M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.

M. Laurent Béteille. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la loi organique du 27 février 2004 a fait de la Polynésie française la première collectivité d'outre-mer dotée de l'autonomie en application de l'article 74 de la Constitution issu de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003.

Elle a doté cette collectivité d'outre-mer d'institutions et de compétences tenant compte de ses intérêts propres, de ses spécificités géographiques et de l'identité de sa population.

Elle a attribué aux autorités locales une compétence générale pour le développement économique, social et culturel du territoire.

Cette très large autonomie, à laquelle nous tenons tous, doit, toutefois, s'exercer au sein de la République, ce qui implique le respect des principes fondamentaux de nos institutions.

Comme l'indiquait le Président de la République, alors candidat à l'élection présidentielle, dans sa lettre aux Polynésiens du 24 mars 2007, « l'autonomie [...] doit [...] être encore améliorée et perfectionnée pour que chacun, la Polynésie française comme l'État, assure au mieux ses compétences ».

Cette autonomie doit effectivement être améliorée, car, vous le savez, la Polynésie française souffre aujourd'hui, de manière récurrente, d'une forte instabilité institutionnelle et politique, qui est préjudiciable à son développement économique et social.

Depuis 2004, cinq présidents se sont en effet succédé, dont quatre après l'adoption de motions de censure.

Cette instabilité politique développe évidemment un climat de défiance chez les habitants de la Polynésie française. Elle ne permet pas de mettre en oeuvre les politiques économiques et sociales dont la Polynésie a pourtant besoin. Elle porte, enfin, atteinte à l'autonomie même de la Polynésie, car les conditions d'une bonne gouvernance ne peuvent pas être remplies.

La Cour des comptes, dans son rapport public de 2006, a, par ailleurs, émis de sérieuses critiques sur l'opacité de la gestion due à « l'extrême concentration du pouvoir au sein de la collectivité et [à] l'imparfaite définition des procédures relatives à l'engagement de la dépense publique ».

La nécessité d'une moralisation de la vie politique, d'une plus grande transparence financière et d'un rééquilibre des pouvoirs s'impose donc.

Comme vous le souligniez, monsieur le secrétaire d'État, « il ne peut y avoir de progrès économique et social sans une autonomie efficace [...] ; il ne peut y avoir une autonomie efficace, sans stabilité et transparence politiques ».

Le Président de la République a, d'ailleurs, affiché clairement son attachement à la stabilité politique de la Polynésie et à l'affirmation de sa démocratie.

C'est pourquoi le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire qui nous sont aujourd'hui soumis modifient et complètent le statut de l'autonomie défini en 2004, afin d'améliorer le fonctionnement des institutions de la Polynésie française.

Monsieur le secrétaire d'État, vous réaffirmiez à juste titre et avec force, en octobre dernier, devant le haut-commissaire de la République en Polynésie, que « la Polynésie française n'a plus de temps à perdre. Avec un gouvernement issu des urnes, l'État établira un partenariat loyal, pour construire, sur des bases solides, un développement respectueux de l'identité polynésienne, équitable et équilibré ». Le groupe UMP partage votre conviction. Il est, en effet, urgent de compléter et d'améliorer le statut de 2004, et de prévoir un renouvellement anticipé de l'assemblée de la Polynésie française.

C'est parce que tous les responsables politiques, économiques et sociaux l'ont demandé ou admis que l'État intervient et qu'il accepte le principe d'un retour anticipé aux urnes.

Pour cette raison, le groupe UMP adoptera l'article 20 du projet de loi organique, qui prévoit le renouvellement anticipé de l'assemblée de la Polynésie française au mois de janvier 2008.

Les deux projets de loi que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d'État, doivent beaucoup à votre sens du dialogue et de l'écoute. Vous avez, en effet, procédé à une très large consultation des forces politiques concernées par la situation de la Polynésie française, tant au plan local qu'au niveau national.

