M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Monsieur Repentin, il est vrai que, ces derniers jours, notre agenda relatif à ce projet de loi a été un peu précipité. Pour autant, faut-il s’interdire aujourd’hui d’avancer ? Plusieurs raisons militent pour aller de l’avant, me semble-t-il.

Tout d’abord, ce texte est en attente sur le bureau de notre assemblée depuis plus d’un an, ce qui est un délai passablement long. De ce fait, ses dispositions sont connues de tous et nous avons eu largement le temps d’y travailler.

Ensuite, la présidence française de l’Union européenne approche. Dès lors, si notre pays a l’ambition de faire du développement durable et de la lutte contre le réchauffement climatique l’une de ses priorités, il convient d’être à jour en ce qui concerne les transpositions de directives relatives à l’environnement.

J’ai bien conscience de l’ampleur du surcroît de travail que je vous ai demandé avec les articles additionnels que nous avons adoptés la semaine dernière afin de transposer de nouvelles directives. Toutefois, je vous rappelle le caractère d’urgence de ce texte : notre pays est en phase précontentieuse avec la Commission. Je me suis efforcé de vous faciliter le travail en vous conviant à une réunion d’information en amont.

Comme vous pouvez le deviner, mon cher collègue, je ne suis pas favorable à cette motion tendant au renvoi du texte à la commission. Mais je ne peux passer sous silence un certain nombre de points que vous avez mentionnés dans votre intervention. J’ai noté les faits les plus saillants ; ils sont au nombre de quatre.

Tout d’abord, souvenez-vous qu’en 2001, sous le gouvernement de Lionel Jospin, plus d’une centaine de directives ont été transposées par ordonnance !

M. Paul Raoult. C’est pour cela que nous avons perdu !

M. Jean Bizet, rapporteur. Le pire n’est jamais sûr, mon cher collègue ! Nous ferons très attention ! Mais ne nous donnez pas de leçon de morale en la matière.

J’en viens ensuite à l’avis négatif de la commission sur deux amendements déposés très récemment par le Gouvernement et relatifs, d’une part, à Natura 2000 et, d’autre part, aux quotas d’émission de gaz carbonique.

Je souhaite tout simplement qu’un débat plus affiné ait lieu en séance ; il n’est pas exclu que la position de la commission évolue, ces sujets étant politiquement délicats. Je ne désire pas que les zones Natura 2000 soient sanctuarisées, ni que la chasse et la pêche y soient interdites,…

Plusieurs sénateurs UMP. Heureusement !

M. Jean Bizet, rapporteur. …sujet auquel M. Carrère est très sensible. Mais à partir du moment où nous raisonnerons en termes de gestion des animaux concernés, aucun problème ne se posera. Nous souhaitons que Mme le secrétaire d’État et M. le ministre d’État nous fournissent des explications sur ce point.

Quant aux quotas d’émission de CO2, comme je l’ai indiqué ce matin en commission, j’ai été un peu gêné. Un arbitrage a déjà été validé voilà quelque temps : la France, qui compte environ 63 millions d’habitants, s’est vu attribuer un quota de 129 millions de tonnes d’émission de CO2, alors que l’Allemagne et la Grande-Bretagne bénéficient respectivement d’un quota de 482 millions de tonnes et de 246 millions de tonnes. Il est clair, dès lors, que la conduite vertueuse de la France en matière énergétique – le choix du nucléaire – n’a pas été prise en compte.

Eh bien ! un débat aura lieu et une solution devrait pouvoir être trouvée. Une piste de réflexion existe déjà. Cela montre bien que la commission des affaires économiques n’est pas totalement inféodée aux orientations du Gouvernement. Mais je pense que nous allons évoluer sur ce point.

En ce qui concerne les sociétés mères, je me suis sans doute mal exprimé lors de la réunion de la commission : nous ne nous dispensons pas d’aborder cette délicate question. Ce matin, je vous ai indiqué que les exemples étrangers en la matière, notamment l’exemple américain, n’étaient pas probants. Quand on veut exonérer l’exploitant directement concerné et reporter sur la société mère la problématique de la réparation, le résultat est négatif.

En matière assurantielle, une clause de revoyure est prévue à l’horizon 2010 pour inciter les professionnels à formuler une offre et pour susciter la création de garanties assurantielles. C’est à l’échelon européen que la solution devra être trouvée pour impliquer les sociétés mères. Il n’est pas question de les exonérer ! Mais, pour le moment, la réflexion ne peut pas être uniquement franco-française. Car nous ne voulons pas de distorsion de concurrence entre la France et les vingt-six autres États membres.

