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ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE

Adoption des conclusions du rapport

d'une commission mixte paritaire

 
Dossier législatif : projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive
Art. 1er

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 395, 2002-2003) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive.

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici au terme de l'examen du projet de loi modifiant la loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive.

Avant d'évoquer le dispositif élaboré par la commission mixte paritaire, je ferai deux observations préliminaires.

La première sera pour me féliciter du travail de concertation que nous avons engagé avec le Gouvernement afin de remédier aux difficultés soulevées par la mise en oeuvre de la loi du 17 janvier 2001. Certes, il faut regretter qu'il faille réformer une loi moins de dix-huit mois après que ses dispositions sont devenues applicables. Mais quelles que soient les travées d'où nous nous exprimons, nous avons fait le constat des failles de cette réforme, qui était légitime dans ses objectifs, à savoir préciser le cadre juridique des opérations d'archéologie, mais qui s'est avérée inapplicable en pratique, comme le Sénat l'avait prévu en adressant des mises en garde au gouvernement de l'époque.

Le texte que nous allons adopter, qui est le fruit d'un travail fructueux de collaboration entre nos deux assemblées, permettra de remédier aux principales difficultés auxquelles s'est heurtée la loi de 2001. Si rien n'avait été fait, il y aurait eu fort à craindre que ne soient remis en cause les acquis de la politique archéologique conduite depuis près de trois décennies. Voilà ce qui était en jeu !

Cette remarque m'amène à la deuxième observation préliminaire que je souhaitais formuler. La nouvelle loi n'a pas pour objet d'ouvrir la voie à une quelconque privatisation de l'archéologie préventive, comme j'ai pu ici ou là l'entendre dire. Tirant les conséquences de l'incapacité de l'INRAP, l'Institut national de recherches archéologiques préventives, à assumer seul les opérations de terrain, le projet de loi revient sur le principe du monopole qui constituait le fondement de la loi. Pour autant, ne sont remises en cause ni les prérogatives que détient l'Etat pour assurer la protection du patrimoine archéologique ni l'existence d'un établissement public chargé de la recherche archéologique, et je rappellerai, car cela avait fait l'objet de débats au Sénat, que cet établissement reste un établissement public administratif.

Pour la réalisation des diagnostics sur lesquels se fondent les prescriptions de fouilles, un monopole public est maintenu afin de garantir leur objectivité scientifique. Cependant, ce monopole n'est plus dévolu seulement à l'INRAP, mais partagé avec les services archéologiques des collectivités territoriales.

En rupture avec le dispositif actuel qui confinait ces services à un rôle subsidiaire, le projet de loi ouvre la voie à une décentralisation des compétences archéologiques. C'est, je le crois, une avancée majeure, et c'est ce qu'avait déjà suggéré la majorité du Sénat lors du débat sur la première mouture de la loi de 2001.

En ce qui concerne les fouilles, est retenue une solution très différente de celle qui fut adoptée en 2001. En effet, la réalisation des fouilles incombe à la personne qui projette d'exécuter les travaux et qui pourra recourir, sous le contrôle de l'Etat, à l'INRAP, à un service territorial ou à un opérateur privé agréé par l'Etat.

Cette ouverture des fouilles à une diversité d'opérateurs est sans doute le point le plus critiqué du dispositif. Mais il faut se garder de tirer du texte de la loi des analyses hâtives. Soyons conscients du fait que le marché de l'archéologie préventive n'existe pas. L'enjeu est non pas la multiplication de structures privées concurrentes de l'INRAP, mais plutôt le développement d'une alternative territoriale, capable de compléter les moyens d'action de l'établissement, qui conservera vraisemblablement encore longtemps son rôle d'opérateur principal, au-delà du rôle d'« armée de réserve » que lui accorde le texte. Il ne faut redouter ni que l'INRAP soit laminé sous l'effet de la concurrence du privé ni, à l'inverse, qu'il soit placé en position dominante rendant impossible la viabilité des autres structures.

Au terme de son examen par le Sénat et l'Assemblée nationale, seuls quatre des articles du projet de loi avaient été adoptés conformes.

Au-delà de ce constat arithmétique, force est de constater l'accord auquel sont parvenues les deux assemblées, à la fois sur les principes de la réforme proposée par le Gouvernement et sur la plupart des dispositions.

La navette a permis d'améliorer le texte avec le souci d'assurer la clarté nécessaire pour remédier à une crise aux conséquences préoccupantes. A cet égard, je me féliciterai notamment de l'accord de l'Assemblée nationale sur l'article 4 bis, que le Sénat avait introduit sur proposition de la commission des affaires culturelles afin de préciser le régime juridique des vestiges exhumés à l'occasion de fouilles préventives.

Dans la mesure où l'Assemblée nationale et le Sénat ont été également convaincus de l'urgence et de la pertinence du projet de loi, les divergences ont été forcément limitées.

La première concernait les conditions auxquelles doivent satisfaire les services archéologiques territoriaux pour réaliser des diagnostics et des fouilles.

Le Sénat avait souhaité substituer à la procédure d'agrément de ces services un dispositif reposant sur l'exercice par l'Etat d'un contrôle scientifique et technique.

L'Assemblée nationale a souhaité revenir à l'esprit du projet de loi, tout en conservant les dispositions relatives au contrôle de l'Etat, ce qui est essentiel afin d'éviter de faire de l'agrément un chèque en blanc - mais ce n'était pas non plus le souhait du Sénat - et, d'autre part, la possibilité pour les services territoriaux de participer à l'élaboration de la carte archéologique.

