Mme Alima Boumediene-Thiery. La filiation est fondée sur la reconnaissance et repose sur la possession d'état. Elle peut donc être établie uniquement par cette reconnaissance spontanée et volontaire.

À travers l'article 5 bis, on demande aux étrangers qui veulent entrer en France d'établir le lien de filiation par un moyen biologique.

Les rédacteurs de ce texte s'étant focalisés sur les aspects éthiques de la disposition, ils ont complètement oublié l'article 47 du code civil, qui dispose de manière impérative : « tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi ».

Vous utilisez également l'argument de la défiance à l'égard des états civils étrangers. Je tiens à dire au ministre du co-développement que l'article 5 bis n'aidera pas les pays tiers à concevoir un meilleur état civil. Il aurait mieux valu donner à ces pays les moyens d'améliorer le fonctionnement de leurs services administratifs plutôt que de dresser des barrières en utilisant la génétique.

L'article 5 bis renverse également la charge de la preuve. Dorénavant, les actes sont présumés faux. Il revient donc à l'étranger de prouver que ces documents sont authentiques et non à la France de prouver qu'ils sont faux. Ce dispositif est très pernicieux. On nous parle de démarche volontaire, mais on sait très bien que l'étranger n'aura pas d'autre moyen que de recourir au test ADN.

Vous l'avez souvent dit, ou susurré, l'étranger est par nature fraudeur. Quant aux autorités étrangères, elles sont bien entendu sous-développées et incapables d'établir des documents d'état civil, tout au moins les actes authentiques ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Charles Revet. C'est votre catalogue habituel !

M. Josselin de Rohan. Vous leur faites honte !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Vous recourez donc, entre autres, à la génétique et, ce faisant, vous oubliez le droit international, qui repose aussi sur la réciprocité.

Pourquoi la France a-t-elle refusé, lors de la discussion de la loi relative à la bioéthique du 6 août 2004, de recourir aux tests ADN pour établir la filiation, alors que le projet de loi initial tendait à le généraliser ? Aujourd'hui, on souhaite généraliser cette pratique, mais seulement pour les étrangers !

Pourquoi est-il nécessaire de faire appel à un juge pour obtenir le test ADN, alors qu'aux termes de la loi relative à la bioéthique cette pratique nécessite un encadrement et une procédure judiciaire ? Pourquoi oblige-t-on l'étranger à fournir une preuve génétique de la filiation en l'absence de toute procédure judiciaire ? Cette disposition, totalement inégalitaire, est inacceptable.

L'article 5 bis est révélateur de votre défiance vis-à-vis des étrangers, mais aussi à l'égard du droit international privé et des autres États. Il est aussi, malheureusement, l'expression d'un état d'esprit indigne de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les quatre premiers sont identiques.

L'amendement n° 11 est présenté par M. Buffet au nom de la commission.

L'amendement n° 99 est présenté par Mme Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 140 est présenté par Mme M. André, MM. Mermaz, Collombat, Badinter, Dreyfus-Schmidt, Frimat, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery, M. Assouline, Mme Cerisier-ben Guiga et Khiari, M. S. Larcher, Mme Printz, Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 179 est présenté par MM. Fauchon, Mercier et Zocchetto, Mme Gourault, MM. Arnaud, Détraigne et les membres du groupe Union centriste - UDF.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 11.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Beaucoup a été dit au cours des heures qui viennent de s'écouler, ce qui me permettra d'être bref.

La commission des lois a eu à connaître de l'article 5 bis la semaine dernière : inutile de dire que les débats ont été presque aussi nourris qu'aujourd'hui ! De nombreuses questions ont été soulevées, notamment sur les incidences d'une telle disposition au regard de notre droit positif et sur sa compatibilité avec les lois bioéthiques, ainsi que sur les résultats des tests ADN et leurs conséquences.