Ce sera tout à l’honneur du Président de la République – nous sommes totalement en phase avec les propos qu’il a tenus – de proposer d’engager ce débat sous la présidence française de l’Union européenne. Il ne s’agit donc aucunement d’une fin de non recevoir : nous affinons notre réflexion en la matière.

Enfin, pour ce qui concerne les produits biocides, nous anticipons simplement une procédure qui, de toute façon, s’appliquera en 2012. Sous l’autorité du MEDAD – et on ne peut pas lui faire le procès d’être laxiste en matière d’autorisation de mise sur le marché de ces produits –, une simplification administrative interviendra.

L’ensemble des acteurs et des professionnels concernés, des fabricants aux utilisateurs, s’estiment satisfaits. Toutes ces dispositions vont dans le sens d’une plus grande protection de l’environnement et d’une simplification administrative.

Comme je l’ai déjà indiqué – et je le répéterai tout au long des débats –, même si nous voulons être exemplaires en matière environnementale, ne soyons pas en porte à faux avec la logique économique. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Pour toutes ces raisons, la commission ne peut qu’être défavorable à la motion tendant au renvoi à la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. M. le rapporteur a répondu à l’essentiel des questions techniques et le Gouvernement souscrit à ses propos.

Je rappellerai simplement que les amendements complémentaires qui, certes, ont été déposés tardivement, ont une étroite parenté avec ce projet de loi et sont sous-tendus par la même finalité, à savoir la transposition de directives. Nous pouvons tous partager, me semble-t-il, la volonté de ne pas laisser de directives en souffrance avant le début de la présidence française de l’Union européenne. Tel est véritablement l’objet de ce texte !

Monsieur Repentin, vous avez souligné ce point comme s’il s’agissait d’une chose que j’aurais avouée lors de mon intervention. Tel n’est pas le cas : j’ai clairement mis en avant cette volonté de nous mettre en conformité avant la présidence française de l’Union européenne, car il n’y a pas à s’en cacher.

L’essentiel des dispositions de ce projet de loi ont fait l’objet d’échanges lors de la réunion qui a eu lieu le 14 mai dernier, sur l’initiative de M. le rapporteur. Vous avez déploré la tenue tardive de celle-ci, à la suite d’un week-end de cinq jours, mais étaient présents les représentants de tous les groupes politiques de la Haute Assemblée. Vous avez pu aborder non seulement le fond du projet, mais également les amendements déposés tant par la commission que par le Gouvernement.

Concernant la transposition complète des directives avant la présidence française de l’Union européenne, les choix ont été faits conjointement, avec l’assentiment de tous. On ne saurait donc soutenir que le présent débat parlementaire ne peut pas se dérouler dans de bonnes conditions.

Je ne reviendrai pas sur les aspects techniques, qui ont été traités par M. le rapporteur.

S’agissant toutefois de la directive sur les produits biocides, je ne voudrais pas qu’un trouble subsiste dans les esprits.

M. Jean Desessard. Les bigorneaux ! (Sourires.)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Il n’y a pas que les bigorneaux !

Cette directive précise les conditions dans lesquelles les produits biocides peuvent être mis sur le marché et utilisés. Ils ne peuvent l’être sans autorisation, laquelle n’est délivrée que si les substances actives contenues figurent sur une des listes positives communautaires.

La directive a instauré une période transitoire, source de complexité administrative tant pour les ministères intéressés que pour les opérateurs économiques et les utilisateurs des produits. En effet, pendant plusieurs années, dans l’attente de l’établissement de listes uniques, deux procédures ont coexisté : l’une, placée sous l’égide du ministère de l’agriculture, pour les autorisations transitoires, et l’autre, relevant du ministère chargé de l’écologie, pour les autorisations pérennes.

La situation actuelle est donc, on en conviendra, assez compliquée, et les dispositions que nous proposons au Sénat d’adopter visent seulement à accélérer la démarche d’unification en cours et à confier le traitement de toutes les demandes d’autorisation au ministère chargé de l’écologie.