La commission mixte paritaire a permis, sur ce point, de parvenir à un texte qui, sans remettre en cause le principe de l'agrément, garantit que cette procédure ne constitue pas un moyen de freiner l'essor des services territoriaux. Le texte adopté prévoit que l'agrément est délivré par le ministre et qu'en l'absence de réponse de l'administration dans un délai de trois mois, il est réputé attribué.

Il est donc bien clair que nous entendons tous développer ces services territoriaux et qu'il serait contraire à l'esprit de la loi de multiplier les exigences tendant à empêcher l'agrément de ces services.

Par ailleurs, le texte précise que les services agréés en application des dispositions actuellement en vigueur le seront dans le nouveau dispositif dès lors que la collectivité dont ils relèvent le demande.

Le deuxième point de divergence entre le Sénat et l'Assemblée nationale concernait l'assiette de la redevance d'archéologie préventive, destinée à financer les diagnostics et la mutualisation du coût des fouilles. Le souci du Sénat avait été, je le rappelle, de corriger le déséquilibre qu'induisaient, au détriment des opérations implantées en zone rurale, les dispositions du projet de loi qui fixaient le seuil de perception à 5 000 mètres carrés, afin de ne pas reproduire par là les mêmes erreurs que celles commises par la loi du 17 janvier 2001.

Les modifications que nous avions apportées visaient, d'une part, à corriger le déséquilibre entre opérations rurales et opérations urbaines, notamment dans le souci de garantir un rendement satisfaisant de la redevance, et, d'autre part, à alléger ses coûts de recouvrement en confiant aux services de l'Etat - et non à l'INRAP - la charge de sa liquidation et de son recouvrement.

Ces préoccupations sont satisfaites par le texte adopté par la commission mixte paritaire, qui fixe à 3 000 mètres carrés le seuil à partir duquel est perçue la redevance. Ce seuil, loin d'être arrêté au hasard, comme je l'ai entendu, correspond à un équilibre entre la nécessité d'assurer un produit fiscal suffisant pour garantir le bon fonctionnement des mécanismes prévus par la loi et celle de ne pas alourdir à l'excès les charges de perception, tout en veillant au respect de l'équité entre zones urbaines et zones rurales.

Tels sont les principaux points qui, je crois, méritaient qu'on s'y arrête.

Le texte, que je vous demanderai d'adopter, répond à la volonté de donner à l'archéologie préventive le cadre nécessaire pour assurer la protection du patrimoine dans des conditions acceptables au regard des impératifs économiques.

Il nous faudra toutefois rester vigilant afin de veiller à ce que la mise en oeuvre de cette réforme soit conforme aux principes qui l'ont inspirée.

Il y avait un risque de malentendu à débattre de nouveau de l'archéologie préventive dix-huit mois après l'adoption du texte précédent. Ce débat était susceptible d'être interprété par la communauté archéologique comme une remise en cause de son action. Or, je tiens à le redire ici, car j'en suis convaincu, une telle remise en cause n'était nullement dans notre esprit. C'est au contraire parce que nous croyons à l'archéologie, à la nécessité de préserver la mémoire de notre pays, qu'il fallait rendre applicable un texte qui ne l'était pas véritablement. Il appartiendra à la représentation nationale, comme le prévoit d'ailleurs un article du projet de loi, de suivre la mise en place de cette réforme afin que la France continue de mener à bien son aménagement tout en respectant et en mettant en valeur ce que les richesses contenues dans le sol nous apprend sur notre longue histoire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, avec la lecture des conclusions des travaux de la commission mixte paritaire, nous parvenons au terme des discussions sur le projet de loi portant réforme de la loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive.

Je me félicite que la commission mixte paritaire soit parvenue à s'accorder sur un texte équilibré, parce qu'il fallait effectivement tendre vers un équilibre, d'une part, entre la responsabilité de l'Etat et celle des collectivités territoriales, qui sont des acteurs majeurs de la vie culturelle en France, d'autre part, entre la nécessité de respecter les exigences scientifiques de l'archéologie préventive, qui honorent notre pays, et la prise en compte des réalités du terrain, notamment des réalités économiques.

Ce texte répond bien à la volonté du Gouvernement de permettre à l'archéologie préventive nationale de bénéficier de conditions stables de mise en oeuvre de son activité. Je vous en remercie.

Vous avez pu constater, dans les départements dont vous êtes les élus, les dysfonctionnements de la loi du 17 janvier 2001 - ils sont très rapidement apparus - et les conséquences néfastes de cette situation sur l'avenir même de l'archéologie préventive et de l'établissement public administratif créé par la loi du 17 janvier 2001, l'INRAP.

Le texte de la CMP restaure les conditions d'un fonctionnement stable et apaisé de l'archéologie préventive, et cela grâce à un arbitrage équilibré entre les exigences de la science, celles du respect et de la conservation de notre patrimoine et la prise en compte lucide des réalités économiques et du sens des responsabilités des collectivités locales.

Le projet de loi consolide, en outre, le financement de l'archéologie préventive.

Le financement des opérations de fouilles sera assuré non plus par une redevance, dont le calcul était d'ailleurs d'une complexité inouïe, mais par un prix convenu entre l'aménageur et l'opérateur. C'était la seule façon de faire en sorte que, à l'avenir, chaque fois qu'une opération de fouilles sera entreprise, l'opérateur ne se ruine pas. Or c'est bien ce qui caractérisait jusqu'à présent la situation de l'INRAP.

