M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. On ne peut pas tout mettre dans la Constitution. Il est clair que les développements envisagés par le président Accoyer s’appuient sur cette nouvelle rédaction. Par conséquent, c’est un élément important pour la suite.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela viendra… plus tard !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. En conséquence, le Gouvernement est défavorable à ces quatre amendements.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement no 132.

M. Bernard Frimat. Voici venu un court moment de vérité !

M. Bernard Frimat. Court, car il ne faut jamais abuser des bonnes choses ; et puis, ce sera tellement saisissant pour certains d’entre nous d’être brutalement confronté à la vérité…

Sur ce point encore, la révision qui nous est présentée montre ses limites. On constitutionnalise les commissions d’enquête, très bien ; mais garantir aux parlementaires, dans la Constitution, le droit d’en obtenir la création, ah non ! surtout pas !

Ainsi est rendue sa juste valeur au discours qui nous est tenu : au-delà du discours, il y a ce que l’on inscrit dans la Constitution et ce que l’on n’y inscrit pas.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. La Constitution n’est pas un règlement intérieur !

M. Bernard Frimat. Vous y avez fait figurer tellement de choses que l’argument, à cette heure avancée de la soirée, est suffisamment dévalué pour que vous évitiez de l’utiliser !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est à géométrie variable !

M. Bernard Frimat. Nous sommes, là encore, en désaccord. Vous tenez un discours, mais vous avez une pratique et une réalité qui le démentent.

Alors, vous pouvez vous gargariser de vos avancées démocratiques : nous vous les laissons, puisqu’elles n’en sont pas. Et si nous avons pris la position qui est la nôtre, si nous avons continué ce débat dont nous connaissons l’issue amendement par amendement,…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Vous l’aviez adoptée avant même le débat !

M. Bernard Frimat. …c’est simplement afin de pouvoir effectuer une ultime démonstration de ce décalage entre un discours enjôleur et une pratique qui n’est pas démocratique.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Pourquoi faut-il constitutionnaliser cette disposition ? Pour les raisons que vous avez avancées tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État.

Le projet de donner des rôles un peu spécifiques à des membres de l’opposition a été retoqué par le Conseil constitutionnel parce que cela créait une inégalité, avez-vous dit.

Par conséquent, si vous n’inscrivez pas dans la Constitution qu’il y a des droits spécifiques pour l’opposition…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. C’est inscrit dans la Constitution !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est écrit à l’article 51-1 !

M. Pierre-Yves Collombat. …on se retrouvera avec les mêmes difficultés.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Rideau !

M. Pierre-Yves Collombat. Vous mettez dans la Constitution ce qui vous arrange quand cela vous arrange et, quand c’est l’inverse, vous ne le faites pas.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 132.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote sur l'amendement n° 133.

M. Michel Mercier. Monsieur le président, je vous remercie de me donner la parole en cet instant, et c’est d’ailleurs la seule fois que je m’exprimerai ce soir.

M. Pierre-Yves Collombat. C’est dommage ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit.)

M. Michel Mercier. Je voudrais expliquer pourquoi je suis tout à fait opposé à l’amendement n° 133 de nos collègues socialistes et je préfère l’amendement n° 77 présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

L’amendement n° 133 tend à conférer le droit à soixante députés ou à soixante sénateurs de créer une commission d’enquête.

Cet amendement va dans le sens du bipartisme absolu, au détriment – c’est son premier objectif – des groupes minoritaires, qu’ils votent ou non avec la majorité. À cet égard, monsieur Collombat, je vous remercie de votre condescendance un peu méprisante : nous votons comme nous l’entendons et vous, vous votez comme vous le souhaitez.