M. le ministre d’État et moi-même avions indiqué, lors d’un débat antérieur, combien nous souhaitions que le ministère chargé de l’écologie soit saisi des demandes d’autorisation et participe à la rédaction des arrêtés sur tous les sujets qui le concernent – je pense notamment au débat sur les OGM, auquel vous avez tous participé. Nous sommes donc sensibles à cette accélération du calendrier qui nous permettra d’assumer l’ensemble des responsabilités s’agissant des produits biocides. Cela va, me semble-t-il, dans le sens d’une amélioration des garanties, et je ne comprends pas vos réticences sur ce sujet, monsieur Repentin.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne peut qu’être défavorable à la motion n° 122 tendant au renvoi du texte à la commission.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 122, tendant au renvoi à la commission.

(La motion n'est pas adoptée.)

M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Demande de renvoi à la commission
Dossier législatif : projet de loi relatif à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

Il est ajouté au livre Ier du code de l'environnement un titre VI rédigé comme suit :

« TITRE VI

« PRÉVENTION ET RÉPARATION DE CERTAINS DOMMAGES  CAUSÉS À L'ENVIRONNEMENT

« Art. L. 160-1. - Le présent titre définit les conditions dans lesquelles sont prévenus ou réparés, en application du principe pollueur-payeur, les dommages causés à l'environnement par l'activité d'un exploitant.

« CHAPITRE IER

« CHAMP D'APPLICATION

« Art. L. 161-1. - I. - Constituent des dommages causés à l'environnement au sens du présent titre les modifications négatives mesurables affectant gravement :

« 1° L'état des sols lorsque leur contamination du fait de l'introduction directe ou indirecte en surface ou dans le sol de substances, préparations, organismes ou micro-organismes a pour effet de créer un risque d'incidence négative grave sur la santé humaine ;

« 2° L'état écologique, chimique ou quantitatif ou le potentiel écologique des eaux, sous réserve de l'application des dispositions prévues au VII de l'article L. 212-1 ;

« 3° La conservation ou le rétablissement dans un état favorable à leur maintien à long terme :

« a) Des populations des espèces de faune et de flore sauvages protégées en application du présent code et figurant sur une liste établie par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et du ministre chargé de l'agriculture ou, lorsqu'il s'agit d'espèces marines, du ministre chargé des pêches maritimes ;

« b) Dans les sites Natura 2000, des habitats des espèces de faune et de flore sauvages qui justifient la désignation de ces sites ;

« c) Dans les sites Natura 2000, des habitats naturels figurant sur une liste établie par application du I de l'article L. 414-1 ;

« d) Des sites de reproduction et des aires de repos des espèces protégées en application du présent code et figurant sur une liste établie par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et du ministre chargé de l'agriculture ou, lorsqu'il s'agit d'espèces marines, du ministre chargé des pêches maritimes.

« II. - Ne constituent pas de tels dommages les atteintes aux espèces et habitats naturels protégés causées par :

« 1° L'exécution des programmes et projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements autorisés ou approuvés au titre de l'article L. 414-4 ;

« 2° Une activité autorisée ou approuvée en application des articles L. 411-2 et L. 411-3, dès lors que les prescriptions découlant de ces articles ont été respectées.

« III. - Les dommages causés à l'environnement incluent les détériorations mesurables, directes ou indirectes, des services écologiques. Ces services correspondent aux fonctions assurées par les sols, les eaux, les espèces et habitats naturels protégés mentionnés au I au bénéfice d'une autre de ces ressources naturelles ou au bénéfice du public, notamment les usages associés aux milieux naturels, mentionnés à l'article L. 411-3. Ils ne comprennent pas les services rendus au public par des aménagements réalisés par l'exploitant ou le propriétaire.

« Art. L. 161-2. - Le présent titre ne s'applique pas aux dommages à l'environnement ou à la menace imminente de dommages :

« 1° Causés par un conflit armé, des hostilités, une guerre civile ou une insurrection ;

« 2° Résultant d'activités menées principalement dans l'intérêt de la défense nationale ou de la sécurité internationale, autres que celles soumises à déclaration ou autorisation et prévues par les articles L. 214-1 à L. 214-10 et par le titre Ier du livre V ;

« 3° Causés par un phénomène naturel de nature exceptionnelle, inévitable et irrésistible ;

« 4° Résultant d'activités dont l'unique objet est la protection contre les risques naturels majeurs ou les catastrophes naturelles ;

« 5° Résultant d'un événement ou d'un accident à l'égard duquel la responsabilité ou l'indemnisation est régie par les conventions internationales suivantes, y compris leurs modifications futures :

« a) La convention internationale de 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures ;

