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SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président du Sénat a été informé, par lettre en date du 6 juin 2003, par M. le président du Conseil constitutionnel que celui-ci a été saisi par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi urbanisme et habitat.

Acte est donné de cette communication.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt-deux heures.)

M. le président. La séance est reprise.

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CHASSE

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la chasse
Art. 1er A

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la chasse.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Paul Alduy.

M. Jean-Paul Alduy. A cette heure, madame la ministre, beaucoup a déjà été dit par les orateurs qui m'ont précédé, tout particulièrement par le rapporteur, M. Ladislas Poniatowski. Je serai donc bref.

Tout d'abord, je tiens à dire ma satisfaction de voir que votre action personnelle, conjuguée à celle de la majorité parlementaire de l'Assemblée nationale, vous a permis de présenter au Sénat un texte qui va dans la bonne voie en donnant deux signaux forts en direction des premiers protecteurs de la faune et de la flore de nos montagnes et de nos vallées. Je veux parler, vous l'avez compris, des chasseurs.

Ces deux signaux sont simples et ils étaient incontournables.

Tout d'abord, le texte instaure la double tutelle des ministres chargés de la chasse et de l'agriculture surl'Office national de la chasse et de la faune sauvage, l'ONCFS, et la Fédération nationale des chasseurs, la FNC. Plus généralement, c'est la liberté d'association et la responsabilité des chasseurs qui est reconnue, notamment grâce à la transmission d'une copie du fichier des permis à la Fédération nationale des chasseurs, à l'amélioration du dispositif relatif aux adhésions aux fédérations départementales des chasseurs, à la liberté donnée aux fédérations pour leurs ressources financières, à la suppression des contrôles a priori de leurs budgets - même si, comme l'orateur précédent l'a souligné, nous devons apporter des précisions sur ce point -, à l'extension de la chasse de nuit au gibier d'eau à sept nouveaux départements, ou encore à la suppression du rapport gouvernemental sur la chasse de nuit prévu par la loi de 2000.

Restent néanmoins des questions importantes qui seront sans doute traitées par la future loi sur les affaires rurales, je veux parler de l'avenir de l'ONCFS ou de l'organisation de la police rurale.

Mais je voudrais surtout, dans cette intervention, féliciter le Gouvernement, plus particulièrement Mme la ministre ainsi que la majorité parlementaire de l'Assemblée nationale d'avoir supprimé le point central de la loi Voynet qui avait scandalisé et inutilement agressé les chasseurs : l'interdiction de chasser le mercredi.

M. Jean-Louis Carrère. Vous en avez été marri !

M. Jean-Paul Alduy. Cette mesure a été considérée comme vexatoire, attentatoire aux libertés,...

M. Jean-Louis Carrère. Il n'y a rien de pis !

M. Jean-Paul Alduy. ... et d'autant moins justifiée que l'on ne chasse pas tous les jours en France.

M. Jean-Louis Carrère. Surtout vous !

M. Jean-Paul Alduy. Effectivement, on ne chasse pas tous les jours en France, notamment dans mon département.

L'idée des écologistes était la suivante : obtenir, sur un jour symbolique, le mercredi, une rupture entre les générations et un partage de fait du territoire entre chasseurs et non-chasseurs ; interdire toute pratique de la chasse un jour et, à terme, plusieurs jours.

Le projet de loi qui nous est soumis prévoit de supprimer ce jour de non-chasse automatique fixé nationalement en laissant aux préfets le soin de définir ce jour dans chaque département, en concertation avec les fédérations de chasseurs.

M. Jean-Louis Carrère. Elles vous ont dit que c'était dur !

M. Jean-Paul Alduy. J'espère que le sens de la loi ne sera pas dévoyé par une administration dont le jacobinisme viscéral pourrait conduire à fixer d'autorité le même jour sur l'ensemble du territoire national. Il faudra être clair et affirmer fortement, sans doute par circulaire, que les fédérations départementales auront pour mission de proposer aux préfets le ou les jours de non-chasse.

Ainsi, les fédérations de chasseurs seraient rétablies, enfin, dans l'exercice responsable de leur activité. Ainsi, le ou les jours de non-chasse seraient différents suivant les habitudes et les traditions cynégétiques locales.

Imposer le mercredi de façon autoritaire était en fait interdire à la chasse...

M. Jean-Louis Carrère. C'était à cause de votre recours !

M. Jean-Paul Alduy. ... d'apparaître comme une activité populaire rassemblant l'ensemble des passionnés, qu'ils soient retraités ou jeunes scolarisés, qu'ils soient enseignants ou qu'ils relèvent du secteur privé.

M. Jean-Louis Carrère. C'était votre faute, monsieur Alduy !

M. Jean-Paul Alduy. C'était votre erreur !

M. Jean-Louis Carrère. Cela va être la même chose, vous allez voir !

M. Jean-Paul Alduy. Votre erreur - et ce projet de loi, précisément, corrige cette erreur -, c'était de porter atteinte à la transmission, de génération en génération,...

M. Jean-Louis Carrère. Il n'a rien écouté !

M. Jean-Paul Alduy. ... d'une activité qui est bien davantage qu'un loisir, car elle renvoie à la connaissance des territoires, de leurs équilibres, de leur protection, c'était finalement, tout simplement, porter atteinte à l'amour du pays et des traditions qui nous ont été transmises.

Je tiens aussi à rappeler que, dans de nombreux villages des Pyrénées, la chasse est la principale activité, la principale économie, du mois de septembre au mois de février.