Des arguments ont, naturellement, été développés en faveur de cet article, car il faut bien trouver un moyen pour permettre le regroupement familial des immigrants qui n'ont pas d'état civil dans leur pays d'origine. C'est aussi l'un des objectifs de cet article.

J'ai, quant à moi, proposé à la commission d'encadrer un peu plus encore le dispositif, déjà sous-amendé par le Gouvernement, en prévoyant notamment de soumettre le projet de décret au comité consultatif national d'éthique et en limitant le délai d'expérimentation à dix-huit mois à compter de la publication dudit décret.

Le débat ayant eu lieu, le texte a été mis aux voix et la commission a majoritairement décidé la suppression de l'article.

Pour autant, les choses ont évolué au cours de la semaine : hier, un nouvel amendement a été déposé devant la commission par son président. Il appartient à M. Hyest, et à lui seul, de le présenter ; tout à l'heure, je dirai ce que la commission a décidé.

M. Paul Girod. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 99.

Mme Éliane Assassi. Nicole Borvo Cohen-Seat et moi-même ayant défendu cet amendement de suppression dans nos prises de parole sur l'article, je me contenterai de faire un petit retour en arrière.

En 1994 - un gouvernement de droite dirigeait notre pays -, M. Méhaignerie, garde des sceaux, s'exprimait ainsi devant le Sénat : « Moyen quasi parfait d'identifier les individus les uns par rapport aux autres, la méthode suscite un engouement qui appelle plus que jamais une double réponse, éthique et juridique. Elle n'est pas simple, il faut en convenir.

« Au-delà de nos frontières, les tests d'identification peuvent être librement pratiqués chez plusieurs de nos voisins. Devons-nous, pour autant, suivre la même voie ? Je ne le crois pas. Les répercussions sociales d'un recours non contrôlé aux tests d'identification génétique ne sauraient être mésestimées. Que resterait-il des règles qui régissent notre droit de la famille, fondé tout autant sur les sentiments affectifs et la paix des ménages que sur la vérité du sang ? Que resterait-il de l'intérêt de l'enfant s'il pouvait se voir imposer, à tout moment, des révélations biologiques qu'il préférerait ignorer, car, ne l'oublions pas, l'identification génétique peut être réalisée à l'insu même de l'intéressé ? »

Ces propos ont treize ans, mais ils sont toujours d'actualité, car ils ont pour fondement la dignité humaine. Je vous invite, mes chers collègues, à les méditer avant de voter.

M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour présenter l'amendement n° 140.

Mme Michèle André. Tout ce qui devait être dit l'a été et je serai brève.

Nous sommes, naturellement, pour la suppression de l'article 5 bis.

Je veux seulement rappeler que la loi de 1994, dite loi bioéthique, qui n'a pas été modifiée sur ce point lors de sa révision en 2004, pose pour principe que l'identification d'un individu ou la détermination d'une filiation grâce aux empreintes d'ADN ne peut être entreprise qu'en vertu d'une saisine judiciaire.

Cette précision était liée à la réflexion sur la nature des familles humaines, ce qui m'amène à citer Axel Khan et Didier Sicard, anciens membres du comité consultatif national d'éthique : « Une femme et un homme désirent avoir ensemble des enfants, les élever et les aimer, leur permettre de se construire psychiquement et d'acquérir leur pleine autonomie. En règle générale, les enfants procèdent biologiquement de la mère et du père. Cependant, il n'en est pas toujours ainsi. La femme peut être inséminée avec un sperme de donneur ; les enfants peuvent être adoptés ; le père légal peut être différent du père biologique sans que cela remette en question le lien familial. Les généticiens savent que tel est le cas, suivant les régions, de 3% à 8 % des enfants français de souche. On peut être père ou mère de coeur, par le désir, par la transmission des valeurs, sans avoir rien légué de ses gènes à ses enfants. »

Telles sont les raisons qui ont motivé les rédacteurs des lois bioéthiques. En droit français, la filiation ne repose donc pas sur la génétique et c'est pourquoi, au-delà des questions de morale et d'éthique que nous avons déjà longuement développées, nous vous demandons, mes chers collègues, de voter la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour présenter l'amendement n° 179.

