Mme la présidente. La parole est à M. Edmond Hervé, rapporteur spécial.

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les deux comptes que j’ai l’honneur de présenter, « Prêts à des États étrangers » et « Accords monétaires internationaux », ont leur importance, quoiqu’il s’agisse de deux missions hors budget général.

Le compte spécial « Prêts à des États étrangers » prévoit 2,5 milliards d’euros en autorisations de programme et 2,147 milliards d’euros en crédits de paiement.

Au sein de ce compte spécial, le programme 851, tel qu’il apparaît dans les documents dont a eu connaissance la commission des finances, prévoit un montant de prêts de 1,8 milliard d’euros et concerne vingt-quatre pays.

Madame la secrétaire d'État, vous allez nous proposer un amendement qui porte sur 350 millions d’euros et qui vise à augmenter les autorisations d’engagement du programme afin de permettre l’instruction de nouveaux projets.

Comme il s’agit de favoriser le financement de projets dont la réalisation fait appel à des biens et à des services français, et qui soutiennent l’expansion internationale de nos entreprises, je suis persuadé que le Sénat, sur le conseil avisé de M. le président de la commission des finances, vous suivra, madame la secrétaire d'État. Simplement, nous souhaiterions que vous puissiez nous éclairer sur les activités concernées, ainsi que sur les territoires d’élection.

Le programme 852 est dédié aux allégements et aux annulations de dettes. Il concerne deux initiatives : celle pour les pays très endettés, lancée en 1996, et celle qui concerne l’annulation de la dette multilatérale, décidée en 2005.

L’impact budgétaire de ces annulations demeure limité, soit moins de 7 % de l’aide publique au développement.

Nous savons qu’en ce domaine les prévisions restent très aléatoires. J’en veux pour preuve, entre autres éléments, le report régulier des annulations au profit de la République démocratique du Congo et de la Côte d’Ivoire.

II est également difficile d’obtenir des données fiables et cohérentes pour les annulations de créance par la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur, la COFACE. J’ai le souvenir d’avoir déjà évoqué cette difficulté dans une autre institution, elle n’est donc pas nouvelle.

Dans un souci de soutien, les membres du Club de Paris seraient bien inspirés de mettre en place un « système » permettant d’adapter les conditions de remboursement en fonction des contraintes du pays débiteur.

Le second compte spécial « Accords monétaires internationaux », qui intéresse le Trésor et les banques centrales de la zone franc, n’est pas doté de crédits en 2009, pas plus qu’il ne l’était en 2008.

Il illustre une forme originale de coopération avec les trois unions monétaires et économiques : l’Union monétaire outre-Atlantique, l’Union monétaire d’Afrique centrale et l’Union monétaire des Comores.

Nous serions heureux, madame la secrétaire d'État, que vous nous donniez votre sentiment sur les perspectives économiques de ces pays.

Ne souhaitant pas reprendre les excellentes présentations qui ont été faites par mon collègue et ami Michel Charasse, je vous propose, mes chers collègues, au nom de la commission des finances, d’adopter ces deux comptes spéciaux « Prêts à des États économiques » et « Accords monétaires internationaux. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – M. Michel Charasse, rapporteur spécial, applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis.

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame, monsieur les secrétaires d'État, mes chers collègues, l’examen de la mission « Aide publique au développement » me permet de faire une analyse des crédits consacrés à la francophonie, qui sont en partie inscrits au sein du programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement ».

La francophonie occupe une place à part entière au sein de notre politique extérieure. J’en veux pour preuve la consécration récente, à l’occasion de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, de la francophonie dans notre loi fondamentale, et ce à la suite d’un amendement présenté par le président de la commission affaires culturelles, Jacques Legendre, et que j’avais cosigné.

Autre motif de satisfaction et non des moindres : la voix de notre commission semble avoir été entendue par le Gouvernement sur la question, longtemps laissée en suspens, de la rationalisation administrative de notre politique francophone.