Le vrai sujet de cette loi est donc simple. Il s'agit, en premier lieu, de rétablir les fédérations des chasseurs dans leurs responsabilités locales en matière de formation des chasseurs, de popularisation de ce loisir - notamment en s'opposant à la privatisation des domaines de chasse de l'ONF, de gestion des équilibres cynégétiques et, plus généralement, d'organisation d'actions collectives pour la protection et l'aménagement de l'environnement de nos vallées et du haut pays.

Il s'agit, en second lieu, de déconcentrer les décisions pour s'adapter aux traditions locales qui ont fait leurs preuves.

Reste en effet le douloureux problème des dates de chasse. Force est de constater que l'arrêt du Conseil d'Etat du 28 mai dernier est le plus dur que nous ayons connu depuis longtemps : la saison 2002-2003 sera la plus courte de notre histoire récente en matière de chasse aux oiseaux migrateurs.

La directive n° 79/409, la directive Oiseaux, devra être renégociée et le texte qui nous est présenté fixe l'obligation au Gouvernement de déposer avant le 31 décembre 2003 un rapport présentant les initiatives européennes qui seront prises pour adapter cette directive. Dont acte ! Mais, madame la ministre, il est clair que le monde des chasseurs restera très vigilant sur cette question et que les réponses apportées influeront fortement sur le vote des chasseurs de nos hauts cantons où, je le rappelle, le CNPT a été le premier parti de France pour les communes de moins de mille habitants.

M. Jean-Louis Carrère. Le CNPT ?

M. Jean-Paul Alduy. Je viens de le dire !

M. Gérard Le Cam. Ses résultats seront en chute libre l'année prochaine !

M. le président. Poursuivez, monsieur Alduy, ne vous laissez pas interrompre.

M. Jean-Paul Alduy. J'accepte les interruptions lorsqu'elle sont intelligentes !

M. Jean-Louis Carrère. On fait ce qu'on peut !

M. Jean-Paul Alduy. Pour conclure, je dirai que le toilettage très attendu de la loi Voynet a été réalisé avec le souci d'apaiser la guerre lamentable entre chasseurs et non-chasseurs, entre ruraux et urbains.

Grâce à votre action personnelle, tenace, équilibrée, madame la ministre, aujourd'hui, nous sommes dans la bonne voie, celle des décisions prises au plus près des acteurs, celle de la mise en responsabilité des fédérations départementales des chasseurs. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

Le Gouvernement a écouté la voix d'en-bas. Je ne doute pas que la Haute Assemblée se fasse l'écho du terrain, de la France des terroirs, et soutienne un projet de loi qui faisait partie des engagements du Président de la République, et qui était très attendu par les Pyrénées catalanes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Henneron.

Mme Françoise Henneron. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, après des années de conflits, de radicalisations et d'extrêmes en tout genre, voici enfin venu le temps de l'apaisement sur ce délicat dossier de la chasse.

Fidèle à l'esprit de mai qu'incarne le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, vous avez su, en peu de mois, madame le ministre, sortir ce dossier du bourbier dans lequel vos prédécesseurs ont fini par s'enliser.

A trop tirer sur la corde, il ne faut pas s'étonner qu'à la fin elle casse !

La France rurale, la France des chasseurs, a été meurtrie par les caricatures, les quolibets et le mépris avec lequel les nouveaux convertis au culte de la nature sont venus lui imposer, sans concertation et sans ménagement, leur vision, leurs fantasmes.

Qu'il fut surprenant de voir ceux qui n'avaient que le mot « fraternité » à la bouche tenter de dresser les villes contre les campagnes au prétexte du partage d'une nature prétendument accaparée par une minorité ! Le syndrome de Bambi avait encore frappé ! Les chasseurs étaient devenus des viandards, des obsédés de la gâchette, mettant délibérément la vie des paisibles marcheurs en danger, au premier rang desquels les enfants.

Rien n'était donc plus urgent que d'instaurer un jour de non-chasse pour assurer la sécurité de nos chères têtes blondes. Cette lubie démagogique a vécu ce que vivent les roses. Force est de louer, mes chers collègues, l'initiative parlementaire et l'ouverture d'esprit du Gouvernement qui, combinées, ont permis de retrouver le sens de la mesure.

Le bon sens paysan est une vertu louée à juste titre. Laisser aux fédérations de chasse le soin de s'organiser, ne pas légiférer pour le plaisir de dire que l'on existe, c'est faire preuve de sagesse. Redonner aux chasseurs la maîtrise des jours de chasse, c'est les considérer de nouveau comme des êtres responsables et non comme des incapables majeurs qu'il convient d'encadrer.

Car, soyons sérieux, si l'on veut protéger nos concitoyens, particulièrement nos enfants, il est des mesures plus urgentes que celles-là, à commencer par la lutte contre la violence routière, à laquelle s'est justement attelé, avec succès, le Gouvernement.

Votre texte, madame le ministre, permet également de faire table rase de l'incroyable usine à gaz que la gauche plurielle avait réussi à mettre en place dans l'organisation des fédérations de chasse, et qui ne fut pas pour rien dans la hausse non négligeable des coûts, qui porta préjudice aux chasseurs.

M. Jean-Louis Carrère. Comment ? Répétez !

Mme Françoise Henneron. Mes chers collègues, c'est donc un gouvernement taxé par ses prédécesseurs de ne favoriser que les riches qui va garantir la pérennité d'une chasse populaire et démocratique.

M. Jean-Louis Carrère. Répétez !

Mme Françoise Henneron. Une chasse qui, comme l'ont remarquablement exposé un certain nombre de nos collègues à cette tribune, voit se réunir autour d'une même passion les ouvriers, les paysans, les employés, les cadres et les patrons. N'est-elle pas belle la vie !