Le financement des opérations de diagnostic, en amont, et d'exploitation de la recherche, en aval, sera bien garanti par une redevance très large ; je suis très sensible au travail accompli par les deux assemblées, puis par la commission mixte paritaire, pour parvenir à ce sujet à une position réellement satisfaisante.

Le texte prévoit également la création d'un fonds national de péréquation destiné à aider les aménageurs impécunieux à faire face au coût des fouilles, lequel est parfois disproportionné par rapport au budget de l'opération concernée.

Ce projet de loi permet une véritable adéquation entre les pratiques opérationnelles et le contexte archéologique spécifique à chaque région. Dans l'exécution des diagnostics, les services agréés des collectivités territoriales pourront s'impliquer aux côtés de l'INRAP, dans les conditions équilibrées élaborées par le projet de loi tel qu'il ressort des travaux de commission mixte paritaire.

Par ailleurs, les fouilles seront ouvertes à tous les intervenants qualifiés, pour autant - et c'est une garantie - qu'ils soient agréés par l'Etat.

Ce projet de loi, enfin, réaffirme le rôle éminent de l'Etat, afin de répondre totalement aux objectifs scientifiques des opérations d'archéologie préventive. C'est l'Etat qui interviendra à chaque séquence de la mise en oeuvre des opérations, tout d'abord pour agréer les opérateurs, mais aussi pour prescrire les opérations archéologiques et pour autoriser les travaux.

L'intérêt que vous avez manifesté à ce projet de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, démontre que vous avez conscience de l'importance des enjeux qu'il recouvre. Je vous remercie, et je serais gré tout particulièrement à M. le rapporteur, Jacques Legendre, dont j'ai beaucoup apprécié la qualité, la sincérité, la générosité et la précision de l'engagement sur ce projet de loi, ainsi qu'à M. le président de la commission des affaires culturelles, Jacques Valade, pour la confiance qu'ils m'ont témoignée dans la mise en oeuvre de cette réforme.

Je sais, M. le rapporteur l'a rappelé, que cette réforme intervient très peu de temps après le vote de la loi du 17 janvier 2001, et plus encore après sa mise en application réelle, qui ne date que du début de l'année 2002.

Toutefois, des dysfonctionnements sont vite apparus. L'établissement public chargé de la mise en oeuvre des opérations s'est trouvé très rapidement en déficit de plusieurs dizaines de millions d'euros, qu'il appartiendra d'ailleurs au ministère de la culture de couvrir en redéployant ses crédits. La situation était en outre caractérisée par des conflits très vifs entre l'établissement public national, les opérateurs, les aménageurs, qu'il s'agisse de collectivités locales ou d'aménageurs privés, très souvent liés à celles-ci.

Il est évident qu'une telle situation ne pouvait pas durer plus longtemps et qu'il fallait trouver une issue. La pire des issues aurait été de renoncer purement et simplement à toute ambition en matière d'archéologie préventive, de revenir totalement en arrière et, comme certains le préconisaient, de mettre fin à l'existence d'un institut national chargé spécifiquement de missions fortes dans ce domaine.

Nous avons su, les uns et les autres, trouver une voie équilibrée, un juste chemin entre la nécessité, la raison et la volonté. Je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je dirai en préambule que nous prenons acte de certaines de vos déclarations, de vos professions de foi, dirais-je même, qui marquent votre volonté de défendre l'archéologie. Pour ma part, je ne mets pas en doute vos engagements.

Par ailleurs, vous le savez, nous avions voté contre ce texte et nous confirmerons notre position.

Je tenais cependant à vous dire d'emblée que je connais la situation difficile dans laquelle vous vous êtes trouvés, situation que vous n'aviez pas créée, provenant incontestablement d'une difficulté de financement due à certaines modalités de calcul trop complexes sur lesquelles je ne reviendrai pas, car tout le monde les connaît. Les modalités avaient de plus tendance à favoriser le monde urbain qui, du reste, ne disait rien - pourquoi s'en serait-il plaint ? -, et à défavoriser grandement le milieu rural.

Incontestablement, il fallait donc réformer les modes de financement. Sans m'étendre davantage sur le sujet, je dirai simplement que le dispositif d'expérimentation dont on parle par ailleurs aurait pu être appliqué. (M. Paul Blanc s'exclame.) Après tout, pourquoi ne pas avoir expérimenté des mécanismes pour essayer de « coller » au plus près à des modalités de financement qui, de toute façon, restent difficiles et surtout - tel est le point sur lequel je souhaitais particulièrement insister - fragiles.

Monsieur Legendre, vous aviez proposé que l'on se revoie en 2004, ce sera finalement en 2005 : à mon avis, il faudra se revoir tous les ans, rapport ou pas,...

M. Jacques Legendre, rapporteur. Pourquoi pas ?

M. Yves Dauge. ... car je suis persuadé que le financement souffre d'une grave fragilité.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Nous faisons une expérimentation.

M. Yves Dauge. Le seuil d'assujettissement à la redevance a été relevé à 3 000 mètres carrés, ce qui va, encore une fois, profiter largement au monde urbain. En effet, vous connaissez bien la nature des opérations en matière d'aménagement, d'urbanisme et de construction de logements, à Paris et dans les autres villes : 3 000 mètres carrés, c'est énorme ! Dans le monde rural, en revanche, le moindre lotissement atteint ce seuil. Par conséquent, j'aurais préféré qu'on en reste à la position du Sénat, monsieur Legendre, qui était tout de même, selon moi, beaucoup plus réaliste.