M. Pierre Fauchon. Cet amendement est déjà défendu.

M. le président. L'amendement n° 185 rectifié, présenté par MM. Fauchon et Mercier est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 111-6 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, le demandeur d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois, ou son représentant légal, ressortissant d'un pays dans lequel l'état civil présente des carences peut, en cas d'inexistence de l'acte d'état civil, ou lorsqu'il a été informé par les agents diplomatiques ou consulaires de l'existence d'un doute sérieux sur l'authenticité de celui-ci, solliciter son identification en invoquant sa possession d'état telle que définie par l'article 311-1 du code civil. »

La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Cet amendement constitue - je m'en suis déjà expliqué tout à l'heure - ma contribution essentielle au débat.

On a cherché à résoudre le problème que pose l'absence d'état civil en procédant à une transposition directe des dispositions existantes du code civil qui autorisent, en cas de difficultés pour établir une filiation, et sous certaines conditions, le recours à des tests ADN, en limitant ces derniers à la mère.

Je propose de prévoir qu'en amont de ce dispositif, qui constituerait l'ultime recours, l'identification pourra être établie dans le cadre du mécanisme classique de la constatation de la possession d'état.

La possession d'état est une situation de fait qui se caractérise par trois éléments : porter le nom des parents, avoir vécu dans la famille et être considéré comme appartenant à celle-ci par l'entourage. Sa constatation relève d'une appréciation concrète, ce qui signifie que les autorités saisies apprécient la réalité de la situation par des témoignages, des constats photographiques, ou tout autre élément de preuve puisque, et c'est le grand avantage de ce système, la possession d'état peut être prouvée par tous moyens.

En somme, on le disait tout à l'heure, c'est l'affection traduite en termes juridiques. D'ailleurs, l'évolution de notre droit au cours des vingt dernières années nous conduit de plus en plus à considérer comme l'enfant celui qui est traité comme tel par ses parents et qui se sent tel vis-à-vis d'eux : comme dans la chanson, est l'enfant celui que ses parents prennent par la main. Voilà le bon critère, et c'est aussi le bon moyen de résoudre le problème posé par l'absence d'état civil.

Je présente cette proposition par deux fois : l'une sous la forme d'un amendement, l'autre sous la forme d'un sous-amendement qui viendra se greffer à l'amendement de M. Hyest et qui n'est qu'un simple rajout dans cet amendement. C'est cette dernière forme que je préfère, mais je présente mon amendement « autonome » au cas où, par malheur, la proposition de M. Hyest ne serait pas adoptée.

M. le président. L'amendement n° 203, présenté par M. Hyest est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

I. - L'article L. 111-6 du même code est complété par neuf alinéas ainsi rédigés :

« Toutefois, par dérogation à l'article 16-11 du même code, le demandeur d'un visa pour un séjour de longue durée supérieure à trois mois, ou son représentant légal, ressortissant d'un pays dans lequel l'état civil présente des carences peut, en cas d'inexistence de l'acte d'état civil, ou lorsqu'il a été informé par les agents diplomatiques ou consulaires de l'existence d'un doute sérieux sur l'authenticité de celui-ci, solliciter son identification par ses empreintes génétiques afin d'apporter un élément de preuve d'une filiation déclarée avec la mère du demandeur de visa. Le consentement des personnes dont l'identification est ainsi recherchée doit être préalablement et expressément recueilli.

« Les agents diplomatiques ou consulaires saisissent sans délai le président du tribunal de grande instance de Nantes, pour qu'il statue, après toutes investigations utiles, sur la nécessité de faire procéder à une telle identification.

« Si le président estime la mesure d'identification nécessaire, il désigne une personne chargée de la mettre en oeuvre parmi les personnes habilitées dans les conditions prévues au dixième alinéa.