M. Jean-Louis Carrère. Non ! Non ! C'est un raisonnement de droite !

Mme Françoise Henneron. Je ne vous ai pas interrompu pendant votre intervention. Laissez-moi parler !

M. Jean-Claude Carle. Continuez !

M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Ne vous laissez pas faire, madame !

Mme Françoise Henneron. En réalité, nous ne savons que trop bien ce qui trottait dans la tête de Mme Voynet. Pour arriver à faire disparaître la chasse, il fallait en éloigner les moins fortunés de nos compatriotes, revenir à l'Ancien régime où seuls les nantis disposaient du droit de chasse.

Il aurait été tellement plus commode ainsi de dénoncer un privilège de classe que la réalité de la chasse s'évertue à nier tous les jours ! (M. Jean-Louis Carrère s'exclame.)

Non ! La chasse n'est pas une activité de riches.

M. Gérard Le Cam. Elle l'est quelquefois !

Mme Françoise Henneron. Elle est un formidable catalyseur d'énergies au service de la nature et du monde rural.

M. Jean-Claude Carle. C'est vrai !

Mme Françoise Henneron. Si nos campagnes sont belles, s'il fait si bon s'y promener et y vivre - je peux en témoigner - c'est parce que, depuis des décennies, des hommes et des femmes passionnés entretiennent leurs domaines, s'occupent de leurs terres et prennent soin des animaux qui la peuplent.

Où sont-ils les écologistes quand, en plein froid, au coeur de l'hiver, les chasseurs nourrissent le gibier pour éviter qu'il ne meure de faim et de froid ? Où sont-ils ? Ils sont bien confortablement calfeutrés dans leur petite maison, à profiter des joies du confort moderne que seule une énergie à 75 % nucléaire est capable de leur apporter.

Mme Marie-Christine Blandin. Je demande à exercer mon droit de réponse, monsieur le président !

Mme Françoise Henneron. C'est cela aussi le xxie siècle !

Oui, madame le ministre, votre texte reflète le bon sens et le triomphe de la raison sur la démagogie.

M. Jean-Claude Carle. Exactement !

Mme Françoise Henneron. Madame le ministre, comment conclure sans évoquer le dernier domaine qu'il reste encore à dépassionner : celui de la date de l'ouverture de la chasse au gibier d'eau ?

M. Jean-Louis Carrère. Là, vous allez apaiser les débats !

Mme Françoise Henneron. Je connais les contraintes que font peser sur vous l'application et l'interprétation de la directive de 1979.

M. Jean-Louis Carrère. Cela vous rend service !

Mme Françoise Henneron. Mais, comme tout ce qui traite du vivant - cette idée a déjà été bien développée - cette directive a certainement besoin d'être actualisée. En effet, sa mise en oeuvre manque de logique, ce qui la rend difficilement compréhensible pour les chasseurs.

Je ne citerai, à ce titre, qu'un seul exemple. En France, la chasse au canard colvert ouvre le 1er septembre alors qu'en Belgique elle ouvre le 15 août. Les frontières n'ont jamais été un obstacle tangible pour les oiseaux ! Lorsque l'on est chasseur dans le Nord-Pas-de-Calais, on voit mal le bénéfice, en termes de préservation, que cette espèce peut tirer d'une telle incohérence.

Je suis sûre que vous mesurez le désarroi de nos chasseurs. Ils ne sont pas hostiles à la préservation des espèces. Au contraire, ils y ont tout intérêt. Mais l'adhésion à un principe suppose la compréhension des règles et cette dernière ne saurait exister tant que subsisteront de telles incohérences.

L'Europe est un combat quotidien. Je sais que, attachée comme vous l'êtes à l'équilibre et à l'équité, vous saurez trouver le moyen de convaincre nos partenaires qu'il est temps d'évoluer sur ces questions.

Madame le ministre, votre texte est bon.

M. Jean-Louis Carrère. Le vôtre est long !

Mme Françoise Henneron. De surcroît, il est excellement rapporté par notre brillant collègue Ladislas Poniatowski.

M. Bernard Saugey. Très bien !

Mme Françoise Henneron. C'est donc avec enthousiasme que je le voterai, imitée en cela, je n'en doute pas, par nombre de mes collègues de la majorité,...

M. Bernard Saugey. Oui !

Mme Françoise Henneron. ... mais aussi de l'opposition, qui ne seront pas fâchés, j'en suis certaine, d'entendre enfin siffler la fin de la récréation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, je vous demande d'enregistrer ma demande de droit de réponse à Mme Henneron.

M. Jean-Claude Carle. A quel titre ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la convention des affaires économiques et du Plan. Un droit de réponse à quoi ?

M. le président. J'en prends note, bien entendu, mais, conformément au règlement, s'agissant d'un fait personnel, je ne pourrai vous donner la parole qu'à la fin de la séance.

M. Roland du Luart. C'est intéressant !

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à apporter ici un témoignage.

Mais d'abord, je veux rendre hommage au travail que le Sénat avait déjà accompli sous l'impulsion de notre ami Ladislas Poniatowski ainsi qu'à celui qu'a réalisé au sein de la commission des affaires économiques son président, M. Larcher.

Le gouvernement précédent a essayé de susciter la rupture entre les chasseurs et les amateurs de la nature tels que les voyait Mme Voynet et de créer une division là où il fallait au contraire rassembler. Le Sénat avait eu la sagesse de tenter de l'éviter.

M. Jean-Louis Carrère. Et voilà ! La caricature est arrivée !

M. Jacques Blanc. Ce n'est pas du tout une caricature ! Demandez à l'ensemble des chasseurs : ils ont été meurtris dans leur amour de la nature.