Il faut être très attentif à ce qui va se passer en matière de recettes d'autant que, ce fonds devant être utilisé à hauteur de 30 % pour financer ceux qui ne peuvent pas payer, il ne va pas rester grand-chose. Une simulation financière, un suivi financier sont donc absolument nécessaires.

La réforme est allée plus loin, et c'est sur ce point que nous avons les plus grandes divergences de vues. En effet, pourquoi casser la continuité du service public depuis le diagnostic jusqu'aux fouilles ?

Dans l'esprit de la décentralisation, je crois cependant qu'il est bon de donner aux collectivités locales la possibilité d'exercer un rôle accru. Je pense aux grandes agglomérations ; j'ai souvent discuté de cette question avec Pierre Mauroy qui est, lui aussi, extrêmement favorable à la création d'un service dans sa communauté, qui est prêt à y mettre les moyens ; d'autres départements devraient également pouvoir s'engager.

Mais cela ne se fera pas en un jour, c'est normal, et cela coûtera cher aux collectivités locales. Leur montée en puissance crée, comme vous l'avez très bien dit, une alternative territoriale. Du point de vue des collectivités locales, il n'y a rien à dire, c'est bien !

Ce qui nous inquiète vraiment, c'est l'idée selon laquelle le maître d'ouvrage sera non plus l'INRAP mais l'opérateur. Sur ce point, le projet va beaucoup plus loin que la nécessaire réforme des financements. Il s'agit d'une autre vision du service public, qui nous préoccupe.

Nous allons revenir au mode de financement négocié au coup par coup dont nous avions justement voulu sortir en mettant au point une formule qui n'était pas bonne.

Quant au recours au service privé, je le répète, nous trouvons le principe difficilement applicable, car il s'agit d'une vraie mission de service public. Il ne faut pas négliger la dimension scientifique, à laquelle vous adhérez d'ailleurs totalement, le problème des publications, les normes de travail nationales.

Des dispositions ont été prises afin que les aménageurs et ceux qui ont un intérêt direct aux opérations ne soient pas juges et parties. C'est très bien, mais alors qui aura-t-on face à nous ? A cet égard, monsieur Legendre, j'ai noté que vous tentiez de vous rassurer en vous disant que nous ne verrions pratiquement pas ces gens-là. De fait, nous garderons le service public et l'intervention de l'INRAP, sauf concours des collectivités locales, en ramenant à epsilon l'intervention du privé.

Alors, pourquoi le faire ? Si c'est pour avoir trois universitaires et quelques anciens de l'INRAP qui se retrouvent dans de petites structures pour essayer de faire quelque chose... Vous savez en effet que les contrats de quelque 500 agents de l'INRAP employés en CDD n'ont pas été reconduits. (Mme Jacqueline Gourault s'exclame.)

Vous nous dites qu'il faut être réaliste. Eh bien, je me place du côté de la réalité et je ne crois pas à ce système. Alors, nous verrons bien !

Je ne pense pas qu'une motivation idéologique vous pousse à vouloir absolument mettre l'INRAP en concurrence, mais tel n'a pas été le cas de certains au Sénat et plus encore à l'Assemblée nationale : j'ai lu les rapports ! Leur attitude a activé une polémique et a été considérée comme une provocation à l'égard de personnels qui n'avaient pas besoin de cela. Par les temps qui courent, si l'on veut réformer, ce n'est pas la peine d'agiter des chiffons rouges devant les gens, parce que, alors, on les énerve !

M. Louis de Broissia. C'est à eux qu'il faut dire ça ! (M. de Broissia désigne la gauche de l'hémicycle.)

Mme Annie David. A qui pensez-vous ?

M. Yves Dauge. Vous faites allusion au rouge ?... Vous comprenez très bien ce que je veux dire ! Le contexte a été extrêmement violent, désolant, ce que nous regrettons tous.

Certes, l'INRAP se trouve maintenu dans son principe, mais je crains que le scénario d'une importance croissante de la prescription ne se réalise.

L'INRAP a perdu une importante capacité d'intervention : 500 personnes, ce n'est pas rien ! La solution alternative des collectivités locales va monter lentement en puissance, et on attend le privé !

Comment va-t-on faire ? La tension va être énorme. L'INRAP va-t-il considérer qu'il peut faire monter les prix, puisqu'il n'y a pas de concurrence ? Tel n'est pas l'objectif recherché. Nous voulons un prix juste.

Vous faites une lecture très optimiste de la situation, ce qui est normal de votre point de vue. Sans vouloir vous décourager, je me dois de vous mettre en garde : ne nous racontons pas d'histoire, regardons la réalité en face, les difficultés de ce dossier vont rester d'une grande actualité pendant les mois qui viennent !

Enfin, comme nous l'avons dit souvent, ce dispositif appelle une attention toujours plus grande des services de l'Etat pour assurer la cohérence et le contrôle de l'ensemble, car les services archéologiques sont - vous n'y pouvez rien, c'est ainsi - dans une situation plus que critique.

