compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures cinq.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

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TRANSMISSION DU PROJET DE LOI DE FINANCES

M. le président. J'ai reçu, aujourd'hui, transmis par M. le Premier ministre, le projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale.

Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 77, distribué et renvoyé au fond à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation et, pour avis, sur leur demande, aux autres commissions permanentes.

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rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Marc Massion, pour un rappel au règlement

M. Marc Massion. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 36, alinéa 3, et sur l'article 42 du règlement du Sénat

Alors que débute aujourd'hui l'examen du projet de loi de finances pour 2007, je souhaite faire part à MM. les ministres de notre étonnement sur la méthode employée pour le projet de budget, ainsi que pour le collectif budgétaire, qui nous sera soumis dans quelques semaines.

J'avais indiqué en commission que le projet de loi de finances pour 2007 apparaissait comme un budget de gestion des affaires courantes. M. le rapporteur général m'avait alors répondu que ce budget visait à ménager l'avenir. Cela voulait dire que, étant donné les échéances de 2007, aucune grande décision ne pouvait être prise.

Or, on s'aperçoit, à la lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2006, qui sera discuté le mois prochain, ici même, que des dispositions importantes concernant l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés sont prises, qu'il s'agisse de taxes et de redevances diverses, de la nouvelle majoration du dernier acompte de l'impôt sur les sociétés, de l'aménagement du régime fiscal des groupes de sociétés, de l'intégration fiscale, du renforcement des moyens de lutte contre la fraude en matière de TVA, de dépenses de préservation et d'amélioration du patrimoine naturel, de fiscalité écologique, d'instauration, notamment, d'une taxe carbone à l'échelle européenne, de la taxe générale sur les activités polluantes, TGAP, etc.

Messieurs les ministres, pourquoi toutes ces dispositions ne figurent-elles pas dans le projet de loi de finances qui nous est aujourd'hui soumis ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur Massion.

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Loi de finances pour 2007

Discussion d'un projet de loi

 
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale (nos 77 et 78).

Messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, il y a un an presque jour pour jour, nous nous attelions à l'examen du projet de loi de finances pour 2006 : nous inaugurions alors le schéma rénové mis en place par la loi organique relative aux lois de finances, communément appelée la LOLF.

Mais cette période pionnière est révolue : la LOLF, qui - il faut le rappeler - renforce la portée de l'autorisation budgétaire donnée par le Parlement, a fait ses preuves en 2006. C'est donc dans le cadre de l'« an II de la LOLF » que nous allons discuter le projet de budget pour 2007.

Évitons de sombrer dans une nouvelle routine qui nous ferait oublier la raison d'être originelle de la LOLF : telle est notre responsabilité à tous. Convenons, mes chers collègues, que le jeu en vaut la chandelle...

Je renouvelle aujourd'hui ma confiance à la commission des finances, aux commissions saisies pour avis et aux groupes politiques, de la majorité comme de l'opposition, pour faire vivre les règles que nous avons adoptées ensemble en 2001, et dont nous avons éprouvé la pertinence l'année dernière.

Je voudrais tout d'abord insister devant vous tous sur l'importance décisive qui s'attache au respect, par chacun d'entre nous - c'est une demande impérative -, de son temps de parole. Il s'agit là d'une condition déterminante du bon déroulement de la discussion budgétaire, auquel, les uns et les autres, dans la sérénité traditionnelle du débat, nous sommes très attachés. On peut être à la fois, mes chers collègues, concis et complet.

Cette recommandation vaut également pour le Gouvernement. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Alain Lambert. Très bien !

M. le président. Ainsi, les ministres ne doivent pas dépasser les temps de parole qui ont été arrêtés en conférence des présidents, avec l'accord de M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement.

Faute de tels efforts collectifs, la rénovation de la discussion budgétaire rendue possible par la nouvelle Constitution financière risquerait de rester lettre morte et nous en resterions au lancinant triptyque du regretté président Edgar Faure : « Litanie, léthargie, liturgie. »

Comme vous pouvez le constater, les écrans qui ont été installés dans notre hémicycle vont nous permettre d'expérimenter une innovation suggérée par la commission des finances, en particulier par son rapporteur général, et qui a été approuvée par la conférence des présidents, puis par le Bureau du Sénat. Cette disposition permettra au rapporteur général d'illustrer la présentation des réflexions de la commission des finances par des graphiques ou des schémas visibles par tous.

Il s'agit là, mes chers collègues, d'une innovation, mais qui ne fait appel à aucune installation définitive. Il sera toujours temps d'évaluer, ensemble, cette expérience et de voir si nous devons la renouveler et la conforter. À vous d'en juger et de me faire part de vos observations.

Je vous rappelle par ailleurs que la conférence des présidents a prévu, sur proposition de la commission des finances, l'organisation de quatre débats dans le cadre de l'examen des articles de la première partie.

Le débat sur les recettes des collectivités territoriales, qui aura lieu le mardi 28 novembre à seize heures, intéresse au premier chef le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales. Ce débat est d'actualité, comme vient de le montrer l'Assemblée des maires de France.

Le débat sur le prélèvement au profit des Communautés européennes prendra place à l'occasion de la discussion de l'article 32, le mercredi 29 novembre.

Enfin, à l'occasion du vote de l'article d'équilibre, nous aurons, comme l'année dernière, deux débats thématiques sur les effectifs de la fonction publique et l'évolution de la dette de l'État.

Formons le voeu que les vingt jours que nous attribue la Constitution donnent lieu à des débats sereins, fructueux et nous permettent d'assumer pleinement nos pouvoirs budgétaires, dans le respect du principe de sincérité et compte tenu de la nécessité de réduire le déficit, autant que faire se peut, compte tenu des circonstances.

Au terme de cette discussion, nous devrions être en mesure de procéder, le mardi 12 décembre, à une heure raisonnable, au scrutin public à la tribune sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2007.

En conclusion, mes chers collègues, messieurs les ministres, je fais confiance à chacune et à chacun d'entre vous afin que soient respectées les règles que nous avons établies ensemble.

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'éprouve un grand plaisir à vous retrouver, avec Jean-François Copé, à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2007. Monsieur le rapporteur général, je me réjouis de participer à l'expérimentation annoncée par M. le président du Sénat.

Je suis heureux, d'abord, de vous présenter un projet de loi de finances ambitieux, que nous avons qualifié, avec Jean-François Copé, de « vertueux » et de « juste ». Je suis heureux, également, de pouvoir rendre compte devant la représentation nationale des engagements que nous avions pris l'an dernier devant vous, lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2006.

Avant d'entrer dans le détail, vous me permettrez d'émettre, pour ce débat que nous allons avoir ensemble, quelques voeux inspirés de plus de vingt mois d'action et de débats budgétaires entre nous.

Tout d'abord, le projet de loi de finances pour 2007, comme tout budget, est une prévision et un engagement sur le déficit. Comme je le fais habituellement, il intègre nos estimations les plus sincères, à ce stade de l'année. Sur ce point précis, je forme le voeu que le débat soit plus serein que celui de l'année dernière.

Peu à peu, tous les instituts de conjoncture français et internationaux ont rejoint notre prévision de croissance pour 2006 de 2 % à 2,5 %, une prévision que la mauvaise surprise du troisième trimestre ne remet pas en cause, puisque nous nous situons déjà pratiquement, après seulement trois trimestres, dans le bas de la fourchette que nous avions annoncée.

Ensuite, je souhaite que ce débat ne donne pas, une fois de plus, l'image d'une France qui se complaît dans l'autocritique et dans la « déclinologie », alors même que ses progrès structurels sont salués dans le monde, même si l'on peut et l'on doit toujours faire mieux.

Il y a à peine un mois, l'ONU, l'Organisation des Nations unies, indiquait que la France était remontée de la septième à la quatrième position mondiale en termes d'accueil des investissements étrangers et occupait désormais la première place de la zone euro, pour ce qui concerne les investissements !

Durant ces dernières semaines, vous avez également pu réaliser concrètement, mesdames, messieurs les sénateurs, que notre pays a reconquis, en dix-huit mois, une crédibilité budgétaire sur la scène internationale. Ce n'est pas le Gouvernement qui le dit ; ce sont les observateurs indépendants, à commencer par les institutions européennes.

Eurostat, l'Office statistique des Communautés européennes, a validé notre déficit public pour 2005 à moins 2,89 %, nous ramenant ainsi - ce qui est tout à fait normal - au respect de la règle des 3 %.

Le commissaire Joaquín Almunia a indiqué, quant à lui, qu'il proposerait, dans le courant du mois, de clôturer la procédure pour déficit public excessif engagée à la suite du choc budgétaire provoqué par les 35 heures, du fait du caractère durable du redressement de nos comptes. De son côté, le Fonds monétaire international, le FMI, salue l' « ajustement structurel » de nos comptes et le renforcement de notre crédibilité budgétaire.

Enfin, les agences de notation, notamment Standard & Poor's, souvent particulièrement sévères, compte tenu de l'enjeu financier immédiat attaché à leurs recommandations, saluent le véritable « tournant » opéré, en 2006, sur la dette publique et, au-delà, la mise en place d'outils visant à faciliter la « consolidation des finances publiques dans le moyen terme ».

J'arrêterai là cette litanie, que je relate avec recul et modestie, car je sais les efforts immenses qu'il y a derrière tout cela.

Enfin, je souhaite que le débat autour de ce projet de loi de finances pour 2007 soit pleinement à la hauteur des attentes de nos concitoyens.

Dans le monde actuel où tout s'accélère, dans une démocratie qui a fait sienne le rythme du quinquennat, chaque année doit être une année utile à 100 % pour l'action publique. Les échéances électorales ne sauraient démobiliser qui que ce soit face aux enjeux décisifs pour l'avenir de la nation que sont les comptes publics maîtrisés et la réduction de l'endettement.

Pour notre part, nous avons voulu proposer, avec Jean-François Copé, un projet de budget qui ne sacrifie pas l'exigence de vertu à la facilité électoraliste.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis convaincu que ce projet de budget sera encore plus important que les précédents, car il est la signature budgétaire du quinquennat qui s'achève pour la majorité. Il l'engagera sur cette voie non seulement pour l'ensemble de l'année 2007, mais également pour les années à venir, si nos concitoyens nous font de nouveau confiance, ce dont nous ne doutons pas. Il sera un véritable point d'ancrage en matière de sérieux budgétaire, et il ne sera pas facile de présenter à nos concitoyens un collectif qui dénaturerait ces acquis et dégraderait notre situation financière.

Ce projet de loi de finances pour 2007 sera le meilleur rempart contre les tentations démagogiques, tout simplement parce qu'il engrange sept acquis fondamentaux pour les finances publiques et la politique économique de la France.

Premièrement - c'est historique -, ce projet de loi de finances est élaboré sur la base d'une diminution de la dépense de l'État.