M. Jean-Louis Carrère. A La Canourgue !

M. Jacques Blanc. Les chasseurs, nous les connaissons !

M. Jean-Louis Carrère. Oui, sans doute !

M. Jacques Blanc. Ce sont des hommes et des femmes,...

M. André Vantomme. C'est sûr ! Ce ne sont pas des lapins ! (Rires.)

M. Jacques Blanc. ... souvent très fortement amoureux de la nature.

M. Jean-Louis Carrère. Ce sont des hommes et des femmes, pas des veaux !

M. le président. Monsieur Carrère, je vous en prie !

M. Jacques Blanc. Je comprends que M. Carrère soit un peu gêné, tant il est vrai que le gouvernement de Lionel Jospin a été une catastrophe dans ce domaine - comme dans d'autres, d'ailleurs.

MM. Jean-Claude Carle et Bernard Saugey. C'est vrai !

M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes pathétique, monsieur Blanc !

M. Jacques Blanc. Je reviens à mon propos : essayer de créer un fossé entre ceux qui veulent défendre la nature et les chasseurs était une aberration. C'était faire courir un risque important à notre société. Pourtant, on l'a fait.

Aujourd'hui, grâce à la volonté de ce gouvernement, madame le ministre, grâce aussi à la majorité élue à l'Assemblée nationale, qui a tenu ses engagements - et peut-être est-ce cela, le changement dans la vie politique : faire ce que l'on a dit -, nous avons commencé par revenir sur ce qui était une ineptie totale.

Vous m'excuserez de vous le dire, mes chers collègues, mais, à l'époque de Brice Lalonde, jamais on n'aurait eu l'idée d'instituer un jour de non-chasse le mercredi ! C'était là un acte gratuit, stupide et dangereux.

Les mesures que nous avons adoptées, au contraire, permettent aux fédérations de s'organiser. Nous les connaissons, les fédérations ! Dans chacun de nos départements, nous avons des contacts, nous avons des liens avec elles, et nous savons qu'elles rétabliront ce jour de non-chasse comme elles le souhaiteront, pour respecter les équilibres.

La suppression du jour de non-chasse est donc un signe très fort de la part de l'Assemblée nationale, et j'espère bien que le Sénat, avec la sagesse que nous lui connaissons, la suivra.

Je dois le souligner, notre rapporteur est reconnu dans le monde de la chasse.

M. Bernard Saugey. On connaît sa grande compétence !

M. Jacques Blanc. Partout, on sait qu'il s'est battu...

M. Jean-Louis Carrère. Il a dit n'importe quoi !

M. Jacques Blanc. Il n'a pas dit n'importe quoi !

M. Jean-Louis Carrère. Ce n'est pas comme vous, alors !

M. Jacques Blanc. Moi non plus, je ne dis pas n'importe quoi, et vous allez vous en rendre compte.

Le sujet méritait d'être traité,...

M. Jean-Louis Carrère. Oui, surtout par vous !

M. Jacques Blanc. ... et j'exprime mon sentiment.

Une étape a été franchie, et je crois qu'aujourd'hui on ne peut que s'en féliciter.

Un rôle organisateur doit être reconnu aux fédérations départementales non seulement pour ce qui concerne le jour de non-chasse, qu'elles pourront désormais fixer puisqu'il ne figurera plus dans la loi, mais aussi pour ce qui est de la chasse elle-même : il s'agit de leur confier des responsabilités.

Cela a été fait, par exemple, en matière de sécurité, sujet qui me préoccupe beaucoup. On sait que de nombreuses fédérations départementales organisent des stages pour éduquer à la prévention des dangers que, comme toute activité, la chasse comporte.

Nous leur avons donc confié l'organisation des examens du permis de chasse, et ma région, le Languedoc-Roussillon - mon collègue Jean-Paul Alduy s'est beaucoup battu sur ce dossier, et je l'en félicite -, a décidé de les accompagner financièrement afin qu'elles puissent réaliser les équipements nécessaires.

En responsabilisant les fédérations non seulement à l'échelon départemental, mais aussi à l'échelon national, en un mot, en reconnaissant leur rôle, on sort de conflits artificiels.

Restent en suspens un certain nombre de difficultés, tel le problème des dates de la chasse au gibier d'eau. J'étais à l'assemblée générale des fédérations qui s'est tenue à Port-la-Nouvelle. Que leur ai-je-dit ? Qu'on ne pouvait pas faire n'importe quoi ! Et je vous félicite, madame la ministre, d'avoir installé l'Observatoire de la faune sauvage, qui permettra de sortir de ces fausses discussions.

Il y eut le rapport Lefeuvre, dont on connaît la finalité ; il y eut aussi le rapport Ornis, qui était beaucoup plus scientifique. Nous avons maintenant besoin d'une analyse objective et en quelque sorte « régionalisée » des réalités scientifiques concernant les oiseaux migrateurs.

M. Jean-Louis Carrère. Il ne faut pas que ce soit un coup à « blanc » ! (Sourires.)

M. Jacques Blanc. Nous voulons sauver tous les oiseaux migrateurs, mais il nous faut également songer à préserver les équilibres naturels. Ce n'est que sur la base des données scientifiques que l'Observatoire pourra faire reconnaître cette question non seulement à l'échelon national, ce qui est important, mais aussi, je l'espère à l'échelon européen, et que nous pouvons lever l'ambiguïté.