Il va bien falloir que l'Etat s'organise pour assurer ses missions, qui restent très importantes. Cela nous renvoie à d'autres débats, notamment à celui du budget de l'année prochaine. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, deux ministères sont en cause. Nous n'avons cessé de demander où était l'autre et nous n'avons jamais obtenu de réponse. Or le partenariat avec le ministère de la recherche est un vrai sujet. Que vous apportera, monsieur le ministre, le ministère de la recherche pour vous aider à financer cette politique ? Nous verrons. (M. le ministre croise les doigts.) Je ne suis pas certain que nous ayons de bonnes nouvelles dans les mois qui viennent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au printemps dernier, lors de la première lecture, mon ami Ivan Renar et moi-même avons expliqué l'opposition de notre groupe à ce projet de loi, que son cheminement, depuis lors, a encore aggravé. Ainsi, en fin de parcours législatif, il a deux défauts essentiels qui mettent en danger l'archéologie préventive.

Premièrement, il confie la sauvegarde des sites aux aménageurs et privatise de fait l'archéologie préventive. Le patrimoine sauvé par les aménageurs... Entendez les points de suspension !

Deuxièmement, il décide la gratuité des fouilles pour les lotisseurs, ce qui revient à priver l'INRAP, déjà fragilisé, de 10 % de son budget.

En fait, toutes les demandes des promoteurs sont satisfaites. C'est vraiment une illustration du processus de marchandisation de toute la société, de la culture, et ici, en l'occurrence, de la mémoire.

Je suis profondément choqué de cet abandon de l'archéologie préventive au règne de ce que Vilar a appelé un jour la « NDP », la nouvelle doctrine du profit. L'ensemble de celles et de ceux qui pratiquent ce travail partagent cet avis. Leurs actions multiples l'ont prouvé.

L'archéologie est un révélateur de la vie réelle des temps les plus reculés. L'archéologie explore le gouffre du temps. L'archéologie nous transmet les secrets des siècles par d'autres voies inatteignables. L'archéologie rouvre ce qui s'était refermé et réveille pour nous les destins quotidiens avec leurs passions, leur noblesse.

Comment ne pas évoquer le réexamen que l'archéologie a permis de faire de La Guerre des Gaules de César, dont la lecture au fil des lignes maquillait l'histoire de la Gaule ? Comment ne pas évoquer le « bouger » que l'archéologie a fait faire à la connaissance, auparavant si triste, du Moyen Age ? Comment ne pas évoquer la nature des balles, révélée par l'archéologie, qui tuèrent, dès 1914, certains compagnons d'Alain Fournier ?

Les archéologues « troussent » l'histoire du monde. C'est un outil anti-oubli. C'est un peu comme le tableau de Magritte La Lunette d'approche : avec elle, on découvre ce qu'il y a derrière. L'archéologie, à partir de traces communes ordinaires, de traces de la vie quotidienne, éclaire ce qui était un questionnement, ou ce qui n'était pas un questionnement du tout.

Je m'étends un peu sur la nature de l'archéologie, parce que son abandon programmé aux grands intérêts privés est grave, ceux-ci se considérant comme les « derniers » de l'histoire, comme sûrs d'eux-mêmes et, de ce fait, minéralisant la pensée, notamment sociale, ce qui est une forme de despotisme, le malheur humain de masse ayant pris statut de simple pratique gestionnaire.

Comment voulez-vous que cela ne crée pas un état de gêne, un état de panne, et c'est là que gît la question culturelle, qui, après un long parcours souterrain, a fait irruption cet été sur le devant des scènes festivalières.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. On y arrive !

M. Jack Ralite. Voilà, on y arrive !

Georges Balandier suggère dans son livre, Civilisés, dit-on, que nous serions « à un passage qui ne serait pas générateur de pannes de création, mais d'incitation à gérer autrement le temps de la réflexion, à préparer une production intellectuelle et culturelle au sens large, moins répétitive, moins soumise à la stratégie des modes et des « coups », plus audacieuse dans la recherche de l'inédit. »

Oui, nous sommes engagés dans un changement d'ère. Je cite encore Georges Balandier : « Ce qui s'impose au premier rang, c'est le bouleversement continu des paysages sociaux et culturels, la complexité croissante des constructions du réel et, en conséquence, l'impossibilité d'épuiser leur interprétation en consentant à la simplification théorique ou idéologique. Dans l'exercice de sa fonction de décrypteur, l'intellectuel doit maintenant opérer chez lui à la façon de l'éthnologue au sein des sociétés mal connues : donner sens aux mutations de sa société, à ce qu'elle porte en elle d'inédit, à ce qui la rend "déroutante".

« Dans l'immédiat, ce qui importe, c'est la reconnaissance des conditions les plus propices au changement de régime intellectuel. Prendre en charge la modernité, sans céder à la fascination des "néo" qui n'ont que l'éclat du factice et de l'éphémère, sans subir la tentation des retours nostalgiques qui n'effectuent pas la bonne réappropriation du passé, sans se soumettre à la séduction des messianismes électroniciens. Prendre en considération la diversité des sociétés et des cultures, leur mise en relation et en solidarité, en réduisant ce qui contribue à subordonner ou à éroder leurs différences. Se donner les moyens de faire reconnaître les recherches, les créations et innovations, les expérimentations qui sont conduites en de multiples lieux de la société, qui révèlent celle-ci dans sa vie même, dans ses mouvements en profondeur. Se donner l'obligation de traiter - et non d'éluder - les contradictions, les incertitudes, les nouvelles ignorances dont toutes les sociétés de ce temps sont porteuses. Il est, enfin, des conditions relevant de l'évidence. L'issue de ce travail dépend d'une revalorisation de la recherche - sous toutes ses formes - et de la culture - dans toutes ses expressions -, d'une défense de la liberté et de l'initiative créatrice contre toutes les formes de conditionnement, d'un ravivement de l'éthique collective. Oui, c'est bien cela qui importe et à quoi tout se mesure. »

C'est exactement, et je reprends la parole, ce qui n'est pas fait aujourd'hui au niveau de l'Etat, qui joue le rôle de l'Avare, au niveau du MEDEF...