Le projet de loi organique a fait l'objet d'une discussion directe et franche avec l'ensemble des forces vives de la Polynésie, abordant l'ensemble des sujets sans tabous.

Nous nous félicitons de la démarche retenue, qui témoigne de votre souci constant d'être à l'écoute des Polynésiens et des Polynésiennes. Nous nous en réjouissons, car elle démontre la capacité de notre État à exercer son rôle de garant et de régulateur des institutions tout en respectant l'autonomie de la Polynésie.

Ces deux projets de loi visent trois objectifs à la fois nécessaires et légitimes : l'amélioration de la stabilité des institutions, l'augmentation de la transparence de la vie politique et le renforcement des contrôles juridictionnels, financiers et budgétaires.

Plusieurs mesures novatrices sont proposées afin de conforter la stabilité gouvernementale et de favoriser l'émergence d'une majorité stable au sein de l'assemblée de la Polynésie française.

Premièrement, le mode d'élection du président de la Polynésie française par l'assemblée est clarifié, puisqu'il est procédé à un troisième tour de scrutin à la majorité relative si, après deux premiers tours, aucun candidat n'obtient la majorité absolue des membres de l'assemblée.

Deuxièmement, un nouveau mode de scrutin est également instauré, pour l'élection des représentants à l'assemblée de la Polynésie française. Un second tour de scrutin est, en effet, prévu, afin de donner aux électeurs la possibilité de s'exprimer sur le choix des alliances entre les partis politiques.

Cette réforme est nécessaire, car elle vise à garantir l'avenir de la Polynésie, à promouvoir une représentation juste de tous ses territoires et à assurer la formation d'une majorité stable au sein de l'assemblée de la Polynésie française.

Troisièmement, la mise en cause de la responsabilité de l'exécutif passera désormais par le vote à la majorité absolue d'une motion de défiance constructive, dont l'adoption, en même temps qu'elle met fin au gouvernement en place, conduit à déclarer élu un nouveau président.

Il s'agit là d'une disposition particulièrement importante, qui permettra indéniablement de remédier aux situations de blocage politique que nous avons connues. En effet, si la procédure actuelle permet le renversement du gouvernement en place, elle ne garantit toutefois pas que lui soit substitué un gouvernement soutenu par une majorité stable. Cette mesure permettra donc de mieux garantir la stabilité gouvernementale et le groupe UMP du Sénat la soutient.

Quatrièmement, le texte prévoit l'inscription, dans le statut de l'autonomie de 2004, d'un dispositif permettant au président de la Polynésie française, en cas de rejet du projet de budget initial, de déposer un nouveau projet qui serait considéré comme adopté à moins que l'assemblée ne vote, à la majorité absolue de ses membres, une motion de renvoi comportant elle-même un projet de budget et désignant un nouveau président.

La commission des lois a adopté un amendement de suppression de cette procédure, appelée également « 49-3 budgétaire ».

Certes, comme l'a souligné notre rapporteur et ami Christian Cointat, cette procédure peut paraître à bien des égards complexe. Pour autant, serait-il raisonnable de s'affranchir de ce dispositif qui peut permettre de résoudre des situations de crise et de blocage lors de l'adoption d'un budget ?

Cette procédure, qui reprend celle qui a été mise en place pour les régions par la loi du 19 janvier 1999, a fait ses preuves et mérite d'être conservée. Elle peut se révéler, en effet, particulièrement efficace.

De nouveaux outils sont également instaurés afin de garantir une plus grande transparence de la vie politique, et nous les approuvons.

Ainsi, le régime des inéligibilités et des incompatibilités applicable au président et aux membres de l'assemblée et du gouvernement est-il rendu plus contraignant.

L'attribution d'aides financières ou de garanties d'emprunt aux sociétés d'économie mixte est, par ailleurs, encadrée.