La future direction générale des affaires politiques et multilatérales annoncée par le ministre des affaires étrangères et européennes devrait comporter une direction consacrée à l’Organisation internationale de la francophonie et aux opérateurs de la francophonie. Je me réjouis que la francophonie gagne ainsi en visibilité sur le plan administratif, comme vous vous étiez engagé à le faire, monsieur le ministre, en réponse à une question que je vous avais posée lors de votre audition devant la commission des affaires culturelles. Je tiens donc à vous féliciter pour vos efforts en ce sens.

S’agissant plus précisément des crédits de la francophonie institutionnelle, inscrits dans le programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement », ils sont en très légère hausse par rapport à l’année dernière : 68,14 millions d’euros seront attribués à l’Organisation internationale de la francophonie et à ses opérateurs.

Toutefois, je sollicite l’attention de notre Haute Assemblée sur la tendance baissière des crédits spécifiquement consacrés à la promotion du français par la Direction générale de la coopération internationale et du développement : les crédits centraux de promotion du français accusent une baisse substantielle de 31 % sur le programme 209, c’est-à-dire dans le cadre de la coopération avec les pays en développement.

Je note au passage que ces crédits sont également en baisse non moins substantielle de 35 % au titre du programme 185 de la mission « Action extérieure de l’État », dans le cadre de la coopération avec les pays développés au sens de l’OCDE.

Bien que conscient des contraintes lourdes qui pèsent à l’heure actuelle sur notre budget, je regrette cependant une tendance à la baisse qui, selon moi, fragilise notre action linguistique extérieure, d’autant plus qu’un amendement adopté en seconde délibération à l’Assemblée nationale minore davantage les crédits de la mission « Aide publique au développement ».

La politique francophone de la France n’a pas vocation à se fondre complètement dans celle de l’Organisation internationale de la francophonie, qui dérive de plus en plus vers ce que Dominique Wolton, directeur de recherche au CNRS, qualifiait d’ « ONU bis sans moyens ». La France se doit de développer sa propre politique francophone en s’appuyant, notamment, sur ses moyens bilatéraux d’influence, qu’elle contrôle mieux et pour lesquels elle obtient un meilleur retour sur investissement. Il serait enfin temps de passer d’une politique francophone de contribution à une politique francophone d’initiative !

Nos moyens bilatéraux d’influence, au sein du programme 209, sont justement censés nous permettre de mettre en œuvre une politique de soutien à des associations aux initiatives très prometteuses. Il serait absurde que ces associations, qui font la preuve de leur efficacité sur le terrain, fassent les frais des restrictions budgétaires. Il en va de même, par exemple, pour les revues Planète Jeunes et Planète Enfants, très appréciées de la jeunesse francophone, en particulier africaine et haïtienne.

Comment espérer que les Français se réapproprient la francophonie si celle-ci continue de se cantonner aux enceintes intergouvernementales ? Il nous faut impérativement trouver les moyens de rendre la francophonie plus proche du citoyen pour lui démontrer qu’il a lui-même sa part de responsabilité dans la promotion du français. À cet égard, monsieur le ministre, votre projet de portail francophone va dans le bon sens ; il devrait pouvoir trouver toute sa place.

Les collectivités territoriales, au travers de la coopération décentralisée, sont notamment appelées à être mieux associées à la mise en œuvre de notre politique francophone.

À ce titre, je tiens à rappeler que nos territoires ultramarins entretiennent des liens très étroits, sur les plans tant culturel, politique qu’économique, avec les pays qui les entourent, qui, bien souvent, s’inscrivent dans une zone de solidarité prioritaire. Pourquoi ne pas profiter de cette opportunité et faire de l’outre-mer français une fenêtre de notre politique francophone ?

Votre ministère compte-t-il s’appuyer plus fortement sur le levier exceptionnel de la coopération décentralisée pour mettre en œuvre sa politique francophone, notamment au niveau de nos collectivités territoriales ultramarines ?