Deuxièmement, il permet de réduire, encore une fois, le déficit budgétaire de l'État.

Troisièmement - et je le dis sans ambages -, le déficit prévu pour l'année 2007 est encore trop lourd, mais je relève malgré tout qu'il est inférieur aux dépenses d'investissement de l'État au sens large ; et nous respecterons, l'an prochain, la fameuse « règle d'or », selon laquelle l'État ne s'endette plus désormais que pour investir dans l'avenir !

Quatrièmement, pour l'ensemble des administrations publiques, nous avons ramené le nouvel objectif de déficit pour 2006 à moins 2,7 % du produit intérieur brut. Pour 2007, nous tablons sur un déficit à moins 2,5 %, soit le niveau stabilisant l'endettement public. C'est une deuxième étape capitale dans notre stratégie de désendettement, après celle du retour sous la barre des 3 %.

Cinquièmement, ce projet de loi de finances vise à poursuivre la diminution de l'endettement public en 2007, mais je reviendrai ultérieurement sur ce sujet.

Sixièmement, il tend à assurer la poursuite de l'indispensable assainissement de nos finances publiques. Toutefois, il est également juste et tourné vers le pouvoir d'achat. À cet égard, je ne citerai qu'un seul chiffre : sans la réforme fiscale qui entrera en vigueur au 1er janvier 2007 et la revalorisation de la prime pour l'emploi, la PPE, il n'y aurait pas eu d'accélération du pouvoir d'achat en 2007. Grâce à ces mesures, il passera de plus 2,3 % en 2006 à plus 2,8 % en 2007, soit le meilleur résultat depuis cinq ans.

Septièmement, je veux vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce projet de loi de finances est construit sur la base d'hypothèses prudentes.

Nous avons souhaité retenir une hypothèse conservatoire de croissance située entre 2 % et 2,5 %. De même, nous avons prévu un prix du baril de pétrole « gelé » à 70 dollars, alors qu'il est aujourd'hui, comme vous le savez, en dessous des 60 dollars. Enfin, alors que les recettes fiscales ont progressé, ces dernières années, beaucoup plus vite que la richesse nationale, nous retenons pour 2007 une progression quasiment en ligne avec le produit intérieur brut.

Je reviendrai maintenant plus en détail sur ce projet de loi de finances pour 2007.

Tout d'abord, il est clairement tourné vers la croissance. Mesdames, messieurs les sénateurs, le ralentissement de la croissance au troisième trimestre ne doit pas faire oublier l'exceptionnelle accélération du premier semestre, que l'INSEE, l'Institut national de la statistique et des études économiques, vient du reste de réévaluer encore à la hausse, il y a quelques jours. Les deux sont en réalité liés. Notre économie a progressé, au premier semestre, sur un rythme annuel de plus 3,4 %, plaçant la France dans le peloton de tête des pays de la zone euro.

Par ailleurs, les chiffres du troisième trimestre que nous a livrés, avant-hier, l'INSEE, dans le détail, confirment que les fondamentaux de l'économie française sont restés solides et dynamiques.

D'une part, la consommation a progressé de 2,4 % en rythme annualisé au troisième trimestre ; d'autre part, l'investissement des entreprises a progressé de 3 % en rythme annualisé, ce qui est très important pour l'avenir.

Après la très forte croissance du deuxième trimestre, la contre-performance apparente qui s'est produite l'été dernier apparaît dès lors comme essentiellement technique, puisqu'elle provient surtout du comportement des entreprises qui ont déstocké. Cette situation était prévisible, même si nous nous attendions plutôt, il est vrai, à une croissance légèrement supérieure. Mais il faut la considérer avec la très bonne tenue de la consommation et surtout des investissements.

Les perspectives de croissance pour le quatrième trimestre sont bonnes, voire très bonnes. Le climat des affaires dans l'industrie, comme dans les services et la construction, se situe à un niveau élevé.

Pour ce qui concerne la consommation manufacturée, les chiffres du mois d'octobre qui ont été publiés hier ont montré une progression de 0,9 %, et les mois de novembre et de décembre devraient être soutenus par le niveau très faible de l'inflation, de 1,1 % seulement en octobre, malgré un prix du pétrole qui demeure toujours, à nos yeux, trop élevé.

Les perspectives d'accélération de l'investissement des chefs d'entreprises sont aussi le signe de leur confiance dans l'avenir : les industriels tablent, pour 2006, sur la plus forte progression de leurs investissements depuis 2000.

Enfin - dernier point et non des moindres -, l'environnement macroéconomique international reste porteur : le prix du baril de pétrole se maintient sous la barre des 60 dollars ; la conjoncture européenne, notamment allemande, est au plus haut depuis six ans. La consommation est en ce moment assez soutenue dans ce pays, car le taux de la TVA y sera relevé dès le mois de janvier prochain. Par ailleurs, le taux de change euro-dollar se maintient, quant à lui, autour de 1,27. Tous ces éléments vont donc soutenir nos exportations au quatrième trimestre.

Au total, ces indicateurs pointent vers un rebond de notre économie au quatrième trimestre sur un rythme de croissance que nous estimons entre 0,6 % et 0,8 %, ce qui conforte la prévision du projet de loi de finances pour 2006 : avec un acquis de croissance qui est déjà de 1,9 % à la fin du troisième trimestre, la croissance sur l'ensemble de l'année 2006 devrait bel et bien s'inscrire dans une fourchette comprise entre 2 % et 2,5 %.

Pour ce qui concerne l'année 2007, je compte sur ce projet de loi de finances pour entretenir le cercle vertueux confiance-croissance-emploi, qui sous-tend notre économie depuis maintenant plus d'un an.

Le retour de la confiance est le facteur majeur de l'accélération de la croissance. Plus de confiance, c'est plus de consommation des ménages, c'est aussi plus d'investissements des entreprises.

Cet enchaînement vertueux débouche sur la création d'emplois dans notre pays et fait reculer le chômage, comme on le constate, sans défaillance, depuis plus d'un an maintenant.

Mme Hélène Luc. Vous êtes bien optimiste !

M. Thierry Breton, ministre. Le taux de chômage est aujourd'hui de 8,8 %, soit une baisse d'un point en un an, c'est-à-dire 250 000 chômeurs en moins.

Mme Marie-France Beaufils. Et en éliminant combien de chômeurs sur les listes ?

M. Thierry Breton, ministre. Certes, ce niveau est encore trop élevé, mais il est proche de son plus bas niveau depuis près de vingt-cinq ans. En 2007, ce mouvement va encore se poursuivre. Le scénario que nous avons retenu table sur la création de près de 250 000 emplois, dont 80 % environ dans le secteur privé.

L'emploi qui redémarre, le chômage qui diminue sont de formidables facteurs de confiance pour nos concitoyens. L'objectif central de ce projet de loi de finances est d'accompagner et d'entretenir ce cercle vertueux, en agissant sur la confiance, sur le pouvoir d'achat et, enfin, sur l'investissement.

Je reviendrai en détail sur la réduction du déficit et de la dette, sujets qui sont au coeur de notre politique économique. Cette réduction est d'ailleurs inscrite dans ce projet de loi de finances, car elle constitue un élément déterminant pour consolider le retour de la confiance chez nos concitoyens.

Ensuite, ce projet de loi de finances soutient résolument le pouvoir d'achat.

La progression des salaires s'est accélérée au cours des derniers trimestres, à des rythmes inconnus depuis treize ans, de 3 % par an. Elle va se maintenir et devrait même s'amplifier en 2007. Mais je suis bien conscient que ce n'est jamais suffisant, surtout pour les catégories qui en ont le plus besoin.

C'est pourquoi la réforme fiscale apportera un soutien massif aux plus défavorisés et aux classes moyennes notamment en leur permettant de bénéficier, comme je l'avais indiqué, d'un gain de 0,5 % environ de leur pouvoir d'achat, et ce dès le début de l'année prochaine.

Mme Marie-France Beaufils. Ils ne paient pas d'impôt !

M. Thierry Breton, ministre. Je pense bien entendu à la grande réforme de l'impôt sur le revenu adoptée l'an dernier, dont nous avons souhaité faire bénéficier nos concitoyens dès leurs premières mensualités ou leur premier tiers. Ils verront ainsi leurs premiers versements diminuer de 8 %, dans la limite de 300 euros.

La forte revalorisation de la prime pour l'emploi va également soutenir le pouvoir d'achat des titulaires du SMIC, en représentant désormais quasiment un treizième mois.

Enfin, en 2007, nous encouragerons l'investissement et renforcerons notre croissance à moyen terme. Je veux parler non seulement du programme « Gazelles » destiné à soutenir les PME dans leur croissance, mais aussi du « bouclier fiscal » et de la baisse du taux marginal d'impôt sur le revenu qui consolide notre attractivité.

Compte tenu des effets que pourra avoir ce projet de loi de finances sur le pouvoir d'achat et l'investissement, la croissance restera solide en 2007. C'est pourquoi nous avons décidé de retenir une fourchette comprise entre 2 % à 2,5 % pour construire ce projet de loi de finances.

Je reviens maintenant à nos objectifs de déficit et de dette, qui reposent en 2006 comme en 2007, je vous le confirme, sur une maîtrise stricte de la dépense.

En 2006, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, l'objectif que nous nous étions fixé visait à améliorer encore le résultat de 2005, qui était de 2,9 %, en ramenant le déficit à 2,8 % du PIB, grâce en particulier, d'une part, à une stabilisation en volume des dépenses de l'État pour la quatrième année consécutive et, d'autre part, à un ralentissement sensible des dépenses de santé, les dépenses sous ONDAM, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, devant ainsi passer d'une progression de 4 % en 2005 à 2,8 % en 2006.

Or, comme nous l'avons appris il y a un peu moins de deux mois, les résultats des versements de l'acompte de l'impôt sur les sociétés au mois de septembre ont été nettement plus élevés que prévu, ce qui a porté le total des plus-values fiscales à environ 5 milliards d'euros, qui seront évidemment affectés à la réduction du déficit et de la dette de la France.

Dans ces conditions, j'ai estimé qu'il était possible de ramener, dès cette année, le déficit total des administrations publiques - celui sur lequel nous nous sommes engagés envers Bruxelles - de moins 2,9 % en 2005 à moins 2,7 % du PIB, et non pas à moins 2,8 %, comme cela est inscrit dans le budget. Ce pourcentage de 2 ,7 est devenu, comme je l'ai indiqué précédemment, notre objectif de déficit public pour cette année.

Le déficit budgétaire de l'État inscrit dans le projet de loi de finances rectificative se situe à 42,5 milliards d'euros, soit 4,4 milliards d'euros en dessous de celui qui a été voté l'an dernier, mais Jean-François Copé y reviendra tout à l'heure.

