans la loi, je me demande vraiment à quoi sert le législateur !

Mes chers collègues, nous ne sommes pas seulement des notaires chargés de consigner la création de structures juridiques. Nous ne sommes pas là uniquement pour poser de grandes orientations très générales et qui, finalement, n’engagent personne.

Nous sommes comptables devant la nation de l’avenir que nous sommes en train de dessiner pour l’audiovisuel public et ses missions.

Lorsque nous tenons à rappeler la constitution actuelle du groupe en énonçant ses antennes, c’est non pas pour maintenir le statu quo, mais pour garder à la nation un capital qu’elle s’est acquis et travailler pour le développement de ce capital.

Lorsque nous citons comme un point important l’organisation des rédactions dans les entreprises audiovisuelles publiques, nous n’outrepassons pas la responsabilité du législateur. Au contraire, nous énonçons un principe fondamental dans le monde de la communication. Nous ne sommes pas en train de transporter du fret ou de vendre des petits pois ! Dans le monde de la communication, la responsabilité rédactionnelle est aux mains de professionnels, et nous tenons à le rappeler ici.

Mes chers collègues, il y a urgence à remettre les pendules à l’heure, s’agissant de la responsabilité du législateur dans notre pays. Nous étions déjà inquiets des procédures choisies par le Gouvernement à l’occasion de l’examen de ce texte. Or, certains des propos que vous avez tenus ce soir, madame la ministre, loin de calmer nos craintes, viennent les aggraver. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Je tiens à préciser à Mme Tasca que je ne veux nullement amoindrir le rôle du législateur.

L’amendement n° 306 rectifié est ainsi rédigé : « Lorsqu'ils diffusent des journaux télévisés, les services de la société France Télévisions disposent d'une rédaction propre, dirigée par un journaliste. »

Cette rédaction m’a incitée à faire remarquer que, dans les précédentes lois – celle de 1986 et celle de 2000 –, il n’est aucunement précisé que les sociétés de télévision doivent disposer « d’une rédaction propre, dirigée par un journaliste ».

Pourtant, ces rédactions existent, sont parfaitement indépendantes et le resteront à l’avenir.

Mme Catherine Tasca. Faisons du neuf !

Mme Christine Albanel, ministre. Je ne voulais rien dire d’autre que cela. Il n’y a pas de nécessité à inscrire cette précision dans la loi.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Grâce à nos débats, tout est désormais clair dans les esprits et aucune ambiguïté ne subsiste quant au sens de cet amendement.

J’y vois la preuve d’une volonté de rapprocher les points de vue, volonté qui s’est déjà manifestée en commission et transparaît maintenant en séance plénière. Je ne peux que m’en réjouir et souhaiter, par conséquent, l’adoption de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Mon explication de vote ne porte pas sur le fond, Mme Tasca ayant exprimé le point de vue de notre groupe, mais vise à obtenir de Mme la ministre qu’elle apaise l’inquiétude qu’a fait naître chez moi tout à l’heure sa première réponse.

« Lorsqu'ils diffusent des journaux télévisés, les services de la société France Télévisions disposent d'une rédaction propre, dirigée par un journaliste. »

Chacun de nous, ici, avait bien compris que chaque service de la société France Télévisions disposerait d'une rédaction propre, mais Mme la ministre, en fine lettrée, a fait remarquer que cette formulation pouvait laisser supposer qu’il y aurait une seule rédaction pour l’ensemble des journaux télévisés.

Nous ne sommes pas obligés de tout inscrire dans la loi, mais nous devons veiller à ce que les dispositions y figurant ne puissent être interprétées d’une façon contraire à ce que nous souhaitions.

Je rectifie donc l’amendement afin qu’il se lise de la façon suivante : « Lorsqu'ils diffusent des journaux télévisés, les services de la société France Télévisions disposent chacun d'une rédaction propre, dirigée par un journaliste. »

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 306 rectifié bis, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et qui est ainsi libellé :

Après le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'ils diffusent des journaux télévisés, les services de la société France Télévisions disposent chacun d'une rédaction propre, dirigée par un journaliste.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. M. Assouline ayant rectifié l’amendement de façon à lever toute ambiguïté, la commission y est donc favorable.

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

M. Hugues Portelli. Je rappelle que, dans la loi organique portant révision constitutionnelle adoptée au mois de juillet, il est écrit que nous devons être beaucoup plus intransigeants quant à notre façon de rédiger les textes législatifs et que nous devons éviter les lois bavardes, les lois qui contiennent des dispositions n’ayant rien à voir avec l’affirmation des principes fondamentaux devant figurer dans une loi.

Relisez, mes chers collègues, le discours préliminaire du premier projet de code civil prononcé par Portalis ! Il y rappelait que la loi n’est pas bavarde, qu’elle fixe des principes et qu’elle n’est pas là pour entrer dans les détails.