Sur le plan économique, je suis persuadé que la francophonie a des valeurs propres à faire valoir, en particulier à l’heure où le système financier international d’inspiration anglo-américaine est profondément remis en cause : je vous encourage très vivement, monsieur le ministre, à saisir l’opportunité qui se présente à notre politique francophone de faire valoir les principes d’une économie mondialisée qui fait du développement solidaire et durable sa priorité et qui promeut le respect de la diversité linguistique et culturelle au sein des échanges commerciaux dans la droite ligne de la convention de l’UNESCO de 2005.

Enfin, bien que cela concerne la mission « Médias », je souhaite rappeler que, dans le cadre de la réforme en cours de l’audiovisuel public, l’audiovisuel extérieur de la France, levier de notre politique francophone, continue de faire l’objet de multiples interrogations : en particulier, l’articulation entre le pilotage stratégique exercé par la société holding « Audiovisuel extérieur de la France » et la tutelle administrative et financière exercée par Matignon au travers de la direction du développement des médias mériterait, sans aucun doute, d’être clarifiée.

Je conclurai mon intervention en indiquant qu’en dépit des réserves émises, notamment en ce qui concerne l’insuffisance des crédits centraux consacrés à la promotion du français, la commission des affaires culturelles a proposé d’émettre un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement ». (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Vantomme, rapporteur pour avis.

M. André Vantomme, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon collègue M. Robert del Picchia traitera dans un instant, en remplacement de M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, des crédits de la mission « Aide publique au développement ». Je voudrais, pour ma part, évoquer plus largement l’effort français en faveur du développement, dont les crédits de la mission représentent environ un tiers.

C’est cet effort global qui doit parvenir, en application de nos engagements internationaux, à 0,7 % de notre richesse nationale en 2015, une échéance qui nous fixe une feuille de route mais qui n’est pas sans susciter certaines interrogations.

Quelle part de la richesse nationale représentera notre effort d’aide au développement en 2009 ? Nous n’en avons pas une idée très précise.

Les documents budgétaires indiquent 0,47 % du revenu national ; vous avez préféré vous engager sur 0,41 % devant notre commission, monsieur le ministre, reconnaissant bien volontiers l’incertitude qui s’attache aux opérations d’annulation de dette prévues en 2009, après l’avoir été, rappelons-le, en 2007 puis en 2008.

Retracer toutes les composantes de notre aide est un effort certes nécessaire, pour les besoins de la comptabilisation internationale, mais bien complexe. Or cette complexité conduit parfois à mettre en doute la réalité de nos efforts.

Ainsi en est-il des procédures d’annulation de dettes, reportées d’année en année pour certains pays et qui représentent des montants importants.

Il en est de même des modalités de comptabilisation de l’aide publique au développement qui doivent être conformes aux directives - lesquelles, hélas ! ne sont pas toujours très précises - du Comité d’aide au développement de l’OCDE.

Tant l’OCDE que les ONG nous reprochent une comptabilisation extensive des frais d’accueil des étudiants étrangers dans nos universités, des dépenses liées à l’accueil des réfugiés sur le territoire français, des dépenses de recherche sur le développement.

Toutes ces dépenses ne peuvent qu’être constatées in fine, une fois l’année écoulée Elles ne résultent pas d’un véritable choix et contribuent à donner un aspect artificiel à une aide publique au développement qui reste pourtant importante.

Notre pays, troisième bailleur mondial, consent un effort important en faveur des pays du Sud mais, à bien des égards, il s’agit d’un effort composite et dispersé sur lequel il ne semble pas toujours avoir de prise.

Tout l’enjeu de la réforme annoncée est en effet de permettre à notre pays de reprendre l’initiative et de définir une stratégie claire au service d’une efficacité accrue et d’un rayonnement à la hauteur de nos ambitions.

Repenser ce dispositif était une nécessité mais, en ces temps de crise mondiale, cette réforme doit aussi contribuer à garantir que l’effort nécessaire et légitime que notre pays entend apporter aux pays les plus pauvres continue d’être orienté vers les plus déshérités.