« La décision du président et, le cas échéant, les conclusions des analyses d'identification autorisées par celui-ci, sont communiquées aux agents diplomatiques ou consulaires.

« Un décret en Conseil d'État, pris après avis du Comité consultatif national d'éthique, définit :

« 1° les conditions de mise en oeuvre des mesures d'identification des personnes par leurs empreintes génétiques préalablement à une demande de visa ;

« 2° la liste des pays dans lesquels ces mesures sont mises en oeuvre, à titre expérimental ;

« 3° la durée de cette expérimentation, qui ne peut excéder dix-huit mois à compter de la publication de ce décret ;

« 4° les modalités d'habilitation des personnes autorisées à procéder à ces mesures. »

II. - Dans le premier alinéa de l'article 226-28 du code pénal, après les mots : « procédure judiciaire », sont insérés les mots : «, ou de vérification d'un acte d'état civil entreprise par les autorités diplomatiques ou consulaires dans le cadre des dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ».

III. - Une commission évalue annuellement les conditions de mise en oeuvre du présent article. Son rapport est remis au Premier ministre. Il est rendu public. La commission comprend :

1° deux députés ;

2° deux sénateurs ;

3° le vice-président du Conseil d'État ;

4° le Premier Président de la Cour de cassation ;

5° le président du Comité consultatif national d'éthique ;

6° deux personnalités qualifiées, désignées par le Premier ministre ;

Son président est désigné, parmi ses membres, par le Premier ministre.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Mes chers collègues, je revendique la paternité de cet amendement... (Exclamations.)

M. Robert Bret. Certains ont des doutes !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut faire un test ADN !

M. Jean-Jacques Hyest. ...et je remercie ceux qui ont pu contester cette paternité de me la rendre !

Sans refaire l'« histoire » de l'amendement Mariani tel qu'il a été perçu dans l'opinion publique, force est de reconnaître que nos grands penseurs de toute sorte ont pour caractéristique de parler de ce qui les intéresse, mais sans nécessairement se référer aux textes ni tenir compte de leurs éventuelles évolutions ! À ce dernier égard, il sera d'ailleurs intéressant d'observer si la presse, qui a fait ses gros titres sur la position du Sénat, continue d'avancer les arguments - justifiés - contre l'amendement voté par l'Assemblée nationale même si notre assemblée adopte ce soir d'autres dispositions.

Pour en revenir à nos grands penseurs, il a par exemple été dit que les lois bioéthiques interdisaient « l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ». Or, ce sont les termes exacts de l'article 16-11 du code civil, qui, dans son deuxième alinéa, autorise, sous certaines conditions, le recours aux tests ADN pour établir - ou, d'ailleurs, pour contester - un lien de filiation, comme l'ont rappelé Pierre Fauchon et quelques-uns de nos collègues. Certes, nombre d'entre nous se sont refusé à voter cette disposition, mais il n'en reste pas moins qu'elle existe et, pour avoir longuement débattu de ces questions lors de la révision des lois bioéthiques, nous le savons tous.

Un des inconvénients de l'article 5 bis tient précisément à ce qu'il ne se rattache pas aux dispositions du code civil. À l'évidence, c'était une première raison de modifier le texte adopté par l'Assemblée nationale.

Deuxièmement, l'article 5 bis  vise la « preuve d'une filiation avec au moins l'un des deux parents », c'est-à-dire également avec le père, solution que, eu égard au principe, très important dans notre droit, de la présomption de paternité, il nous a paru impossible d'accepter. Certes, dira-t-on, si un père est sûr de sa paternité... Mais peut-on jamais l'être à 100 % ? Dès lors, on courrait le risque de remettre en cause tous les fondements de la famille à l'occasion de cet article, qui devait donc également être modifié sur ce point.

