M. Richard Yung. Cet amendement vise à faciliter les conditions d’accès aux services bancaires essentiels.

S’il convient de préserver en l’état le droit d’accès aux comptes de dépôt pour les personnes morales, il est essentiel de l’améliorer pour les personnes physiques. La bancarisation est en effet un élément essentiel de la citoyenneté et de la vie économique en général.

Sans compte bancaire, la vie sociale et la vie économique deviennent presque impossibles. Or la loi prévoit que toute personne dépourvue d’un compte de dépôt a droit à l’ouverture d’un tel compte dans l’établissement de son choix. La procédure de droit au compte doit donc être réformée et être permise directement, sans passage par la Banque de France.

Aussi, nous proposons un certain nombre de mesures visant à faciliter cet accès effectif aux services bancaires.

M. le président. L'amendement n° 580, présenté par M. Repentin, Mmes Bricq et Demontès, M. Godefroy, Mme Khiari, MM. Lagauche, Raoul, Pastor, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le IX de cet article :

IX - Avant le troisième alinéa de l'article L. 312-1 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le refus mentionné aux alinéas précédents ne peut s'appliquer à l'ouverture d'un produit d'épargne générale à régime fiscal spécifique lorsque ce produit est distribué par l'établissement choisi. »

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Le livret A est la voie indispensable de financement du logement à loyer modéré ; c’est aussi l’outil privilégié de l’accessibilité bancaire.

En premier lieu, celle-ci concerne évidemment les personnes les plus démunies, qui, aujourd’hui largement « refoulées » par les banques, se sont « réfugiées » auprès de la Banque Postale ou de la Caisse d’épargne où elles ouvrent un livret A.

Cet attachement au livret A ne s’explique notamment par le fait qu’il est mieux connu et mieux compris que n’importe quel autre service financier. En outre, les opérations y sont totalement gratuites et aucune condition n’est requise pour son ouverture.

Dans la mesure où les banques souhaitent pouvoir distribuer le livret A, il est logique qu’elles en acceptent les conditions d’utilisation, qu’elles se saisissent de ses opportunités, mais aussi de ses contraintes.

Cet amendement vise à faire en sorte qu’aucun établissement financier ayant fait le choix de distribuer le livret A ne puisse en refuser l’ouverture, pour quelque motif que ce soit. Sera ainsi garantie l’intégrité du livret A, dans des conditions de distribution identiques, quel que soit son « domicile bancaire ».

Cet amendement n’est pas exclusif de l’adoption d’une charte d’accessibilité pour les comptes de dépôt qui ne relèvent pas du régime fiscal spécifique des livrets d’épargne générale.

Son adoption permettra de mettre en œuvre dès à présent l’accessibilité bancaire de tous les consommateurs, dans un cadre réglementé particulier.

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Avant le 1° du IX de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

1°A À la fin du premier alinéa, les mots : « ou auprès des services » sont supprimés ;

II. - Compléter le même IX par un alinéa ainsi rédigé :

3° Dans le troisième alinéa, les mots : « ou les services » sont supprimés.

La parole est à M. Philippe Marini, rapporteur.

M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer deux « scories » législatives.

M. le président. L'amendement n° 26, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le 1° du IX de cet article :

1° La dernière phrase du deuxième alinéa est remplacée par quatre phrases ainsi rédigées :

« En cas de refus de la part de l'établissement choisi, la personne peut saisir la Banque de France afin qu'elle lui désigne un établissement de crédit situé à proximité du lieu de son choix. La Banque de France procède à cette désignation dans un délai d'un jour ouvré pour les personnes physiques et de cinq jours ouvrés pour les personnes morales à compter de la réception des pièces requises. L'établissement de crédit qui a refusé l'ouverture d'un compte informe le demandeur que celui-ci peut demander à la Banque de France de lui désigner un établissement de crédit pour lui ouvrir un compte. Il lui propose, s'il s'agit d'une personne physique, d'agir en son nom et pour son compte en transmettant la demande de désignation d'un établissement de crédit à la Banque de France ainsi que les informations et documents requis pour l'ouverture du compte. » ;

La parole est à M. Philippe Marini, rapporteur.

M. Philippe Marini, rapporteur. Outre les améliorations rédactionnelles qu’il vise à apporter, cet amendement a pour objet de préciser la procédure applicable en matière de droit au compte.

En effet, les députés ont souhaité inscrire dans la loi les nouvelles règles résultant des engagements qu'a pris la profession bancaire dans le cadre du comité consultatif du secteur financier. La Banque de France sera tenue de procéder à la désignation de l'établissement bancaire dans un délai d’un jour ouvré à compter de la réception des pièces. L'établissement ayant refusé l'ouverture devra, quant à lui, proposer au demandeur de procéder aux formalités nécessaires en ses lieu et place.

Cette procédure est fort opportune et je ne vous propose que de l’aménager : d’une part, en fixant le délai applicable aux personnes morales à cinq jours ouvrés, car les contrôles sont plus malaisés à réaliser pour ces personnes ; d’autre part, en précisant que l'établissement choisi est situé à proximité du lieu du choix du demandeur ; enfin, en supprimant les dispositions précisant que la Banque de France est tenue de prendre en considération les parts de marché des différents établissements, car cela ne présente aucun caractère législatif et, surtout, dans les faits, il s’agit d'une obligation à laquelle s'astreint d’ores et déjà la Banque de France.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 376 est présenté par Mme Bricq, MM. Repentin, Massion, Angels et Collombat, Mme Demontès, M. Godefroy, Mme Khiari, MM. Lagauche, Pastor, Raoul, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 931 rectifié est présenté par MM. Gournac et Longuet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter le 2° du IX de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les trois ans qui suivent l'entrée en vigueur de la présente loi, puis chaque année, un rapport est remis au Parlement par la Banque de France, évaluant la progression de l'accessibilité bancaire par la mise en œuvre du droit au compte. Au vu des résultats observés, le Parlement décide s'il y a lieu d'instaurer une cotisation des établissements concernés en vue de prendre en charge la rémunération supplémentaire visée au deuxième alinéa de l'article L. 221-6 du présent code. »

La parole est à M. Thierry Repentin, pour présenter l’amendement n° 376.

M. Thierry Repentin. Le projet de loi prévoit une rémunération supplémentaire accordée à la Banque Postale au titre de sa mission particulière d’accessibilité bancaire. Cette mission est rendue nécessaire par l’insuffisant développement du droit au compte.

Toutefois, il est prévu de développer, dans l’ensemble des réseaux, un droit au compte à travers la signature d’une charte d’accessibilité bancaire.

Le rapport Camdessus préconisait une prise en charge mutualisée d’accessibilité bancaire, les banques peu accessibles aux ménages en difficulté compensant l’effort supplémentaire des banques accessibles, à l’instar de systèmes mis en place à l’étranger.

Le projet de loi ne suit pas cette logique. Il met le surcoût de l’obligation exclusive de La Banque Postale à la charge directe des fonds d’épargne, ce qui aura un effet immédiat sur l’encours des prêts au logement social.

Lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a refusé un amendement tendant à instaurer un système de mutualisation. Toutefois, visiblement sensible aux arguments des auteurs de l’amendement, Mme Christine Lagarde a déclaré : « Il est important de favoriser l’accessibilité par le biais du droit au compte et de vérifier si les banques s’acquittent de ce devoir. Si tel ne devait pas être le cas, il me semblerait juste de mutualiser la rémunération particulière payée à La Banque Postale qui seule est tenue par la loi à cette obligation. »

Le présent amendement s’inscrit donc dans la logique de l’ouverture manifestée par le Gouvernement en rendant possible une telle mutualisation s’il apparaît, dans trois ans, que le droit au compte n’a pas progressé. Il incitera les banques à mettre véritablement en œuvre le droit au compte, évitant ainsi d’aggraver la spécialisation de la Banque Postale et de faire peser une charge supplémentaire sur les fonds d’épargne, et donc sur le logement social.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour présenter l’amendement n°931 rectifié.

M. Gérard Longuet. Je le retire.

M. le président. L’amendement n°931 rectifié est retiré.

L'amendement n° 388, présenté par Mme Bricq, MM. Massion, Repentin, Angels et Collombat, Mme Demontès, M. Godefroy, Mme Khiari, MM. Lagauche, Pastor, Raoul, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le IX de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'ensemble des établissements de crédits visés au deuxième alinéa sont tenus de rendre public annuellement un rapport détaillant le nombre de comptes ouverts en application des dispositions relatives au droit au compte, en le rapportant notamment à leur nombre total de clients particuliers. »

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Pour ne pas rester lettre morte, la charte d’accessibilité bancaire prévue par le projet de loi doit s’accompagner d’outils publics de suivi des résultats des engagements pris par les banques.

Nous proposons donc que les banques soient tenues, annuellement, de rendre public le nombre de personnes ayant effectivement bénéficié par leur biais de l’application des dispositions relatives au droit au compte. Il s’agirait d’une information bien utile pour savoir si les lois que nous votons sont suivies d’effets.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur. Le droit au compte qui résultera de ce projet de loi sera renforcé par rapport au droit existant.

Je comprends mal ce que l’amendement n° 387 ajoute aux intentions exprimées par le Gouvernement, et que partage la majorité de la commission spéciale. Je demande donc le retrait de cet amendement.

L’objectif, sinon l’intention, des auteurs de l’amendement n° 580 me laisse perplexe. L’adoption de cet amendement aurait pour effet de supprimer toutes les améliorations apportées par le présent projet de loi à la procédure du droit au compte, à commencer par l’obligation reposant sur la Banque de France de procéder aux démarches dans un délai d’un jour ouvré, ou bien l’obligation qu’auront les banques d’effectuer les démarches auprès de la Banque de France en lieu et place des clients.

La commission spéciale considère que la procédure prévue dans le projet de loi constitue un net progrès. Elle est plus concrète, plus opérationnelle et elle sera réellement plus facile d’accès.

Sur le fond, il ne me paraît pas essentiel de rendre obligatoire l’ouverture d’un produit d’épargne réglementée pour les ménages qui éprouvent des difficultés de bancarisation. Le droit au compte et l’accessibilité bancaire sont, je le répète, des remèdes plus adaptés à ces publics fragilisés auxquels nous nous intéressons tous.

L’amendement n° 376 a trait au financement de l’accessibilité bancaire. Le projet de loi institue un système qui, là encore, me paraît plus satisfaisant que celui qui serait issu de l’amendement.

Enfin, il ne me semble pas vraiment opportun de demander un rapport supplémentaire à la Banque de France alors qu’il y a déjà beaucoup d’informations dans ce domaine. Nous entendrons avec un grand intérêt l’avis du Gouvernement sur ce point.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Le projet de loi vise à renforcer l’accessibilité bancaire et, par voie de conséquence, l’obligation faite aux banques d’ouvrir un compte à une personne qui en fait la demande.

Ce texte apporte plusieurs innovations.

Tout d’abord, il institue le principe du droit au compte.

Ensuite, il prévoit l’obligation, pour une banque qui refuserait l’ouverture d’un compte, d’informer son client qu’il a la possibilité de faire valoir son droit auprès de la Banque de France.

Par ailleurs, il établit le principe que toute personne physique peut exercer son droit en adressant son dossier à la Banque de France.

Plusieurs des amendements qui nous sont soumis prévoient des modifications sur lesquelles le Gouvernement a un avis défavorable.

L’amendement no 387 vise à faire en sorte que l’accès au compte puisse s’exercer sans l’intervention de la Banque de France, notamment, dans les cas de refus d’ouverture de compte par un établissement bancaire, en ce qui concerne la désignation d’autres établissements susceptibles de faire suite, pour personne considérée, à son droit au compte.

Une telle disposition ne paraît pas souhaitable. Lorsque la Banque de France est saisie d’une demande, elle est en mesure d’examiner la situation du demandeur, le lieu de sa résidence, la répartition de la charge du droit au compte entre les différentes banques. Sa décision procédera d’une bonne péréquation financière entre tous les établissements, afin que ce ne soit pas toujours la même succursale ou la même banque qui soit finalement tenue de répondre à l’obligation d’ouverture de compte. Cette charge doit être assumée par l’ensemble des établissements bancaires.

Le Gouvernement, considérant que la Banque de France doit jouer un rôle de répartiteur, a donc émis un avis défavorable sur l’amendement no 387.

Madame Khiari, l’amendement n° 580 traduit une bonne idée, mais il ne correspond pas à une véritable demande. Nous n’avons pas reçu de demandes des épargnants ou des associations qui les représentent qui laisseraient penser qu’il existe des difficultés d’accès aux produits d’épargne réglementée. Ce n’est d’ailleurs pas surprenant : lorsqu’une personne est en mesure de souscrire à des produits d’épargne réglementée, en général, les banques n’opposent pas de refus. Il ne semble donc indispensable d’amplifier le droit au compte, que nous nous attachons surtout, pour l’instant, à faire respecter.

Le Gouvernement est favorable aux amendements nos 25 et 26 de la commission. Monsieur le rapporteur, je vous remercie de corriger les scories du texte et de prévoir un délai de cinq jours ouvrés pour désigner un établissement de crédit teneur de compte pour les personnes morales. La Banque de France disposera ainsi d’un peu de temps supplémentaire pour procéder aux vérifications nécessaires auprès du registre du commerce, du greffe du tribunal ou de tout autre établissement. Je vous remercie en son nom !

L’amendement no 376 a un double objet.

Tout d’abord, il impose à la Banque de France la publication d’un rapport afin de permettre le contrôle de la manière dont les banques s’acquittent de leur obligation d’ouverture de compte.

Je suis favorable, dans un souci de transparence, à un mécanisme de contrôle et d’examen, mais je ne suis pas persuadée qu’il faille pour cela un rapport supplémentaire.

En revanche, j’envisage d’adresser à la Banque de France un courrier dont je vous ferai d’ailleurs parvenir une copie, monsieur Repentin, ainsi qu’à tous les sénateurs qui seraient intéressés, même si un tel document n’est pas d’une lecture passionnante. Il s’agira de demander à la Banque de France de publier régulièrement sur son site internet, qui est du reste extrêmement bien fait, la manière dont les banques s’acquittent de leur obligation d’ouverture de compte et la façon dont d’éventuels rappels à l’ordre sont effectués.

Cette solution présente l’avantage d’éviter la publication d’un rapport écrit et de privilégier l’information régulière par la voie électronique, qui est une voie moderne d’information. Dans ces conditions, votre premier objectif me semble atteint.

J’en viens à votre second objectif. Vous avez cité les propos que j’ai tenus à l’Assemblée nationale, et je vous en remercie. Il est vrai que je suis particulièrement attachée à ce que l’accessibilité bancaire soit assurée par les banques au travers de leur obligation d’ouverture de compte. Pour autant, il ne me paraît pas opportun d’inscrire, au cœur même du présent projet de loi, l’hypothèse selon laquelle cette obligation pourrait ne pas être respectée. Nous espérons tous que les banques s’acquitteront de l’obligation d’ouverture de compte, que le projet de loi vise à renforcer.

Le Gouvernement est donc conduit à émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 376.

L’amendement no 388 vise à imposer aux banques la publication d’un rapport annuel détaillant le nombre de comptes ouverts en application des dispositions relatives au droit au compte. Monsieur Repentin, la lettre dans laquelle je demanderai à la Banque de France de publier régulièrement sur son site des informations statistiques sur la mise en œuvre de la procédure de droit au compte est de nature à vous donner satisfaction. Je vous invite à retirer cet amendement. À défaut, le Gouvernement y sera défavorable.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur l'amendement n° 387.

M. Thierry Repentin. Nous nous sommes efforcés de simplifier le droit au compte en supprimant le passage systématique par la « case » Banque de France. Nous considérions qu’il était plus simple d’acter le refus d’ouverture d’un compte et de laisser la personne choisir elle-même la banque dans laquelle elle voulait ouvrir son compte.

Il est bien évident que, à Paris, la Banque de France pourra facilement désigner une agence située, tout près, à deux stations de métro au maximum, du lieu de résidence du demandeur. Dans nos provinces, en revanche, les choses seront moins aisées : la personne devra parfois se rendre dans une commune située à quatre ou cinq kilomètres pour aller dans la banque désignée par la Banque de France.

Mme Odette Terrade. De toute façon, ce sera le Crédit agricole !

M. Thierry Repentin. Tout à fait ! Dans ces conditions, le droit au compte ne sera pas si commode à mettre en œuvre.

Nous considérons que le droit au compte doit s’appliquer d’une façon uniforme sur l’ensemble du territoire. Nos amendements visaient à en assurer l’effectivité, laquelle, selon nous, n’est pas garantie par le projet de loi.