À niveau d’effort égal, notre pays doit prendre garde à ce que, par la modification de ses outils d’intervention, on n’abandonne pas, de fait, certains pays très défavorisés, au profit des pays émergents. Accorder une aide sous forme de subvention, ce n’est pas la même chose qu’accorder un prêt à des conditions proches de celles du marché.

Conflits, crise alimentaire ou crise financière : chaque année voit le bouleversement de l’ordre de nos priorités, ce qui nous fait plaider pour un système souple qui parte de la réalité concrète de chacun des pays dont nous entendons soutenir le développement et s’appuie sur une réflexion stratégique solidement charpentée.

La transformation de la DGCID en une direction générale de la mondialisation, direction « d’état-major » chargée de la stratégie et de la tutelle des opérateurs, vise à renforcer la cohérence globale de notre outil.

Cette direction générale constitue en quelque sorte l’aboutissement de la réforme de 1998 en achevant le transfert aux opérateurs de toutes les interventions opérationnelles du ministère.

Ce transfert était déjà bien entamé, ce qui avait conduit à priver de crédits les services en centrale et sur le terrain. Sur le terrain, les services de coopération et d’action culturelle, les SCAC, devraient être fusionnés avec l’opérateur culturel tandis que le directeur local de l’Agence française de développement, l’AFD, sera le conseiller de l’ambassadeur pour les questions de développement.

Cette réforme nous paraît logique et souhaitable mais elle ne sera viable qu’à deux conditions : que la nouvelle direction générale change véritablement de nature et ne constitue pas une DGCID « amaigrie » et qu’un volume raisonnable de crédits bilatéraux à mettre en œuvre soit disponible.

Sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, au nom de laquelle mon collègue Robert del Picchia, qui remplace M. Christian Cambon, et moi-même intervenons, vous recommandera l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement ».

Cependant, en tant que corapporteur, je me dois d’exprimer quelques observations.

Tout d’abord, l’aide publique de la France est tenue par des engagements. En 2010, nous devrions y consacrer 0,51 % du PIB, afin de respecter l’engagement européen d’augmentation régulière de cette aide pour qu’elle puisse atteindre 0,7 % du PIB en 2015.

Dans le document de politique transversale sur la politique française en faveur du développement, il est indiqué que l’aide publique au développement atteindra 0,41 % du PIB en 2010, soit 0,10 % de moins que l’engagement européen.

Ensuite, l’aide publique de la France, pourtant importante, est contestée en raison de l’emploi, pour les allégements de dettes, de méthodes extra-comptables peu orthodoxes, qui conduisent à majorer les chiffres de plus de 2 milliards d’euros.

De même, l’Union européenne nous reproche des comptabilisations excessives, notamment pour les frais d’écolage et les frais liés à l’accueil des étrangers sur le territoire français.

Enfin, monsieur le ministre, votre souci de sacrifier une bonne partie des subventions et de développer, par l’intermédiaire de l’Agence française de développement, une politique de prêts, conduira nécessairement à une réorientation de notre aide au bénéfice des pays émergents et au détriment des pays les plus pauvres de l’Afrique subsaharienne.

C’est pour ces raisons, trop brièvement exposées, que je m’en remettrai, pour ma part, à la sagesse de notre assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia.

M. Robert del Picchia, en remplacement de M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, M. André Vantomme vous a présenté les observations de la commission des affaires étrangères sur l’effort de la France en faveur du développement. J’évoquerai, pour ma part, au nom de M. Cambon, les crédits de la mission « Aide publique au développement ».

Notre commission relève que, dans un contexte budgétaire difficile, les crédits budgétaires globaux alloués à l’aide publique au développement sont globalement préservés et connaissent une légère progression.

Cette enveloppe budgétaire stable est cependant marquée par la très forte progression des contributions multilatérales.

Le programme 110 est structurellement un programme de crédits multilatéraux qui supporte la contribution de la France aux guichets de développement des institutions de Bretton Woods ainsi qu’à toute une série de banques régionales et de fonds multilatéraux. Il témoigne de la multiplication des structures régionales ou sectorielles qui interviennent aujourd’hui dans le domaine du développement.