Le groupe UMP du Sénat soutient l'ensemble de ces mesures, notamment celles qui tendent à associer étroitement, dans un souci de transparence, le conseil des ministres et l'assemblée sur les décisions relatives à l'attribution des aides financières.

Enfin, les modalités d'exercice des contrôles juridictionnels, financiers et budgétaires sont renforcées par l'application de dispositions faisant partie du droit commun des collectivités territoriales de la République.

Ces mesures vont également dans le bon sens, car elles garantissent une meilleure gestion des fonds publics en Polynésie française, conformément aux recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport de 2006.

Le projet de loi organique que vous nous proposez, monsieur le secrétaire d'État, est un bon projet et nous ne pouvons qu'y adhérer tant il améliore le statut de 2004. En assurant un nouvel équilibre des pouvoirs, ce texte permet de conforter le gouvernement et l'assemblée de la Polynésie française dans l'exercice de leurs compétences.

Au vu de ces quelques observations, les membres de mon groupe et moi-même voterons ces deux projets de loi qui, loin de contrarier l'autonomie statutaire de la Polynésie Française, ne font que renforcer son efficacité.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Monsieur Béteille, je vous remercie d'avoir rappelé qu'il ne peut y avoir de stabilité sans transparence ni sans une organisation institutionnelle qui permette enfin à la Polynésie française de fonctionner. Je vous suis également reconnaissant de soutenir, au nom du groupe UMP, l'ensemble des propositions faites par le Gouvernement.

Monsieur Flosse, je vous sais gré d'approuver la réforme du mode de scrutin.

Vous avez évoqué la précipitation avec laquelle les élections à l'assemblée seraient organisées et le choix d'une date, pour l'élection de son président, avant les municipales. À l'occasion de chacun de mes passages - que vous avez rappelés - en Polynésie française, vous m'avez accompagné dans de nombreuses communes. Or, comme nous l'avons relevé tous les deux, chaque fois qu'un maire m'a accueilli, il a pris la parole publiquement pour approuver le calendrier proposé par le Gouvernement.

Je n'ai donc pas le sentiment que les maires de Polynésie française considèrent ce calendrier comme une difficulté dans la préparation des échéances municipales.

Vous avez aussi parlé d'autonomie budgétaire et comptable ; vous approuvez en même temps sans réserve les mesures de transparence. Comment peut-on assurer une véritable transparence si on ne veille pas, dans le même temps, en renforçant notamment le rôle de la chambre territoriale des comptes, à cette régularité comptable et budgétaire ?

Selon vous, nous avons trop vite oublié les efforts nucléaires consentis par la Polynésie. Ils ont permis - je veux le souligner ici et en remercier l'ensemble du peuple polynésien - à la France d'occuper la place qui est aujourd'hui la sienne dans le monde, et au Président de la République de s'exprimer à toutes les grandes tribunes internationales, notamment celle des Nations unies. Notre pays est respecté par les plus grands de ce monde et nous le devons, pour beaucoup, au peuple polynésien. En retour, la France doit se montrer équitable et juste, et telle est l'ambition de ce texte.

Monsieur Flosse, nous avons visité, ou survolé, ensemble de nombreux sites, pour lesquels nous avions pris des engagements très forts ; je pense, notamment, à Rangiroa, à Reao.

L'ensemble des engagements du Gouvernement en matière de réhabilitation et de rétablissement de la biodiversité dans l'ensemble de ces territoires ont été tenus. Le Gouvernement veille également au suivi médical. J'ai ainsi procédé à l'inauguration d'un centre à Papeete. Toute la transparence est assurée. C'est ce que devaient la République et l'État à la Polynésie française.

Monsieur Flosse, je retiens votre invitation au festival des arts des îles Marquises et je serais heureux de défendre de toutes mes forces l'inscription au patrimoine mondial de l'humanité des îles Marquises, qui sont, pour la France et pour la Polynésie française, un patrimoine d'exception.