Certes, on ne peut pas faire progresser la question des dates de la chasse aux oiseaux migrateurs aussi vite qu'on le souhaiterait, et il faut oser le dire ! Ainsi, lorsque je présidais le comité des régions d'Europe - j'ai eu l'honneur d'en être le premier président -, j'ai voulu ouvrir un débat pour mettre un terme à certains de ces malentendus. J'ai très rapidement fait marche arrière, car, sous l'influence d'un certain nombre de représentants du Nord, je risquais de le voir aboutir à une position inverse de celle que je souhaitais. Il est vrai que, à l'échelon européen, on est parfois plus volontiers prêt à sauver les cormorans ou les hérons qui viennent manger nos truites que les truites elles-mêmes !

Tout est donc dans l'équilibre,...

M. Roland du Luart. Tout à fait !

M. Jacques Blanc. ... et c'est le mérite de ce texte que d'ouvrir la grande voie qui nous permettra de l'atteindre. (M. Jean-Louis Carrère s'exclame.)

Dans le parc national des Cévennes, qui se trouve partiellement dans mon département, on a si bien interdit la chasse que, les cervidés, aujourd'hui, détruisent la forêt.

M. Roland du Luart. Il faut y introduire des loups !

M. Jacques Blanc. La nature a besoin d'une autorégulation dont les chasseurs sont un élément indispensable. Il nous faut donc pouvoir nous appuyer sur des constatations scientifiques objectives, avoir une approche intelligente de la réalité et trouver le moyen de faire évoluer cette directive européenne, qui nous gêne, certes, mais qui existe.

M. Jean-Louis Carrère. La directive, qui l'a prise ?

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Blanc !

M. Jacques Blanc. Les travaux scientifiques que vous avez suscités, madame la ministre, nous donneront les éléments nécessaires, et je tiens à vous en féliciter.

De plus, bien qu'il ne soit guère confortable pour un ministre d'hériter d'un tel dossier, vous avez su trouver les mots qui correspondaient à la réalité de la chasse sans pour autant attaquer les uns ou les autres.

J'espère que de notre discussion, qui vient après le débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale, naîtront la volonté et la capacité de travailler ensemble sur les projets de parcs régionaux.

Ainsi, pour le projet de parc régional de Cerdagne-Capcir, dans les Pyrénées-Orientales, et pour celui de la Narbonnaise, dans l'Aude, nous avons obtenu que les représentants des chasseurs et ceux des mouvements écologistes, au lieu de se battre, s'entendent : leur approche de la question nous permet de dégager un certain nombre de choix fondamentaux.

J'espère qu'aujourd'hui le Sénat, grâce à la qualité de son travail, contribuera - j'ai moi-même déposé un amendement en ce sens - à la reconnaissance d'une activité sportive, familiale et traditionnelle...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. La tendelle !

M. Jacques Blanc. ... que l'on appelle la tendelle et qui est une forme de chasse aux grives. On la pratique dans certains départements, dans la Lozère en particulier, mais aussi dans l'Aveyron. Elle ne provoque pas de dégâts et elle est un élément de toute une culture. Faudra-t-il vraiment que l'amendement soit voté ? Certes, je le proposerai, mais qu'au moins, si on ne le vote pas, on respecte ces traditions !

La tradition, dans un pays rural, on y est attaché, et cela compte. Notre pays a besoin de retrouver des valeurs rurales, cet équilibre indispensable qui permet aux hommes, un peu désemparés dans ce siècle sans âme et qui ont perdu leurs repères, de les retrouver grâce à la qualité de la nature, dont les chasseurs ont tant besoin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite vous remercier de la tonalité excellente et extrêmement constructive de la discussion générale qui vient d'avoir lieu.

Mes remerciements vont d'abord, bien sûr, à votre rapporteur, M. Ladislas Poniatowski, que je rejoins tout à fait lorsqu'il souhaite que ce débat aboutisse à une véritable discussion sur la conciliation des usages de la nature. Cette vision est d'ailleurs largement partagée par le président de la commission des affaires économiques, M. Gérard Larcher, et par Jacqueline Gourault, que je remercie de m'avoir apporté le soutien de l'Union centriste.

Cette tonalité constructive s'est fait entendre sur l'ensemble des travées de la Haute Assemblée. Ainsi, je remercie Jean-Louis Carrère, dont j'ai beaucoup apprécié l'intervention pleine de fougue, pleine de chaleur, pleine de couleur.

M. Roland du Luart. C'est l'ortolan qui parlait ! (Sourires.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En effet, lorsque l'on est de bonne foi et que l'on connaît bien les sujets, alors, on est capable de surmonter les clivages et de se retrouver autour d'une vision apaisée de la chasse.

Rejoignant M. Demilly, je dirai que, dans ce débat, le maître mot est bien la réconciliation. Oh, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne réconcilierai pas les extrêmes, ceux qui ont fait de la chasse ou de la non-chasse un fonds de boutique politicien ! Cela ne m'est pas possible !

M. Gérard Le Cam. Comment s'appellent-ils ? (Sourires sur les travées du groupe CRC.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je ne réconcilierai pas non plus ceux pour qui la chasse est l'objet de fantasmes. Hélas, c'est vers eux que se tendent les micros !

Enfin, je ne sais pas si vous avez remarqué que lors du débat à l'Assemblée nationale, la suppression du mercredi sans chasse a été votée à une écrasante majorité (M. Jacques Blanc s'exclame.) et que les députés de l'UMP ont été rejoints par les députés socialistes et par les députés communistes.

M. Jean-Louis Carrère. Cela ne m'étonne pas d'eux !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Avez-vous vu que mention en ait été faite dans un quelconque journal ? Et je peux vous garantir que vous ne trouverez demain, dans la presse, aucun écho du dialogue apaisé que nous avons eu aujourd'hui pour défendre une chasse démocratique et populaire !