En 2007, l'objectif est de réduire de nouveau le déficit public, en le ramenant à moins 2,5 % du PIB. J'attache à ce pourcentage une importance particulière, car il correspond au niveau qui stabilise le ratio d'endettement public. Cela signifie donc que toute nouvelle réduction du déficit fera mécaniquement diminuer l'endettement.

Comme je l'ai déjà indiqué, le « pouvoir de dépense » de l'État diminuera l'an prochain de 1 %, c'est-à-dire que la dépense progressera de 1 % moins vite que l'inflation, après quatre années de « zéro volume ».

Monsieur le rapporteur général, je connais votre attachement à une maîtrise stricte de nos dépenses.

Cet effort historique en matière de dépenses nous permettra quasiment de financer la réforme de l'impôt sur le revenu.

Au total, le déficit budgétaire de l'État continuera de diminuer en 2007. Après l'examen du projet de loi de finances par l'Assemblée nationale, il devrait passer sous la barre des 42 milliards d'euros pour se situer à 41,7 milliards d'euros.

Les dépenses de santé continueront de ralentir. Elles ne progresseront plus que de 2,6 % en valeur, soit environ 1,5 % de moins que l'activité économique.

Enfin, je voudrais évoquer la dette de notre pays.

La conséquence de nos efforts en matière de finances publiques est la diminution historique de notre endettement.

Monsieur le président de la commission des finances, je sais combien la baisse de notre endettement public, à côté de la réduction de notre déficit public, vous est chère.

Comme vous le savez, je me suis engagé à réduire pour la première fois depuis bien longtemps l'endettement de la France de 2 % du PIB sur l'année 2006. Nous avons pris dans cet objectif des orientations fortes, notamment la réduction des dépenses de l'État, l'affectation de tout surplus au désendettement, l'optimisation de la gestion de la trésorerie de l'État, la cession d'actifs non stratégiques et la mobilisation de tous les organismes publics pour optimiser la gestion de trésorerie et les placements.

Monsieur le président de la commission des finances, nous évoquons souvent ensemble ce sujet. Vous avez déjà fait beaucoup. Nous devons continuer et poursuivre les efforts pour bien montrer le caractère irréversible de la dynamique que nous avons engagée.

Je peux vous le dire, les informations dont je dispose sur les rachats de dette opérés cette année jusqu'ici confortent notre objectif de réduire l'endettement public de 2 % à la fin de l'année 2006, pour le faire passer à 64,6 % du PIB contre 66,6 % du PIB à la fin de l'année 2005.

D'abord, comme l'a annoncé l'Institut national de la statistique et des études économiques, l'INSEE, à la fin du mois de septembre, plus de la moitié du chemin avait été parcourue sur les seuls six premiers mois de l'année : l'endettement public a diminué de 1,1 %.

Ensuite, 14,2 milliards d'euros de dettes ont été rachetés depuis le début de l'année. Pour la première fois, le programme de financement de l'État à moyen terme a été revu à la baisse de 14 milliards d'euros par rapport au programme initial.

Enfin, l'encours de dette à court terme de l'État a été réduit de plus de 17 milliards d'euros grâce à une meilleure gestion de notre trésorerie.

Pour l'année prochaine, après avoir de nouveau passé en revue avec mes services tous les leviers de désendettement, nous avons décidé de fixer un objectif de baisse supplémentaire de 1 % du PIB de l'endettement public. Au total, l'endettement public aura baissé de 3 % du PIB en deux ans.

Comment y parviendrons-nous ? Au-delà de l'effet du déficit stabilisant et de l'affectation intégrale des surplus fiscaux au désendettement, nous poursuivons le travail dans trois directions.

D'abord, les dispositions déjà prises ou en cours de finalisation représentent un potentiel de baisse supplémentaire du ratio d'endettement de plus de 2 % du PIB. En fonction de l'avancement des chantiers en cours, soit nous dépasserons notre objectif cette année, soit certaines mesures permettront de faire baisser l'endettement dans le courant de l'année prochaine. En tout état de cause, les travaux déjà engagés contribueront à notre objectif pour l'année 2007.

Ensuite, conformément à l'engagement qui figure dans notre programme pluriannuel de désendettement, nous tablons forfaitairement sur un montant de recettes de cessions d'actifs financiers non stratégiques de l'État en 2007 compris entre 5 milliards d'euros à 10 milliards d'euros. Je vous le rappelle, au cours des années 2005 et 2006, ce sont plus de 20 milliards d'euros de cessions de titres qui auront été affectés au désendettement de la France !

Enfin, dans l'esprit de la Conférence nationale des finances publiques, nous poursuivrons évidemment l'année prochaine le dialogue avec l'ensemble des acteurs publics pour continuer à optimiser la gestion de la dette publique dans son ensemble. Une réunion du Conseil d'orientation des finances publiques aura d'ailleurs lieu à Bercy avec un certain nombre d'entre vous dès le début du mois de décembre pour préparer cette conférence.

Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà ce que je souhaitais vous dire en guise d'introduction à la discussion générale. Bien entendu, j'ai toute confiance dans la qualité du débat que nous allons maintenant conduire ensemble.

Je serai évidemment, tout comme Jean-François Copé, à l'écoute de votre appréciation et de vos propositions, dans l'intérêt de nos concitoyens, pour débattre d'un budget réaliste, vertueux et juste. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, je vous remercie d'avoir rigoureusement respecté le temps qui vous était imparti. J'espère que votre exemple sera suivi.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord vous exprimer le plaisir que je ressens à me trouver aujourd'hui dans cet hémicycle aux côtés de Thierry Breton pour présenter le dernier projet de loi de finances de la législature.

Nous avons élaboré ce projet de budget, et c'est normal, en respectant une double dimension.

Il y a d'abord une dimension technique. En cette deuxième année d'application de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, il nous était indispensable d'être irréprochables dans notre approche de cette nouvelle technique budgétaire.

Mais il y a également une dimension politique. Chacun le comprendra aisément, à quelques mois de l'élection présidentielle, Thierry Breton et moi-même avions à coeur de montrer qu'il est possible de financer des politiques publiques ambitieuses pour tenir les engagements pris devant les Français, tout en poursuivant l'assainissement de nos finances publiques.

C'est la raison pour laquelle, conformément à ce que je vous avais dit lors du débat d'orientation budgétaire, ce projet de loi de finances atteint quatre objectifs. Nous diminuons les dépenses de l'État pour la première fois, ainsi que les impôts, la dette et le déficit public.

M. François Marc. Et le chômage ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous réduisons également le chômage, en particulier grâce à la politique économique que nous menons. (Murmures ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Je vous remercie de m'avoir tendu cette perche magnifique, monsieur le sénateur.

Si nous parvenons à de tels résultats, c'est d'abord parce que nous innovons profondément dans nos méthodes.

Comme chacun s'en souvient, avec la vieille technique budgétaire, les services votés ne nous laissaient qu'environ 3 %, 4 % ou 5 % de marge de manoeuvre pour les dépenses nouvelles. Tout le reste était automatiquement reconduit. C'était donc une machine infernale à reproduire de la dépense publique en augmentation.

Avec la LOLF, la situation a beaucoup changé. Nous repartons de zéro chaque année, ce qui nous donne des possibilités, que nous n'avions pas auparavant, pour réaliser des économies et lutter contre les gaspillages.

Désormais, le volet de la performance est totalement opérationnel.

Permettez-moi d'ailleurs de vous faire part d'une information très encourageante. Une étude récente du Center on budget and policy priorities chargée d'évaluer la transparence budgétaire des différents pays classe la France en tête parmi une cinquantaine de pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, la Nouvelle Zélande ou la Suède. Nous nous sommes d'ailleurs largement inspirés de tous ces pays pour élaborer nos normes budgétaires.

Comme, dans notre beau pays, on a tendance trop systématiquement à voir le verre à moitié vide et à amplifier ce qui ne va pas, je tenais à vous faire part de ce classement, qui ne pourra que vous réjouir, toutes sensibilités politiques confondues.

Par ailleurs, le ministère des finances a lancé un jeu en ligne intitulé Cyberbudget, qui permet à tout internaute d'approfondir ses connaissances en matière de finances publiques. Depuis son lancement, le site a enregistré 350 000 visites. Je ne doute pas que vous en étiez. Sinon, je tiens gracieusement à votre disposition des clés USB. (Sourires.) Vous le verrez, ce jeu pédagogique et humoristique permet, d'une part, de se familiariser avec l'idée selon laquelle il n'est pas possible de dépenser éternellement plus que l'on ne gagne et, d'autre part, de connaître le coût de chacune des politiques publiques que nous menons.

Pour élaborer ce projet de loi de finances, nous devions répondre à plusieurs exigences.

La première était de mettre très tôt tout le monde autour de la table pour définir les priorités. Ce sont les fameuses « réunions d'économies structurelles », qui nous ont permis d'identifier les besoins, d'élaborer les stratégies, de choisir les priorités et de déterminer un plafond de dépenses compatible avec nos objectifs en termes de déficit.

Tous les ministres et les ministères ont été mis à contribution. Il n'y a pas eu de passe-droits. Nous avons essayé de lancer un travail comparable au sein du Conseil d'orientation des finances publiques, où tous les acteurs publics de la « maison France », c'est-à-dire l'État, la sécurité sociale et les collectivités locales, ont été associés.

Le projet de loi de finances pour 2007 montre d'ailleurs que les engagements de l'État à l'égard des autres acteurs sont entièrement tenus.

S'agissant de la sécurité sociale, l'État transfère une partie des droits sur les tabacs, à hauteur de 500 millions d'euros, pour compenser le coût des nouveaux allégements de charge et pour couvrir les frais financiers liés aux créances de la sécurité sociale sur l'État.

En outre, je le rappelle devant la Haute Assemblée, nous avons intégralement honoré le pacte de croissance et de solidarité entre l'État et les collectivités locales. Alors que la hausse des dépenses de l'État est inférieure à l'inflation, nous augmentons les dotations aux collectivités locales.

Qu'il s'agisse du pacte de croissance et de solidarité, du fonds de compensation de la TVA, du RMI ou des différents dégrèvements et compensations, l'État respecte strictement ses engagements à l'égard des collectivités locales.

La deuxième exigence était d'avoir les yeux rivés sur ce qui se passe dans le reste du monde. C'est tout le sens de ce que nous avons réalisé avec les audits, dont j'ai souvent eu l'occasion de vous parler, mesdames, messieurs les sénateurs.

C'est une innovation. Pour la première fois, nous radiographions l'ensemble des processus publics de l'État pour chasser les gaspillages, trouver des gains de productivité et dégager des marges de manoeuvre afin d'investir dans l'avenir.

Ces audits sont lancés à un rythme soutenu. Les résultats sont très encourageants, puisque nous avons dégagé des marges de manoeuvre dans tous les domaines, et sur des sujets très divers, qui étaient jusqu'à présent totalement tabous.