Les représentants de l'opposition ont formulé diverses remarques. Certains, notamment Mme Voynet et Mme Borvo Cohen-Seat, se sont exprimés avec beaucoup de véhémence ; M. Frimat a fait preuve de plus de modération.

S'agissant de l'abréviation du mandat de l'actuelle assemblée de Polynésie française, vous avez parlé, madame Voynet, de « basse besogne ». Je vous rappelle qu'il entre bien dans les compétences du Parlement d'abréger un mandat, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel le 23 mai 1979. Cela me semble plus démocratique que de procéder par décret.

Madame Borvo Cohen-Seat, vous regrettez que l'avis de l'assemblée ne soit que consultatif. La Polynésie française a émis un avis largement favorable sur deux tiers des mesures proposées dans ce projet de loi. Pour le reste, nous n'avons pas de leçons à recevoir ! Dans le Programme commun de 1977 (Protestations sur les travées du groupe CRC.), l'outre-mer était traitée dans le chapitre des relations extérieures. De toute évidence, votre formation politique et la majorité présidentielle n'ont pas la même vision (Mme Odette Terrade proteste.) ...

Mme Dominique Voynet. C'était il y a trente ans !

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. ... s'agissant de la solidarité et de l'équité que nous devons assurer à nos compatriotes ultramarins.

Monsieur Frimat, pour commencer, je vous remercie de vous être montré ouvert et respectueux du débat parlementaire.

Mme Dominique Voynet. Le Gouvernement donne des bons points. Il distribue des bonbons !

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Vous avez vous-même reconnu que plus de transparence et de clarté étaient aujourd'hui nécessaires en matière d'autonomie en Polynésie française.

En revanche, vous faites part de votre désaccord sur l'urgence et, comme Mme Voynet et Mme Borvo Cohen-Seat, sur le calendrier. Vous faites référence au Gouvernement actuel de la Polynésie française, c'est-à-dire à celui qui date d'il y a deux mois. Je vous rappelle que le texte dont nous discutons aujourd'hui a été annoncé en conseil des ministres - je prends à témoin le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement - le 1er août dernier. Nous ne pouvions pas imaginer alors ce qui allait se passer dans les semaines suivantes.

Entre le mois de juin et le mois de juillet, M. Temaru et M. Flosse n'ont cessé de réclamer une dissolution dans l'urgence.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Nous leur avons systématiquement répondu que nous ne voulions pas d'une dissolution politique ou de convenance. C'est pourquoi, alors que rien ne nous permettait de prédire ce qui allait se passer au cours des semaines et des mois suivants, nous avons annoncé, en réponse aux demandes de dissolution émanant de part et d'autre, que nous allions proposer d'abréger le mandat de l'assemblée de Polynésie française et d'organiser une élection anticipée. Auparavant, nous souhaitions prendre la précaution de procéder à une réforme institutionnelle afin de nous assurer que, après ce renouvellement, nous nous inscririons dans la stabilité, dans la juste représentativité des territoires et des formations politiques, et que nous pourrions enfin nous mettre au travail, parce que c'est de cela qu'il s'agit.

Ce n'est donc pas une élection anticipée de convenance, puisque, je le rappelle, celle-ci a été décidée non pas aujourd'hui, mais le 1er août dernier. Plutôt que de répondre dans l'urgence, nous avons préféré prendre tout notre temps : cinq mois de débat ! Ce débat n'est d'ailleurs pas clos puisque l'Assemblée nationale examinera ce texte. Bien évidemment, le Conseil constitutionnel aura lui aussi à donner son avis.

Vous le voyez, nous avons pris tout notre temps ; nous n'agissons pas dans l'urgence et nous ne prenons pas de décision de convenance.

Vous avez fait un long rappel historique, monsieur Frimat, sur les années qui viennent de s'écouler.