« b) La convention internationale de 1971 portant création d'un fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures ;

« 6° Résultant d'activités relevant du Traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique, ou d'un accident ou d'une activité à l'égard desquels la responsabilité ou l'indemnisation relève du champ d'application d'un des instruments internationaux énumérés ci-après, y compris toutes modifications futures de ces instruments :

« a) La convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire, et la convention complémentaire de Bruxelles du 31 janvier 1963 ;

« b) La convention de Vienne du 21 mai 1963 relative à la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires ;

« c) La convention du 12 septembre 1997 sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires ;

« d) Le protocole conjoint du 21 septembre 1988 concernant l'application de la convention de Vienne et de la convention de Paris ;

« e) La convention de Bruxelles du 17 décembre 1971 relative à la responsabilité civile dans le domaine du transport maritime des matières nucléaires.

« Art. L. 161-3. - Le présent titre cesse de s'appliquer aux dommages ou à la menace imminente de dommages résultant d'un événement ou accident à l'égard duquel la responsabilité ou l'indemnisation vient à être régie par les conventions internationales énumérées aux c, d et e de l'annexe IV à la directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux, y compris les modifications futures de ces conventions.

« Art. L. 161-4. - Les dispositions du présent titre ne font pas obstacle au droit pour le propriétaire d'un navire de limiter sa responsabilité en application des dispositions de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 mettant en œuvre la convention sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes de 1976, y compris toutes modifications futures de cette convention.

« Art. L. 161-5. - Le présent titre ne s'applique pas lorsque plus de trente ans se sont écoulés depuis l'émission, l'événement ou l'incident ayant causé le dommage.

« Art. L. 161-6. - Le présent titre n'est pas applicable non plus :

« 1° Lorsque l'émission, l'événement ou l'incident ayant causé le dommage est survenu avant le 30 avril 2007 ;

« 2° Lorsque l'émission, l'événement ou l'incident ayant causé le dommage résulte d'une activité déterminée exercée et menée à son terme avant le 30 avril 2007.

« Art. L. 161-7. - Pour l'application du présent titre, « l'exploitant » s'entend de toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui exerce ou contrôle une activité professionnelle pratiquée dans le cadre d'une activité économique, d'une affaire ou d'une entreprise, indépendamment de son caractère privé ou public, lucratif ou non lucratif.

« CHAPITRE II

« RÉGIME

« Section 1

« Principes

« Art. L. 162-1. - Les dommages causés à l'environnement sont prévenus ou réparés selon les modalités définies par le présent titre lorsqu'ils sont causés, même sans faute ou négligence de l'exploitant, par les activités professionnelles dont la liste est déterminée par le décret prévu à l'article L. 166-2.

« Art. L. 162-2. - Lorsqu'ils sont causés par une activité professionnelle autre que celles mentionnées à l'article L. 162-1, les dommages aux espèces et habitats naturels protégés, tels que définis au 3° du I de l'article L. 161-1, sont prévenus ou réparés selon les modalités définies par le présent titre en cas de faute ou de négligence de l'exploitant.

« Art. L. 162-3. - Les dispositions du présent titre ne s'appliquent aux dommages ou menaces imminentes de dommages causés par une pollution à caractère diffus que s'il est possible d'établir un lien de causalité entre ces dommages ou leur menace et les activités d'un ou plusieurs exploitants.

« Art. L. 162-4. - Une personne victime d'un dommage à la suite d'un dommage environnemental ou d'une menace imminente d'un tel dommage ne peut en demander réparation sur le fondement des dispositions du présent titre. 

« Section 2

« MESURES DE PRÉVENTION OU DE RÉPARATION DES DOMMAGES

« Sous-section 1

« Objectifs des mesures de prévention ou de réparation

« Art. L. 162-5. - Les mesures de prévention prises en application du présent titre doivent permettre de répondre à la menace imminente d'un dommage causé à l'environnement, dans le but d'en empêcher la survenance ou d'en limiter les effets.

« Constitue une menace imminente pour l'application du présent titre une probabilité suffisante que survienne un tel dommage dans un avenir proche.

« Art. L. 162-6. - Les mesures de réparation des dommages aux sols définis au 1° du I de l'article L. 161-1 doivent tendre à supprimer tout risque d'incidence négative grave sur la santé humaine, en tenant compte de l'usage du site endommagé fait ou prévu au moment du dommage, apprécié notamment en fonction des documents d'urbanisme en vigueur à ce moment. La possibilité d'une réparation par régénération naturelle doit être envisagée.