Nous avons ainsi fait réaliser des audits sur l'allocation aux adultes handicapés, les frais de justice, les nouvelles technologies et leur utilisation dans les différentes administrations, notamment aux finances, ou encore les achats. Aujourd'hui, l'État achète pour près de 15 milliards d'euros par an, ce qui est considérable. Dans les trois années qui viennent, nous pouvons programmer une économie de 10 % par an, soit pratiquement 1,5 milliard d'euros.

Tout cela n'est qu'un début. Ces audits ont vocation à devenir un processus continu de modernisation de nos administrations. Cette dynamique - des vagues d'audits sont lancées tous les deux mois - doit se poursuivre. Il en va des audits comme du sport, nous devons en faire de manière régulière. (Sourires.) Il s'agit de savoir en permanence où nous en sommes et de connaître la situation financière de l'État, dans un souci de meilleure performance, au sens public du terme, c'est-à-dire dans l'intérêt des contribuables, qui veulent savoir où vont leurs impôts.

Dans son récent rapport intitulé Réforme de l'État : auditer pour agir, le président de la commission des finances, Jean Arthuis, a salué notre travail en indiquant : « La réforme de l'État est enfin en marche ». Je suis très sensible à son propos et je l'en remercie.

Nous ne devons pas en rester là. Je peux vous l'annoncer, l'étape suivante sera le suivi de ces audits.

Mme Hélène Luc. On dépense beaucoup d'argent pour cela, mais ce n'est pas toujours très utile !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Mais si ! Lisez-les ! Vous verrez qu'ils peuvent beaucoup nous apprendre sur la manière de rendre l'État plus efficace.

Mme Hélène Luc. Ils cherchent surtout à limiter les dépenses !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Tous les audits sont en ligne.

À partir de demain, je mettrai également en ligne un tableau de bord gouvernemental qui renseignera sur l'état d'avancement des suites données aux audits. En outre, la Direction générale de la modernisation de l'État proposera systématiquement un appui à la mise en oeuvre de leurs préconisations.

Monsieur le président de la commission des finances, vous suggérez dans votre rapport de généraliser la démarche aux opérateurs de l'État. C'est également ma conviction.

J'ai d'ailleurs écouté avec beaucoup d'attention les recommandations de M. le rapporteur général, qui est toujours très attentif et vigilant sur ces sujets.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous remercie, monsieur le ministre !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. L'an dernier, vous aviez exprimé un certain scepticisme, certes courtois, mais tout de même précis (Sourires), quant à l'efficacité de ces audits. Aujourd'hui, vous y trouvez, comme nous tous, un certain intérêt. Je dois vous le confesser, j'étais alors moi-même particulièrement attentif, car je voulais vérifier que cette expérimentation des audits était une bonne piste. À mon sens, nous pouvons désormais tous le confirmer. Dans ce domaine, le dispositif que nous avons lancé est tout à fait positif. Nous faisons une vague d'audits tous les deux mois et nous avançons vite et bien.

Notre troisième exigence était de graver dans le marbre des principes de bonne gestion et de s'y tenir quelles que soient les circonstances.

Avec Thierry Breton, nous avons pris des engagements devant vous. Nous les tenons. C'est le cas s'agissant de l'affectation de la totalité des plus-values fiscales au désendettement et de l'attitude de prudence que nous avons retenue dans nos hypothèses de recettes, donc de croissance.

Nous nous attellerons d'ailleurs de la même manière pour le chantier à venir, c'est-à-dire la certification des comptes, qui interviendra pour la première fois en début d'année prochaine.

Il s'agit d'une échéance capitale pour la gouvernance de nos finances publiques. J'entends bien être au rendez-vous, à condition que les règles du jeu soient parfaitement claires. Et elles doivent l'être, me semble-t-il, indépendamment des clivages politiques traditionnels, au demeurant légitimes, qui peuvent par ailleurs nous opposer.

S'agissant de la LOLF et de la certification des comptes, il est important que nous conservions l'esprit de consensus que nous avons retrouvé dans l'excellent rapport de MM. Alain Lambert et Didier Migaud. Ils ont rappelé de manière éclairante que la certification devait être, comme je le crois moi-même, un processus continu et coopératif de dialogue entre le certifié et le certificateur pour améliorer la qualité des comptes.

C'est d'ailleurs ce que nous enseigne l'expérience des pays voisins et du secteur privé. Tout cela ne se fera pas en un jour, mais l'échéance est capitale : il nous faut donc progresser dans cette voie avec la Cour des comptes, dans un climat dépassionné et constructif. Nous avons commencé à le faire : j'ai eu l'occasion de m'exprimer sur ce sujet devant les deux commissions des finances du Parlement ; le premier président de la Cour des comptes a été auditionné par l'Assemblée nationale et le sera bientôt par le Sénat

Trois éléments clés ressortent de ces discussions. Le premier porte sur la nécessité d'établir des règles du jeu parfaitement claires dès le départ. Nous devons savoir ce qui va être certifié, quel est le périmètre des comptes et garder à l'esprit que le processus est évolutif. Le premier président de la Cour des comptes a d'ailleurs dit, par avance, qu'il est tout à fait normal que la première certification se fasse « avec réserves », selon la terminologie en usage. La certification engage l'ensemble des sensibilités politiques au service d'un objectif fondamental : la transparence.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Après les règles du jeu, le deuxième élément clé est le partenariat, dans le respect des missions de chacun. Personne n'imagine de contester ni de mettre en doute les missions ou la spécificité de chacun des acteurs en présence : la Cour des comptes, le Gouvernement et le Parlement, troisième acteur essentiel, qui doit être pleinement associé à la définition de l'ensemble des règles du jeu.

Mme Hélène Luc. Ne nous dites pas que le Parlement est pleinement associé !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le troisième élément clé est la pédagogie. Sur ce point, je voudrais vous donner un exemple concret.

Nous allons présenter, pour la première fois, le bilan de l'État, qui comporte un passif et un actif. Jusqu'à présent, on ne parlait que du passif : que de discours, d'articles de journaux, de colloques, quelle que soit la tendance politique, sur le sujet ! Le passif, c'est la dette de l'État. L'étude confiée par Thierry Breton à Michel Pébereau l'a évaluée à un ordre de grandeur de 1 100 milliards d'euros.

En revanche, personne n'évoque jamais l'actif. Or, il existe : mes services l'évaluent aujourd'hui provisoirement à environ 550 milliards d'euros. La situation nette du bilan est donc négative ; tel a toujours été le cas, nous le savons. Il en est de même dans tous les pays du monde, ce qui est tout à fait normal compte tenu de la configuration des comptes.

Il nous faut donc expliquer la situation ainsi que le travail entrepris pour réduire l'écart entre le passif et l'actif. Tel est l'objectif de la politique de désendettement que nous conduisons, qui passe forcément par la réduction du déficit de l'État : en quatre ans, nous aurons réduit le déficit de l'État de quinze milliards d'euros.

Je voudrais maintenant ajouter plusieurs remarques.

Tout d'abord, au-delà de la mise en oeuvre, à partir de 2007, de l'ambitieuse réforme fiscale que nous avons engagée, nous souhaitons faire en sorte que le budget que nous vous présentons concorde pleinement et entièrement avec les convictions de notre famille politique, au service de notre pays. À l'évidence, il atteste des différences claires existant entre une politique de droite et une politique de gauche ; tant mieux !

Autant je plaide pour que ce qui relève, notamment, des règles générales, de la LOLF, de la certification des comptes, soit admis pour que tous puissent y adhérer, autant j'attache beaucoup d'importance à ce que chacun voie bien la différence entre le budget que nous présentons et ceux que nous avons connus dans le passé, lorsque l'actuelle opposition détenait la majorité.

Mme Nicole Bricq. C'est sûr qu'il y a une différence !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Les différences sont réelles, par exemple, sur la question de la dépense publique.

Première conviction : ce budget démontre qu'il est possible de moderniser les services publics sans dépenser toujours plus. La dépense publique ! Vaste et beau sujet...

Sur ce point, je pense qu'on a menti aux Français pendant longtemps. On les a trompés en leur faisant croire que la ligne de partage passait entre les gentils, qui dépensaient plus, et méchants, qui dépensaient moins ; en leur faisant croire que l'administration fonctionnerait moins bien si on n'augmentait pas sans cesse le nombre des fonctionnaires. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Marie-France Beaufils. On en voit les résultats !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. On les a trompés en refusant de poser la seule bonne question : la dépense publique qui est engagée est-elle efficace ? Est-elle correctement évaluée ? Pourrait-elle être mieux utilisée ?

On les a trompés, enfin, en évitant soigneusement d'ouvrir le débat essentiel sur ce que doit être le périmètre de l'État.

L'une des erreurs « historiques » de Lionel Jospin a été de dire que l'État ne peut pas tout faire.

Mme Nicole Bricq. Quel culot !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Tout d'abord, l'État ne doit pas tout faire. Ensuite, il ne doit pas tout faire tout seul. C'est à cette occasion qu'il faut réfléchir à ce que doit être le périmètre d'action d'un État moderne.

Mme Hélène Luc. Et après, vous critiquez les collectivités locales !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'ai souhaité démontrer, avec ce budget, que l'État peut dépenser moins, tout en répondant aux priorités auxquelles sont attachés les Français et qu'il doit, pour cela, se moderniser en permanence. Il faut donc concilier une dépense publique en baisse et le financement intégral des engagements pris devant les Français au début de la législature.

Sur la restauration des fonctions régaliennes, nous avons accompli la totalité des engagements. Toutes nos lois de programmation sont exécutées, si j'ose dire, à l'euro près ou presque : 100 % en crédits pour la loi d'orientation et de programme sur la sécurité intérieure, 100 % pour la loi de programmation militaire et, pour la loi d'orientation et de programme pour la justice, nous allons rattraper une partie du retard d'ici la fin de cette année, avec une exécution à hauteur de 80 %. Il en est de même pour les programmes de recherche et pour l'aide publique au développement.

Deuxième conviction : baisser la dépense publique, c'est s'attaquer concrètement au désendettement. Le Gouvernement s'est entièrement engagé dans cette entreprise, comme Thierry Breton l'a dit.

Rappelons les chiffres : en 1997, nous avions laissé un déficit structurel de 2 points du PIB ; en 2002, nous le retrouvons à 3,8 points ; en 2007, il se situera à 2,3 points. En cinq ans, nous avons donc rattrapé les dérives des cinq années précédentes. Mieux vaudrait prolonger le bail d'encore cinq ans, afin d'éviter de nous trouver à nouveau devant les difficultés que nous avons connues ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Hélène Luc. J'espère bien que non !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Troisième conviction : la fiscalité joue un rôle majeur dans la question du pouvoir d'achat.