Concernant le rapport de la Cour des comptes, vous indiquez qu'il porte sur la période antérieure à 2004. Par la force des choses, les rapports de la Cour des comptes sont toujours publiés après les faits. Mais la chambre territoriale des comptes étudie aujourd'hui la période postérieure à mai 2004. C'est d'ailleurs à la suite de ces rapports que le Gouvernement de M. Tong Sang a pris des mesures d'assainissement et de moralisation qui rompent avec la période 2004-2006. Ainsi, la Cour des comptes a rédigé un pré-rapport très critique sur l'utilisation de la dotation de l'État au titre de la continuité territoriale. Il nous a donc paru nécessaire de garantir toute la transparence nécessaire dans ce domaine avant l'organisation de nouvelles élections. (Mme Dominique Voynet s'exclame.)

Enfin, en termes de légitimité, vous avez fait référence aux diverses majorités qui se sont succédé en Polynésie française. Il y a eu le 6 mai 2007 et le Président de la République et le Gouvernement disent aujourd'hui qu'ils veulent tourner la page.

Nous souhaitons garantir la stabilité aux Polynésiens. Car ce qui nous intéresse, ce n'est pas qui assurera le gouvernement de la Polynésie française demain ; cela n'a aucune importance ! Ce que nous voulons, c'est que l'État assume pleinement et de manière impartiale ses responsabilités régaliennes devant les Polynésiens et que nous puissions accompagner ceux-ci dans leur développement économique et social.

Madame Voynet, vous avez présenté un plaidoyer contre la réforme. Vous qui vous intéressez au développement durable, qui plaidez cette cause, qui savez ce que représente la Polynésie française dans ce domaine, savez-vous - j'espère que tel est le cas et que vous avez un peu étudié la situation avant votre intervention -, ...

Mme Dominique Voynet. Vous plaisantez ?

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. ... qu'un contrat de projet sur cinq ans a été signé ?

Mme Dominique Voynet. Paternalisme et mépris ! Cette façon de parler est inexcusable !

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. La part de l'État s'élèvera à 177 millions d'euros, sur un montant global de 430 millions d'euros. Sont prévues des mesures d'accompagnement des communes qui, malheureusement, ont de faibles moyens, en matière d'assainissement, d'eau potable et de développement durable.

Alors que ce contrat de projet prévoit des dispositions importantes en faveur de la biodiversité, du développement durable, de la recherche et de l'enseignement supérieur et que toutes sont bloquées en raison des instabilités successives, ne pensez-vous pas sincèrement que la Polynésie française n'a plus un instant à perdre et que les Polynésiens, de quelque archipel qu'ils soient, n'ont que faire des relations entre les uns et les autres ? Ils veulent simplement une stabilité afin de permettre au gouvernement, à l'assemblée de Polynésie française - quel que soit le résultat des urnes, nous le respecterons - de leur proposer loyalement des partenariats durables pour assurer la prospérité de la Polynésie française et l'épanouissement de chacune de ses familles.

Enfin, s'agissant de la légitimité, je ne m'attarde pas sur les 44 voix sur 57 ; je regarde simplement qui est le dernier à avoir reçu une légitimité en Polynésie française. (Mme Dominique Voynet s'exclame.)

Lors des quatre scrutins successifs, les Polynésiens ont fait le choix d'une majorité, de leur enracinement dans la République française. Ils ont fait le choix de la lettre que Nicolas Sarkozy a adressée à tous les Polynésiens et dans laquelle il a pris des engagements. Or nous n'aurons pas les moyens de respecter ces engagements tant que cette réforme n'aura pas été mise en oeuvre.

Parce que nous devons répondre à l'exigence des Polynésiennes et des Polynésiens, nous avons le devoir de respecter ces engagements, que les Polynésiens ont soutenus à quatre reprises aux mois de mai et juin derniers.

C'est la raison pour laquelle, dans le respect de cette légitimité, qui est la dernière que nos compatriotes de Polynésie française ont accordée au Gouvernement et au Président de la République, nous nous devions d'apporter aujourd'hui ces réponses. Ils auront de nouveau, au mois de janvier prochain, à accorder leur légitimité à un gouvernement local et à une assemblée.