M. Jean-Louis Carrère. Chez moi, si, parce que je m'en suis occupé !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je ne doute pas de vos capacités de communication, monsieur Carrère ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Carrère. Mais je ne m'en occupe pas chez les autres !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La chasse, ou plutôt les modes de chasse pratiqués dans notre pays par 1 400 000 chasseurs constituent un patrimoine culturel et écologique, un patrimoine démocratique et populaire. Or ils sont gravement menacés par certains déséquilibres qui sont apparus dans la gestion de la faune sauvage et qui sont le fruit non pas du comportement des chasseurs eux-mêmes, mais bien plutôt du changement des modes de vie, de l'urbanisation, du mitage, du « tout-bagnole », de l'émission des gaz à effet de serre. Et quand on voit certains militants anti-chasse venir manifester au volant de somptueux 4 × 4, on reste quelquefois dubitatif !

L'élargissement de la palette de l'offre de loisirs fait aussi peser des menaces sur la chasse, car elle qui, dans le monde rural, était souvent le seul loisir, du moins le seul loisir démocratique, se voit aujourd'hui concurrencée par un certain nombre d'autres activités.

Dans ce domaine, je suis persuadée que la survie de la chasse passe par sa féminisation. Car les femmes s'en sentent aujourd'hui parfois exclues et privilégient d'autres loisirs et d'autres distractions.

M. Jean-Louis Carrère. C'est la faute à Ladislas !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Bien entendu, monsieur Carrère, chaque fois que les femmes sont absentes d'une activité, qu'il s'agisse d'une activité professionnelle, culturelle ou de loisir, sa survie est généralement menacée, et le cas de la chasse en est une nouvelle démonstration.

Et puis, la chasse leur étant étroitement liée, la disparition des activités rurales aggrave encore les menaces. Chacun d'entre nous a pu constater que la démographie des chasseurs est extrêmement inquiétante. Nos pères chassaient ; dans nos générations, on chasse encore ; nos enfants, hélas ! chassent de moins en moins, voire ne chassent plus.

M. Roland du Luart. Cela dépend des familles !

M. Jean-Louis Carrère. Les miens chassent !

M. Gérard Larcher, président de la commission. Les enfants Larcher aussi !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cela dépend, certes, et je ne doute pas que le président Larcher y ait veillé !

Plusieurs d'entre vous m'ont interrogée sur quelques points, et je souhaiterais leur apporter des éléments de réponse plus complets que ceux qu'ils ont pu trouver dans mon propos liminaire, étant entendu que nous y reviendrons lors de la discussion des articles.

Certains m'ont reproché plus au moins vigoureusement le temps pris par la procédure législative en raison de la méthode retenue. Je rappellerai un certain nombre de réalités.

D'abord, comme le soulignait excellemment Mme Henneron à l'instant, ce dossier est d'une extraordinaire complexité juridique.

M. Jean-Louis Carrère. Nous sommes d'accord !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. De plus, si M. Jacques Blanc, à l'instant, citait la tendelle en Lozère, on pourrait énumérer bien d'autres chasses traditionnelles : on a tort de parler de « la » chasse, il vaudrait mieux parler « des » chasses.

A la complexité juridique s'ajoute donc une complexité technique et culturelle qui ne permet pas, comme on le fait hélas trop souvent, d'aborder la question de la chasse en se contentant d'en avoir une vision simpliste : il faut prendre en compte toutes ces différences. Et je ne parle pas des ortolans de M. Carrère !

M. Jean-Louis Carrère. La matole !

M. Gérard Larcher, président de la commission. A-t-il décrit comment on les mange ?

M. Jean-Louis Carrère. C'est interdit ! On ne les mange pas !

M. Gérard Larcher, président de la commission. Il reste le souvenir !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ensuite, la chasse est un sujet très délicat à traiter d'un point de vue politique, nombre d'entre vous l'ont également souligné. Sur un terrain aussi miné, il faut d'abord recréer la confiance ; cela ne peut se faire en un jour.

Enfin, il faut bien le reconnaître, les divisions du monde des chasseurs compliquent encore le débat, car il faut prendre le temps d'écouter les uns et les autres. Je puis vous assurer que, à propos de la suppression du jour de non-chasse, nous avons proposé une solution simple ; nous avions écouté les représentants d'un certain nombre d'associations, et nous sommes repartis avec autant de solutions différentes qu'il y a de régions !

M. Gérard Larcher, président de la commission. C'est cela, la palabre !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Tout cela explique que je me sois refusée à construire une superbe cathédrale législative. Elle serait sans doute restée sous le nom de « loi chasse Bachelot », ce qui aurait été assurément gratifiant pour mon ego, mais elle n'aurait pas été opérationnelle du tout.

Au contraire, j'ai voulu adopter une politique des petits pas, distinguer ce qui relevait du réglementaire de ce qui relevait du législatif ou encore des bonnes pratiques, sur lesquelles M. Fortassin a insisté ; ca,r dans la chasse, l'éthique l'emporte souvent sur la réglementation.

Cette politique des petits pas était destinée à restaurer la confiance et à traiter les problèmes au fur et à mesure que pouvaient se dégager des solutions consensuelles, de façon que, au lieu de faire des grands moulinets, on parvienne à des résultats acceptables, à des résultats qui permettent de « déminer » le dossier. Car la confiance entraîne la confiance, et ce n'est qu'à partir du moment où l'on obtient des résultats que l'on peut avancer sur d'autres sujets.

Regardez l'histoire emblématique du guichet unique ! Je signale d'ailleurs à M. Le Cam qu'il commet une erreur d'interprétation et qu'il affole les populations en disant qu'il leur faudra courir au chef-lieu du département pour effectuer les démarches. Le guichet unique n'est pas l'unique guichet ! Un réseau diversifié de guichets est bien entendu conservé. Les chasseurs qui ont déjà bénéficié du guichet unique le savent bien ! Avec le guichet unique, il n'est plus nécessaire de faire le parcours du combattant pour procéder aux différentes démarches administratives relatives au permis de chasse : vous les réalisez dans un seul lieu. Alors, monsieur Le Cam, je me permets de vous le signaler, vous n'avez pas compris ce qu'est le guichet unique.

On m'interroge sur la nécessité d'avoir attendu pour régler ce problème, alors qu'il me suffisait d'avoir la modestie d'accepter que cette disposition intéressante figure dans le texte portant simplification des démarches administratives. Mais telle a été ma méthodologie : la concertation, la politique des petits pas. C'est une pratique qui demande du temps, mais qui est certainement beaucoup plus efficace.

Le deuxième point technique sur lequel je souhaite revenir un instant concerne le jour de non-chasse.

Sur le fond, on peut attribuer trois finalités au jour de non-chasse : la sécurité des autres utilisateurs de la nature ; le fait de partager cette nature selon ses utilisateurs ; enfin, la gestion de la faune sauvage.

Je réfute complètement les deux premières finalités. La sécurité des autres utilisateurs n'est absolument pas assurée par la suppression d'un jour de chasse. Les accidents concernent, dans leur quasi-totalité, les chasseurs. Depuis la création de ce jour obligatoire de non-chasse, on n'a constaté aucune baisse des accidents liés à la chasse...

M. Jean-Louis Carrère. Ni aucune hausse !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Effectivement !

Ce qui crée la sécurité, c'est le respect des bonnes pratiques de chasse - je l'ai dit dans mon propos liminaire - et l'instauration d'un permis de chasse performant et efficace : il doit non pas être seulement un permis théorique, mais devenir de plus en plus un permis pratique.

S'agissant du partage de la nature entre les chasseurs et les non-chasseurs, il est quotidien depuis, j'allais dire, quasiment des siècles. D'ailleurs, si l'on milite pour le partage de la nature, pourquoi un mercredi sans chasse, alors que c'est sans doute le jour le moins adapté à nos enfants ? Les pères et les mères de famille qui travaillent ne sont absolument pas intéressés par le mercredi sans chasse ! En revanche, d'autres jours sans chasse seraient utiles pour les enseignants qui souhaitent faire partager des activités de nature à leurs élèves.

Le mercredi sans chasse n'a donc aucun intérêt pour le partage de la nature. En revanche, les chasseurs que j'ai interrogés sont demandeurs de cette possibilité de prévoir un ou plusieurs jours sans chasse selon les secteurs, afin d'assurer une gestion affinée et adaptée du patrimoine naturel. C'est sur cet aspect du jour sans chasse que je souhaite appeler votre attention. En effet, cette faculté est assise sur l'article R. 224-7 du code rural et je vous rends attentifs à l'extraordinaire fragilité juridique de cette disposition.

En 2000, le Conseil constitutionnel avait annulé la disposition qui permettait de choisir un jour de non-chasse au motif que, l'interdiction de la chasse étant une atteinte au droit de propriété, cette interdiction ne pouvait relever que d'une mesure générale. Alors, mesdames, messieurs les sénateurs, dans la proposition que j'ai faite - et qui n'a pas été retenue par l'Assemblée nationale, je le regrette ! -, je voulais asseoir la sécurité juridique de cette disposition réclamée par les chasseurs.

La chasse, qu'on le regrette ou qu'on s'en réjouisse, est devenue le champ clos des contentieux juridiques.

M. Jean-Louis Carrère. Tout à fait !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je crains, hélas ! que si un jour de non-chasse est décrété dans tel ou tel département, étant donné la fragilité juridique de l'article R. 224-7, une procédure ne fasse écrouler l'édifice que vous tentez de construire.

Certains me disent : cela n'existait pas dans le temps ! Oui, mais, dans le temps, on pouvait gérer ce jour de non-chasse à partir d'un élément aussi fragile que l'article R. 224-7 du code rural. Dans ce dossier, de mauvaises habitudes ont été prises et nous risquons de le payer très cher.

Je demande à celles et ceux qui veulent concilier l'exercice de la chasse avec la liberté et la responsabilité de tenir compte de cet argument. Il s'agit d'un argument non pas théologique, mais pratique.

En ce qui concerne l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, un amendement de l'Assemblée nationale l'a placé sous la double tutelle du ministère de l'écologie et du développement durable et du ministère de l'agriculture.

M. Roland du Luart. C'est une très bonne chose !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Sur ce sujet, je n'ai pas non plus de position théorique, même si ceux qui pratiquent les tutelles sur les organismes savent qu'une cotutelle ne fonctionne pas. J'en appelle ici aux anciens ministres qui ont eu à gérer ce genre de situations. Le résultat n'a pas été positif.

Cela dit, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage rencontre des problèmes de nature différente : des problèmes financiers,...

M. Roland du Luart. Pourquoi avoir embauché cent trente gardes ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L'héritage, monsieur du Luart !

... des problèmes de définition de ses missions et des problèmes juridiques puisqu'un certain nombre de contentieux opposent l'office aux fédérations.

Nous avons engagé une réflexion approfondie sur ces questions récurrentes des missions et des moyens de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. Nous avons plaidé, monsieur le rapporteur, en faveur d'un traitement successif des différents sujets. Les missions, les moyens et les responsabilités de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage seront précisés dans le projet de loi relatif aux affaires rurales. Laissons-nous le temps de la réflexion ! Pourquoi décider d'une cotutelle de l'office, alors que cette question mérite, à l'évidence, une vue d'ensemble de la situation ?