M. Henri de Raincourt. Ah !

M. Jean-Paul Emorine. Enfin, le MEDEF !

M. Jack Ralite. ... qui veut faire régner l'harmonie par le calcul.

Ne cherchez pas ailleurs la raison des chocs de cet été. Le Gouvernement n'aurait pas dû envisager l'agrément de l'accord du 26 juin,...

M. Jacques Legendre, rapporteur. On parle de quoi ?

M. Jack Ralite. ... dont, jour après jour, monsieur le ministre, la radiographie faite dans de multiples réunions et sur l'ensemble du territoire de notre pays dit la nocivité, la déraison, la « déconsidération de l'art et des êtres qui le font », pour reprendre une expression de la chorégraphe Régine Chopinot.

Vous savez combien je suis attaché à la création artistique et aux questions culturelles, qui prennent de plus en plus d'importance dans notre société - je devrais dire dans notre humanité.

D'abord, parce que les artistes et les écrivains sont des observateurs de tout ce qui est inhabituel et inquiétant.

Ensuite, parce que notre temps est confronté à la perte de sens, pour le moins à un sens suspendu, et qu'arts et culture, par la place qu'ils tiennent dans notre imaginaire, sont irremplaçables. C'est en accueillant François Jacob, sous la Coupole, qu'un grand résistant aujourd'hui disparu, Maurice Schumann, eut cette expression : « La seule faute que le destin ne pardonne pas au peuple est l'imprudence de mépriser les rêves. »

Encore, parce que, de plus en plus, le marché et les technologies sont déclarés naturels, alors que les femmes et les hommes sont traités comme des invités de raccroc. Or, les arts et la culture sont le lieu de l'autonomie humaine.

Enfin, l'industrie du divertissement, face à la crise des façons de vivre, répand platitude et vacarme, et nous cerne avec le factuel. Les arts, eux, ne sont pas tempérés ; ils convoquent la pensée ; ils travaillent sur l'exception ; ils sont mutins.

Bref, la civilisation n'est qu'une mince couche qui peut se rompre, d'autant que le noyau même de l'être humain est actuellement attaqué. Certains artistes vont jusqu'à dire que tout ce que nous nommons avenir est comme une roulette.

J'ai lu cette phrase d'une poétesse, qui n'accepte pas l'indifférence et l'égoïsme aveugle d'aujourd'hui : « J'ai si froid autour du cerveau. »

Le mouvement de cet été donne, par-delà les chagrins, voire les souffrances, chaud autour de l'esprit, de l'esprit de contenu et de création.

Vous savez que j'ai initié, avec le philosophe Jean-Luc Nancy, un texte intitulé La culture est un bien public, sa responsabilité doit l'être aussi. Des archéologues de l'archéologie orientale, métropolitaine, environnementale, médiévale, paléoliticienne, l'ont signé.

Ces femmes et ces hommes « des traces de l'histoire » rejoignent les comédiennes et les comédiens, ces femmes et ces hommes « des traces sur le sable », comme disait Antoine Vitez.

Samedi 26 juillet, à la fin de cette semaine, au Théâtre de la Commune, à Aubervilliers, Didier Bezace, la municipalité d'Aubervilliers et les états généraux de la culture organisent une rencontre d'action et de vigilance.

Je vous lis quelques extraits du texte que Didier Bezace nous invite à diffuser :

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Ah !

M. Jack Ralite. « C'est dans cette philosophie même que le nouvel accord sur le statut des intermittents du spectacle est dangereux : il met volontairement à mal le pacte de solidarité qui s'est construit en 1936 entre les artistes et la société républicaine démocratique.

« Il ruine toute idée de liberté et de responsabilité des artisans de l'art envers ceux pour qui ils travaillent et qui, leur reconnaissant une nécessité absolue dans l'élaboration d'une ambition culturelle indispensable à tous, leur reconnaissent aussi une spécificité et acceptent d'en payer le prix, comme nous acceptons de financer les retraites de ceux qui ont travaillé avant nous, de payer des impôts s'ils profitent à la vie collective, de soutenir les contraintes économiques liées au coût de l'éducation nationale, car nos enfants ont besoin d'apprendre, sans que cet apprentissage soit directement lié aux profits des entreprises et de leurs actionnaires, à la santé, car nous voulons être également soignés, etc.

« C'est cet esprit mutualiste de la République qui semble gêner la "modernité" de ceux qui pourtant dès lors nous dirigent, nous fabriquent une nouvelle vie dont nous ne voulons pas.

« Continuant à lutter obstinément contre ce mauvais accord, nous souhaitons donc néanmoins élargir ce combat et commencer à reconstruire des passerelles entre tous ceux qui ont besoin de sentir ce qui les rassemble, malgré leurs différences. »

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite que vite, très vite, ce pays, le nôtre, réaffirme qu'il est une terre donnant asile à l'espérance, ce qui est incompatible avec l'objectif ministériel, exprimé dans un rapport récent, de faire rimer marché avec diversité et démocratie.

Samedi prochain, nous travaillerons à ce nouveau contrat entre les artistes et la société républicaine démocratique. Nous ferons de la pensée pour la nouvelle situation culturelle. Des archéologues y participeront. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'en reviens au sujet de notre débat, c'est-à-dire à l'archéologie préventive.