Ce qui compte pour nous, c'est d'abord d'écouter, de comprendre et de respecter le peuple de Polynésie française. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...

 
 
 

La discussion générale commune est close.

Nous passons à la discussion des articles du projet de loi organique.

projet de loi organique

TITRE IER

DISPOSITIONS RELATIVES À LA STABILITÉ DES INSTITUTIONS

 
Dossier législatif : projet de loi organique tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française
Article 2

Article 1er

I. - Il est inséré, après l'article 67 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, un article 67-1 ainsi rédigé :

« Art. 67-1. - En cas d'absence ou d'empêchement du président de la Polynésie française, son intérim est assuré par le vice-président nommé dans les conditions prévues à l'article 73 ou, si celui-ci est lui-même absent ou empêché, par un ministre dans l'ordre de nomination des ministres. »

II. - L'article 69 de la même loi organique est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 69. - Le président de la Polynésie française est élu par l'assemblée de la Polynésie française, parmi ses membres, au scrutin secret.

« L'assemblée de la Polynésie française ne peut valablement procéder à l'élection que si les trois cinquièmes des représentants sont présents. Si cette condition n'est pas remplie, la réunion se tient de plein droit trois jours plus tard, dimanche et jours fériés non compris, quel que soit le nombre des représentants présents.

« Le vote est personnel.

« Si, après deux tours de scrutin, aucun candidat n'obtient la majorité absolue des membres composant l'assemblée, il est procédé à un troisième tour et l'élection a lieu à la majorité relative.

« En cas d'égalité des voix, l'élection est acquise au bénéfice de l'âge.

« Pour le premier tour de scrutin, les candidatures sont remises au président de l'assemblée de la Polynésie française au plus tard la veille du jour fixé pour le scrutin. Des candidatures nouvelles peuvent être présentées après chaque tour de scrutin. Elles sont remises au président de l'assemblée au plus tard une heure avant l'ouverture de chaque tour de scrutin.

« Chaque candidat expose son programme devant l'assemblée avant l'ouverture de chaque tour de scrutin. »

III. - Au quatrième alinéa de l'article 73 de la même loi organique, avant les mots : « de chacun des ministres », sont insérés les mots : « du vice-président et ».

IV. - Le second alinéa de l'article 80 de la même loi organique est remplacé par les dispositions suivantes :

« En cas de démission, de démission d'office ou d'empêchement définitif du président de la Polynésie française, ou lorsque son absence ou son empêchement excède une période de trois mois à partir de l'exercice de l'intérim par le vice-président, le gouvernement de la Polynésie française est déclaré démissionnaire par le haut-commissaire de la République, agissant d'office ou saisi par le conseil des ministres, et il est pourvu à son remplacement dans les conditions prévues aux sections 2 et 3 du présent chapitre. »

M. le président. L'amendement n° 34 rectifié, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :

Remplacer le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 69 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le président de la Polynésie française est élu au scrutin secret par l'assemblée de la Polynésie française parmi ses membres.

« Il peut également être élu par l'assemblée hors de son sein sur présentation de sa candidature par au moins un quart des représentants à l'assemblée de la Polynésie française, chaque représentant ne pouvant présenter qu'un seul candidat. Dans ce cas, les candidats doivent satisfaire aux conditions requises pour être éligibles à l'assemblée de la Polynésie française. En cas de doute sur l'éligibilité d'un candidat, le haut-commissaire de la République peut, dans les quarante-huit heures du dépôt des candidatures, saisir le tribunal administratif, qui se prononce dans les quarante-huit heures.

La parole est à M. Gaston Flosse.