M. Pierre-Yves Collombat. Qu’est-ce que cela avait de condescendant ?

M. Michel Mercier. Ça a été vécu ainsi !

M. Pierre-Yves Collombat. Il s’agissait d’un constat !

M. Michel Mercier. Monsieur Collombat, je qualifie votre attitude comme je l’entends !

M. Pierre-Yves Collombat. Cela n’avait rien de condescendant !

M. Michel Mercier. Alors, exprimez-vous autrement et ce sera bien !

M. Pierre-Yves Collombat. Vous appartenez à la majorité, c’est tout !

M. Michel Mercier. Vous pouvez avoir un avis sur les positions que nous prenons. Mais ce n’est pas à vous de décider ce que nous devons faire.

Mme Isabelle Debré. Tout à fait !

M. Michel Mercier. Monsieur Collombat, occupez-vous de votre majorité et ce sera parfait !

M. Pierre-Yves Collombat. J’aimerais bien…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je vous rassure : vous n’êtes pas prêt de la récupérer !

M. Michel Mercier. Moi aussi, j’ai lu le journal ce soir – me l’étant fait prêter. Je suis donc amené à demander au Gouvernement de nous dire très clairement ce qu’il entend par « pluralisme ». Il fallait bien y arriver !

J’ai déposé un amendement qui a été voté à l’article 1er

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !

M. Michel Mercier. …et qui dispose que la loi garantit les expressions pluralistes des opinions.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Oui !

M. Michel Mercier. J’ai pensé et je continue de penser que cet amendement veut dire quelque chose, qu’il n’impose pas au Gouvernement un système électoral, mais que dans l’expression des opinions, il y a forcément le vote, qu’il faut organiser de telle façon que le pluralisme de l’opinion puisse être bien pris en compte.

Je voudrais savoir, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, si vous faites la même analyse que moi. Que dit M. le Président de la République dans le journal ce soir ? Il dit : « Je n’ai pas ″accordé aux centristes″ : cela s’est fait dans un dialogue républicain. Qui peut nier que le pluralisme existe ? La réalité est que la proportionnelle occupe déjà une grande place dans nos modes de scrutin. »

M. le Président de la République associe pluralisme et scrutin proportionnel, c’est ce qui est écrit en toutes lettres dans Le Monde. (M. le rapporteur s’exclame.) Monsieur le président Hyest, c’est plus que ce que je demande peut-être, mais c’est ce qui est écrit. Un lien est établi entre pluralisme et proportionnelle.

J’attends très clairement de savoir si le Gouvernement pense, en effet, que sans imposer la proportionnelle intégrale, qui n’est en aucun cas ce que nous demandons, et sans traiter les questions de scrutin dans la Constitution – nous sommes tout à fait d’accord sur ce point – cet amendement ouvre des portes et n’en ferme pas sur des modes de scrutin où le pluralisme des opinions pourra s’exprimer librement et être pris en compte, comme c’est le cas dans le mode de scrutin proportionnel.

Comme l’amendement de M. Frimat vise à permettre à seulement soixante députés ou soixante sénateurs de créer une commission d’enquête, je ne peux pas y être favorable.

M. le président. Monsieur Frimat, l'amendement n° 133 est-il maintenu ?

M. Bernard Frimat. Je remercie Michel Mercier de son intervention fort intéressante et je dirai que le « traité de droit constitutionnel » Fressoz-Roger devient maintenant un élément essentiel de nos débats.

M. Michel Mercier. On fait comme on peut !

M. Bernard Frimat. Je considère effectivement la très grande pertinence de sa remarque.

Mon cher collègue, nous avons rédigé cet amendement pour poser le problème et consacrer un droit. Nous avons pris le chiffre de soixante députés ou sénateurs simplement par similitude avec le Conseil constitutionnel. Mais si le Gouvernement me donne l’assurance que l’amendement n° 77 de Mme Borvo Cohen-Seat et des membres du groupe CRC qui évoque le chiffre de trente parlementaires ou un groupe parlementaire reçoit un accueil favorable, nous retirerons volontiers le nôtre.

Je vous rappelle, mon cher collègue, que nous avons soutenu ensemble un amendement sur la saisine du Conseil constitutionnel par un groupe.