Le travail accompli pour baisser les impôts des ménages dans des proportions très importantes a permis, à l'évidence, d'améliorer la feuille de paie.

Mais il est vrai que la fiscalité ne peut pas tout faire et qu'il nous faut développer une réflexion de fond sur la place du travail dans notre société et sur le poids que représentent les charges dans la feuille de paie.

Beaucoup a déjà été fait, mais il ne faut pas se tromper de combat : le SMIC est aujourd'hui un plafond de verre. Le sentiment qu'augmenter le SMIC règle les problèmes de pouvoir d'achat - comme l'avait proposé par exemple un candidat à la candidature au sein du parti socialiste - nous fait oublier que la véritable préoccupation de nos concitoyens est de dépasser le niveau du SMIC le plus vite possible dans leur parcours, grâce à la qualification tout au long de la vie, au recours aux heures supplémentaires et aux facultés offertes à tous ceux qui le souhaitent de gagner plus en travaillant plus !

Quatrième conviction : on peut faire baisser le chômage grâce à une politique de l'emploi efficace.

Les mesures que nous avons mises en oeuvre, les nouveaux contrats de travail, le CNE en particulier, la valorisation du travail à travers, notamment, la prime pour l'emploi, les allégements de charges, ont obtenu des résultats tout à fait spectaculaires.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je voulais vous dire en préambule à cette discussion sur le projet de loi de finances pour 2007.

Je ne voudrais pas terminer sans évoquer la question du bilan. Car, s'il est vrai que personne ne pense gagner une élection présidentielle avec son seul bilan, il vaut toujours mieux s'appuyer sur un bon bilan que sur un mauvais pour proposer aux Français de passer à la vitesse supérieure.

M. Adrien Gouteyron. Bien sûr !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. De ce point de vue, afin de cadrer notre débat et, accessoirement, de répondre au rappel au règlement de M. Massion, je voudrais mettre en perspective deux fins de mandat : celle de M. Jospin à Matignon et la nôtre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Marc Pastor. Vous faites déjà les comptes !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. En 1997, nous vous avions laissé un déficit de 40 milliards d'euros. Malgré une croissance qui vous avait été favorable, vous nous avez laissé les clés avec un déficit qui atteignait, en 2002, 49 milliards d'euros. M. Jospin l'avait, à l'époque, reconnu explicitement, en avouant par un bel euphémisme qu'il avait laissé « légèrement » dériver les comptes publics.

Mme Nicole Bricq. Vous, ce n'est pas légèrement !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pour notre part, en 2007, nous aurons, à notre crédit, amélioré le solde budgétaire de presque 8 milliards d'euros en cinq ans, en le ramenant à 41,7 milliards d'euros.

S'agissant des recettes, souvenons-nous de 1999 : 10 milliards d'euros de plus-values de recettes avaient été enregistrés, dont un tiers seulement avait été affecté à la réduction du déficit !

Mme Nicole Bricq. C'est vous qui l'aviez demandé !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous avons, quant à nous, affecté la totalité des plus-values de recettes au désendettement.

En termes de dépenses, le dernier budget de la législature socialiste affichait une croissance des crédits de 0,5 % en volume. Nous avons, quant à nous, réduit les dépenses.

Enfin, s'agissant des effectifs de la fonction publique, je me limiterai à deux chiffres : d'une part, 30 000 créations de postes de fonctionnaires d'État pour 2001 et 2002 ; de l'autre, 20 000 non-renouvellements de postes consécutifs aux départs en retraite pour 2006 et 2007, en respectant les conclusions des audits, c'est-à-dire sans conséquences négatives sur le fonctionnement des services publics.

Ce budget, vous l'avez donc compris, marque clairement un cap, celui du désendettement ; il s'engage sur des priorités précises : réduire les déficits et baisser les impôts, ...

Mme Hélène Luc. Baisser les impôts, mais pour qui ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... il assume franchement les valeurs de notre famille politique, en modernisant l'État, en soutenant le pouvoir d'achat des Français et en finançant des politiques publiques qui correspondent à leurs attentes, dans le domaine de la sécurité, de l'emploi, de l'éducation, de la justice, de la recherche !

Mme Hélène Luc. Des mots, des mots !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Bref, ce budget s'inscrit clairement dans la perspective des années 2010, avec un pays qui retrouve progressivement son rang dans le reste du monde grâce à ses valeurs universelles et à sa capacité à bien gérer les deniers publics ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Hélène Luc. Vous allez voir ce que les électeurs vont vous dire, monsieur le ministre !

M. Marc Massion. C'est déjà la campagne de l'UMP !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je sollicite à la fois votre attention et votre indulgence pour cette première présentation d'un style nouveau.

M. Alain Lambert. Bravo ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Hélène Luc. Vous voulez limiter la discussion !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je remercie particulièrement M. le président du Sénat et l'ensemble du bureau du Sénat qui ont bien voulu permettre cette expérimentation.

(La présentation de M. le rapporteur général est accompagnée de la projection sur des écrans de documents qui figurent en annexe.)

Tout d'abord, le projet de loi de finances pour 2007 « ménage l'avenir ».

Je vais m'efforcer de montrer par cet exposé que ce budget permettra à la prochaine législature de disposer des marges de manoeuvre nécessaires pour appliquer sa politique. En ce sens, c'est un budget respectueux des Françaises et des Français et de leur expression démocratique.

Ce budget est le dernier d'une législature. En tant que tel il est crucial et doit être comparé au dernier budget de la législature précédente, ce que je m'efforcerai de faire.

Nous abordons cette nouvelle période avec des éléments qui, pour certains d'entre eux, sont positifs : embellie du marché de l'emploi, croissance assez proche des prévisions - voire, pour 2006, plutôt meilleure que ne le prévoyaient il y a un an les conjoncturistes - et, surtout, en termes de méthode, nous commençons à tirer les bénéfices des audits de performance et de la loi organique sur les lois de finances.

Cela se traduit, en particulier, mes chers collègues, par une nouvelle exigence parlementaire que le Sénat, et tout particulièrement les rapporteurs spéciaux de la commission des finances, toutes tendances confondues, ont pu mettre à profit pour l'élaboration de leurs travaux.

C'est ainsi que la commission des finances proposera, cette année, une quarantaine d'amendements sur les missions et les programmes, c'est-à-dire deux fois plus que l'année dernière, tout en respectant les procédures de la loi organique de manière très constructive, sans dégrader le solde ni modifier les grands équilibres de cette loi de finances.

Voyons tout d'abord, mes chers collègues, comment peuvent se comparer les recettes et les dépenses en chiffres bruts. (Se reporter au document 2.)

Le déficit serait, pour 2007, de 42 milliards d'euros, et l'évolution des dépenses obéirait à une nouvelle norme, plus exigeante que celle des années passées. En effet, l'objectif n'est plus celui du « zéro volume », il est que la progression des dépenses de l'État au sens strict soit limitée à 0,8 % en euros courants, soit une croissance inférieure de 1 point à l'inflation. Les années précédentes, l'objectif du « zéro volume » a été respecté, et il faut en donner acte au Gouvernement.

Rappelons ensuite l'évolution du déficit budgétaire sur le long terme, car le court terme doit être mis en perspective. Nous pouvons ainsi observer le décalage existant entre la courbe prévisionnelle et la courbe réelle. (Se reporter au document 3.)

Cela montre, messieurs les ministres, que le résultat de 2006 est sensiblement meilleur que celui qui était prévu dans la loi de finances initiale. On relève en outre qu'il n'y a pas eu beaucoup d'années où une telle situation a pu être constatée.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est imparable !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Dans l'établissement d'un budget, il faut se préoccuper des recettes avant d'autoriser les dépenses.

S'agissant donc des recettes, la commission des finances estime que les prévisions pour 2007 sont réalistes. Elles tiennent compte, en particulier, des baisses d'impôt décidées au titre de la loi de finances pour 2006.

L'appréciation des recettes dépend d'abord de la croissance, la prévision en cette matière étant, évidemment, un art difficile, comme l'illustrent ces deux courbes retraçant l'une la croissance réalisée, l'autre la croissance prévue. (Se reporter au document 5.)

En réalité, quand on fait une comparaison entre les prévisions et la réalité sur une longue période, on s'aperçoit que tout le monde s'est trompé, les différents gouvernements comme les conjoncturistes. Les erreurs ne sont pas plus souvent par excès que par défaut. En ce qui concerne l'année 2006, il convient, malgré le résultat décevant du troisième trimestre, de rappeler que nous devrions normalement aboutir, pour l'ensemble de l'exercice, à un résultat très proche de ce qui avait été annoncé par le Gouvernement.

Cependant, encore faut-il bien voir quelles sont les composantes de cette croissance.

À cet égard, je vous invite, mes chers collègues, à une réflexion sur le point suivant : la croissance française demeure tirée par la consommation, tandis que la croissance de l'Allemagne, notre principal partenaire, est tirée par le commerce extérieur, c'est-à-dire par la compétitivité des entreprises.

Quelles que soient les réalités du court terme, il faut être capable d'intégrer ces éléments de comparaison et de se demander dans quelle mesure notre croissance pourra être maintenue sur le moyen et le long terme, ainsi que de s'interroger sur l'avenir de nos finances publiques.

En effet, l'accroissement continu de la consommation, des importations de biens manufacturés, du déséquilibre du solde extérieur traduit peut-être une diminution structurelle de la compétitivité de nos entreprises. Vous comprendrez, mes chers collègues, que cela soit une préoccupation fondamentale pour la commission des finances.

Pour en revenir aux recettes, examinons maintenant les grands agrégats. (Se reporter au document 6.)

On constate un écart de 68 milliards d'euros entre les recettes brutes et les recettes nettes, correspondant à un prélèvement direct sur les recettes, au profit de l'Union européenne et des collectivités territoriales.

Je rappelle, à cet égard, que la norme de progression des dépenses de l'État à un rythme inférieur de 1 point à l'inflation s'applique à toutes les dépenses financées, une fois déduits les prélèvements. S'agissant, en particulier, du pacte de solidarité et de croissance, qui est la principale base de financement du fonctionnement des collectivités territoriales, il incorpore un élément de croissance et permet de financer des dotations de l'État qui évoluent sensiblement plus vite, permettez-moi de le rappeler, que la moyenne des dépenses de ce dernier.

M. Henri de Raincourt. Il faut le dire !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas nier les difficultés qui peuvent exister à l'échelon des budgets locaux que de le dire...

M. Philippe Marini, rapporteur général. ...et de rappeler que cela s'impute sur une masse globale qui est considérable au regard des équilibres généraux de la loi de finances.

Pour l'année 2007, les recettes non fiscales évoluent favorablement en raison de l'amélioration substantielle de la situation économique et financière du secteur public, les dividendes versés à l'État par ce dernier augmentant de plus de 3 milliards d'euros, sans compter le résultat exceptionnel, que nous appréhendons en partie, dû à la cession, par la Caisse des dépôts et consignations, de sa participation dans la Caisse nationale des caisses d'épargne.