M. Gaston Flosse. Cet amendement vise à réinsérer dans l'article 1er une disposition qui a été supprimée de la loi de 2004, à savoir la possibilité pour l'assemblée de la Polynésie française d'élire un président hors de son sein, à une majorité évidemment plus importante que la majorité absolue.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Cointat, rapporteur. Cette disposition figurait dans le statut de 2004 tel que la Haute Assemblée l'avait adopté. Aucun élément ne permet de modifier la position qui avait été prise à l'époque.

C'est la raison pour laquelle la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Le Gouvernement est attaché à ce que les citoyens de Polynésie française choisissent eux-mêmes le président, directement, ou indirectement au travers de leurs élus. C'est pour nous une règle de démocratie majeure.

Ou bien le président de la Polynésie française est élu au scrutin direct par les Polynésiens eux-mêmes - mais cette solution a été écartée du projet de loi - ou bien il est élu par eux en tant que membre de l'assemblée. Il en tirera sa légitimité. En revanche, le Gouvernement n'envisage pas que l'on puisse sortir du chapeau quelqu'un qui ne tirerait pas sa légitimité du suffrage universel.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. M. le rapporteur a dit une phrase terrible, qui me surprend : puisque le Sénat a voté cette mesure en 2004, il ne peut pas revenir sur sa position.

M. Christian Cointat, rapporteur. Je n'ai pas dit cela !

M. Bernard Frimat. Il s'en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.

Le pouvoir trouve sa source dans le suffrage universel, qu'il soit direct ou indirect. C'est une règle simple, qu'il faut garder.

Dès lors que le peuple de Polynésie est consulté, le président doit découler de son choix. Il est peu souhaitable que soit élu quelqu'un qui n'aurait pas été partie prenante au débat électoral.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Rédiger comme suit le quatrième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 69 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 :

« Si, après deux tours de scrutin, aucun candidat n'obtient la majorité absolue des membres composant l'assemblée, il est procédé à un troisième tour et l'élection a lieu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Seuls peuvent se présenter au troisième tour les deux candidats qui, le cas échéant après retrait de candidats plus favorisés, se trouvent avoir recueilli le plus grand nombre de suffrages exprimés au deuxième tour. En cas d'égalité des voix, la présentation au troisième tour est acquise au bénéfice de l'âge.

II. - En conséquence, rédiger comme suit la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa du même texte :

Des candidatures nouvelles peuvent être présentées au deuxième tour de scrutin.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Cointat, rapporteur. Cet amendement concerne l'élection du président de la Polynésie française.

Aujourd'hui, cette élection a lieu en deux tours de scrutin, et seuls les deux candidats arrivés en tête au premier tour peuvent se maintenir au second.

Or, dans sa rédaction actuelle, le projet de loi organique prévoit la possibilité d'un troisième tour, à l'issue duquel l'élection aurait lieu à la majorité relative.

L'amendement n° 1 vise à combiner les deux dispositifs. En effet, l'expression politique pourra d'abord se décanter au premier tour. Puis, au troisième tour, auquel seuls les deux candidats arrivés en tête au deuxième tour pourront accéder, le président de la Polynésie française sera élu à la majorité absolue des suffrages exprimés et disposera ainsi d'une véritable légitimité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Quel est l'enjeu ? Y a-t-il quelqu'un, en Polynésie française, qui demande la modification du mode de désignation du président de l'assemblée de la Polynésie française tel qu'il a récemment été explicité par le Conseil d'État ?

Aujourd'hui, pour l'emporter, il faut obtenir soit la majorité absolue au premier tour de scrutin soit la majorité relative au second.

Monsieur le rapporteur, le dispositif que vous inventez est bien compliqué. D'ordinaire, lorsqu'une élection a lieu en trois tours de scrutin, une simple majorité relative est requise au troisième tour. Or, en l'espèce, vous nous proposez d'imposer également la majorité absolue au troisième tour. Pardonnez-moi de vous le dire, mais c'est relativement incohérent !