Compte tenu de la qualité de l’intervention de Michel Mercier et parce que l’endroit d’où il l’a faite dans l’hémicycle a son importance, en signe de bonne volonté, je retire par avance mon amendement, ce qui est un signe avant-coureur de l’acceptation que Mme le garde des sceaux ne pourra que prononcer par fidélité à la pensée présidentielle à laquelle, nous le savons, elle est très attachée.

M. le président. Il n’est pas interdit d’espérer !

L'amendement n° 133 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Même si ce n’est pas le lieu pour faire l’exégèse des paroles ou des écrits du Président de la République, je voudrais apporter une précision à M. Mercier.

S’agissant du pluralisme des opinions, monsieur Mercier, vous me demandez si c’est un signe de fermeture ou d’ouverture. Le fait d’inscrire le pluralisme des opinions dans la Constitution est un signe d’ouverture, ou c’est à n’y plus rien comprendre.

Les propos du chef de l’État, comme l’inscription dans la Constitution, ne ferment bien sûr aucune porte, c’est un signe d’ouverture. Nous l’avons dit tout au long des débats depuis plus d’un mois : il n’est pas question d’aborder les modes de scrutin dans la Constitution. Mais je vous le redis, monsieur Mercier : les propos du chef de l’État et le fait que nous ayons accepté, sur votre initiative, d’inscrire l’expression pluraliste dans la Constitution sont le signe que l’ensemble du Gouvernement, la majorité et le chef de l’État ne veulent pas fermer les portes. C’est donc un signe d’ouverture.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Heureusement que de temps en temps, il y a une expression pluraliste, sinon on ne serait pas en démocratie !

M. le président. Je mets aux voix l'article 24.

(L'article 24 est adopté.)

Article 24
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Article 24 ter (supprimé)

Article 24 bis (supprimé)

M. le président. L’article 24 bis a été supprimé par l’Assemblée nationale.

L'amendement n° 78, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Dans l'article 54 de la Constitution, après les mots : « soixante sénateurs » sont insérés les mots : « ou par un groupe parlementaire ».

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Avec cet amendement qui avait été adopté en première lecture et que nous reprenons maintenant, on mesure ce qu’il en est des promesses et même des votes de notre assemblée.

C’est avec une certaine amertume que nous pouvons constater le rejet par l’Assemblée nationale d’un amendement adopté à la quasi-unanimité par le Sénat en première lecture.

Mis à part Mme le garde des sceaux et, si mes souvenirs sont bons, M. Fourcade, M. Hyest, au nom de la commission des lois, et tous les groupes de notre assemblée, nous avions approuvé, chacun avec des raisons différentes mais complémentaires et convergentes, le fait qu’un groupe parlementaire puisse saisir le Conseil constitutionnel de la conformité d’un accord international à la Constitution de notre pays.

M. Hyest, au nom de la commission des lois, avait notamment précisé qu’au moment où l’exception d’inconstitutionnalité prévue par ce projet de loi allait permettre à tout citoyen de s’opposer à une loi, il serait étonnant de continuer à refuser la saisine par un groupe parlementaire.

M. Mercier avait, quant à lui, souligné l’intérêt de cette nouvelle prérogative pour les groupes parlementaires. M. Portelli avait approuvé cet amendement qu’il jugeait excellent, tout comme notre collègue Bernard Frimat.

Or le Gouvernement et la commission des lois de l’Assemblée nationale ont refusé cette proposition par opportunité politique, car leur argumentation ne peut résister à la contradiction, madame le garde des sceaux.

Premier argument avancé : il y aurait une inégalité entre parlementaires, étant donné la différence d’effectif des groupes selon les périodes. Cet argument néglige le fait que les autres modes de saisine, par soixante parlementaires de chaque assemblée, par exemple, permettent le respect du droit individuel de saisine de chacun. Cet argument n’apparaît donc pas très sérieux, voire pas très intelligible.