M. Alain Dufaut. Très bien !

M. Henri de Raincourt. C'est une bonne idée !

Mme Jacqueline Gourault. Si la loi du 17 janvier 2001 avait permis d'organiser ce secteur par la création de l'INRAP et par l'instauration de deux redevances destinées à financer des diagnostics et des opérations de fouilles, ce système n'en était pas moins marqué par certains dysfonctionnements, comme vous l'avez rappelé tout à l'heure, monsieur le ministre.

Sur le terrain, les responsables des collectivités territoriales, les maires en particulier, ont été confrontés au problème des délais, beaucoup trop longs, qui ont bloqué de nombreux projets.

Votre réforme, monsieur le ministre, a fait apparaître ce qui était moins visible sur le terrain, à savoir les difficultés financières qui s'étaient accumulées au cours des mois passés.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe de l'Union centriste avait voté ce texte en première lecture, après avoir beaucoup travaillé et réfléchi sur le terrain, comme nous avions eu l'occasion de le faire, monsieur le ministre, dans le Loir-et-Cher.

Nous avions voté ce texte en première lecture et nous le voterons en deuxième lecture pour plusieurs raisons. Je vais en citer trois, qui ne sont d'ailleurs pas classées par ordre d'importance.

La première concerne l'amélioration en matière de délais.

La mise en place de structures par les grandes collectivités territoriales peut laisser espérer une réduction des délais de diagnostic. Par ailleurs, le paragraphe VI de l'article 2 du projet de loi instaure une convention entre les aménageurs et les organismes chargés des fouilles, définissant notamment les délais de réalisation des diagnostics et les conséquences pour les parties du dépassement de ces délais. Ce premier point nous semble très important. Les élus locaux y sont extrêmement sensibles.

La deuxième raison pour laquelle nous voterons ce texte a trait à la qualité du service public. En effet, les sénateurs du groupe de l'Union centriste sont très attachés à la mission de service public de l'archéologie préventive et ils ont veillé de très près à ce que ce principe soit respecté. Grâce notamment à certains de leurs amendements qui ont été adoptés par le Sénat, un certain nombre de garde-fous ont été instaurés - mon collègue et voisin, Yves Dauge, l'a rappelé - et nous en sommes très heureux ! Je pense à l'indépendance des organismes de fouilles par rapport aux grands groupes, à la mise à disposition des résultats des fouilles, ce qui est très important pour la mémoire scientifique, et, enfin, au diagnostic qui demeure entre les mains de l'INRAP, bien sûr, mais qui est aussi du ressort des collectivités territoriales et de leurs agents. C'est une mesure qui garantit l'intérêt public.

Les fouilles peuvent être effectuées également par des organismes privés, et c'est là le noeud du sujet. Ce point a donné lieu à des propos extrêmement modérés de la part de M. Dauge, mais à des propos qui m'ont paru beaucoup plus excessifs - je le dis, malgré tout le respect que je dois - de M. Ralite. Je crois, en effet, que l'on ne peut pas laisser dire n'importe quoi ! (M. Lucien Lanier applaudit.)

Je profite de ma présence à cette tribune pour dire que s'agissant de la liberté de création, de la liberté scientifique, de la protection du patrimoine, un certain nombre de régimes qui ont duré cinquante ans n'ont pas la réputation d'avoir été particulièrement efficaces ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.) M. Jack Ralite. C'est hors sujet !

Mme Jacqueline Gourault. Peut-être, mais c'est un hors sujet beaucoup moins long que le vôtre !

La troisième raison pour laquelle nous voterons ce texte concerne le financement des diagnostics. Ce texte instaure une nouvelle redevance destinée à financer les diagnostics, 30 % de celle-ci étant réservés au financement des fouilles proprement dites.

Vous avez trouvé un accord en commission mixte paritaire concernant le seuil de perception de la redevance que vous avez fixé à 3 000 mètres carrés. C'est une solution raisonnable, même si le Sénat avait préféré le seuil de 1 000 mètres carrés.

Nous sommes bien sûr conscients qu'un certain nombre de points restent en suspens. J'insisterai sur un seul d'entre eux, monsieur le ministre : si le problème du financement des diagnostics semble réglé, celui du financement des fouilles reste entier. Je pense en particulier aux petites communes rurales qui éprouvent toujours des difficultés pour financer les fouilles elles-mêmes.

En conclusion, je le répète, nous voterons ce texte car, vous l'avez rappelé, l'essentiel est sauvegardé, à savoir l'équilibre entre efficacité et qualité du service public.

En écoutant les intervenants précédents, je me demandais si nous arriverions un jour à faire fi de l'idée selon laquelle les entreprises privées n'assurent pas un service public. Pour ma part, je crois tout à fait le contraire.

Dans la vallée du Loir, l'Etat et les collectivités territoriales - la région et le département - ont engagé un travail de restauration de magnifiques chapelles romanes qui possèdent des fresques absolument superbes. Ce travail est effectué, sous contrôle de l'architecte des monuments historiques, par des entreprises privées spécialisées. Ces dernières oeuvrent en faveur du patrimoine national et du service public, au même titre que le ferait une collectivité territoriale ou un organisme public.