Je m’en tiendrai là sur l’article 39 qui, finalement, ne nous aura occupés qu’une nuit et une matinée, ce qui est relativement peu compte tenu de l’importance du sujet.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. La Haute Assemblée s’est toujours montrée très sensible à la situation des personnes en difficulté.

Voilà quatre ans, afin de réduire la spirale de l’exclusion, le Sénat avait adopté un amendement déposé par Daniel Goulet et visant à ramener de dix à cinq ans le délai d’interdiction d’émission de chèque.

Chacun avait bien conscience, à l’époque, que l’interdiction d’émettre des chèques accentuait la spirale de l’exclusion et que, au contraire, l’accessibilité au compte favorisait le retour à une vie normale.

Je tiens par ailleurs à souligner la disparition régulière des guichets de la Banque de France en zone rurale et dans certains départements. Si l’on veut que la Banque de France joue tout son rôle en matière de droit au compte, de surendettement, de gestion de fichiers, il faut veiller à maintenir sa présence partout sur le territoire.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Concrètement, l’accessibilité bancaire, tel que le texte est rédigé, devient une fonction dédiée à un établissement parmi les autres, en l’occurrence la Banque de France. Comme le soulignait notre collègue, ce n’est pas l’établissement le plus accessible à la grande majorité de nos concitoyens.

Dans les faits, cette mission spécifique se détermine en fonction de plusieurs paramètres.

Le premier, que nous avons examiné assez longuement durant nos travaux, c’est la question de la rémunération des réseaux collecteurs de l’épargne défiscalisée, qui a été forfaitairement fixée à 0,6 %.Ce taux représente une sensible réduction par rapport au taux actuel de rémunération des deux réseaux collecteurs, La Poste et les caisses d’épargne, situé aux alentours de 1,10 à 1,15 %.

C’est d’ailleurs à partir de cette idée que Mme Boutin a cru pouvoir dire qu’un effort particulier serait accompli en direction du logement social, puisque la réduction de la rémunération des collecteurs aurait un impact immédiat sur le taux d’intérêt des emprunts consentis aux bailleurs sociaux. L’incidence de cette mesure me paraît plus que limitée dans ce domaine.

Si le taux de rémunération de la collecte est très intéressant pour un établissement de crédit banalisé qui ne distribue pas encore de livret défiscalisé, il est par contre extrêmement problématique pour des réseaux dont il constitue un élément important du résultat bancaire. La diminution de la rémunération de la collecte de 0,5 point représente plusieurs centaines de millions d’euros de résultat bancaire permettant de financer des emplois et des activités, et qui sont immédiatement perdus.

Dans ce contexte, le projet de loi prévoit de mettre à la disposition des organismes collecteurs actuels une compensation transitoire et, dans le cas de La Banque Postale, une compensation liée aux charges exposées par le service d’accessibilité bancaire.

En échange des 280 millions d’euros de prise en charge de l’accessibilité bancaire, ce qui est proposé à La Poste, c’est de dédier une partie de son activité à la « prise en pension », pourrait-on dire, des plus petits épargnants, notamment tous ceux qui auraient l’insigne défaut d’avoir un livret faiblement provisionné et de réaliser sur ces livrets des opérations de faible, voire de très faible montant.

Au demeurant, s’il convient de calculer avec précision la charge liée à l’accessibilité bancaire, il faut immédiatement souligner qu’elle est évaluée à hauteur de 420 millions d’euros en valeur 2008, c’est-à-dire que la compensation ne couvrira que les deux tiers de la charge de production de services et, à terme, environ la moitié.

C’est bel et bien un marché de dupes qui est proposé à La Banque postale, au moment même où, pour faire bonne mesure, on lui offre de pouvoir distribuer de nouveaux produits financiers, y compris des crédits personnels à la consommation, de nouveaux produits qu’elle sera d’ailleurs amenée à distribuer dans une entité constituée avec un intervenant privé du marché du crédit à la consommation, puisque l’on parle de plus en plus de Cofinoga, filiale de la BNP.