« Art. L. 162-7. - Les mesures de réparation primaire, complémentaire et compensatoire des dommages définis aux 2° et 3° du I et au III de l'article L. 161-1 visent à rétablir les eaux, les espèces et habitats naturels protégés endommagés ainsi que les services écologiques dans l'état qui était le leur au moment du dommage. Ces mesures doivent également éliminer tout risque d'incidence négative grave sur la santé humaine.

« La réparation primaire désigne toute mesure de réparation par laquelle les eaux, les espèces et habitats naturels protégés endommagés ou les services détériorés retournent à leur état initial ou s'en rapprochent. La possibilité d'une réparation par régénération naturelle doit être envisagée.

« Lorsque les mesures de réparation primaire n'assurent pas le rétablissement des eaux, des espèces et habitats naturels endommagés ainsi que des services écologiques dans leur état initial ou un état s'en approchant, des mesures de réparation complémentaire sont entreprises. Ces mesures ont pour objet de fournir un niveau de ressources en eaux, en espèces et habitats naturels protégés ou un niveau de services écologiques comparable au niveau des ressources ou des services qui auraient été fournis si le site endommagé avait été rétabli dans l'état qui était le sien au moment du dommage. Ces mesures peuvent être entreprises sur un autre site. Dans la mesure du possible, le choix de cet autre site prend en compte les intérêts des populations concernées par le dommage.

« En outre, des mesures de réparation compensatoire doivent compenser les pertes intermédiaires qui résultent du fait que les ressources en eaux, en espèces et habitats protégés et les services endommagés ne sont pas encore en mesure de remplir leurs fonctions écologiques ou de fournir des services à d'autres ressources naturelles ou au public jusqu'à ce que les mesures primaires ou complémentaires aient produit leur effet. Ces mesures de réparation compensatoire consistent à apporter des améliorations supplémentaires aux habitats naturels et aux espèces protégés ou aux eaux soit sur le site endommagé, soit sur un autre site. Elles ne peuvent se traduire par une compensation financière.

« Sous-section 2

« Mise en œuvre des mesures de prévention ou de réparation

« Art. L. 162-8. - Lorsque se manifeste une menace imminente de dommage, l'exploitant prend sans délai et à ses frais les mesures de prévention nécessaires. Si la menace persiste, l'exploitant informe sans délai l'autorité administrative compétente de sa nature, des mesures de prévention qu'il a prises et de leurs résultats.

« Art. L. 162-9. - Lorsque survient un dommage, l'exploitant en informe sans délai l'autorité administrative compétente.

« Il prend sans délai et à ses frais les mesures propres à mettre fin aux causes du dommage, à prévenir ou circonscrire l'aggravation de celui-ci ainsi que ses incidences négatives sur la santé humaine et sur les services écologiques.

« Art. L. 162-10. - L'autorité administrative compétente procède à l'évaluation de la nature et des conséquences du dommage. Elle peut à cet effet demander à l'exploitant d'effectuer sa propre évaluation.

« Art. L. 162-11. - En vue d'atteindre les objectifs définis aux articles L. 162-6 et L. 162- 7, l'exploitant identifie les options de réparation raisonnables et détermine les mesures de réparation les plus adaptées. Il soumet ces mesures à l'approbation de l'autorité administrative compétente.

« Art. L. 162-12. - Après avoir, le cas échéant, demandé à l'exploitant de compléter ou modifier ses propositions, l'autorité administrative compétente les soumet pour avis aux collectivités territoriales ou leurs groupements, établissements publics et associations de protection de l'environnement qui sont concernés en raison de leur objet ainsi que de la localisation, de l'importance ou de la nature du dommage. Elle les soumet également aux personnes susceptibles d'être affectées par les mesures de réparation. Elle peut également les mettre à disposition du public.

« Art. L. 162-13. - Après avoir tenu compte, le cas échéant, des avis recueillis et mis l'exploitant en mesure de présenter ses observations, l'autorité administrative compétente prescrit, par une décision motivée, toute mesure de réparation qui lui paraît assurer la réalisation des objectifs définis aux articles L. 162-6 et L. 162-7.