Le programme 209 supporte l’aide héritée de l’ancien ministère de la coopération, notamment l’aide-projet bilatéral, mais aussi toute la coopération culturelle dans les pays en développement. Ce programme, traditionnellement plus bilatéral, a fait l’objet d’une évolution sous l’effet de la croissance de 7 % des contributions multilatérales financées sur ses crédits, au sein d’une enveloppe globale stable, et même en légère diminution de 0,34 %.

Ces contributions représentent désormais 62 % des crédits du programme, et même plus de 67 % si l’on excepte les dépenses de personnel.

Le programme est surtout marqué par le dynamisme de la contribution de la France au FED, le Fonds européen de développement : avec 802 millions d’euros et une progression de 11 %, elle représente à elle seule 40 % des crédits du programme.

Si les engagements pour le IXe FED sont clos depuis le 1er janvier 2008, plus de 2 milliards d’euros de contributions restent à appeler pour la France.

La commission des affaires étrangères soutient naturellement un engagement européen au service du développement, mais les performances du FED ne nous paraissent pas justifier une telle sur-contribution de la part de notre pays. Pour cette raison, elle estime que l’intégration du FED dans le budget communautaire est une nécessité.

La contribution de la France au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme s’élève, quant à elle, à 300 millions d’euros pour 2009, soit une augmentation de 7 % par rapport à 2008. Aujourd’hui, ce fonds connaît une réussite presque paradoxale. Il a su mobiliser des ressources à un point tel qu’il se trouve dans une situation financière plutôt confortable ! En effet, à ce jour, il a reçu au total 11,8 milliards de dollars. Malheureusement, 5 milliards n’ont pu encore été décaissés, faute de projets en nombre suffisant. Face aux besoins, qui sont immenses pour lutter contre ces pandémies, la commission estime qu’une plus grande efficacité devrait être recherchée et elle s’emploiera, au cours de l’année 2009, à chercher les moyens d’y parvenir.

Ces contributions multilatérales ont clairement un effet d’éviction sur l’aide bilatérale, qu’elle soit culturelle ou qu’il s’agisse de l’aide-projet sur subventions.

L’aide bilatérale du programme 209 passe de 670 millions d’euros en 2008 à 592 millions d’euros en 2009, soit une baisse de 12 %, alors que son périmètre s’est élargi à Canal France international – la banque d’images à destination des PVD – et au GIP Esther – qui regroupe les mesures d’accompagnement des mesures pharmaceutiques –, et doit faire une plus large place à Cultures France, aux ONG et à la politique du genre, notamment les actions de promotion à destination des femmes.

Ainsi, les projets de gouvernance et de lutte contre la pauvreté baissent de 13 %.

La contraction des subventions risque de toucher en particulier les pays les plus pauvres, qui ne sont pas éligibles à l’intervention sur prêts. Elle risque également d’entraîner mécaniquement un glissement de notre aide vers les pays à revenu intermédiaire ou émergents. Enfin, elle prive la France de la capacité de mobiliser des financements internationaux, notamment européens via des cofinancements.

Notre poids dans les enceintes multilatérales est lié à la crédibilité de notre propre effort bilatéral et à notre pratique du terrain, en particulier en Afrique.

C’est pourquoi nous souhaitons que, pour une plus grande efficacité, qui requiert une palette d’instruments aussi large que possible, notre pays puisse retrouver dans les années à venir des marges de manœuvre au profit de son outil bilatéral.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement ». (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Christian Gaudin applaudit également.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente-cinq minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Madame la présidente, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, l’aide publique au développement est un élément clé de notre action diplomatique. Elle est connue du grand public depuis les années soixante, avec la création du ministère de la coopération.

À l’époque, il s’agissait de faire preuve, comme la France a toujours su le faire, de générosité envers les populations les plus démunies de la planète et, pour certains, de faire oublier les affres du colonialisme.