Troisièmement, il nous est apparu que, pour rentrer dans le cadre du code civil, il fallait que le contrôle d'une autorité judiciaire s'exerce. C'est pourquoi l'amendement n° 203, utilement complété par une contribution de Pierre Fauchon, prévoit la saisine du président du tribunal de grande instance de Nantes, puisque c'est le tribunal qui a la compétence du contentieux de l'état civil, dans des conditions déterminées par le code de procédure civile et, cela va de soi mais il me paraît néanmoins indispensable de le préciser, avec un débat contradictoire.

J'indique par ailleurs que l'identification par empreintes génétiques peut être sollicitée « par dérogation à l'article 16-11 » mais, en fait, nous nous situons pratiquement dans le cadre du deuxième alinéa de cet article.

Incontestablement, l'article 5 bis pouvait apparaître au départ comme la restriction d'un droit et c'est ainsi qu'il a été compris, du moins par les médias.

Cependant, si M. Mariani a présenté son amendement comme une réponse au problème de la fraude documentaire et cité à ce propos le rapport d'Adrien Gouteyron intitulé Trouver une issue au casse-tête des visas, il me paraît très important d'insister, comme vous l'avez vous-même fait, monsieur Gouteyron, tant dans votre rapport qu'en séance publique, sur le fait que, dans de nombreux cas, les regroupements familiaux sont refusés pour défaut ou carence de l'état civil.

Bien sûr, il y a la possession d'état, mais, quand bien même elle se prouve par tous moyens sur la base d'un faisceau de critères, elle est complexe - voire impossible - à établir par les services consulaires. Dans de tel cas, quelle issue reste-t-il, si ce n'est une identification par des tests génétiques ?

C'est d'ailleurs pourquoi j'estime que nous avons une bonne loi et que nous ne devons pas changer de cadre, car il est protecteur. Dans de nombreux pays, je vous le rappelle, mes chers collègues, rien n'interdit de procéder à des tests génétiques, car il n'y a pas de législation en la matière, mais, et c'est là qu'est le paradoxe, à quoi peut servir un test si, quelque soit son résultat, il n'a pas valeur de preuve ?

Refuser de prendre en compte les tests génétiques alors que la preuve de la possession d'état peut être faite « par tous moyens » va, en somme, à l'encontre des principes généraux de notre droit.

Monsieur le président, je me réjouis de la qualité du débat, qui est loin d'avoir été médiocre.

Si elle demeure, la pratique de l'identification d'une personne par le biais d'un test ADN, qui peut permettre à certains demandeurs de visa d'être fixés quand toutes les autres démarches - état civil, possession d'état, etc. - ont échoué, doit être encadrée par la législation en vigueur dans notre pays et effectuée sous le contrôle du juge, afin d'être en conformité avec l'article 16-11 du code civil.

Permettez-moi d'ajouter une précision importante : l'état civil est considéré comme valable. Certes, il peut y avoir des fraudes, mais c'est un autre problème ! Il faut savoir que l'état civil ne peut être contesté lorsque l'identification provient d'une autorité responsable et que le document est authentique. Je pense à l'Algérie, à la Tunisie, au Maroc, ou encore à beaucoup d'autres pays où le problème ne se pose pas, où il n'est donc pas nécessaire de procéder à des tests : l'état civil vaut par convention, ce qui limite les cas !

J'ai pourtant entendu à ce propos des exemples qui sont faux et des déclarations enflammées qui sont tout à fait surprenantes et qui ne correspondent, d'ailleurs, pas toujours à la réalité. Mais nous sommes habitués à ce genre de détournement, quelquefois volontaire, de notre action, afin de nous faire passer pour des « méchants » qui ne respectent pas les droits de l'homme...

Monsieur le ministre, avant de prendre un décret, il serait intéressant d'établir une concertation préalable avec les pays qui ne sont pas considérés comme ayant un état civil stable. La liste pourrait d'ailleurs être déterminée par les services consulaires. Une telle concertation est même absolument indispensable si l'on veut améliorer la situation.