« Art. L. 162-14. - Les mesures de prévention ou de réparation définies aux articles L. 162-5 à L. 162-7 et au deuxième alinéa de l'article L. 162-9 ne peuvent être mises en œuvre dans les propriétés privées qu'après que l'exploitant a reçu l'autorisation écrite des propriétaires, des titulaires de droits réels, de leurs ayants-droit et, le cas échéant, des titulaires d'un droit de jouissance. Les termes de l'autorisation sont en cas de besoin précisés dans une convention. Cette convention détermine également, le cas échéant, l'indemnité à laquelle l'occupation des terrains peut ouvrir droit.

« À défaut d'accord amiable ou en cas d'urgence, l'autorisation est donnée par le président du tribunal de grande instance ou un magistrat désigné par lui.

« Art. L. 162-15. - Lorsque l'étendue des surfaces concernées par les dommages ou le nombre des propriétaires sur le terrain desquels les mesures de réparation doivent être mises en œuvre le justifient, l'autorité administrative compétente peut, pour faciliter la mise en œuvre des mesures de réparation qu'elle a approuvées ou prescrites :

« 1° Appliquer, pour la réalisation des travaux, la loi du 29 décembre 1892 modifiée sur les dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics ;

« 2° Instituer des servitudes d'utilité publique sur les terrains sur lesquels les mesures de réparation doivent intervenir ; ces servitudes peuvent comporter la limitation ou l'interdiction de l'usage ou des modifications du sol et du sous-sol ; elles sont instituées et indemnisées dans les conditions prévues par les articles L. 515-9 à L. 515-11 ;

« 3° Proposer que soient déclarés d'utilité publique les travaux de réparation et, le cas échéant, au profit d'une personne publique, l'acquisition des immeubles affectés par les dommages, dans les conditions précisées par les deux dernières phrases du dernier alinéa de l'article L. 541-3.

« Art. L. 162-16. - En cas d'urgence et lorsque l'exploitant tenu de prévenir ou réparer les dommages en vertu du présent titre ne peut être immédiatement identifié, les collectivités territoriales ou leurs groupements, les établissements publics, les groupements d'intérêt public, les associations de protection de l'environnement, les syndicats professionnels, les fondations, les propriétaires de biens affectés par les dommages ou leurs associations peuvent proposer à l'autorité administrative compétente de réaliser eux-mêmes des mesures de prévention ou de réparation conformes aux objectifs définis aux articles L. 162-5 à L. 162-7. Les articles L. 162-13 à L. 162-15 et L. 162-17 à L. 162-19 sont applicables.

« Section 3

« Pouvoirs de police administrative

« Art. L. 162-17. - En cas de menace imminente de dommage, ou lorsqu'un tel dommage est survenu, l'autorité administrative compétente peut à tout moment demander à l'exploitant tenu de prévenir ou de réparer les dommages en vertu du présent titre de lui fournir toutes les informations utiles relatives à cette menace ou à ce dommage et aux mesures de prévention ou de réparation prévues par les articles L. 162-8 à L. 162-10.

« Les agents placés sous son autorité peuvent exiger, sur convocation ou sur place, les renseignements et justifications nécessaires au contrôle du respect des dispositions du présent titre. Ils ne peuvent accéder aux locaux et installations qu'entre six heures et vingt et une heures. Ils peuvent y accéder à toute heure si une activité est en cours ou s'il apparaît que le dommage est imminent ou sa réalisation en cours. Ils ne peuvent accéder aux domiciles ou à la partie des locaux servant de domicile.

« Art. L. 162-18. - I. - Lorsque l'exploitant n'a pas pris les mesures nécessaires de prévention ou de réparation prévues aux articles L. 162-8 et L. 162-9 ou qu'il n'a pas mis en œuvre les mesures de réparation prescrites en vertu de l'article L. 162-13, l'autorité administrative compétente peut le mettre en demeure d'y procéder dans un délai déterminé. La mise en demeure doit être motivée. Le cas échéant, elle prescrit ou rappelle les mesures de prévention ou de réparation à mettre en œuvre. Elle est prise après que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations.

« II. - Si, à l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, l'exploitant n'a pas mis en œuvre les mesures prescrites, l'autorité administrative compétente peut :

« 1° Obliger l'exploitant à consigner entre les mains d'un comptable public une somme répondant du montant des mesures de prévention ou de réparation prescrites, laquelle sera restituée à l'exploitant au fur et à mesure de leur exécution ;

« Il est procédé au recouvrement de cette somme comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. Pour le recouvrement de cette somme, l'État bénéficie d'un privilège de même rang que celui prévu à l'article 1920 du code général des impôts ;

« 2° Faire procéder d'office, aux frais de l'exploitant, à l'exécution des mesures de prévention ou de réparation prescrites. Les sommes consignées en application du 1° peuvent être utilisées pour régler les dépenses entraînées par l'exécution d'office des mesures prévues au I.