Enfin, le dernier point sur lequel vous avez, à juste titre, appelé mon attention et qui ouvre des perspectives sur le travail à venir, au-delà de la loi sur les affaires rurales et de la loi sur le patrimoine naturel, c'est l'Europe.

Je ne partage pas l'avis de ceux qui critiquent la directive de 1979. Cette directive est excellente ! Tout d'abord, elle considère la chasse comme une activité légitime et elle assoit cette légitimité sur des principes tout à fait acceptables. Le débat, ne l'oublions pas, porte non pas sur la conciliation de la chasse avec les autres usages de la nature, comme on voudrait nous le faire croire, mais sur une condamnation éthique de la chasse.

Monsieur Carrère, pourquoi la directive de 1979 n'est-elle pas satisfaisante ? Cela est dû aux analyses jurisprudentielles à la fois de la Cour de justice des Communautés européennes et du Conseil d'Etat. Par exemple, la Cour de justice des Communautés européennes a assis un certain nombre de principes avec une application extensive sur la protection complète, ce qui a modifié, dans un sens défavorable, la lecture de cette directive.

Les jurisprudences du Conseil d'Etat sont de plus en sévères, en particulier la notion de perturbation, qui s'évalue non pas sur les espèces chassables mais sur les espèces chassées, ce qui est absolument extravagant. En outre, le Conseil d'Etat n'a retenu comme outil de validation de ses positions que les travaux les plus défavorables à la chasse. Il s'est donc livré à un tri parfaitement contestable des données disponibles. Je rejoins en cela l'excellente analyse qui figure dans le rapport établi, au nom de la délégation pour l'Union européenne, par le député Daniel Garrigue.

Certains disent qu'il faut remettre en cause la directive de 1979. Outre le fait qu'il s'agit d'une procédure extrêmement longue, étant donné le processus qu'il nous faudra suivre, la remise en cause de cette directive ne permettrait absolument pas de résoudre les problèmes des dates de chasse tels qu'ils se posent hic et nunc.

Par ailleurs, cette procédure n'est pas sans danger. Après le premier arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes en 1994, qui asseyait les principes contestables de confusion et de protection complète, nous avons voulu renégocier cette directive. Nous nous sommes tournés vers la Commission et, contrairement à ce que l'on pense, celle-ci nous a écoutés. Le problème, c'est que de telles dispositions doivent être ratifiées devant le Parlement européen, où les lobbies anti-chasse sont extrêmement actifs. Nous nous sommes alors rendu compte que nous allions à la catastrophe. C'est pourquoi, en 1996, nous avons demandé à la Commission de retirer le texte qui avait été présenté devant le Parlement européen.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la procédure de remise en cause d'une directive européenne, outre le fait qu'elle est longue, est extrêmement dangereuse : elle peut avoir des effets dévastateurs sur le monde de la chasse.

J'ai préféré reprendre le sujet d'une autre façon, et d'abord en renouant le dialogue avec la Commission européenne, par l'intermédiaire de M. Georges Dutruc-Rosset. Ce dernier a accompli un excellent travail et je tiens à le remercier de tous les contacts qu'il a établis avec la Commission et des tableaux des dates de chasse qu'il nous a fournis : ils nous ont permis de procéder à une étude comparative fine, notamment sur les dates de chasse de l'année dernière. L'ensemble de ce travail nous sera évidemment très précieux pour les propositions que nous formulerons dans quelques jours, sinon quelques semaines.

La direction de la nature et des paysages, les services et le cabinet de mon ministère ont poursuivi ce contact avec la Commission, afin que soient prises en compte non seulement les données techniques, mais également les relations humaines.

Je souhaite aussi me rendre à Bruxelles par le Thalys dans les premiers jours du mois de juillet prochain, à la tête d'une délégation de parlementaires, députés et sénateurs, afin que nous puissions rencontrer les responsables de la Commission et discuter avec eux de ces problèmes de chasse.

M. Jean-Louis Carrère. Uniquement des membres de l'UMP ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Bien entendu, la délégation sera « plurielle », monsieur Carrère !

Vendredi prochain, au conseil des ministres de l'environnement de l'Union européenne, je ferai une communication sur les questions récurrentes qui se posent sur les directives Oiseaux et Habitat, car il n'y a pas que dans le monde de la chasse que ces deux directives ont été des nids à contentieux. Non seulement elles ne font pas avancer la protection de la faune et la biodiversité, mais, au contraire, elles ont été à l'origine d'un véritable rejet par les populations de réglementations qui sont apparues absconses et inutilement vexatoires.

Alors, mesdames, messieurs les sénateurs, effectivement, aujourd'hui - je reprends votre expression, monsieur le rapporteur - nous présentons une « petite loi ». Et je m'en vante ! Elle contient cependant des éléments extrêmement importants sur le statut des fédérations et sur le jour de non-chasse. Elle règle un certain nombre de problèmes pratiques. Et elle a été considérablement enrichie par les travaux de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Nous allons continuer par la voie réglementaire. Nous allons continuer par le texte relatif aux affaires rurales. Nous allons continuer par la loi sur le patrimoine naturel. Nous allons continuer par un effort continu avec les instances européennes. Nous allons aussi continuer par les travaux de l'Observatoire national de la faune sauvage et de ses habitats.

Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a dit qu'il souhaitait fonder la chasse sur cette vision partagée de la nature que seules peuvent apporter les données scientifiques, quand elles sont examinées de bonne foi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous reverrons sur la chasse, mais c'est la seule façon de traiter cette question, qui concerne et la démocratie et la culture. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. C'est toujours avec plaisir que nous vous reverrons, madame la ministre !

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.