Des coopérations judiciaires sont déjà établies avec un certain nombre de pays ; je pense en particulier au Viêt Nam, qui dispose d'un très bon état civil. Il est vrai qu'en matière de droit civil notre coopération avec ce pays est ancienne.

Cela éviterait qu'on nous oppose encore des visées néocolonialistes ou je ne sais quelle autre vieille notion, alors que telle n'est pas la volonté du Gouvernement, ni celle du Parlement.

Monsieur le président, pardonnez-moi d'avoir été un peu long, mais reconnaissez que, en général, je n'abuse pas de la parole ! Toutefois, dans ce cas particulier, il convenait d'expliciter les raisons du dépôt de cet amendement, enrichi désormais de quelques sous-amendements.

Celui du Gouvernement instaure la gratuité - bien sûr, monsieur le ministre, nous avons approuvé cette disposition - et pas seulement si le test est positif. Les sous-amendements de MM. Pierre Fauchon et. Henri de Richemont complètent eux, le dispositif en accordant notamment la priorité à la possession d'état, ce qui donne un équilibre à l'ensemble.

Honnêtement, autant que d'autres, je suis attaché à des valeurs éthiques et je n'aime pas généraliser. Mais je me dis que ce débat a permis de clarifier les choses et d'éviter de donner à penser que l'on empêchera des regroupements familiaux par le recours aux empreintes génétiques. Au contraire, grâce à notre amendement, et même si les cas ne sont pas très nombreux, nous permettrons, avec l'utilisation de cette procédure, des regroupements familiaux qui autrement n'auraient pu avoir lieu. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Le sous-amendement n° 207, présenté par MM. Fauchon et Mercier, est ainsi libellé :

I. - Rédiger ainsi le troisième alinéa de l'amendement n° 203 :

Le demandeur d'un visa pour un séjour de longue durée supérieure à trois mois, ou son représentant légal, ressortissant d'un pays dans lequel l'état civil présente des carences peut, en cas d'inexistence de l'acte d'état civil, ou lorsqu'il a été informé par les agents diplomatiques ou consulaires de l'existence d'un doute sérieux sur l'authenticité de celui-ci, qui n'a pu être levé par la possession d'état telle que définie à l'article 311-1 du même code, demander que son identification par ses empreintes génétiques soit recherchée afin d'apporter un élément de preuve d'une filiation déclarée avec la mère du demandeur de visa. Le consentement des personnes dont l'identification est ainsi recherchée doit être préalablement et expressément recueilli. Une information appropriée quant à la portée et aux conséquences d'une telle mesure leur est délivrée.

II. - Rédiger ainsi le début du quatrième alinéa de l'amendement n° 203 :

Les agents diplomatiques ou consulaires saisissent sans délai le Tribunal de Grande Instance de Nantes...

III. - Rédiger ainsi le début du cinquième alinéa de l'amendement n° 203 :

Si le Tribunal estime...

IV. - Rédiger ainsi le début du sixième alinéa de l'amendement n° 203 :

La décision du Tribunal et, le cas échéant...

V. - Compléter le 3° du I de l'amendement n° 203 par les mots :

et qui s'achève au plus tard le 31 décembre 2009

VI. - Après la première phrase du premier alinéa du III de l'amendement n° 203, insérer une phrase ainsi rédigée :

Elle entend le Président du Tribunal de Grande Instance de Nantes.

La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Je considère qu'il a été exposé. Je ne voudrais pas abuser de la patience de notre assemblée, qui a maintenant tout entendu !

M. le président. Le sous-amendement n° 205 rectifié, présenté par Mmes  Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :

I - Dans la première phrase du troisième alinéa de l'amendement n° 203, supprimer les mots :

, par dérogation à l'article 16-11 du même code,

II - Après les mots :

de celui-ci,

rédiger comme suit la fin de la même phrase :

apporter la preuve, par tout moyen, d'une filiation déclarée avec l'un des deux parents ou invoquer sa possession d'état telle que définie par l'article 311-1 du code civil.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Dans la mesure où le Gouvernement et la commission ont décidé de s'affranchir des règles du code civil en matière d'établissement de la filiation, ... (Vives exclamations sur les travées de l'UMP.)