Comme mon excellent collègue Michel Charasse l’a rappelé, le Président de la République a manifesté, encore très récemment d’ailleurs, une volonté très affirmée dans ce domaine. Cependant, on constate un décalage entre les objectifs déclarés et les résultats obtenus.

Certains problèmes sont récurrents. Je pense aux annulations des dettes, qui brouillent parfois la véracité budgétaire. Je pense également aux crédits qui ne sont pas engagés ou aux retards très importants dans la mise en œuvre des programmes.

Il faut aussi évoquer les ONG : elles font un travail remarquable, mais, lorsqu’on sait qu’elles sont au nombre de 4 500 pour la seule région parisienne, il y a certainement de la « perte en ligne »…

Et que dire du langage diplomatique décalé, parfois prétentieux ou ésotérique, notamment lorsqu’on s’adresse aux populations des pays les plus pauvres ? J’ai relevé les meilleures expressions : le « Millénaire du développement », le « manque de sélectivité », la « conditionnalité de performance », les « indicateurs d’impact », le « développementalisme », « l’efficience exogène » et, bien sûr, « l’efficience endogène »,…

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. François Fortassin. …sans parler de l’aide « Cap 8 » citée par M. Charasse et sur laquelle les sénateurs de base que nous sommes attendent des explications.

Tout le monde s’accorde à le dire, notre politique d’aide au développement est née de la difficile combinaison de la pluralité des visions des différents ministères et de celle du ministère de la coopération, fondée sur l’influence économique et culturelle de la France, en d’autres termes sur son rayonnement.

Mais on peut regretter que des lignes directrices n’aient pas été clairement affirmées à l’époque, et qu’elles ne le soient pas davantage aujourd'hui. Il serait utile, par exemple, d’affirmer que l’essentiel de l’aide doit servir sur le terrain : sur 10 euros, 8 ou 9 euros doivent aller aux populations qui en ont vraiment besoin.

Quant à l’aide multilatérale, utile pour lutter contre le sida par exemple, elle est parfois d’une grande opacité, elle est mal contrôlée et dispendieuse. Cela témoigne, me semble-t-il, d’un manque de dignité à l’égard des populations qui sont dans la misère.

L’aide bilatérale est nettement préférable, car elle est beaucoup plus visible, plus facile à contrôler et elle assure mieux le rayonnement de la France qu’une intégration dans des organismes internationaux échappant, en définitive, à notre contrôle.

Nous devons mener un effort important pour renforcer la démocratie dans un certain nombre de pays car, comme nous avons pu le vérifier dans de nombreux pays, quand la démocratie se renforce, le développement suit.

Nous devrions aussi recenser avec précision, cela n’a pas été fait, les actions souvent remarquables que mènent les collectivités locales en matière de coopération décentralisée, afin d’éviter des doublons. Il faut mettre en exergue certaines actions particulièrement emblématiques. Permettez-moi d’en citer une que certains d’entre vous ne connaissent peut-être pas.

Je veux parler de l’action de sauvegarde du patrimoine qui a été menée au Laos grâce à l’action conjuguée de nos collègues Jean Faure et Yves Dauge, que je salue. À mes yeux, c’est la plus exemplaire de toutes celles que l’on peut connaître dans notre pays en matière de coopération décentralisée. Ce qui est regrettable, c’est que cela ne se sait guère. Même si la modestie de nos deux collègues doit en souffrir, il faut mettre ce type d’actions en avant, car elles ont valeur d’exemple.

Dans le même temps, il y a des maladresses à éviter. J’en citerai deux fondées sur des exemples que j’ai vécus.

Il n’existe pas de marché du matériel médical d’occasion en France, si bien que, lorsqu’un médecin change son appareil de radiographie, il l’envoie à la casse même si celui-ci est toujours en état de fonctionner. C’est vrai qu’il serait plus utile de le faire parvenir à un dispensaire du centre de l’Afrique ou au cœur de l’Amérique andine, mais encore faut-il que celui-ci soit relié à l’électricité, sinon cela ne sert à rien. Or, quelquefois, on envoie du matériel sans avoir fait d’expertise préalable.