De deux choses l'une : soit nous permettons à l'assemblée de la Polynésie française de se déterminer au troisième tour de scrutin - et, dans ce cas, allons au bout de la logique ! -, soit nous maintenons le système actuel en l'état.

De ce point de vue, la proposition du Gouvernement, qui consistait à appliquer le schéma classique d'une élection en trois tours de scrutin, c'est-à-dire avec la majorité absolue aux premier et deuxième tours et la majorité relative au troisième tour, avait une certaine cohérence. Sinon, puisque personne ne réclame une telle évolution, nous pouvons très bien conserver le mode de scrutin actuel.

Nous ne prendrons pas part au vote. En effet, selon nous, une telle proposition ne fait écho à aucune demande locale, n'apporte rien et paraît, dès lors, déplacée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le III de cet article :

III.- L'article 73 de la même loi organique est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le gouvernement comprend entre sept et quinze ministres. »

2° Au dernier alinéa, avant les mots : « de chacun des ministres », sont insérés les mots : « du vice-président et ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Cointat, rapporteur. Cet amendement vise à éviter une inflation sans limites du nombre de ministres.

En effet, en Nouvelle-Calédonie, le nombre de membres du gouvernement est compris entre cinq et onze. Par analogie, nous proposons que ce nombre soit compris entre sept et quinze - ces chiffres ont été choisis par référence à la situation actuelle - en Polynésie française.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Là encore, une telle proposition, qui ne fait écho à aucune demande de l'assemblée de la Polynésie française, est, j'imagine, destinée à glorifier l'autonomie.

Pourquoi une telle frénésie à légiférer ? Pourquoi ne pas laisser décider les Polynésiens et leurs élus ? À ma connaissance, le gouvernement de la Polynésie française n'a atteint qu'une seule fois le nombre de dix-huit membres. Les autres fois, il est, me semble-t-il, toujours demeuré dans les normes que l'on nous propose de fixer.

À moins qu'il ne s'agisse d'une anticipation des positions que vous envisagez de soutenir lors du futur débat sur la réforme des institutions, monsieur le rapporteur... Ce serait novateur et très intéressant ! (Sourires.)

Pour ma part, je crains qu'une diminution du nombre de ministres du gouvernement de la Polynésie française n'entraîne une augmentation de l'effectif des conseillers auprès du président. Bien entendu, toute ressemblance avec une situation existante ne serait que pure coïncidence. (Nouveaux sourires.)

La Polynésie n'est pas une collectivité locale de droit commun. En quoi fait-on progresser la situation en lui imposant une telle contrainte ? Laissons les Polynésiens libres de décider.

C'est pourquoi nous voterons contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Cointat, rapporteur. Monsieur Frimat, si j'ai formulé une telle proposition, c'est en raison du sentiment exprimé par la population polynésienne, qui souhaite obtenir des garanties en la matière.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Cointat au nom de la commission, est ainsi libellé :

Remplacer le IV de cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

IV. - Le second alinéa de l'article 80 de la même loi organique est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« L'empêchement provisoire du président de la Polynésie française est constaté par le conseil des ministres, d'office ou à la demande de l'intéressé.

« En cas de démission, de démission d'office ou d'empêchement définitif du président de la Polynésie française, ou lorsque son empêchement excède une période de trois mois à partir de l'exercice de l'intérim par le vice-président, le gouvernement de la Polynésie française est démissionnaire de plein droit et il est pourvu à son remplacement dans les conditions prévues aux sections 2 et 3 du présent chapitre. L'empêchement définitif du président de la Polynésie française est constaté par le président de la section du contentieux du Conseil d'État, saisi par le conseil des ministres, par le président de l'assemblée de la Polynésie française ou par le haut-commissaire. »

V. - Au début de la deuxième phrase du dernier alinéa (2°) du II de l'article 62 de la même loi organique, les mots : « Le président du gouvernement » sont remplacés par les mots : « Le président de la Polynésie française ».

La parole est à M. le rapporteur.