C'est pourtant la réalité !

M. Josselin de Rohan. Il ne faut pas dire n'importe quoi !

Mme Alima Boumediene-Thiery. ... je vous propose une solution logique, qui consiste à aller encore plus loin en permettant au demandeur d'un visa d'apporter la preuve par « tout moyen » - c'est l'expression consacrée par le droit - de sa filiation à l'égard de l'un de ses deux parents.

Cette solution me semble tout à fait conforme à l'objectif de l'article 5 bis, tout en supprimant des mots qui n'ont rien à faire dans la loi. En effet, le test ADN serait un moyen parmi tant d'autres, puisque certains le réclament, nous dit-on, même si ce n'est pas la panacée !

En effet, non seulement la fiabilité de ces tests est douteuse, mais, en plus, ils font obstacle à la reconnaissance, dans de nombreux cas de figure, de la filiation, lorsque le gène est exclu. Je pense, notamment, aux enfants adoptés, à ceux dont les parents sont morts, qui ont fait l'objet d'une tutelle, c'est-à-dire d'une prise en charge par un autre membre de la famille, et qui voudraient rejoindre, par exemple, leur tuteur.

Tous ces cas étant exclus du dispositif, le fait de reconnaître aux demandeurs de visa la possibilité d'apporter la preuve de la filiation par tout moyen pourrait être une solution.

Il conviendrait de préciser seulement que, pour établir la filiation, les demandeurs procèdent à l'identification par le moyen qu'ils souhaitent. Ainsi, nous « chasserions » de ce projet de loi les mots affreux d'« empreinte génétique ».

Laissons l'étranger libre de choisir le moyen de prouver sa filiation !

M. le président. Le sous-amendement n° 206 rectifié, présenté par M. de Richemont, est ainsi libellé :

I - Rédiger comme suit le quatrième alinéa de l'amendement n° 203 :

Les agents diplomatiques ou consulaires saisissent sans délai le Tribunal de Grande instance de Nantes, pour qu'il statue, après toutes investigations utiles et après débat contradictoire, sur la nécessité de faire procéder à une telle identification.

II - Dans les cinquième et sixième alinéas de l'amendement n° 203, remplacer le mot :

Président

par le mot :

Tribunal

La parole est à M. Henri de Richemont.

M. Henri de Richemont. Les agents diplomatiques ou consulaires doivent saisir sans délai non le président du tribunal de grande instance de Nantes, comme il est indiqué dans l'amendement n° 203 de M. Hyest, mais le tribunal de grande instance de Nantes lui-même.

Par ailleurs, ce sous-amendement vise à préciser que le tribunal décidera, après un débat contradictoire, s'il est nécessaire d'accéder à la demande du demandeur de visa ou de son représentant légal. Il s'agit d'assurer le respect des droits du demandeur.

Il est, en effet, fondamental et tout à fait indispensable que les enfants mineurs puissent être représentés d'une manière utile et efficace dans le débat contradictoire qui aura lieu devant le tribunal de grande instance.

M. le président. Le sous-amendement n° 204 rectifié, présenté par le Gouvernement est ainsi libellé :

Compléter le sixième alinéa de l'amendement n° 203 par une phrase ainsi rédigée :

Ces analyses sont réalisées aux frais de l'État.

La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre. Ce sous-amendement a pour objet de prévoir que les tests ADN seront réalisés aux frais de l'État.

Plusieurs sénateurs se sont émus du coût de tels tests, pensant notamment aux demandeurs de visa qui n'auraient pas les moyens de les financer. Par ailleurs, nous avons observé les pratiques d'autres pays.