Étudions maintenant l'évolution des recettes fiscales d'une année à l'autre.

Nous raisonnons ici en données de caractère structurel, et nous mesurons l'incidence, en année pleine, des mesures votées l'an dernier, s'agissant, en particulier, de la réforme de l'impôt sur la personne et de celle de la taxe professionnelle. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Hélène Luc. Vous n'écoutez pas les maires, ni les citoyens que nous réunissons !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Regardez les chiffres avant de porter des appréciations, chers collègues ! C'est une réalité factuelle, elle ne devrait pas vous gêner en tant que telle ! Elle doit susciter le débat. (Protestations sur les mêmes travées.)

Mme Hélène Luc. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le rapporteur général ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous en prie, madame Luc.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, avec l'autorisation de M. le rapporteur général.

Mme Hélène Luc. Vous parlez de la réforme de la taxe professionnelle, monsieur le rapporteur général, mais vous n'entendez pas ce que disent les maires participant actuellement au congrès des maires de France ou les citoyens que nous réunissons - j'ai moi-même pris part, avant-hier, à une assemblée de la population de Choisy-le-Roi sur le thème des recettes municipales.

M. Christian Cambon. Ce sont des militants, madame !

Mme Hélène Luc. Vous vous bornez à dire ce qui vous convient, à propos notamment de la loi organique relative aux lois de finances, avec laquelle, vous le savez, nous sommes en complet désaccord !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah bon ! C'est intéressant ! On le dira à M. Migaud...

Mme Hélène Luc. En effet, elle induit une méthode de travail telle que les sénateurs, au terme de la discussion du projet de loi de finances, ne peuvent même plus expliquer leur vote individuellement ! Croyez-vous que c'est ainsi que l'on permettra au Parlement d'être mieux associé à l'élaboration du budget ? Pour ma part, j'affirme que la démocratie régresse et qu'il est temps que vos amis quittent les responsabilités gouvernementales ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Permettez-moi de vous rappeler, madame Luc, que je suis maire d'une ville,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. ...que je suis président d'une agglomération...

M. Philippe Marini, rapporteur général. ...qui bénéficie de la taxe professionnelle unique. Je suis donc particulièrement sensible à ce sujet.

M. Philippe Marini, rapporteur général. L'agglomération que je préside présente la particularité d'appliquer le taux de taxe professionnelle le plus faible de sa catégorie démographique,...

M. Christian Cambon. Ce n'est pas le cas de Choisy-le-Roi !

M. Philippe Marini, rapporteur général. ...ce qui lui permet d'être compétitive et d'attirer des entreprises.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Si l'on veut faire du social, si l'on veut créer des emplois, il faut notamment être capable d'accueillir des entreprises. Or ces dernières, dans le monde ouvert d'aujourd'hui, votent avec leurs pieds, c'est-à-dire, en l'occurrence, avec leurs décisions d'investissement.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Si la réforme de la taxe professionnelle a été faite, aussi coûteuse, complexe et difficile à mettre au point qu'elle ait pu être, c'est bien pour limiter le poids de charges qui, en termes de comparaison internationale des sites d'implantation des entreprises, étaient apparues dans bien des cas insupportables. Vous ne pouvez pas le nier, car c'est une vérité !

Pour en revenir au projet de loi de finances pour 2007, nous constatons, en matière de fiscalité, une baisse des recettes de 6,6 milliards d'euros, ce qui provient des 7,2 milliards d'euros de réduction de la charge fiscale liée à nos votes de l'année dernière concernant la réforme de l'impôt sur la personne et l'allégement nécessaire, pour des raisons de compétitivité, de la taxe professionnelle acquittée par les entreprises. Il s'agit aussi, en fait, du solde des engagements que nous avions pris en 2002. (Se reporter au document 7.)

À l'inverse, dans le projet de budget pour 2007, des augmentations de ressources sont prévues, s'agissant notamment de la fiscalité des entreprises, avec 600 millions d'euros de recettes supplémentaires issus de l'application de mesures de rendement que nous aurons l'occasion de commenter au cours du débat.

En ce qui concerne maintenant les dépenses, la norme est ambitieuse. En tant que telle, elle doit être saluée, mais il faut être extrêmement vigilant, et M. le ministre délégué au budget y a fait allusion, s'agissant des dépenses qui ne sont pas concernées par le plafond correspondant à la norme, c'est-à-dire, en particulier, les dépenses qui sont engagées par des agences de l'État, par des opérateurs, par des personnes morales indépendantes.

Mes chers collègues, si l'on se livre à une comparaison entre la législature actuelle et la précédente, il est bon d'évoquer la dernière année, mais aussi l'ensemble des exercices.

En ce qui concerne les dépenses de l'État, leur récapitulation exacte fait apparaître les points suivants. (Se reporter au document 10.)

De 1998 à 2002, en cumulé et en volume, la dépense de l'État a augmenté de 3 % ; entre 2003 et 2007, elle devrait diminuer de 0,8 % : en volume, un écart de quatre points sépare donc les bilans des deux législatures.

En ce qui concerne le principal poste de dépenses, c'est-à-dire les effectifs, permettez-moi de vous en présenter l'historique exact depuis 1998 en équivalents temps plein travaillé. (Se reporter au document 11.)

Tous ces chiffres doivent être relativisés, puisque le plafond global des autorisations d'emplois pour 2007 est de 2 307 664. Par conséquent, l'ampleur des variations apparaissant ici est assez minime. Néanmoins, nous voyons, et c'est une façon de ménager l'avenir, que c'est pour le dernier budget de la législature que l'inflexion devient pour la première fois relativement significative. Cela étant, l'ensemble des baisses d'effectifs enregistrées au cours de cette législature ne font que compenser les hausses constatées pour les deux derniers exercices de la précédente.

Venons-en maintenant à l'investissement. (Se reporter au document 12.)

M. le président du Sénat a toujours été sensible aux comparaisons qui portent sur l'investissement. Il faut ajouter aux investissements financés par le budget de l'État ceux qui sont financés par les deux principales agences agissant en la matière : l'ANRU, l'Agence nationale de rénovation urbaine, et l'AFITF, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France.

Pour 2007, le budget d'investissement serait au total de 21,3 milliards d'euros - je veux bien sûr parler des investissements physiques qui s'amortissent, car, pour moi, les autres ne sont que littérature... Au total, la croissance de l'investissement est de 4,1 %, qu'il faut comparer à l'augmentation de 0,8 % des dépenses de l'État.

Alors que, en conformité avec la programmation militaire, les investissements militaires - qui sont en volume supérieurs à 10 milliards d'euros - diminuent légèrement par rapport à l'année précédente, les investissements civils connaissent une assez forte progression dans le projet de budget pour 2007. Cela mérite d'être souligné, d'autant plus qu'il s'agit du dernier budget d'une législature.

La commission des finances s'est interrogée sur le phénomène des agences. S'agit-il d'une bonne chose ou d'une facilité ?

À mon sens, le jugement porté sur ces agences doit être nuancé. D'un côté, mettre en évidence des responsabilités et des objectifs et y consacrer des moyens pluridisciplinaires constitue un progrès dans la réforme de l'État. D'ailleurs, d'autres pays avant nous, comme la Suède, ont développé les agences en rénovant substantiellement leur gestion publique.

D'un autre côté, il faut savoir si l'on se contente d'additionner les structures ou si l'on opère des restructurations. De ce point de vue, messieurs les ministres, la commission des finances s'interroge sur la multiplication, voire la prolifération, d'affectations de recettes de toutes natures à des outils qui ne sont pas tous très lisibles.

Je ne ferai pas de longs commentaires à ce sujet, car nous y reviendrons domaine par domaine. Quelques exemples de décisions nouvelles de transferts à des agences en 2007 vous sont fournis dans un graphique. (Se reporter au document 14.)

Nous devons relever deux défis : d'une part, la dette et les déficits ; d'autre part, l'augmentation des dépenses publiques. (Se reporter au document 15.)

En ce qui concerne la dette, si nous souscrivons à l'analyse du rapport de Michel Pébereau, nous trouvons beaucoup moins convaincantes les solutions qu'il préconise. Rappelons que l'État est aujourd'hui largement minoritaire dans les prélèvements publics. (Se reporter au document 16.)

Nous avons d'ailleurs eu récemment un débat sur l'ensemble des finances publiques.

Rappelons aussi que des progrès dans la réduction du déficit public ont été accomplis : il faut tenir compte de la façon dont les résultats ont été obtenus et ne pas s'en tenir à leur amélioration en valeur absolue. (Se reporter au document 17.)

En 2005, le déficit s'établissait à 2,9 points du PIB, en particulier grâce à une soulte de 8 milliards d'euros. En 2006, nous atteindrons 2,7 points avec très peu d'opérations exceptionnelles. La marche à franchir a été plus élevée qu'il n'y paraît.

Enfin, le projet de budget pour 2007 ne prévoit aucune opération exceptionnelle, alors que le Gouvernement aurait pu y recourir. Je vous en remercie, messieurs les ministres, comme je vous remercie de nous présentez un budget qui marque une évolution en réalité plus importante qu'il n'y paraît à la simple lecture des chiffres.

Néanmoins, la dette par habitant ne cesse de progresser. Entre 1998 et 2007, elle aura augmenté de 50 % pour atteindre le chiffre prévisionnel de 19 500 euros pour 2007. (Se reporter au document 18.)

Le second défi que nous devons relever concerne les dépenses de la sphère publique, qui connaissent toujours une forte dynamique. Un tableau, qui compare les deux législatures successives, permet de la visualiser. (Se reporter au document 20.)

Entre le précédent tableau et celui-ci, il y a évidemment deux différences essentielles de périmètre : la sécurité sociale et les collectivités territoriales. Au seul niveau de l'État, on observe une différence de quatre points en volume entre les deux législatures au bénéfice, selon moi, de la seconde. En termes de dépenses publiques, cette différence diminue de moitié : elle n'est plus que de deux points environ.

Ces chiffres ne font que refléter les tendances de fond : les évolutions démographiques, les progrès de la solidarité et des sciences de la santé. Si nous voulons que la société vive de manière apaisée des périodes socialement difficiles, il nous faudra en arriver à contraindre plus sévèrement les dépenses de l'État au sens strict.

En matière de dépenses, la France est en tête de tous les pays de l'OCDE. D'autres États ont connu des évolutions plus favorables en termes de part des dépenses en pourcentage du PIB. (Se reporter au document 21.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Madame Beaufils, votre interruption montre bien tout ce qui nous sépare : vous ne prenez pas en compte la compétitivité dans un monde qui est ouvert, qu'on le veuille ou non.