« Les dispositions du III de l'article L. 514-1 sont applicables.

« Art. L. 162-19. - L'autorité administrative compétente peut à tout moment, en cas d'urgence ou de danger grave, prendre elle-même ou faire prendre, aux frais de l'exploitant défaillant, les mesures de prévention ou de réparation nécessaires.

« Section 4

« Coût des mesures de prévention et de réparation

« Art. L. 162-20. - Le coût des mesures définies aux articles L. 162-5 à L. 162-7 comprend l'ensemble des frais liés à la mise en œuvre et au suivi des mesures approuvées ou prescrites par l'autorité administrative compétente. Il comprend aussi les dépenses afférentes :

« 1° À l'évaluation des dommages ;

« 2° À la détermination des différentes mesures de prévention ou de réparation possibles.

« Art. L. 162-21. - Les frais mentionnés à l'article L. 162-20 sont supportés par l'exploitant tenu de prévenir ou de réparer un dommage à l'environnement en vertu du présent titre.

« Le cas échéant, l'exploitant supporte également la charge des frais liés aux procédures d'information et de consultation du public, des collectivités territoriales ou de leurs groupements, des associations de protection de l'environnement et des tiers intéressés, ainsi que celle des indemnités versées en application des articles L. 162-14 et L. 162-15.

« Art. L. 162-22. - Lorsqu'un même dommage à l'environnement a plusieurs causes, le coût des mesures de prévention ou de réparation est réparti entre les exploitants par l'autorité administrative compétente, à concurrence de la participation de leur activité au dommage ou à la menace imminente de dommage.

« Art. L. 162-23. - Lorsqu'elle a fait procéder à l'exécution d'office des mesures de prévention ou de réparation sans recourir aux dispositions du 1° du II de l'article L. 162-18, l'autorité administrative compétente en recouvre le coût auprès de l'exploitant dont l'activité a causé le dommage. Elle peut décider de ne pas recouvrer les coûts supportés lorsque le montant des dépenses nécessaires à ce recouvrement est supérieur à la somme à recouvrer.

« Art. L. 162-24. - Les personnes qui ont participé en application de l'article L. 162-16 à la prévention ou à la réparation de dommages tels que définis à l'article L. 161-1 ont droit au remboursement par l'exploitant tenu de prévenir ou réparer ces dommages en vertu du présent titre, lorsqu'il a été identifié, des frais qu'elles ont engagés, sans préjudice de l'indemnisation des autres dommages subis. La demande est adressée à l'autorité administrative compétente qui, après avoir recueilli les observations de l'exploitant, fixe le montant que ce dernier doit rembourser.

« Art. L. 162-25. - Dans tous les cas, la procédure de recouvrement des coûts ne peut être engagée au-delà d'un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle les mesures prescrites ont été exécutées ou de la date à laquelle l'exploitant a été identifié, la date la plus récente étant retenue.

« Art. L. 162-26. - L'exploitant peut recouvrer par toutes voies de droit appropriées, auprès des personnes responsables, le coût des mesures de prévention ou de réparation qu'il a engagées en application du présent titre, lorsqu'il peut prouver que le dommage ou sa menace imminente :

« 1° Est le fait d'un tiers, en dépit de mesures de sécurité appropriées ;

« 2° Résulte du respect d'un ordre ou d'une instruction d'une autorité publique non consécutif à une émission ou un incident causés par les activités de l'exploitant.

« Art. L. 162-27. - Le coût des mesures de réparation définies aux articles L. 162-6 et L. 162-7 ne peut être mis à la charge de l'exploitant s'il apporte la preuve qu'il n'a pas commis de faute ou de négligence et que le dommage à l'environnement résulte d'une émission, d'une activité ou de tout mode d'utilisation d'un produit dans le cadre d'une activité qui n'était pas considérée comme susceptible de causer des dommages à l'environnement au regard de l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment du fait générateur du dommage.