Dans tous les cas de figure, La Banque Postale se fera « tondre la laine sur le dos » et se retrouvera très vite, malgré tout ce que l’on peut dire et malgré les indications fournies par le rapport, dans une situation délicate, ayant perdu ses clients les plus intéressants – ceux qui ont des livrets ayant atteint le plafond – et devenant une sorte de « banque des pauvres ».

Nous avons eu l’occasion de dire quelles seraient les conséquences potentielles de ces phénomènes : une perte de ressources, qui entraînera une mise en cause lente mais sûre de la présence postale sous toutes ses formes.

Par quelque bout que l’on prenne l’affaire, c’est aux mêmes conclusions que l’on arrive. Dans le même temps, il ne se passe pas grand-chose sur le front du droit au compte. Et l’on comprend mieux pourquoi il est proposé d’utiliser la Banque de France pour l’obligation nouvelle d’ouverture des comptes : la présence postale nécessaire pour y répondre aura disparu.

Les banques de détail, toutes privatisées, toutes enfoncées jusqu’au cou dans les affres de la crise immobilière et financière internationale qui s’annonce plus forte chaque jour, attendent de pied ferme les liquidités des épargnants du livret A pour se remettre d’aplomb. Elles dédaignent depuis longtemps de mettre réellement en œuvre le droit au compte, pourtant inscrit dans la loi et le code monétaire et financier.

C’est donc dans un contexte où aucune contrainte réelle d’intérêt général et de service public n’est imposée aux établissements de crédit qu’on assigne à La Banque Postale de mener à bien la mission de lutte contre l’exclusion bancaire. C’est une discrimination nouvelle qu’on lui fait subir.

Nous voterons donc l’ensemble des amendements relatifs à la lutte contre l’exclusion bancaire.

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.

M. Bernard Vera. La charte d’accessibilité bancaire, qui a été ajoutée à l’Assemblée nationale, apparaît de plus en plus clairement comme relevant d’un pur effet d’annonce.

À l’origine, chacun le sait, le Gouvernement avait l’intention, de créer le livret A du pauvre, géré par l’un des réseaux collecteurs historiques, La Banque Postale, pour y cantonner les épargnants les plus modestes. Abandonnée, cette idée réapparaît avec la charte d’accessibilité, qui fait de La Banque postale le réceptacle naturel de ces épargnants.

Cette sorte de monopole de l’accès bancaire des plus démunis à l’épargne soulève une autre série de questions.

Tout d’abord, cette priorité du rôle de La Banque Postale dans la collecte de l’épargne populaire risque de poser des problèmes à d’autres collecteurs. En effet, selon une étude de la DARES, les titulaires de minima sociaux privilégient, dans leurs relations bancaires, trois réseaux.

Le premier, c’est celui de La Banque postale, notamment dans les quartiers sensibles de nos villes de banlieue, où, bien souvent, le guichet de La Poste est le seul service financier disponible pour la population. La Poste gérerait ainsi le virement d’environ 30 % des minima sociaux et il est probable que les petits épargnants s’y retrouvent en grande partie.

Le deuxième réseau, c’est celui des caisses d’épargne, qui drainerait environ 36 % des minima sociaux. Vu que le virement de ces allocations sur un compte d’épargne est producteur d’intérêts, on comprend l’arbitrage réalisé par les titulaires de ces allocations, et singulièrement par les retraités disposant d’une pension réduite.

Le troisième réseau, recevant le virement d’un peu moins de 30 % des minima sociaux, ce sont les caisses du Crédit agricole, particulièrement dans les départements ruraux où la banque verte est souvent, comme peut l’être La Poste par ailleurs, le seul interlocuteur financier connu de la population.

De fait, ce qui est à craindre avec une accessibilité bancaire centralisée sur la seule Banque postale, c’est tout simplement qu’on favorise le nomadisme de l’épargne de clients des caisses d’épargne et du Crédit agricole, les privant d’un encours dont ils font pourtant une judicieuse utilisation ; les privant aussi de relations clientèle toujours utiles pour proposer d’autres services financiers.

Il serait curieux, mes chers collègues, que la Caisse nationale du Crédit agricole, qui a été partie prenante du recours contre les modalités de distribution du livret A, soit finalement pénalisée par les dispositions que la majorité parlementaire risque de voter.