Ensuite, les mêmes indiquent que le droit de saisine est individuel. Mais de qui se moque-t-on ? Les recours émanent systématiquement des groupes politiques car ce sont eux qui constituent le Parlement. Imaginez un Parlement qui serait la simple addition d’individualités politiques ! Le droit de saisine du Président de la République est-il un droit individuel ou un droit résultant de la fonction ? La seconde hypothèse est la réponse évidente.

Nous demandons donc solennellement au Sénat de rétablir son vote de première lecture sur un projet important pour l’avenir du fonctionnement démocratique de nos assemblées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à l’heure, M. Bret et ses collègues ont présenté un amendement visant à donner le dernier mot à l’Assemblée nationale, même en matière constitutionnelle.

J’ai regretté que l’Assemblée nationale n’ait pas accepté que l’on puisse ouvrir le recours au Conseil constitutionnel aux groupes.

Pour l’Assemblée nationale, le droit de saisine est non pas un droit collectif attaché à un groupe, mais un droit individuel que les parlementaires peuvent exercer sans considération de leur appartenance à un groupe. C’est un point de désaccord.

Quand il y a un débat, il faut bien à un moment ou à un autre retenir l’essentiel et céder sur ce qui ne paraît pas fondamental, et c’est le cas. J’en suis désolé. En effet, à partir du moment où était instaurée l’exception d’inconstitutionnalité, il paraissait naturel que le Conseil constitutionnel puisse être saisi par un nombre inférieur à soixante députés ou sénateurs.

Nous n’avons pas pu aboutir à un accord sur ce point avec l’Assemblée nationale. Pour autant, nous n’allons pas remettre en cause l’ensemble du dispositif. Aussi, la commission est obligée d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Par cet amendement, vous souhaitez revenir à la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture.

Comme M. le rapporteur vient de dire, l'Assemblée nationale a considéré que la saisine du Conseil constitutionnel devait rester un droit individuel. Le droit de saisir le Conseil constitutionnel d’un engagement international est déjà reconnu par la Constitution, qui a fixé le nombre de parlementaires à soixante députés ou soixante sénateurs.

Compte tenu de ces éléments et de l’accord intervenu entre la majorité de l'Assemblée nationale et celle du Sénat, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. Jean-Pierre Sueur. Quel accord ? Quand ? Comment ?

MM. Robert Bret et Jean-Pierre Sueur. Il n’y a pas eu de commission mixte paritaire !

Mme Isabelle Debré. La deuxième lecture, voulais-je dire.

M. Robert Bret. De qui se moque-t-on ? Du Parlement !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Franchement, les arguments avancés ne sont pas du tout convaincants : le droit de saisir le Conseil constitutionnel serait un droit individuel.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Or ce n’est pas du tout le cas puisqu’il faut soixante parlementaires ! (M. le rapporteur s’exclame.) Si vous voulez dire que des parlementaires peuvent individuellement se regrouper, demeure alors la possibilité de constituer un groupe de soixante.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est cela !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument ! Il s’agit non pas d’un droit individuel, mais d’un droit à se mettre individuellement dans un groupe de soixante,…

M. Robert Bret. Alors l’article 1er n’a aucune valeur !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. …ce qui est tout à fait différent ! Si la Constitution garantissait un droit individuel des parlementaires, nous ne demanderions pas la reconnaissance d’un droit pour les groupes. Ce serait tout à fait différent, puisque chaque parlementaire pourrait saisir le Conseil constitutionnel. D’ailleurs, les citoyens vont pouvoir le faire !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Par voie d’exception !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En effet. Eh bien, chaque parlementaire pourrait aussi le saisir par voie d’exception ! (Rires sur le banc des commissions.  M. le vice-président de la commission des lois lève les bras au ciel.)

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Mais non ! C’est au cours d’un procès bien sûr !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur Gélard, vous, le constitutionnaliste, vous pouvez lever les bras au ciel, mais les arguments qui nous sont avancés ne tiennent pas ! Ce sont des aberrations ! Il s’agit non pas d’un droit individuel des parlementaires, mais d’un droit des parlementaires de se regrouper à soixante ! Donc, c’est un droit de soixante parlementaires ! Nous voulons qu’on octroie ce droit aux groupes pour affirmer la réalité du pluralisme du Parlement.

Monsieur Mercier, j’en suis désolée, mais l’inscription, sur votre initiative, à l’article 1er du projet de loi constitutionnelle du principe selon lequel la loi garantit les expressions pluralistes des opinions n’a aucune réalité, compte tenu du refus de l'Assemblée nationale de reconnaître l’existence autonome des groupes. D’ailleurs, pourquoi inscrire ce droit d’expression pluraliste au Parlement dans la Constitution, sauf à considérer qu’il y a un parti unique ? Il me semblait évident que ce droit était respecté dans une démocratie !

M. Pierre-Yves Collombat. C’est pour cette raison que c’est inscrit !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’article 1er introduit une lapalissade dans la Constitution, mais nous n’en tirons pas les conséquences sur le fonctionnement du Parlement, ni sur le pluralisme au sein des deux chambres.

Pour ma part, je constate que l'Assemblée nationale a refusé de reconnaître l’existence autonome des groupes.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, non !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle ne leur a pas reconnu non plus de droits spécifiques.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je vais tenir compte des arguments qui nous sont opposés.

Imaginez que, dans un groupe parlementaire, certains membres ne veuillent pas déposer un recours devant le Conseil constitutionnel. Il pourrait y avoir des problèmes car il n’y a pas de mandat impératif. Un groupe ne saurait se résumer au seul président ! C’est l’unanimité du groupe qui prévaut !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et quand on vote pour les autres ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il nous avait semblé simple de reconnaître des droits spécifiques aux groupes d’opposition ainsi qu’aux groupes minoritaires dans l’article 24 du projet de loi pour l’article 51-1 de la Constitution, mais il n’en demeure pas moins que la question posée par l'Assemblée nationale n’est pas anodine.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous allons prévoir l’unanimité des membres du groupe, si ça vous fait plaisir !

M. Robert Bret. Nous allons modifier notre amendement, si vous le souhaitez !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Que ferions-nous si un certain nombre de membres du groupe ne signaient pas le recours ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le groupe ne pourrait pas le déposer, parce qu’il s’agit d’un droit individuel. Le recours devrait être signé par tous les membres du groupe.

Mme Isabelle Debré. Bien sûr !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous modifions notre amendement !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La démocratie fonctionne peut-être de cette manière dans certains groupes, mais cela peut poser problème dans d’autres…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Où ça ? À quel endroit ? Quelle est la liberté de vote dans votre groupe ?

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. La question est, il est vrai, tout à fait intéressante.

M. Robert Bret. Elle est révélatrice !

M. Robert Badinter. En termes de droit constitutionnel, nous ouvrons très largement la saisine du Conseil constitutionnel aux justiciables, qui peuvent ne pas être des citoyens,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !

M. Robert Badinter. …dans le cadre de l’exception d’inconstitutionnalité.

Dès lors, il nous est apparu logique de nous interroger en commission des lois, puis en séance publique, sur le fait de savoir s’il ne fallait pas offrir également cette possibilité à un groupe parlementaire. L’inégalité qui existe en matière de droits des groupes parlementaires est profondément choquante dans la mesure où tous les groupes parlementaires ne comptent pas un minimum de soixante membres !

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué la question de l’unanimité. J’y répondrai très simplement : si nous songions à demander l’unanimité du groupe parlementaire pour saisir le Conseil constitutionnel, l’argument avancé par l'Assemblée nationale tomberait de facto. Mais, très franchement, même si j’admire l’énergie que vous avez déployée au cours de nos longs débats, c’est une bien mauvaise méthode parlementaire que de nous dire qu’il y a eu un accord. Entre qui et qui ? Il n’y a pas eu de commission mixte paritaire ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je n’ai jamais dit cela !