Nous sommes bien sûr favorables au fait que chaque entité de radiotélévision publique dispose de son propre service de rédaction – c’est une évidence : elle n’existerait pas sans cela ! – mais nous refusons de tout écrire noir sur blanc !

M. David Assouline. Il ne s’agirait plus d’un texte de loi !

Mme Catherine Tasca. C’est une question de confiance !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 306 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 114, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 :

« Elle assure la diversité et le pluralisme de ses programmes. Ce pluralisme s'entend dans le domaine politique et assure notamment une juste répartition du temps de parole politique sur le fondement de la représentativité parlementaire des partis et de leur représentativité dans les assemblées des collectivités territoriales (régions, départements, communes de plus de 10 000 habitants), ce conformément aux exigences de l'article 1er de la Constitution qui proclame que l'organisation de la République est décentralisée. Les modalités de cette représentativité sont précisées par décret en Conseil d'État. Le pluralisme s'entend également dans l'ensemble des programmes de culture et de divertissement en termes culturels, artistiques et sociétaux afin d'élargir l'accès à l'antenne d'artistes, auteurs, interprètes, courants esthétiques et générationnels selon des modalités émancipées de la logique de l'audimat. En matière de fictions nationales et européennes, ce pluralisme s'apprécie notamment dans le choix des thématiques, des auteurs, des interprètes, indépendamment des logiques de formatage, de marketing et du star-system.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le pluralisme dans le domaine politique devrait aller de soi. Pourtant, et bien que cette pratique soit inscrite dans la Constitution, c’est loin d’être le cas.

Le pluralisme ne s’arrête pas à la seule politique. Il concerne l’ensemble des programmes de France Télévisions, quelle que soit leur nature. Cela concerne, bien sûr, l’information, mais aussi tous les programmes de divertissement et de culture.

Il est indispensable que cela soit affirmé sans ambages dans le texte.

Nous tenons particulièrement à cet amendement.

Voilà une dizaine d’années déjà, notre collègue Jack Ralite avait déposé une proposition de loi en vue d’instaurer le pluralisme dans toutes les catégories de programmes.

Puisque l’objet affiché du projet de loi consiste, par la suppression de la publicité, à libérer le service public de la dictature de l’audimat et du mercantilisme, il est d’autant plus légitime de donner plus d’audace à la création et à l’innovation, comme à l’ensemble des divers talents moins exposés et moins représentés dans le paysage audiovisuel.

La seule véritable opportunité qu’offre ce projet de loi est celle d’une émancipation du service public d’une certaine forme de censure qui conduit au formatage, à la « peopolisation » des émissions, qu’elles soient littéraires, musicales, cinématographiques ou patrimoniales : l’on a trop souvent l’impression qu’on prend les mêmes et qu’on recommence.

Cette mise en moyenne et ce conformisme aseptisent les imaginaires et contribuent à l’uniformisation des esprits.

Plutôt qu’une politique de la demande, il faut stimuler une politique de l’offre et du désir.

Il s’agit non pas de s’ingérer dans la programmation, qui n’appartient qu’aux professionnels de la télévision, mais de donner à l’ensemble de ses différents services toute latitude pour oser renouveler les formes esthétiques et les contenus en ne s’interdisant aucun sujet, que ce soit dans le domaine de la fiction, du documentaire, ou encore dans les émissions de flux.

Le partage des idées, la réflexion appartiennent à toutes les catégories de programmes.

Certains films, par exemple, amènent le spectateur à s’interroger bien plus profondément que ne le fait le journal télévisé.

Il s’agit non pas d’opposer les différents types d’émissions entre elles, d’autant qu’elles se complètent, mais de conforter le pluralisme éditorial de l’ensemble des programmes afin de n’écarter aucune forme d’expression et d’investigation, qu’elle soit artistique, scientifique ou journalistique.

L’enjeu consiste à faire en sorte que la télévision publique demeure un grand média populaire, y compris dans ses développements numériques.

Notre patrimoine audiovisuel nous démontre en permanence que les émissions cultes sont aussi celles qui ont su surprendre le téléspectateur par leur liberté de ton et leur innovation formelle.

Il s’agit donc tout à la fois de promouvoir la diversité culturelle et le pluralisme, qui ne sont pas synonymes, même s’ils se font souvent la courte échelle, si je puis dire.

Alors que nous vivons dans un monde de plus en plus complexe, les citoyens ont grand besoin de regards et de paroles pluriels pour le décrypter.

Aussi, ne nous privons pas de la qualité de regards singuliers, qu’il s’agisse d’œuvres audiovisuelles nationales, européennes, mais aussi d’œuvres qui restent trop confidentielles parce qu’elles sont issues de continents ou de pays qui n’ont pas la force de frappe nécessaire pour se promouvoir à l’étranger !