L'évolution des dépenses continue à être plus rapide que les programmes triennaux de prévisions que nous envoyons à la Commission européenne. (Se reporter au document 22.)

De ce point de vue, messieurs les ministres, nous devrons sans doute intégrer ces réalités en utilisant des méthodes plus réalistes, qui inspireront une plus grande confiance à nos partenaires et à notre environnement international. (Mme Nicole Bricq s'exclame.)

Pour conclure, j'évoquerai d'une part, les questions de méthode et, d'autre part, la soutenabilité future de nos finances publiques.

S'agissant des questions de méthode, nous sommes convaincus, comme M. le ministre délégué au budget, qu'il sera inéluctable d'examiner et d'approuver ensemble la loi de finances de l'État et la loi de financement de la sécurité sociale. Le compromis de 1996 devra évoluer.

Les agences constituent un phénomène utile, qui peut être vertueux mais aussi se transformer en facilité budgétaire. Elles doivent faire l'objet d'un arbitrage dans la loi de finances. Si cela s'avère nécessaire, il conviendra de modifier la loi organique relative aux lois de finances pour assurer l'inscription dans la loi de finances des recettes et des dépenses des agences de l'État, du moins de celles dont le financement provient exclusivement ou très majoritairement de l'État.

Concernant les conditions de la soutenabilité des finances publiques, la commission des finances s'est exprimée sur les objectifs à poursuivre dans le débat d'orientation budgétaire du mois de juin dernier. (Se reporter au document 24.)

Nous estimons que 1 % de déficit public structurel est un cap réaliste pour la fin de la prochaine législature. J'insiste sur « structurel », car cela signifie quels que soient le taux de croissance et les éventuels effets d'aubaine d'une croissance supérieure.

Pour y parvenir, il faut simplement améliorer le solde structurel de 30 milliards d'euros. Comment y arriver ? En agissant sur les recettes et sur les dépenses de l'État et de la sécurité sociale.

Mme Luc a raison : la politique du prélèvement obligatoire reflète des choix de société (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat opine), et la convergence, en tout état de cause indispensable, peut légitimement prendre des chemins distincts car les valeurs et les principes d'action politique que nous représentons sont différents.

Ces approches variables doivent s'exprimer dans la fiscalité. Selon moi, la bonne politique des prélèvements obligatoires est celle qui assure le dynamisme des bases, et donc l'augmentation du rendement des impôts, par l'attractivité du territoire. Les politiques qui ont pour objet de redistribuer sans cesse davantage en frappant un segment toujours plus étroit de la matière imposable sont obsolètes et nient la réalité d'aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UC-UDF. - M. Yvon Collin applaudit également.)

M. le président. Je voudrais remercier MM. Jean Arthuis et Philippe Marini, qui sont toujours à la pointe de l'innovation, d'être les concepteurs et les metteurs en scène de cette première présentation que - je l'espère - vous avez appréciée. Mes chers collègues, vous serez d'ailleurs consultés pour savoir s'il vous paraît utile de poursuivre dans la voie inaugurée aujourd'hui.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, je vous remercie d'avoir bien voulu répondre au souhait que Philippe Marini et moi-même nous vous avions adressé : la nouvelle présentation sur écrans permet de rendre plus lisible la présentation du budget par le rapporteur général.

Le rapporteur général et ses prédécesseurs - je pense à Maurice Blin et Alain Lambert - ont rêvé de ce support.

M. le président. Ils sont d'ailleurs présents dans l'hémicycle.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J'espère que cette approche rend plus vivante l'analyse du projet de loi de finances. Je ne vous cache pas que nous sommes soulagés que tout se soit remarquablement passé. Je remercie M. Philippe Marini, dont je salue le talent, et toutes celles et tous ceux qui ont préparé cette présentation nouvelle. Peut-être même disposerons-nous un jour de petits écrans intégrés dans nos pupitres. Le Sénat apporte la démonstration que le progrès est en marche !

Le dernier budget d'une législature n'est jamais anodin. C'est en effet le moment privilégié pour effectuer le bilan de l'action menée par les gouvernements successifs, pour en souligner les réussites, les avancées, mais aussi pour en relever les marges de progression, voire les imperfections, et cela d'autant plus que la LOLF nous offre des moyens nouveaux d'analyse au service de la transparence et de la sincérité des comptes publics.

Grâce à la LOLF, une nouvelle culture est à l'oeuvre, voulue et conçue par le Parlement, votée dans un quasi-consensus...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. « Quasi », oui !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...« suprapartisan », dicté par la nécessité de mettre un terme aux dysfonctionnements de l'État...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sur les dysfonctionnements, nous sommes d'accord !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...et à l'immobilisme de la sphère publique.

Les audits qui s'engagent, pour lesquels nous devons féliciter et remercier le Gouvernement, vont incontestablement dans la bonne direction. Je salue cet effort et je me permets de rappeler à M. le ministre chargé de la réforme de l'État que les audits doivent concerner non seulement les finances de l'État, mais également la protection sociale, puisqu'elle dispose aujourd'hui d'un budget plus important encore que l'ensemble de ceux de l'État et des collectivités territoriales. La LOLF, me semble-t-il, doit donc pouvoir s'y appliquer également.

Au moment où débute notre discussion budgétaire, je voudrais tenter de répondre, avec vous, à trois questions simples. Le projet de budget pour 2007 est-il porteur d'espoir ? (Non !  sur les travées du groupe CRC.) Est-il l'expression de la réforme de l'État ? (Non !  sur les mêmes travées.) Enfin, les dispositions qu'il contient peuvent-elles stimuler la croissance et résorber le chômage ? (Non ! toujours sur les mêmes travées.)

Première question : ce budget est-il porteur d'espoir ?

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, voilà déjà dix-huit mois, vous aviez très justement tiré la sonnette d'alarme en affirmant que « la France vit au-dessus de ses moyens ». Je crains malheureusement que cette situation n'ait encore que peu évolué.

En effet, le budget de l'État connaît toujours un déficit trop important. Il est actuellement estimé à 41,68 milliards d'euros pour 2007, ce qui signifie que nous allons autoriser, par nos votes, la puissance publique à dépenser près de 20 % de plus que ce qu'elle prélève sur les Français. Nous lui permettons donc de réaliser une opération qu'il nous serait impossible de mettre en oeuvre dans les collectivités territoriales que, les uns et les autres, nous dirigeons.

L'investissement représentera entre 18 milliards et 20 milliards d'euros, le déficit s'élèvera à un peu plus de 40 milliards d'euros. Les dépenses de fonctionnement sont donc encore financées, de façon significative, par le déficit, donc en ayant recours à l'emprunt.

Pour être plus concret, sachez que jusqu'au lundi 6 novembre au soir, ce sont nos impôts qui ont servi à régler les dépenses de l'État. Depuis le mardi 7 novembre, ce sont les impôts de nos enfants que nous mettons à contribution. Nous payons en quelque sorte nos impôts à crédit. C'est une cruelle solidarité transgénérationnelle.

C'est également le curieux reflet d'un « modèle social à la française », qui atteint ici ses limites, même si le déficit budgétaire de 2007 sera réduit de façon significative par rapport à celui de 2006, et je m'en félicite. Ainsi, grâce à l'affectation prioritaire des surplus de recettes fiscales et non fiscales, le déficit aura été réduit de 5 milliards d'euros, en l'espace d'un an seulement, ce qui constitue un signal très encourageant.

Mais le corollaire de ce déficit toujours trop élevé est l'augmentation continue et, à peine freinée, de la dette publique. À la fin de l'année 2007, cette dette représentera 933 milliards d'euros pour le seul État et s'élèvera à 1 140 milliards d'euros pour l'ensemble de la sphère publique. Chaque Français supporte donc une charge de 19 800 euros, montant qui a pratiquement triplé en vingt ans.

À côté de ces montants gigantesques, il ne faut pas oublier que l'État porte la dette latente résultant des droits à pension des fonctionnaires. Celle-ci est de l'ordre de 900 milliards d'euros. Pour aller jusqu'au bout de l'exigence de sincérité, il conviendra également de tenir compte des engagements souscrits par l'État en faveur d'organismes dont les dettes sont, bien sûr, des dettes de l'État. Je pense par exemple au Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA.

Messieurs les ministres, nous attendons donc avec grand intérêt la toute prochaine publication du bilan d'ouverture de l'État, qui présentera un tableau complet et incontestable de ce que l'État possède, mais aussi de ce qu'il doit ! Il pourrait bien faire apparaître, si l'on veut bien tenir compte des dettes liées aux retraites, une situation nette déficitaire de plus de 1 000 milliards d'euros. Vous disposerez alors, messieurs les ministres, d'une nouvelle donnée à très fort potentiel pédagogique.

À cet égard, je me permets d'insister sur le fait que ni les dettes ni les provisions ne doivent être sous-estimées dans la préparation de ce bilan d'ouverture, qui doit être aussi sincère que possible. Si tel n'était pas le cas, telle dette latente ne manquerait pas demain de faire surface et d'altérer les bons résultats que nous attendons et qui constitueront autant de signes encourageants pour nos compatriotes.

S'agissant de l'évolution des dépenses de l'État, ce projet de budget innove en affichant une norme très ambitieuse de progression de « moins 1 % en volume ». Ses dépenses augmenteront donc d'un point de moins que l'inflation, ce qui aura permis, au total, sur la période 2003-2007, de réduire le volume de la dépense publique.

C'est un acquis incontestable de cette législature, de même que le non-remplacement intégral de tous les départs à la retraite, qui se traduira en 2007 par la diminution de 15 000 postes de fonctionnaires.

Même s'il s'agit pour partie de supprimer des postes qui n'étaient pas effectivement pourvus, c'est là un infléchissement très net de la tendance par rapport à la politique inconsidérée d'accroissement des effectifs de fonctionnaires menée par le gouvernement de Lionel Jospin (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), politique d'autant plus inefficace qu'elle ne s'est accompagnée d'aucune amélioration significative de la qualité du service offert à nos concitoyens.

Dans la réalité, cette norme ambitieuse de limitation de la progression de la dépense n'est cependant pas toujours exemplaire, ainsi que cela ressort de vos propres documents budgétaires, messieurs les ministres.

Cette norme est en effet souvent contournée par un excès d'habileté. À défaut d'augmenter les dépenses, afin de respecter optiquement cette norme de « moins 1 % en volume », le Gouvernement a parfois fait le choix de réduire les recettes et de les affecter directement à des opérateurs extérieurs à l'État, qui agissent en lieu et place de ce dernier.