« CHAPITRE III

« DISPOSITIONS PÉNALES

« Section 1

« Constatation des infractions

« Art. L. 163-1. - Outre les officiers et agents de police judiciaire, sont habilités à rechercher et à constater les infractions aux dispositions du présent titre et des textes pris pour son application :

« 1° Les fonctionnaires et agents commissionnés et assermentés mentionnés au 1° de l'article L. 216-3, au 2° de l'article L. 226-2 et au 4° de l'article L. 541-44, et les inspecteurs des installations classées pour la protection de l'environnement mentionnés à l'article L. 514-5 ;

« 2° Les agents commissionnés et assermentés de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et des établissements publics des parcs nationaux ;

« 3° Les agents de l'Office national des forêts mentionnés à l'article L. 122-7 du code forestier.

« Art. L. 163-2. - Les infractions aux dispositions du présent titre et des textes pris pour son application sont constatées par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve contraire.

« Les procès-verbaux doivent, sous peine de nullité, être adressés dans les cinq jours qui suivent leur clôture au procureur de la République.

« Art. L. 163-3. - Pour l'exercice de leurs missions et notamment la recherche et le contrôle des infractions prévues au présent chapitre, les agents mentionnés à l'article L. 163-1 ont accès, lorsqu'ils sont à usage professionnel, aux locaux, lieux, installations et moyens de transport. Ils ne peuvent y accéder qu'entre six heures et vingt et une heures, ou en dehors de ces heures, lorsque l'accès au public y est autorisé ou lorsqu'une activité est en cours.

« Section 2

« Sanctions pénales

« Art. L. 163-4. - Le fait de mettre les fonctionnaires et agents mentionnés aux articles L. 162-17 et L. 163-1 dans l'impossibilité de remplir leurs fonctions ou d'y faire obstacle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.

« Art. L. 163-5. - Le fait de ne pas se conformer à la mise en demeure prévue au I de l'article L. 162-18 de procéder dans un délai déterminé aux mesures de prévention ou de réparation prescrites ou rappelées est puni d'une peine de six mois d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende.

« Art. L. 163-6. - Le tribunal peut ordonner l'affichage ou la diffusion intégrale ou partielle de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal.

« Art. L. 163-7. - Les personnes morales reconnues responsables dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal des infractions prévues au présent titre encourent les peines suivantes :

« 1° L'amende dans les conditions fixées à l'article 131-38 du code pénal ;

« 2° Les peines mentionnées aux 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 8° et 9° de l'article 131-39 du même code.

« L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 du même code porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.

« CHAPITRE IV

« DISPOSITIONS PARTICULIÈRES À CERTAINES ACTIVITÉS

« Art. L. 164-1. - L'application des dispositions du présent titre ne fait obstacle à la mise en œuvre d'aucun régime de police spéciale, notamment :

« 1° Le chapitre IV du titre Ier du livre II ;

« 2° Le titre Ier du livre V ;

« 3° Les articles 75-1 et 79 du code minier.

« CHAPITRE V

« DISPOSITIONS DIVERSES

« Art. L. 165-1. - Les décisions de l'autorité administrative compétente prises en application du présent titre sont soumises à un contentieux de pleine juridiction.

« Art. L. 165-2. - Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent titre. Ce décret, notamment :

« 1° Fixe la liste des activités mentionnées à l'article L. 162-1 qui, eu égard à leur nature ou à leurs émissions dans l'environnement, sont susceptibles de causer des dommages tels que définis à l'article L. 161-1 ;

« 2° Désigne l'autorité administrative compétente pour mettre en œuvre les dispositions du présent titre ;

« 3° Détermine les conditions d'appréciation de la gravité d'un dommage tel que défini à l'article L. 161-1, et de l'existence d'une menace imminente d'un tel dommage, en prenant en compte les critères énumérés à l'annexe I de la directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux ;

« 4° Précise le contenu et les conditions de mise en œuvre des mesures de prévention mentionnées à l'article L. 162-5 et des mesures de réparation mentionnées aux articles L. 162-6 et L. 162-7, en tenant compte des dispositions de l'annexe II de la directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 ;

« 5° Fixe les conditions dans lesquelles le public, les collectivités territoriales ou leurs groupements, les associations de protection de l'environnement et les tiers intéressés sont, selon les cas, informés ou consultés sur la nature et la mise en œuvre des mesures envisagées ;

« 6° Détermine les conditions dans lesquelles les associations de protection de l'environnement ou toute autre personne concernée peuvent saisir l'autorité administrative compétente d'une demande tendant à la mise en œuvre des mesures de réparation prévues par le présent titre. ».