M. Josselin de Rohan. Il y a des arguments qui tombent !

M. le président. L'amendement n° 184, présenté par MM. Fauchon et Mercier est ainsi libellé :

Dans la première phrase du deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots :

au moins l'un des deux parents

par les mots :

la mère du demandeur de visa

La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Il est également défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan.

M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, je demande la priorité pour l'amendement n° 203 et les sous-amendements y afférents.

M. Henri de Raincourt. C'est raisonnable !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de priorité ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Favorable également.

M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de priorité formulée par M. de Josselin de Rohan.

La priorité est ordonnée.

Quel est donc l'avis de la commission sur les sous-amendements n°os207, 205 rectifié, 206 rectifié et 204, ainsi que sur l'amendement n°  203 ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est favorable au sous-amendement n° 207, mais peut-être notre collègue Pierre Fauchon devrait-il le rectifier pour y introduire la précision figurant dans le sous-amendement n° 206 rectifié ?

M. Pierre Fauchon. Cela me semble tout à fait normal ! Je rectifie donc mon sous-amendement en ce sens, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 207 rectifié, présenté par MM. Fauchon et Mercier, et ainsi libellé :

I. - Rédiger ainsi le troisième alinéa de l'amendement n° 203 :

Le demandeur d'un visa pour un séjour de longue durée supérieure à trois mois, ou son représentant légal, ressortissant d'un pays dans lequel l'état civil présente des carences peut, en cas d'inexistence de l'acte d'état civil, ou lorsqu'il a été informé par les agents diplomatiques ou consulaires de l'existence d'un doute sérieux sur l'authenticité de celui-ci, qui n'a pu être levé par la possession d'état telle que définie à l'article 311-1 du même code, demander que son identification par ses empreintes génétiques soit recherchée afin d'apporter un élément de preuve d'une filiation déclarée avec la mère du demandeur de visa. Le consentement des personnes dont l'identification est ainsi recherchée doit être préalablement et expressément recueilli. Une information appropriée quant à la portée et aux conséquences d'une telle mesure leur est délivrée.

II. - Rédiger ainsi le quatrième alinéa de l'amendement n° 203 :

Les agents diplomatiques ou consulaires saisissent sans délai le Tribunal de Grande instance de Nantes, pour qu'il statue, après toutes investigations utiles et un débat contradictoire, sur la nécessité de faire procéder à une telle identification.

III. - Rédiger ainsi le début du cinquième alinéa de l'amendement n° 203 :

Si le Tribunal estime...

IV. - Rédiger ainsi le début du sixième alinéa de l'amendement n° 203 :

La décision du Tribunal et, le cas échéant...

V. - Compléter le 3° du I de l'amendement n° 203 par les mots :

et qui s'achève au plus tard le 31 décembre 2009

VI. - Après la première phrase du premier alinéa du III de l'amendement n° 203, insérer une phrase ainsi rédigée :

Elle entend le Président du Tribunal de Grande Instance de Nantes.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le sous-amendement n° 205 rectifié supprime le recours à des tests ADN et y substitue la preuve d'une filiation par tout moyen ou l'invocation de la possession d'état. Toutefois, il maintient le reste du dispositif, qui fait référence à l'identification des empreintes génétiques. Ce sous-amendement n'ayant pas paru très clair à la commission, celle-ci a émis un avis défavorable.

Le sous-amendement n° 206 rectifié est, en principe, satisfait par le sous-amendement n° 207 rectifié. J'en demande donc le retrait.

M. le président. Monsieur Henri de Richemont, considérez-vous que votre sous-amendement est satisfait ?

M. Henri de Richemont. Tout à fait, monsieur le président, et je le retire ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Le sous-amendement n° 206 rectifié est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est favorable au sous-amendement n° 204, qui met à la charge de l'État l'ensemble des frais engendrés par les tests ADN.

La commission a effectivement eu à connaître de l'amendement n° 203 hier. Le débat a évolué par rapport à la semaine dernière. Mais, n'ayant pas réussi à trancher et les votes étant partagés, elle n'a pas émis d'avis.