Même si cette substitution est neutre en termes de solde public, je souhaite que cette opération de contournement se fasse dans la transparence afin de ne pas donner trop aisément prise à la critique. Au demeurant, cette transparence me semble d'autant plus utile que ce mouvement d'« agencisation » de l'action de l'État, comme l'a rappelé voilà un instant M. le rapporteur général, donne plus de souplesse à la gestion publique, permet de sortir du carcan budgétaire en facilitant la mise en place de méthodes modernes de management. Ce sont donc des facteurs utiles de dynamisation de l'action publique, dès lors qu'elles s'opèrent en toute clarté. Mais les dépenses de ces agences doivent être incluses dans le volume des dépenses de l'État.

Enfin, je me garderai de contester la prévision de croissance. Croyez bien, messieurs les ministres, que je souhaite que le taux effectif de croissance soit le plus élevé possible. Malgré le « trou d'air » du troisième trimestre, la cible de croissance n'apparaît pas hors d'atteinte. Messieurs les ministres, vous êtes dans votre rôle en faisant preuve d'optimisme, voire de volontarisme, et nous vous soutenons en cela. (MM. les ministres acquiescent.)

Deuxième question : le projet de loi de finances pour 2007 est-il l'expression de la reforme de l'État ?

M. Thierry Breton, ministre. Oui !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. À l'évidence, de louables efforts ont été déployés dans la plupart des administrations pour respecter les objectifs et les modalités de la LOLF.

L'analyse des crédits par missions et programmes effectuée par nos collègues rapporteurs spéciaux, ainsi que par les rapporteurs pour avis, va, dans les tout prochains jours, livrer son lot d'informations utiles. Une floraison d'indicateurs conforte l'espérance d'une pratique nouvelle, privilégiant l'efficacité de la dépense publique. S'agissant de ces indicateurs, peut-être faudra-t-il, messieurs les ministres, revoir leur nombre et leur pertinence. Chaque indicateur doit en effet être un élément utile à une prise de décision.

Je me félicite donc du travail patient effectué par nos collègues afin de faire vivre la LOLF et d'animer nos débats sur la deuxième partie du projet de loi de finances. Quarante-trois amendements ont été déposés par la commission des finances sur cette deuxième partie, soit plus que sur la première partie, c'est sans précédent. Je ne doute pas qu'une grande majorité d'entre eux sera approuvée, car, pour beaucoup, ils sont le fruit des travaux de contrôle réalisés tout au long de l'année par les quarante-trois rapporteurs spéciaux de la commission, à qui je souhaite rendre l'hommage qui leur est dû.

Ils contribuent par leur engagement résolu à faire de l'activité de contrôle la véritable « seconde nature » du Parlement, selon la très heureuse, et désormais populaire, expression du président du Sénat, M. Christian Poncelet.

Néanmoins, je m'interroge sur la multiplication, ces dernières semaines, d'annonces gouvernementales qui, toutes, impliquent de nouvelles dépenses publiques, alors même que, de toutes parts, il nous est signalé que des arriérés d'engagements antérieurs restent à financer.

Pis, messieurs les ministres, - et je voudrais vous rendre attentifs à ce point - le Gouvernement prend des décisions qui seront à la charge des collectivités territoriales, condamnées à décaisser sans avoir leur mot à dire. De grâce, messieurs les ministres, mettez un terme à cette pratique insupportable, qui offense le principe fondateur de la décentralisation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.) Lorsque M. le ministre de la fonction publique alloue un avantage à telle catégorie d'agents, ce n'est pas forcément l'État qui est concerné, ce sont parfois les collectivités territoriales.

Mme Nicole Bricq. C'est clair !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Lorsque le Gouvernement est attentif aux préoccupations des sapeurs-pompiers, qu'il prend des décisions les concernant, ce sont les budgets des conseils généraux qui en subiront les conséquences, et non pas le budget de l'État. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF. - MM. Jean-Claude Frécon et Yvon Collin applaudissent également.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est fait exprès !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. De grâce, mettez un terme à ces pratiques ! Les collectivités territoriales ne sont pas la structure de défaisance financière des décisions du Gouvernement.

MM. Jean-Claude Frécon et Yvon Collin. Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Notre véritable défi commun, à vous, messieurs les ministres, comme à nous, membres du Parlement, est donc de démontrer que la LOLF n'est pas une nouvelle couche de peinture superficielle destinée à faire croire que la réforme de l'État est bien engagée. Elle doit au contraire nous permettre, à nous, parlementaires, d'effectuer de véritables arbitrages budgétaires et, ainsi, de peser pleinement sur les choix qui engagent l'avenir de notre pays.

Pour ma part, je suis d'autant plus confiant que cela permet au Sénat de conforter son positionnement. Celui-ci affirme ainsi pleinement son utilité au sein d'un système institutionnel qui doit continuer de s'appuyer sur un bicamérisme offensif, pleinement assumé, au service de l'intérêt de notre pays et de nos concitoyens. Il nous appartient, à nous, sénatrices et sénateurs, de continuer de faire entendre notre voix originale et singulière, sans laquelle il ne saurait y avoir de démocratie pleinement représentative.

À l'évidence, grâce à notre action collective et à notre engagement au service de la réforme de l'État - engagement qui transcende, pour une large part, nos traditionnels clivages -, le mouvement est lancé. Et nous allons le prouver d'ici à quelques jours, lorsque nous aborderons, à compter de jeudi prochain, après l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2007, celui des crédits des différentes missions, examen qui, je le sais, sera un moment fort de nos débats et qui trouvera l'écho qu'il mérite dans l'opinion publique.

Troisième question : le budget pour 2007 peut-il stimuler la croissance et accélérer l'indispensable résorption du chômage ?

Là aussi, mes chers collègues, nous le savons bien, la pierre philosophale n'existe pas - malheureusement devrais-je dire ! -, contrairement à ce que prétendait la précédente majorité lorsqu'elle s'attribuait la paternité de la forte croissance que nous avons connue jusqu'en 2000, avant de se rétracter dès que « la bise fut venue » et d'invoquer des causes extérieures devenues subitement immaîtrisables ou inexplicables !

Et je n'évoque même pas l'illusion malthusienne d'un partage prétendument équitable du travail, véhiculée par la très regrettable politique des 35 heures (Exclamations sur les travées du groupe socialiste), dont nous sommes nombreux, même sur les travées de l'opposition, à reconnaître le caractère funeste, voire irresponsable ! Si nous voulons retrouver la croissance, il faudra sortir de cette vision utopiste.

M. Josselin de Rohan. Voilà ! Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Aussi, il me semble de bonne politique, surtout en fin de législature, que les articles de fiscalité de première partie ne comportent que peu de mesures majeures. Les réformes fiscales de poids, et je pense à la réforme de la taxe professionnelle, à celle de l'impôt sur le revenu ou à la création du « bouclier fiscal », ont été votées l'année dernière et doivent maintenant donner leur plein effet, du moins je l'espère. Dans cette liste, je n'oublie bien évidemment pas l'indéniable acquis de cette législature qu'est la réforme des retraites.

Elle devra le moment venu être complétée, mais reconnaissons, mes chers collègues, que cette majorité a eu le courage de la porter et de la faire vivre, à la différence de celle qui l'a précédée et qui est restée tétanisée d'effroi à sa seule évocation.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il n'empêche que nous devrons réfléchir, à l'issue des prochaines échéances électorales, aux moyens d'adresser un signal fort à ceux qui investissent, à ceux qui créent de la richesse dans notre pays.

M. le président. Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous ne pourrons en effet plus longtemps nous satisfaire de l'exil d'un nombre croissant de contribuables, que les pays voisins de la France accueillent en les qualifiant de « réfugiés fiscaux ». Les délocalisations fiscales, si elles sont extrêmement préjudiciables, ne sont pas une fatalité.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le courage est de reconnaître qu'il est possible d'y porter remède afin que la France cesse ainsi de se singulariser à son détriment.

Au nombre de ces réformes majeures qu'il nous appartiendra de mener à leur terme, je pense en premier lieu à une réforme qui ne reçoit qu'une timide et bien incomplète réponse. À l'occasion du récent débat sur les prélèvements obligatoires, nous nous sommes efforcés de convaincre le Gouvernement que certaines contributions assises sur le travail, qui sont des impôts de production, détruisent l'emploi dans la sphère marchande.

Dans une économie globalisée, mondialisée, il n'est plus possible de demander aux entreprises de financer la solidarité, notamment le système de santé et la politique familiale. Ces charges salariales sont de véritables « droits de douane à l'envers » auxquels échappent tous ceux, de plus en plus nombreux, qui font du nomadisme économique et qui vont produire hors de notre territoire national.

Dès lors, demandons aux entreprises d'assumer la créativité, l'innovation, l'investissement productif, la production de biens et de services, la création d'emplois. En revanche, cessons de les charger du financement de la solidarité, qui incombe à la nation, c'est-à-dire à l'ensemble des familles et des citoyens. D'où la proposition d'instituer un autre mode de financement de la santé et de la politique familiale.

Si nous taxons la production, elle franchira nos frontières pour rester compétitive. Alors, mes chers collègues, nous pourrons dire en effet que nous nous battons contre la vie chère, mais ce sera moins cher pour moins d'emplois !

C'est en fonction de ces considérations que nous devons prendre garde à la désindustrialisation rampante qui menace notre tissu industriel - qui explique sans doute en partie, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le trou d'air du troisième trimestre - et dont nous mesurons chaque jour davantage, en notre qualité d'élu local et de terrain, les effets délétères sur le pacte social et sur nos territoires. La France ne doit pas s'abandonner à la désindustrialisation, qui résulterait d'un manque de compétitivité de notre pays.

Le temps presse, messieurs les ministres, car la mondialisation ne nous attendra pas longtemps, et il est de notre devoir de le rappeler sans cesse.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, un budget est à l'image d'une société.

Il est nécessairement marqué par le poids du passé et révèle nos contradictions les plus criantes. S'il n'échappe pas à la critique, il ouvre néanmoins, grâce à la LOLF, des perspectives prometteuses pour réformer l'État. Il doit également poser des jalons et nous permettre de prendre date pour les prochaines échéances qui nous attendent. Ces échéances-là seront déterminantes.

Il faudra du temps et une volonté sans faille, à l'abri de la frénésie de l'affichage immédiat qui met à si rude épreuve la crédibilité des acteurs politiques que nous sommes. Ce projet de budget doit ménager mais aussi préparer l'avenir.

Nous avons le devoir, mes chers collègues, de mettre à profit chacun des vingt jours de discussion qui s'offrent à nous pour améliorer le texte que nos collègues députés viennent de voter.

Veillons à le faire d'emblée, afin que le Sénat soit, une fois de plus, à la hauteur des responsabilités que la Constitution lui a confiées et à la hauteur des espoirs que nos concitoyens ont placés en nous.

Animé comme vous de cet esprit d'un bicamérisme offensif, et comme notre assemblée sait si bien le faire, je forme des voeux pour que notre discussion soit riche et fructueuse, au service de l'intérêt de chaque Française et de chaque Français, au service de la France. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Roland du Luart.)