M. Robert Badinter. Si vous avez passé un accord avec le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, celui-ci ne nous est en rien opposable ! Les vraies questions doivent être discutées jusqu’au terme du débat !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !

M. Robert Badinter. Et s’il doit y avoir navette, il y aura navette ! Car telle est la réalité de la procédure parlementaire !

Mais ne venez pas nous dire que tel est le texte de la révision constitutionnelle et que l'Assemblée nationale n’en changera pas un mot, pas plus que le Sénat !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’est pas du tout cela !

M. Robert Badinter. Alors même que l’on nous parle de restaurer, voire d’accroître les droits du Parlement, qu’en est-il, si l’on nous dit, par avance, que l’accord passé par les présidents des commissions des lois des deux assemblées – parfaitement compétents d’ailleurs, mais appartenant tous deux à la même majorité – vaut droit constitutionnel ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je n’ai jamais parlé d’ « accord » !

M. Robert Badinter. Franchement, c’est ce que j’entends depuis le début ! Certes, un accord a peut-être été passé entre deux personnes, voire deux groupes parlementaires, mais il ne s’agit pas d’un accord entre les deux assemblées !

Tout à l'heure, on a évoqué la nécessité de sauvegarder l’expression pluraliste, mais la nécessité de reconnaître des droits égaux à tous les groupes parlementaires en matière de saisine du Conseil constitutionnel me paraît constituer à cet égard un impératif catégorique.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Ils ne l’ont jamais dit avant !

M. Robert Badinter. Vraiment, je demande à mes collègues de la Haute Assemblée, qui, dans un premier temps, avaient estimé que cette saisine était souhaitable, de ne pas penser que c’est un fait acquis au seul motif que le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale a, semble-t-il, été plus convaincant que celui de la commission des lois du Sénat, qui sait, pourtant, être fort persuasif, car nous n’avons pas entériné cet accord !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J’ai été convaincant sur un certain nombre de points, vous le savez bien !

M. Robert Badinter. Je le sais ! Mais, à cet égard, vous le reconnaîtrez comme moi, cet accord n’engage que vous !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, il engage la commission des lois !

M. Robert Badinter. En l’occurrence, il est essentiel de reconnaître le principe de l’égalité des groupes parlementaires en matière de saisine du Conseil constitutionnel. C’est aussi simple que cela, et c’est d’ailleurs ce que vous aviez voulu !

M. le président. La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Afin de tenir compte de la teneur de notre débat, je modifie, monsieur le président, l’amendement n° 78, pour y faire figurer la notion d’unanimité des membres du groupe.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela ne change rien !

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 78 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, et ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Dans l'article 54 de la Constitution, après les mots : « soixante sénateurs » sont insérés les mots : « ou par un groupe parlementaire à l'unanimité de ses membres ».

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je tiens tout d’abord à dire que j’exprime non pas mon point de vue, mais celui de la commission des lois,...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. …qui a délibéré du texte adopté en deuxième lecture par les députés la semaine dernière ! J’en ai assez d’entendre dire que j’ai passé un accord dans mon coin avec le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale. C’est faux !

Mme Isabelle Debré. Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous sommes parvenus à un équilibre. Comme je l’ai déjà dit, l'Assemblée nationale a tenu compte, en deuxième lecture, de nombreuses améliorations apportées par le Sénat, mais elle n’a pas été convaincue par tous les amendements que nous avions adoptés. C’est ce que l’on appelle le dialogue…

M. Robert Bret. Un dialogue entre qui et qui ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. …mais, à un certain moment, il faut savoir accepter les arguments de son interlocuteur !

C’est pourquoi je suis toujours défavorable à cet amendement, même rectifié ! Et je serai défavorable à tous les autres amendements restant en discussion, sans donner plus d’explications d’ailleurs ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.  – M. Pierre Laffitte applaudit également.)

Mme Alima Boumediene-Thiery. Et la démocratie parlementaire ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 24 bis demeure supprimé.