A mon avis, c'est un faux débat que de dire que les membres d'un établissement public auraient un sens inné du service public et que les professionnels du secteur privé seraient là pour tout saboter. Il faut cesser d'affirmer cela. On sait bien que dans toute profession, y compris chez les fonctionnaires, certains ne font pas bien leur travail. La plus grande partie des fonctionnaires exercent très bien leur métier, mais il peut toujours y avoir des brebis galeuses. Il faut instaurer des garde-fous pour les éviter. Mais cessons de mettre toujours tout ce qui est bien d'un côté et tout ce qui est mal de l'autre ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir trouvé cet équilibre entre l'efficacité et la qualité du service public et de protéger le patrimoine français. (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale !

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je tiens à dire à Mme la sénatrice du Loir-et-Cher que je partage tout à fait sa façon de voir.

Le service public n'est pas la sclérose des moyens utilisés tels qu'ils ont pu être arrêtés à un moment de l'histoire de la nation ou des collectivités locales. L'objectif que la nation se fixe est bien d'inviter d'autres partenaires - toutes les collectivités publiques et éventuellement des intervenants privés - à y prendre part.

Vous l'avez rappelé, madame la sénatrice, la restauration des monuments historiques est effectuée, non pas par des agents de l'Etat eux-mêmes, mais par des entreprises privées qui travaillent sous le contrôle des agents de l'Etat, ou parfois des collectivités locales lorqu'elles assurent la maîtrise d'ouvrage. Et c'est ainsi que se met en place de façon positive, dans notre pays, un service public dynamique, respectueux de la dignité et de la capacité de chacun et, surtout, de l'objectif que la nation se fixe en s'engageant dans des missions de service public culturel.

Je ne veux pas épiloguer longuement sur le texte qui nous réunit aujourd'hui dans cet hémicycle, mais je souhaite répondre brèvement à M. Jack Ralite. Ses propos suscitent chez moi des interrogations sur l'universalité de la raison, l'universalité du sentiment, l'universalité de la morale.

Monsieur le sénateur, nous sommes tous attachés à la création, au service public, et pourtant, nous ne parvenons pas à nous entendre. Nous devons constater la force des préjugés et des partis pris.

Si chacun acceptait de se départir d'un peu de ses préventions, nous pourrions nous entendre. Le service public de la culture auquel nous sommes attachés se définit par des objectifs auxquels il nous faut être fidèles, sans se limiter aux contingences de sa mise en oeuvre.

S'agissant de l'archéologie préventive, j'ai le sentiment qu'aujourd'hui la représentation nationale est fidèle à l'engagement de la nation en faveur de la préservation et de la défense du patrimoine, de la science et de la connaissance. Pour autant, il ne faut pas rester asservi aux dispositions de la loi du 17 janvier 2001, qui ont très rapidement montré leurs limites.

Aujourd'hui, ce projet de loi - comme hier le texte sur le mécénat, comme le débat sur le régime des intermittents du spectacle - nous conduit à engager une vaste réflexion sur la relation entre la culture et l'économie. Nous le savons tous, la finalité de l'acte culturel n'est pas intrinsèquement économique ; néanmoins, nous le savons également, l'acte culturel est déterminé par un conditionnement économique. La production d'un film, d'un spectacle lyrique, chorégraphique ou théâtral, peut-elle avoir lieu sans un acte économique ?

La culture génère de l'économie ; elle génère aussi de la richesse. Aujourd'hui, les villes privées de leur festival ressentent très fortement cette dimension économique de la culture. Pour autant, dans le même temps, il nous faut affirmer, à l'instar de M. le Président de la République, que les biens culturels ne sont pas des marchandises ordinaires. Néanmoins, dire cela, c'est aussi reconnaître que les biens culturels sont très souvent des marchandises !

Un livre, s'il n'est pas soutenu par l'acte économique d'édition, par l'acte économique de sa diffusion, par l'acte économique de sa mise en vente par des libraires, il n'existe tout simplement pas !

A vouloir indéfiniment ignorer cette dimension économique, on finira tout simplement par ruiner la culture ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, dans son histoire, à la fois glorieuse et atroce, le xxe siècle a connu deux grands moments d'égarement. Certains régimes ignobles ont voulu bafouer la culture, la piétiner dans sa diversité, et dans le même temps, mépriser les hommes. Par ailleurs, certaines sociétés ont voulu se construire sur des bases économiques aberrantes. Cette aberration, ajoutée à la tyrannie de ces régimes, a conduit à autant d'atrocités que les régimes que je citais précédemment. (« Très bien ! » et applaudissements sur les mêmes travées.)

Pour ce qui est du régime de l'intermittence, est-il remis en cause par l'accord du 26 juin, modifié le 8 juillet ? Non ! Est-il bouleversé dans son économie générale ? Non ! Les créateurs ne pourront-ils plus bénéficier d'un régime particulier d'assurance chômage ? Non !

Comme vous, je rencontre de nombreux créateurs et j'observe que, dès que l'on entame une discussion positive, on se rend compte de la masse d'ignorance qui subsiste sur la réalité de cet accord. Lorsqu'ils analysent un peu les choses, les gens se rendent compte que, finalement, les aménagement prévus par l'accord du 26 juin dernier, modifié le 8 juillet, ne rendent pas l'intermittence inaccessible aux créateurs et aux techniciens du spectacle vivant. J'aimerais que chacun en prenne conscience.

Vous le savez, monsieur le sénateur, vous qui êtes un lecteur assidu de Bertolt Brecht et qui avez tout particulièrement lu et, souvent, je le sais, vu La Vie de Galilée, ce n'est pas à force de répéter une erreur que l'on finit par dire une vérité. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :